Pour être efficace, la lutte contre les nuisances odorantes doit s'inscrire dans le cadre d'une démarche méthodologique rigoureuse pour apporter une réponse globale à une problématique multiforme. Les techniques de traitement proprement dites sont connues et bien maîtrisées en termes de rendement sur les flux traités. Pourtant, les performances globales d'un site dépendent autant des performances de chaque dispositif épuratoire que de la bonne captation des différentes sources odorantes. La qualité de l'ingénierie joue donc un rôle essentiel : caractérisation, mesures, stratégies de confinement, traitements préventifs, curatifs' Tous ces paramètres doivent être intégrés dans une stratégie qui doit tendre à obtenir de bonnes performances sur les émissions d'odeurs en sortie de chaque filière de traitement, mais aussi de façon plus globale en limites de site.
Bien que leur vocation première soit de traiter les eaux usées conformément aux prescriptions réglementaires en vigueur, les exploitants de stations d’épuration, de réseaux d’assainissement ou d’unités de compostage ne peuvent plus ignorer la problématique des nuisances odorantes comme cela pouvait encore être le cas il y a quelques décennies. La pression toujours plus forte
La multiplication des plaintes des riverains associée à la généralisation des filières de traitement des eaux et des boues toujours plus poussées soumettent les exploitants à de fortes pressions, bien qu'il n’existe pas, aujourd’hui, de réglementation contraignante en ce qui concerne les odeurs pour les stations d’épuration.
Confrontés à cette situation et soucieux de diminuer l’empreinte olfactive de leurs ouvrages, les exploitants sont souvent tentés de mettre en place, parfois dans l'urgence, un ou plusieurs procédés curatifs censés remédier durablement au problème.
Or, et bien qu'il existe une large palette de procédés susceptibles de traiter efficacement et durablement les nuisances odorantes au sein des unités de traitement des eaux usées, il est important de souligner que la lutte contre les nuisances odorantes doit s'inscrire dans le cadre d'une démarche méthodologique rigoureuse pour apporter une réponse globale à une problématique multiforme.
Définir une démarche méthodologique rigoureuse
Lorsqu’un afflux de plaintes traduit l’apparition d'un problème, la première question qui se pose est celle de l’évaluation de la nuisance. Or, par définition, les nuisances odorantes sont difficiles à mesurer car elles dépendent en grande partie de l'appréciation subjective de ceux qui y sont (ou qui estiment y être) exposés. La première étape de toute démarche d’évaluation va donc consister à tenter de caractériser et de mesurer l'ampleur de la nuisance subie. Cette phase nécessite la mise en place d'outils qui vont permettre de mesurer, d’analyser et de corréler l’impact d'une nuisance odorante sur les riverains les plus proches de l’ouvrage.
Olfactométrie, capteurs physico-chimiques, nez électroniques.
Neutralisants, oxydants, masquants : efficaces s’ils sont utilisés à bon escient
La gamme de produits destinés à traiter les odeurs s'est considérablement enrichie ces dernières années de solutions à injecter dans les eaux ou les boues à traiter qui mettent en jeu des mécanismes différents et ne doivent pas être confondus.Les neutralisants et les oxydants se composent généralement de formulations spécifiques adaptées à chaque type de famille de polluants à traiter comme les sulfures, les amines, ou les acides gras volatils. Ils réagissent de façon spécifique avec chaque famille de molécule à traiter et évitent ainsi toute émission de gaz malodorants sans sur-odorisation. Biothys a ainsi développé la technologie du gel et des matériels permettant une diffusion en zone ATEX. La gamme Klearex de Klearios se présente sous forme liquide et est mise en œuvre grâce à la technologie Vapeur Sèche KlearTec. Le même fabricant propose, pour le traitement des volumes confinés malodorants, la gamme KlearGel, par simple diffusion d’actifs neutralisants d’odeurs, sans eau, ni électricité. Odo-Ram de RAM Environnement est également efficace sur les molécules oxydées, soufrées les AGV, mercaptans provenant de la dégradation de la matière organique. Les produits Norasystem des Laboratoires Phodé sont également basés sur une minéralisation des molécules malodorantes, sans transfert ni concentration de pollution. SNF propose de la même façon toute une gamme d'oxydants dont l'un, Ordoflo MPOX concerne spécifiquement l'H₂S. Les agents masquants sont de nature différente en ce qu'ils modifient la perception d'une odeur sans agir sur son intensité ni la traiter. Trop souvent décriés ces dernières années, ils peuvent cependant constituer une réponse temporaire à une situation de crise.
