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Nouvelle approche pour la gestion optimale de l'aération des petites stations d'épuration par boues activées

30 mars 2001 Paru dans le N°240 à la page 53 ( mots)
Rédigé par : Nicolas ROCHE, Benoit CHACHUAT et Mohamed-abderrazak LATIFI

La gestion actuelle de l'aération pour les petites stations d'épuration par boues activées s'effectue au moyen de dispositifs simples d'asservissement au potentiel redox, à la concentration en oxygène dissous ou à la concentration en ammoniaque. Une alternative pour améliorer le fonctionnement du procédé tant économiquement qu'en terme de fiabilité, consiste à appliquer les techniques d'optimisation dynamique. Une formulation du problème d'optimisation du fonctionnement des petites stations d'épuration équipées d'aérateurs de surface est présentée. Une comparaison est faite entre le mode de gestion optimal développé et deux modes de conduite du procédé. Elle montre qu'il est possible d'envisager une réduction de 40% du coût de fonctionnement relatif à l'aérateur.

La prise de conscience du rôle de l'azote sous ses différentes formes, dans la dégradation de la qualité des eaux superficielles est assez récente. Elle a conduit les pouvoirs publics à renforcer les exigences réglementaires concernant la qualité des rejets azotés en sortie des stations d'épuration et à étendre la contrainte d’élimination de l'azote à un nombre croissant d’installations.

Position du problème

Avec la Directive Européenne (et sa traduction en droit français), l'accent est mis sur la pérennisation du fonctionnement des installations. Toutefois, les performances de traitement prévues par ces textes sont telles que peu d’agglomérations arrivent à les atteindre à l'heure actuelle. À cela s’ajoutent, pour les petites collectivités plus spécifiquement, des difficultés économiques et un manque de personnel qualifié, qui n’autorisent généralement pas, à des coûts supportables, le recours aux techniques d’épuration les plus pointues pour atteindre les objectifs fixés.

En France, la majorité des stations d’épuration mettent en œuvre un traitement par boues activées. Pour les petites collectivités, ces filières sont traditionnellement constituées d’un réacteur biologique unique (agité et aéré au moyen d’aérateurs mécaniques de surface) au sein duquel une culture bactérienne se développe et utilise les substances dissoutes dans l’eau comme substrat (Figure 1). Cet ouvrage est suivi par un clarificateur qui assure la séparation entre l’effluent traité et la biomasse bactérienne. Seule une faible partie de la biomasse est extraite du système, l’essentiel des boues

[Photo : Figure 1 : Filière de traitement par boues activées en aération séquentielle]

étant recirculées vers le réacteur biologique de manière à assurer une concentration et un âge de boues suffisants, gage de la bonne qualité du traitement.

L’élimination des matières organiques ne constitue plus à l'heure actuelle un élément limitant de la qualité de l’eau épurée pour ce type de filières. L’amélioration de l’efficacité du traitement doit, en revanche, passer par le renforcement de la lutte contre la pollution azotée. L’élimination biologique de l’azote s’organise selon deux phases successives que sont la nitrification et la dénitrification. Antagonistes du point de vue de l’oxygène (Figure 2), ces deux processus peuvent néanmoins coexister dans un même bassin à boues activées si l’on prend le soin d’alterner des phases d’aération et d’anoxie. Nombre de stations existantes, dimensionnées en aération prolongée, éliminent ainsi au moins partiellement l’azote de manière plus ou moins contrôlée. La capacité d’aération est en effet souvent suffisante pour assurer une nitrification poussée (les aérateurs étant généralement surdimensionnés par rapport à la charge polluante reçue), tout en permettant d’aménager les périodes d’anoxies nécessaires à la dénitrification.