Électroniques, plusieurs systèmes d’évaluations sont disponibles pour parvenir à ce résultat.
L'olfactométrie, qui relève essentiellement de la méthode sensorielle, recouvre à la fois la mesure des odeurs et la mesure des capacités olfactives d'un sujet. Elle est fréquemment associée à la démarche qui consiste à créer un jury de nez, c’est-à-dire un groupe d’experts sélectionnés et entraînés, chargés de mesurer les intensités odorantes selon la norme NF X43-103 ou l’évaluation des concentrations d’odeurs à la source selon la norme NF EN 13725. À ne pas confondre avec les jury de riverains qui ont pour objectif de jouer la transparence en associant les plaignants à la démarche pour les transformer en juge et contribuer ainsi à dénouer les situations de crise. Plusieurs bureaux d'études spécialisés et indépendants comme Guigues Environnement, groupe EGIS, Atheo Solutions ou Cap Environnement proposent aux exploitants un accompagnement personnalisé dans le cadre d'études de mesure des intensités odorantes environnementales réalisées selon la norme NF X43-103 ou de concentrations d’odeurs selon la norme NF EN 13725. Airpoll propose de son côté Expollnet, un dispositif différent visant à mesurer et analyser les odeurs, en direct et en continu sur internet. Cet “observatoire des odeurs” permet de mesurer, d’alerter et de prévoir l’impact odeurs d'un ou plusieurs sites industriels sur le voisinage.
L’analyse sensorielle ne doit cependant pas être considérée comme une science subjective. « Les démarches qui font appel aux perceptions ne sont pas empiriques, indique Lionel Pourtier, Directeur Odeurs et Pollutions atmosphériques chez Guigues Environnement (groupe EGIS). La variabilité des observations olfactives faites par les riverains traduit bien souvent une variabilité des réponses aux différents facteurs liés à l’émission et au transport du stimulus odorant (phase d’exploitation, météorologie). L’analyse sensorielle permet d’étudier de façon scientifique cette variabilité pour en extraire les relations de causes à effets entre les conditions d’émissions et l’expression des observateurs. La perception olfactive est un processus complexe mettant en jeu 2 phases distinctes : la perception neurophysiologique du stimulus issue des interactions de molécules odorantes avec le système olfactif. Le processus cognitif qui transforme les informations nerveuses envoyées par le système olfactif vers le cerveau. Ce dernier analyse et interprète l’information sensorielle en fonction de nombreux autres stimuli tels que la mémoire, les cycles chrono-biologiques, la faim, etc ». Les spécialistes de l’olfaction utilisent des méthodes spécifiques selon qu’ils veulent mesurer la réponse aux stimuli olfactifs d’un point de vue neurophysiologique ou comportemental. « Les mesures des réponses aux stimuli olfactifs sont réalisées à l’aide de mesures olfactométriques basées sur l’homogénéité des seuils de perception entre les individus normosmique (odorat normal). Par contre, l’importance ou l’analyse que l’observateur porte aux stimuli odorants varie couramment d’un individu à un autre en fonction de la relation qu’il établit avec les autres stimuli sensoriels et cognitifs. L’analyse de cette relation est réalisée par des approches tirées de méthodologies sociologiques ». Ainsi, l’expert dispose de différentes méthodologies complémentaires pour analyser les odeurs. L’analyse physico-chimique par substances chimiques permet, par la recherche de traceurs, de répondre à des questions relatives à la toxicité (Benzène, H₂S) des émissions odorantes ou aux dysfonctionnements dans le processus de fabrication (CO, H₂S). L’analyse
S’il n’est pas possible d’éviter ou de limiter la formation de composés odorants, il reste envisageable d’agir sur leur dispersion. La solution la plus répandue consiste à couvrir les bassins, fosses et silos pour confiner ces composés dans un volume d’air réduit.