[Photo : Figure 2 : Les différentes étapes de l’élimination de l’azote]

Le plus souvent, la gestion des petites stations d’épuration s’effectue au moyen de systèmes simples où l’expérience acquise sur le procédé est prépondérante et est largement intégrée. On peut parler, dans ce cas, plus de conduite que de commande de procédé. La gestion de l’aération s’opère ainsi fréquemment de la façon suivante :

  • - le nombre de cycles d’aération journalier est fixé, et les cycles sont tous de durées identiques ;
  • - l’aération, dont la mise en marche intervient au début de chaque cycle, se poursuit jusqu’au moment où une condition est satisfaite ; en général, une valeur limite du potentiel redox ou de la concentration en oxygène dissous, en ammoniaque ou en nitrate, ...

Ce type de fonctionnement est cependant loin d’être optimal, tant du point de vue du respect des normes réglementaires (lors des surcharges notamment), qu’en ce qui concerne le coût de fonctionnement des unités. C’est, en effet, précisément la consommation énergétique relative à l’aération qui constitue, sur ce type de filière, l’essentiel du coût d’exploitation (selon Vasel (1988), entre 60 et 80 % du coût total de fonctionnement hors frais de personnel). Une bonne maîtrise du coût et de la qualité du traitement semble donc nécessairement passer par une gestion adaptée de l’aération du réacteur biologique.

Une alternative puissante et récente pour améliorer le fonctionnement des stations d’épuration de petite taille consiste à déterminer les séquences d’aération qui optimisent un critère donné (minimisation de la consommation énergétique), sous des contraintes spécifiées (normes de rejet, contraintes de fonctionnement, ...). Les méthodes qui permettent de déterminer ces séquences optimales sont connues sous le nom de méthodes d’optimisation dynamiques. Proposés il y a plus de quarante ans, le Principe du Maximum de Pontryaguine et le Principe de Bellmann sont les deux principales théories connues dans le domaine et ont été appliquées avec succès à l’optimisation dynamique du fonctionnement de nombreux procédés chimiques (e.g. réacteurs continus et discontinus, colonnes de distillations), électrochimiques et biochimiques (e.g. fermenteurs). Le récent essor des techniques de calcul a permis d’envisager l’utilisation de ces techniques pour des systèmes de complexité sans cesse croissante. Paradoxalement, peu d’auteurs se sont intéressés à leurs applications au cas des stations d’épuration, et seules quelques études sur la minimisation des rejets ont à ce jour été proposées (Zhao et al., 1995 ; Isaacs, 1997 ; Lukasse et Keesman, 1998).

L’objectif de cet article est de détailler les aspects relatifs à la formulation du problème d’optimisation dans le cadre de la minimisation sous contrainte de la consommation énergétique pour les petites unités de traitement. Afin d’illustrer les potentialités de la méthode, une comparaison entre un mode de gestion optimal et deux modes de conduite usuels, i.e. asservissement de l’aération

[Photo : Schéma évolutif des composés pour un procédé boues activées avec nitrification/dénitrification (modèle ASM1 de l'IAWQ)]

Formulation du problème d’optimisation

Modèle du procédé

Les techniques d’optimisation dynamique consistent à déterminer les trajectoires optimales qui minimisent un critère donné sous des contraintes spécifiées. Elles supposent l’existence d’un modèle idéal du procédé, bien que dans la pratique de nombreuses sources d’écart existent entre le système idéal modélisé et le système réel. La pertinence du modèle est ainsi déterminante dans la mesure où elle conditionne la vraisemblance des trajectoires optimales déterminées.

Le modèle ASM1 développé par l’IAWQ² (Henze et al., 1987) est utilisé pour la description de l’activité bactérienne dans le réacteur biologique et des processus de dégradation. Le modèle original a toutefois été modifié pour tenir compte des limitations induites par la raréfaction de l’azote ammoniacal sur la croissance aérobie et anoxique des micro-organismes hétérotrophes. Les paramètres adoptés sont ceux déterminés à 20 °C par Henze et al. (1987). Ce modèle comprend 11 variables d’état et décrit 8 processus de dégradation.

² IAWQ : International Association for Water Quality

Les processus de clarification et d’épaississement dans le décanteur sont décrits par le modèle de Takács (Takács et al., 1991). Cette approche consiste à modéliser le décanteur comme un empilement horizontal de couches. Les extensions proposées par Jeppsson (1996), qui permettent de décrire l’évolution des différents composés solubles et particulaires au sein du décanteur, sont intégrées. Ces améliorations assurent la compatibilité entre les modèles de dégradation et de décantation.