L’analyse chimique par groupes ou familles chimiques (TRS, COV) renseigne sur la nature et les flux des masses à traiter pour choisir et dimensionner l’installation de traitement d’air. Les mesures olfactométriques telles que décrites dans la norme NF EN 13725 apportent des éléments sur les contributions relatives des sources à la nuisance globale et permettent de disposer d’éléments de base à la simulation de dispersion atmosphérique des odeurs. L’analyse sensorielle par des nez experts apporte des informations sur le rayon d’impact du panache et les caractéristiques des odeurs en termes d’intensité et de qualité. L’impact populationnel permet d’évaluer le ressenti olfactif des riverains d’installations, en faisant appel à des méthodologies d’enquêtes populationnelles sur l’état de l’opinion vis-à-vis des nuisances olfactives et à des méthodologies d’observatoires des odeurs et des nuisances permettant de suivre les fréquences de perception et d’établir les relations de cause à effet entre le fonctionnement d’un site, la météorologie et les observations olfactives. D’autres dimensions de la perception olfactive doivent être prises en compte, telle que l’évolution de la sensibilité des riverains qui « évolue en même temps que progressent les connaissances sur les pollutions de l’air et, comme pour le bruit, la recherche du silence olfactif selon Lionel Pourtier. Ainsi, sur une période de dix ans, et bien qu’il ait accompli de gros progrès, un exploitant pourra avoir le sentiment d’être confronté aux mêmes difficultés qu’aux tout débuts de sa démarche ».
La méthode physico-chimique consiste à rechercher et quantifier, à l’aide de capteurs dédiés, les éléments chimiques présents dans l’atmosphère, la présence d’une odeur étant toujours liée à la présence de composés chimiques dans l’air. Une expertise appropriée, associée à des tables de correspondances croisées, permet dans certains cas de corréler la présence d’une odeur à la présence d’un ou plusieurs composés chimiques identifiés. Fort d’une base de données de plus de 5 000 composés, Cap Environnement, en partenariat avec Bio Sens, applique ces approches dans le cadre de la recherche de « défauts d’odeurs » appliqués.
Le plasma froid : de nombreux atouts
Promu par Klearios, Paganetti et EDF, le procédé du plasma froid est adapté au traitement de débits d’air pollués pouvant aller de 400 à 15 000 m³/h par machine avec des concentrations de polluants maxi de 100 ppm, suivant la nature des molécules.
Le plasma froid est une énergie électrique transmise à un gaz qui, dans ce cas précis, est de l’air. Les molécules contenues dans l’air (par exemple : O₂, H₂O, etc.) soumises au champ électrique sont excitées, ionisées, dissociées. Cet air ainsi « activé » est insufflé sur les espèces polluantes pour les modifier dans une réaction « gaz/gaz » et obtenir la suppression de la gêne olfactive. L’action du plasma permet aussi de réduire les concentrations en micro-organismes et, par son action déshydratante, de diminuer la corrosion. Simple d’utilisation, il ne nécessite qu’un faible encombrement, peu de maintenance et présente un coût de fonctionnement faible. Il a été mis en œuvre dans les stations d’épuration d’Oléron et de l’Île de Ré ou encore au sein d’un poste de relevage à Maisons-Alfort.
Traiter les nuisances olfactives en stations d’épuration avec du plasma d’oxygène à froid
La technologie brevetée des plasmas froids d’oxygène (principe actif des équipements BioZone) a été développée par la Nasa au milieu des années 80 et est toujours utilisée à ce jour dans les navettes spatiales ainsi que dans la station spatiale internationale.
C’est sur cette technologie que reposent les unités de purification et de désodorisation d’air de BioZone : une exposition de l’air à un type très spécifique de lumière UV. L’air ambiant capté par un ventilateur passe dans une chambre de purification. C’est à cet endroit précis que l’air est exposé à un niveau spécifique de lumière UV, ce qui génère un ensemble de processus physico-chimiques de décontamination. Point important : la technologie est efficiente sans que tout l’air d’une pièce ne doive circuler dans l’appareil. La majeure partie du processus de purification est effectuée dans l’espace aérien hors de l’appareil par les particules de plasma d’oxygène (principalement composées de molécules d’O⁺, O, O₂, O₃, ozone ionisé, O₂ métastable excité et d’électrons) une fois qu’elles ont quitté l’unité. La technologie BioZone permet de détruire en continu les polluants organiques (bactéries, virus, champignons, moisissures, …) ainsi que les polluants chimiques (COV, odeurs, …) présents dans l’air et sur les surfaces, sans employer de produits chimiques ni mobiliser de personnel.
Une autre possibilité consiste à capter les composés odorants, à les diluer en dessous de leur seuil odorant, puis à les disperser en les propulsant à grande hauteur (jusqu’à 200 m). C’est le principe du procédé Eolage proposé par Delamet Environnement.
Émissions de gaz ou odeurs et ce en toute objectivité. Ainsi la solution RQ BOX de Alpha MOS est constituée de détecteurs spécifiques (cellules électrochimiques CE) et non spécifiques (capteurs MOS à oxyde métallique). Les détecteurs non spécifiques réagissent à une large gamme de composés organiques volatils sans spécificité à un gaz particulier et avec une sensibilité de quelques ppb tandis que les détecteurs spécifiques CE assurent un suivi moléculaire quantitatif (H₂S, NH₃, RSH...). L’association de ces différents types de détecteurs a fait l’objet de travaux poussés et d’une validation dans le cadre de projets avec l’Ademe. Cette association intégrée dans la RQ BOX est aujourd’hui déclinée suivant les métiers et optimisée pour répondre aux besoins de chaque filière : assainissement, compostage, industries, etc.
À l’heure actuelle, en France, plusieurs dizaines de sites se sont équipés de réseaux de nez électroniques RQ BOX. Les autres exploitations, de plus petites tailles, ayant à ce jour opté pour la voie de l’olfactométrie dynamique, moins coûteuse.
Dans le cadre de son programme NOSE (No Odour for Suez Environnement), Suez Environnement s’est équipé de près d’une vingtaine de nez RQ BOX. Dernière en date, un réseau de trois nez électroniques sur l’imposante unité de méthanisation de Montpellier. D’autres sites exploités par Saur, Coved ou Veolia disposent également d’unités RQ BOX (voir EIN n° 326) qui complètent les campagnes de mesures olfactométriques ponctuelles réalisées par Alpha MOS ou ses partenaires.
Poursuivant ses développements pour convaincre les exploitants, Alpha MOS propose désormais un couplage de ses modules RQ BOX à des modèles de dispersion continus à trois dimensions (modèle Lagrangien 3D) ayant démontré l’aptitude.
Tableau 1 : Procédés de traitement : avantages et inconvénients (d’après Pierre Le Cloirec, EIN n° 295)
DOMAINES | PROCÉDÉS | PRINCIPE | D’APPLICATION | AVANTAGES | INCONVÉNIENTS |
---|---|---|---|---|---|
Oxydation | Thermique | Oxydation par combustion (T = 750 °C) | Solvants – Fortes concentrations – Opérations de séchage (peinture, encre, vernis) et de fabrication (agro-alimentaire, pharmaceutique...) | Simplicité de mise en œuvre – Performances élevées – Récupération de chaleur | Ne convient pas aux gaz chlorés, soufrés, fluorés – Coût énergétique – Coût d'investissement |
Oxydation | Catalytique | Combustion sans flamme (200 °C < T < 450 °C) | Convient aux mélanges complexes | Coût d'investissement – Coût de maintenance – Érosion et empoisonnement du catalyseur | |
Traitements biologiques | Biofiltre | Micro-organismes fixés sur le garnissage traversé par les gaz à épurer | Molécules biodégradables et hydrosolubles – Secteurs d’activité : élevage, lieux de stockage, industrie alimentaire, station d'épuration | Faible coût d'investissement et de fonctionnement – Adaptés aux débits élevés et aux concentrations faibles | Forte perte de charge – Écoulements préférentiels – Surveillance (humidité, éléments nutritifs, décolmatage) |
Traitements biologiques | Lit bactérien | Phase aqueuse circulante, biomasse fixée | |||
Traitements biologiques | Biolaveur | Phase aqueuse circulante, biomasse en suspension | |||
Adsorption | Transfert de molécules gazeuses dans un matériau poreux (charbon actif) | Molécules adsorbables – Flux importants – Activités liées aux traitements de déchets – Petites installations | Accepte les variations de flux – Utilisation très facile | Coût d'exploitation – Humidité | |
Absorption | Transfert des composés à éliminer de la phase gazeuse vers une phase liquide (aqueuse ou organique) | Molécules solubles – Flux importants – Secteurs d’activités : raffineries, chimie, pétrochimie, pharmacie, station d'épuration | Technique souple et adaptable aux variations de charge et débits – Utilisation facile | Transfert de pollution (rejets aqueux ou régénération) – Coût de fonctionnement (consommable) |
de cette solution à corréler directement avec les plaintes de voisinage (Voir article page 45).