Problème d’optimisation

Le procédé boues activées en bassin unique est caractérisé par l’alternance de phases aérobie et d’anoxie, respectivement nécessaires à l’obtention des conditions propices aux processus de nitrification et de dénitrification. Il s’agit par là d’une succession de cycles composés chacun d’une période durant laquelle l’aérateur fonctionne suivie d’une période d’arrêt. Deux paramètres suffisent ainsi à caractériser chaque cycle.

Dans cette étude, le couple de paramètres retenu est constitué (Figure 4) :

  • (i) de la durée a d’aération au cours du k-ième cycle ;
  • (ii) de la durée h du k-ième cycle.

Critère d’optimisation

Le coût d’exploitation d’une unité de traitement repose en grande partie sur le fonctionnement de l’aérateur du réacteur biologique. Pour les stations de petites tailles, l’aération s’effectue au moyen de turbines lentes, dont la vitesse de rotation est constante. L’objectif est de définir le fonctionnement le plus économique possible, notamment en minimisant la puissance totale consommée par les turbines.

Dans les conditions de fonctionnement de l’aérateur, on montre que le fluide s’écoule en régime turbulent dans le réacteur. Il s’ensuit que la puissance dissipée dans le bassin d’aération, et donc la puissance consommée, est indépendante de la viscosité du milieu.

La consommation énergétique relative à l’aération est de ce fait directement

[Photo : Illustration des paramètres d’optimisation]

proportionnelle à la durée totale d’aération. Le critère d’optimisation choisi (noté J et appelé taux d’aération par la suite) correspond à cette durée, normée par la durée totale des cycles :

J = ∑ tₐ,i / ∑ Tᵢ

Plus ce taux sera faible, plus la consommation énergétique sera réduite.

Contraintes

Trois types de contraintes sont distingués dans la formulation du problème d’optimisation. Les premières (contraintes réglementaires) correspondent aux normes de rejet définies dans la réglementation ; les secondes (contraintes de fonctionnement) visent à assurer que les politiques proposées sont en accord avec l’exploitation du procédé ; les dernières (contraintes de modélisation) sont introduites pour tenir compte de certains phénomènes difficiles à modéliser.

Contraintes réglementaires

Il ne s’agit pas, sous prétexte de réduire les coûts de fonctionnement, de négliger la qualité des rejets. Les exigences ont été sensiblement renforcées ces dix dernières années, et cette tendance devrait se poursuivre à l’avenir. Les normes de rejets actuelles, fixées par la Directive Européenne du 21 mai 1991 et sa traduction en droit français (arrêté du 22/12/94), varient selon l’importance des rejets et la sensibilité du milieu récepteur.

Pour les matières oxydables (DCO, DBO₅), la réglementation impose les niveaux de rejet suivants (concentrations maximales et rendements d’élimination minimaux) :

Tableau 1 : Prescriptions minimales pour les rejets dans les eaux de surface des collectivités dont la taille est comprise entre 200 et 10 000 éq. hab

Concentration maximale
DBO₅ :25 mg L⁻¹
DCO :125 mg L⁻¹
Rendement minimal
DBO₅ :70 %
DCO :75 %
  • — Pour les substances azotées, la réglementation prévoit des limitations sur les rejets en azote Kjeldahl (NK) et les rejets en azote global (NGL). Plusieurs niveaux de sévérité sont distingués. Les seuils généralement en vigueur pour les petites stations d’épuration sont de 10 ou 15 mg L⁻¹ NGL.
  • — Pour les substances phosphorées, les exigences réglementaires concernent encore peu les petites unités de traitement, et lorsque c’est le cas, un rendement de 80 % d’élimination sur 24 h est généralement défini. L’élimination du phosphore n’est pas prise en compte dans cette étude.

Ces contraintes sont intégrées au problème d’optimisation sous la forme de contraintes instantanées. Les valeurs limites retenues jusqu’à présent concernent les rejets en NGL, DCO et DBO₅ (Tableau 2). Les rejets en NK ne sont pas contraints de façon spécifique (la concentration maximale en NGL jouant également le rôle de limite pour les rejets en NK).

Tableau 2 : Concentrations maximales en NGL, DCO et DBO₅ des rejets

NGL_max = 10 mg L⁻¹
DCO_max = 125 mg L⁻¹
DBO₅_max= 25 mg L⁻¹

Contraintes de fonctionnement

En pratique, des mesures d’exploitation sont définies afin de garantir la pérennité des équipements. Elles concernent :

  • — la durée maximale de fonctionnement (sans interruption) des turbines, t_max ;
  • — la durée minimale de fonctionnement, t_min ;
  • — la durée minimale d’arrêt des turbines entre deux périodes d’aération successives, t’_min.

Naturellement, toutes ces durées minimales ou maximales d’aération et d’arrêt sont fonctions du type de turbine utilisé. La durée maximale d’aération est habituellement de l’ordre d’une demi-heure ou d’une heure (Burvingt, 1992) ; les durées minimales de fonctionnement ou d’arrêt des turbines sont équivalentes, de l’ordre de 5 min, et visent en pratique à limiter le nombre de démarrages horaires. Les valeurs limites retenues figurent dans le Tableau 3.

4 somme des concentrations en azote de Kjeldahl, nitrites et nitrates.

Tableau 3 : Contraintes de fonctionnement

t_max = 60 min
t_min = 5 min
t’_min= 5 min

Contraintes relatives à la modélisation du procédé

Les fonctions d’aération et d’agitation du réacteur biologique sont assurées par le même dispositif. Aussi, un processus de décantation des flocs est observé lors des périodes d’arrêt des turbines. En pratique, ces phénomènes induisent une diminution du volume réactionnel, dont il est difficile de rendre compte par la modélisation. Toutefois, les travaux de Vaxelaire (1994) ont permis d’établir que l’effet de décantation des flocs restait marginal sur le fonctionnement hydrodynamique du procédé du moment que les périodes d’arrêt étaient réduites (deux heures au plus). Par ailleurs, des périodes d’arrêt trop longues peuvent également être à l’origine d’un séjour prolongé des boues activées en état d’anaérobiose et entraîner ainsi de graves dysfonctionnements. Pour ces raisons, une durée maximale de non-aération (t_a) est imposée (Tableau 4).

Tableau 4 : Contrainte relative à la modélisation du procédé

t_a,max= 120 min

Résultats de l’optimisation

Caractéristiques de l’unité simulée

Pour le calcul des séquences optimales d’aération et pour l’ensemble des comparaisons effectuées, l’installation simulée est celle de Machecoul (Loire-Atlantique, France) (Dauphin, 1998). Cette unité est de conception récente (mise en service en 1992) et présente une capacité de traitement de 8 000 éq. hab. :

  • — le débit moyen de temps sec est de l’ordre de 1 070 m³ j⁻¹ et présente une composition moyenne de 780 mg L⁻¹ de DCO et 100 mg L⁻¹ d’azote global ;
[Photo : Répartition du débit et de la concentration incidente au cours d'une journée de temps sec (sous forme adimensionnelle)]

Les variations de débit et de concentration au cours d'une journée moyenne de temps sec sont représentées au moyen de fonctions de répartition. Les fonctions retenues sont celles définies par Isaacs et Thornberg (1998) (Figure 5).

Le réacteur biologique, de volume total 1 500 m³, se présente sous la forme d’un chenal d’aération séparé en son centre par une cloison. L’aération du bassin est assurée par deux turbines de 2,2 m de diamètre et de 22 kW de puissance qui fonctionnent simultanément, ce qui dans le cas présent correspond à un coefficient de transfert d’oxygène de l’ordre de 6 h⁻¹.