Ce panache dynamique intègre en temps réel les données des nez RQ BOX, des stations météo et du relief et permet de renseigner en un coup d'œil et sans expertise pointue, de la provenance des émissions et de leur impact. L'ensemble permet de renforcer la précision de la mesure visant à étudier l'impact d’un site ou d'une source sur son voisinage et d’aider l’exploitant dans ses démarches d’amélioration et de résolution de problématiques odeurs. Ajoutons que cette solution dépasse le constat dès lors que la mesure est couplée, quand elle existe, à une solution de traitement d’odeurs. L'utilisation de l'unité de traitement est alors optimale. Elle est déclenchée dès qu'un seuil d’acceptabilité est dépassé rendant ainsi une économie d'eau, d’additifs ou d’énergie.
À l’échelle régionale, Alpha MOS a développé, avec sa nouvelle solution « RQ BOX Extended », des réseaux de plusieurs dizaines d’unités réparties sur différents sites sur plusieurs dizaines de kilomètres. Les gouvernements disposent alors d'une information simple et continue de l’ensemble des sites depuis un serveur Web.
De son côté, Veolia Water Solutions & Technologies a conclu un accord mondial avec Odotech pour commercialiser Odowatch dans le secteur de l'eau. Première traduction de cet accord, la communauté d’agglomération des 14 communes Pau-Pyrénées et le Syndicat Mixte de traitement des déchets qui gèrent Cap Ecologia (une usine d’incinération, une station d’épuration, une plateforme de compostage, une déchetterie, une décharge réhabilitée, un quai de transfert, tous ISO 14001) ont opté pour une solution OdoWatch. L'installation comporte 3 nez électroniques installés aux principales sources émettrices, une station météorologique dédiée, un système de communication sans fil, une centrale de commande et un ordinateur pour la visualisation des résultats en temps réel. En fusionnant les données météo reçues de la station avec celles envoyées par les nez électroniques, le centre de contrôle modélise la dispersion atmosphérique des odeurs et en affiche le panache en superposition à la carte aérienne du site. Parmi les sites dotés d'installations OdoWatch figurent aussi celui de Sede Environnement à Graincourt-les-Havrincourt, le site de compostage de Cévennes Valorisation à Salles-du-Gardon, la STEP du SIVOS regroupant les villes de St-Hilaire-de-Riez et de St-Jean-de-Monts, la STEP de la Communauté Urbaine du Grand Nancy. Une dizaine d'autres sites en France sont en cours d’équipement par Odotech.
Une fois les pollutions odorantes détectées, mesurées et caractérisées, il faut traiter. Mais traiter ne signifie pas s’engager d’emblée dans une démarche curative. Il faut auparavant explorer la voie préventive en tentant de prévenir la formation de molécules odorantes et gérer la dispersion des
Le brassage laminaire de bassins : une protection contre la diffusion de composés olfactifs dans l'atmosphère
Dans les bassins anaérobies qui rencontrent systématiquement des problèmes de dégagement d'odeurs provenant principalement de la formation de composés sulfurés gazeux (sulfures, mercaptans, ...), la présence d'oxygène dissous dans la colonne d'eau détruit ces produits olfactifs.
Ainsi, une lame d’eau de surface, enrichie en oxygène, permet d’assurer l’élimination d'odeurs. Par exemple, lorsque des bulles d'hydrogène sulfuré (H₂S) remontent vers la surface, la présence d'oxygène dissous convertit instantanément le sulfure d'hydrogène en eau et sulfates (SO₄).