Le décanteur est de type cylindro-conique ; son volume est de 700 m³, sa surface horizontale de 200 m² et la profondeur d’alimentation de 1,10 m.

Procédure de résolution

Le problème d'optimisation dynamique formulé précédemment est transformé en un problème de programmation non linéaire (NLP). Une méthode de descente classique est alors utilisée pour sa résolution – dans cette étude, le code NLPQL (Schittkowski, 1985). Pour plus de détails sur l’implémentation numérique du problème d’optimisation, le lecteur pourra se référer à l'article de Chachuat et al., 2001.

Caractérisation des politiques optimales d’aération

L’optimisation du fonctionnement de l’aération des petites stations d’épuration est délicate dans la mesure où il s'agit de déterminer non seulement les séquences de marche et d’arrêt de l’aérateur, mais également le nombre optimal de cycles d’aération sur un horizon de temps donné. La Figure 6 montre ainsi que l'influence du nombre de cycles est non négligeable, mais surtout qu’un choix arbitraire peut entraîner, si l'on y prend pas garde, la détérioration du bénéfice de l'optimisation.

[Photo : Influence du nombre de cycles de fonctionnement sur le taux d’aération à l’optimum]

La Figure 7 présente (i) le profil optimal des séquences d’aération au cours d'une journée pour 59 cycles de fonctionnement (le nombre optimal de cycles dans ce cas, cf. Figure 6) ainsi que (ii) l’évolution des taux d’aération au cours des différents cycles. D'une manière générale et quel que soit le nombre journalier de cycles, le taux d’aération est faible durant la nuit, de l’ordre de 10 % à 15 %. Une augmentation brutale se produit dans la matinée et les taux d’aération les plus importants (plus de 30 %) sont observés aux environs de la mi-journée. Une légère décroissance se produit dans l’après-midi, suivie d'une chute brutale après 20 h00. Il est intéressant de remarquer que le profil

[Photo : Profils optimaux des séquences de marche/arrêt de l’aérateur et du taux d’aération par cycle de fonctionnement]
[Photo : Figure 8 : Profils optimaux des concentrations en NGL, DCO et DBO₅]

optimal d’aération reproduit de façon très fidèle les variations de débit et de charge reçus par la station (cf. Figure 5) ; aux charges incidentes les plus fortes correspondent les taux d’aération les plus importants et réciproquement. Le taux journalier d’aération ainsi obtenu est de l’ordre de 20 % et correspond à une durée d’aération d’à peine 5 heures.

Il est important de noter par ailleurs que l'intégralité des contraintes réglementaires prises en compte sont respectées (cf. Figure 8). Les concentrations maximales autorisées en DCO et DBO₅ n’apparaissent pas contraignantes. En revanche, la limitation sur les rejets en NGL de 10 mg·L⁻¹ est déterminante. Le profil des concentrations en NGL s'ajuste parfaitement à la contrainte. Ce résultat était attendu dans la mesure où aérer le moins possible revient à dégrader le moins possible de polluants (l'azote en particulier). En ce sens, l'optimisation consiste à déterminer les séquences d’aération qui conduisent au profil de NGL le plus proche possible de la limite réglementaire, sans jamais la dépasser.

Potentialités de la méthode

Pour illustrer le potentiel de la méthode, une comparaison a été effectuée entre le mode de gestion optimal développé et deux modes de gestion, une couramment utilisée à ce jour (oxygène dissous) et une seconde basée sur la mesure et le suivi de l’azote ammoniacal dans le bassin d’aération :

~ Asservissement de l'aération à la concentration en oxygène dissous :

Le nombre journalier de cycles et leurs durées sont ici fixés (24 cycles d’une heure) ; la mise en marche de l'aération coïncide avec le début du cycle et se poursuit jusqu’à ce que la concentration en oxygène dissous dans le réacteur dépasse 2 mg·L⁻¹.

~ Asservissement de l'aération à la concentration en ammoniaque :

Le nombre de cycles est également fixé (12 cycles) et les cycles sont tous de la même durée (2 heures) ; l’aération se déclenche avec le début du cycle, mais s’arrête lorsque la concentration en ammoniaque dans le réacteur devient inférieure à 0,5 mg·L⁻¹.

L'asservissement de l’aérateur au potentiel redox, bien que souvent utilisé, n'est pas étudié dans ce travail. En effet, il n’existe pas de méthodes simples permettant de calculer la valeur du potentiel redox en fonction des conditions de fonctionnement et ces valeurs ne sont pas intégrées dans les modèles de fonctionnement. Les résultats obtenus avec l'asservissement de l'aération aux concentrations en oxygène dissous ou en ammoniaque sont similaires : les taux d’aération sont respectivement J = 37,5 % et J = 34,4 %, c'est-à-dire une durée d’aération de l’ordre de 8 heures par jour.

On peut remarquer par ailleurs que les contraintes de rejet en azote global sont respectées dans les deux cas (Figure 9).

Ces résultats sont à comparer à ceux obtenus avec une gestion optimale du procédé. La méthode développée conduit à une diminution sensible de la durée journalière d’aération, avec environ 5 heures d’aération, contre plus de 8 heures pour une gestion

[Photo : Figure 9 : Profils de commande et concentrations d’azote global rejetées avec l’asservissement de l'aération (i) à la concentration en oxygène dissous et (ii) à la concentration en ammoniaque dans le réacteur.]

usuelle du procédé, et ceci tout en respectant les normes de rejet imposées.

Il est clair que l'optimisation des séquences d'aération induit une très nette réduction de la durée journalière d’aération, de plus de 40 %, et donc du coût d’exploitation. Ces résultats confirment tout le bénéfice qui peut être tiré de l'application des techniques d'optimisation dynamique aux procédés de traitement des eaux par boues activées.

Conclusion

Dans cette étude, la détermination des profils optimaux d’aération a été envisagée de manière spécifique pour les petites unités de traitement des eaux usées et dans le cadre de la minimisation des coûts de fonctionnement.

La prise en compte de contraintes réglementaires et de fonctionnement a permis de déterminer des séquences d’aération réalistes.

Les résultats de l’optimisation montrent que la méthode développée permet d’obtenir des diminutions substantielles de la durée journalière d’aération. Une comparaison avec deux modes de gestion usuels a montré que cette diminution pouvait atteindre plus de 40 %, réduisant par là la durée d’aération à 5 heures par jour contre 8 heures dans les autres cas.

Il est ainsi possible d’améliorer sensiblement le coût de fonctionnement d'une installation de type boues activées en bassin unique par la détermination des séquences d'aération optimales. En outre, cette étude confirme le potentiel des méthodes d’optimisation dynamiques appliquées aux procédés de traitement des eaux. Aussi, afin de vérifier ces résultats obtenus sur une station d’épuration simulée, nous allons nous appliquer maintenant, dans la suite de ce travail, à tester ces méthodes sur des cas réels de fonctionnement.

Naturellement, l'application de telles techniques d’optimisation dynamique ne se limite pas à ce type d'unités et c’est là l'intérêt de la méthode. Pour les stations de plus grande taille par exemple, l’optimisation du flux d’oxygène transmis au milieu par les compresseurs est envisageable, comme l'est aussi, dans un domaine différent, la minimisation des concentrations en azote, en DCO ou en MES de l’effluent.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) pour son soutien financier.

Références bibliographiques

* Burvingt, F. (1992). Nitrification et dénitrification des eaux résiduaires urbaines dans les stations d'épuration. Maîtrise des processus en boues activées en bassin unique avec dissociation de l'aération et du brassage. PhD thesis, Université Louis Pasteur, Strasbourg, France.

* Chachuat, B., Roche, N., et Latifi, M. A. (2004). Dynamic optimization of small size wastewater treatment plants including nitrification and denitrification processes. Sous presse dans Computer and Chemical Engineering Journal.

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* Zhao, H., Isaacs, S., Soeberg, A. and Kimmel, M. (1995). An analysis of nitrogen removal and control strategies in an alternating activated sludge process. Wat. Res. 29, 535-544.

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