Pour être efficace, la lame d'eau enrichie en oxygène doit être stagnante : la croissance des algues, l'aération de surface par le vent et une faible DBO dans cette zone permettent de maintenir une concentration d’oxygène dissous suffisante (2-4 mg/l) en surface.
Prévenir la formation de molécules odorantes et gérer la dispersion des odeurs
Un premier moyen pour tenter de limiter la formation de composés odorants consiste à agir directement sur le process soit en le modifiant, soit en l'aménageant ou en régulant son déroulé. En réseau d’assainissement, on pourra par exemple engager des actions physiques visant à agir sur l'hydraulique : temps de séjour inférieur à 3 heures, vitesse moyenne supérieure à 0,5 m/s, diminution du diamètre par tubage de la canalisation, augmentation du débit des pompes, vitesse instantanée supérieure à 1,6 m/s, pour accroître les vitesses d'écoulement. Il est également possible de multiplier les dégrillages ou curages.
En station d’épuration, plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre pour prévenir la formation de dépôts et les phénomènes d’anaérobiose : aération en refoulement, ajout de nitrate de sodium ou de calcium, injection d'H₂O₂. Il est également possible d’injecter des solutions telles que les nitrates de calcium qui permettent de lutter contre l’émanation de sulfure hydrogéné en permettant aux bactéries dénitrifiantes d’oxyder les sulfures (voir à ce sujet article page 49). Nutriox de Yara repose par exemple sur l'injection de nitrates dans les effluents, ce qui a pour effet de neutraliser la formation de sulfures et donc d’hydrogène sulfuré. NitraKlear de Klearios stimule également le développement des bactéries dénitrifiantes au détriment des bactéries sulfato-réductrices, ce qui évite la formation d'H₂S.
Autre piste, les nez électroniques qui savent aujourd'hui s’adapter aux spécificités des ouvrages qu'ils surveillent pour dépasser la simple fonction de mesure et venir impacter directement le process en vue d’optimiser son fonctionnement et de minimiser les émissions indésirables. Alpha Mos travaille par exemple sur l’établissement de banques de données prêtes à l'emploi spécifiques à certains types d’ouvrages, par exemple des bassins de décantation ou encore des digesteurs, pour minimiser voire supprimer les nuisances.
Smellmeister™ : un procédé destiné à neutraliser d’importants volumes
Spécialisée dans l'élaboration de réponses techniques en matière de traitement des nuisances olfactives, Biothys™ a conçu, mis au point et développé Smellmeister™, un procédé gaz/gaz reposant sur un traitement direct en phase gazeuse avec un contact constant et homogène des agents neutralisants et des molécules malodorantes dont la capacité de traitement s’étend de 1 500 à 150 000 m³/heure.
Les technologies Smellmeister™ et Smellmeister Turbo™, qui permettent de neutraliser d’importants volumes fermés comme des halls de tri de déchets ou de compostage, se caractérisent par la rapidité de leur temps de réaction en matière de neutralisation des odeurs (échelle en secondes) ce qui les rend particulièrement attractives lorsque les temps de contact sont réduits (débits élevés). Faciles à installer et d'un coût de fonctionnement réduit, elles sont compétitives et la totalité des actifs libérés est consommée, ce qui contribue à préserver l'environnement. Ces technologies trouvent un champ d'application privilégié dans l'industrie (traitement au niveau des cheminées de process), en particulier dans l'industrie pétrolière, mais aussi dans le secteur du traitement de l'eau (stations d'épuration, stations de relevage...) et du traitement des déchets (halls de tri), sans oublier les secteurs du compostage ou encore de l'élevage.
Le nez électronique, en fonction des mesures effectuées, devient alors un outil de régulation du process à part entière.
S'il n'est pas possible d'éviter ou de limiter la formation de composés odorants, il reste possible d'agir sur leur dispersion. La solution la plus répandue consiste à couvrir les bassins, fosses et silos pour confiner ces composés dans un volume d'air réduit. Ciffa Systèmes, Domafos, Prat ou encore Klearios proposent des systèmes sur-mesure spécialement conçus et adaptés pour résister à la plupart des ciels gazeux. Plusieurs matériaux sont proposés qui vont des textiles conçus pour résister aux atmosphères les plus corrosives (PVC, polypropylènes, XR5, coulissantes, tendues, flottantes...) aux structures semi-rigides ou même rigides en matériaux composites ou en polyester renforcé fibres de verre.
Mais le confinement ne vaut pas traitement. Il favorise la captation des émissions malodorantes pour éviter toute dissémination et permet ensuite d’extraire le flux d’air chargé et de le traiter au moyen du système approprié, adapté au type de molécules malodorantes produites. Klearios propose son laveur sec qui permet l’adsorption des gaz sur des médias adsorbants enrichis, particulièrement performants en termes de capacité d’adsorption. Le dimensionnement du filtre et donc de la charge est adapté au volume confiné et aux concentrations de gaz à traiter. Les médias de la gamme CarboKlear permettent de s'adapter à tout type de mélange gazeux et de concentration, certain média pouvant adsorber l’hydrogène sulfuré jusqu’à 40 % en poids, sur des flux gazeux chauds et humides.
Une autre possibilité consiste à capter les composés odorants, à les diluer en dessous de leur seuil odorant, puis à les disperser en les propulsant à grande hauteur (jusqu'à 200 mètres). C’est le principe du procédé Éolage proposé par Delamet Environnement. Cette solution peut être préalablement validée par simulation numérique des nuisances odorantes en fonction de la configuration du site.
Ces options permettent de limiter, plus rarement de supprimer, les nuisances liées à la formation de composés malodorants. Si elles s'avèrent insuffisantes, il faut traiter.
Choisir une filière de traitement
Les traitements d’émissions gazeuses odorantes sont nombreux et mettent en jeu des procédés qui comprennent des transferts, des réactions chimiques ou biologiques ou une oxydation totale. Le choix d’une filière dépendra de nombreux paramètres : nature des polluants à éliminer, débit et concentration des flux à traiter, sans oublier le bilan carbone et le coût global du traitement envisagé. Mais quel résultat en attendre en termes de performances ? Considérant que les techniques de traitement usuelles permettent d’atteindre des niveaux satisfaisants sur les quatre polluants que sont l’hydrogène sulfuré, les mercaptans, l’ammoniaque et les amines mais qu’il n'est pas raisonnable d’attendre une épuration poussée des organo-volatils sans recourir à des dimensionnements coûteux, le SNITER a publié une fiche technique récapitulant en unité d’odeur et en concentrations de polluants ce que chaque exploitant est en droit d’attendre de chaque filière (sniter.com).
de l'axe Ingénierie de l'Environnement au laboratoire de Génie des procédés environnement-agroalimentaire (GEPEA), « Il n’y a pas de technique de traitement universelle. Pour obtenir le résultat escompté, il faudra bien souvent associer plusieurs technologies pour respecter les normes imposées dans les meilleures conditions économiques ».
Les procédés de traitement thermiques reposent par exemple sur l’oxydation des molécules odorantes. Ils sont fréquemment utilisés pour la réduction des COV et l’élimination de molécules odorantes à l’exception des composés soufrés, azotés ou halogénés dont les rejets atmosphériques, réglementés, nécessitent l’ajout d’un système de traitement des fumées. D’utilisation relativement simple, ils présentent l’avantage de mettre en jeu des technologies fréquemment présentes sur les sites industriels.
Mais le choix d’une telle filière doit être étudié avec soin. « On ne peut plus, au jour d’aujourd’hui, ne pas s’interroger sur les impacts environnementaux ou sur des procédés que l’on se propose de mettre en œuvre, estime Yves Andres. L’étude du bilan énergétique d’une filière est essentielle. L’oxydation thermique ou la cryocondensation sont des filières gourmandes en énergie, qui nécessitent l’établissement de bilans très précis ».
Pour cette raison, les bioprocédés utilisés en traitement de l’air connaissent un succès croissant. Bien maîtrisés par des sociétés telles que Airepur Industries, Europe Environnement, Greennov ou Klearios, ils reposent sur la transformation des polluants par des micro-organismes. Ils sont basés sur une réaction d’oxydation exothermique des composés en présence d’oxygène et des micro-organismes, celle-ci conduisant à la formation de biomasse, d’eau et de produits minéraux. Ils sont mis en œuvre via des biofiltres, des lits ruisselants ou des biolaveurs.
Simple à mettre en œuvre, le principe du biofiltre repose sur un flux gazeux qui traverse un substrat sur lequel sont fixés les micro-organismes épurateurs. Les nutriments sont apportés soit par apport extérieur (via l’eau d’arrosage), soit directement par le substrat. Le gaz à traiter apporte aussi une fraction des nutriments nécessaires, ainsi que l’oxygène. « C’est une technique rustique qui fonctionne très bien et qui a fait ses preuves, notamment pour des débits élevés et des concentrations faibles, estime Yves Andres. Seul inconvénient, elle nécessite une emprise au sol assez importante ».
Certaines sociétés proposent des solutions pour contourner ce problème. Polytec propose ainsi un biofiltre vertical susceptible d’être installé dans des espaces exigus. Europe Environnement propose également de tels équipements. Triod, département odeurs d’Algotec International, propose également des biofiltres modulaires compacts qui permettent de réduire l’emprise au sol au strict minimum.
La technique des lits ruisselants qui associe un transfert gaz-liquide dans l’eau qui ruisselle avec une biofiltration au sein d’une même tour progresse également. « C’est un procédé intéressant qui permet de diviser le temps de résidence de l’air dans le réacteur d’un facteur 6 par rapport au biofiltre, indique Yves Andres. Cela permet de traiter des volumes plus importants avec moins d’emprise au sol. Ce procédé se développe en combinaison avec des biofiltres. »
Très utiles pour traiter un plus large spectre de polluants, les lits ruisselants sont également proposés comme technologies de purification de biogaz susceptibles de contenir de l'H₂S et des COV en vue d'une valorisation. DMT Environmental Technology a développé un savoir-faire particulier dans ce domaine.
Plus complexes à mettre en œuvre, les biolaveurs présentent de gros avantages en termes d’encombrement, de flexibilité et de contrôles. Ils reposent sur un transfert des molécules odorantes dans une phase de lavage au niveau d’un contacteur gaz-liquide, suivi d'une biodégradation de ces composés transférés dans un bassin de boues activées. Trois types de composés odorants peuvent être éliminés par biolavage : les composés azotés (ammoniac-NH₃, amines), les composés soufrés (hydrogène sulfuré-H₂S et mercaptans) et certains composés organiques volatils (alcools, AGV, aldéhydes et cétones). Ils permettent également de traiter des composés peu solubles dans l’eau ou toxiques vis-à-vis des micro-organismes en utilisant une émulsion huile-eau.
Parmi les méthodes de traitement physico-chimiques de l’air proposées par Europe Environnement, Airepur, Greenpro ou Sidac, le lavage acido-basique est le plus répandu. Le captage des gaz à traiter s’effectue sur des tours de lavages simples ou en série. Le transfert de masse est effectué sur des colonnes à garnissage, à bulles ou à plateaux. L’adjonction d’un oxydant dans la solution aqueuse de lavage (chlore, eau oxygénée, ozone) ou l’oxydation de cette dernière après le lavage permet d’éliminer le polluant en accélérant le transfert de masse, notamment pour les mercaptans peu dissociés au pH de travail, et d’oxyder le produit absorbé afin de régénérer en continu la solution de lavage. Un étage de finition par charbon actif peut être ajouté.
Reste l’adsorption qui consiste à transférer le composé à éliminer de la phase gazeuse vers une phase solide. Le matériau le plus couramment utilisé est le charbon actif qui se présente sous différentes formes : grains, tissus, etc. Pour accroître les performances, il est parfois imprégné d’aldéhyde. La qualité des charbons actifs varie en fonction des composés à neutraliser. À noter également que des médias comme les zéolithes et les alumines dopées peuvent constituer dans certains cas une excellente substitution aux charbons actifs.
La photocatalyse est également à la base de plusieurs procédés de traitement des odeurs. Ahlstrom a réussi à développer un filtre qui réunit les propriétés d’adsorption du charbon actif et de la photocatalyse à base de dioxyde de titane (TiO₂). C’est sur la base de ce média photocatalytique que Icare Industries, filiale de Locabri, propose des bâtiments permettant de confiner et d’éliminer les émissions odorantes d’une manière efficace et écologique. Mis en œuvre à Sainte-Maxime, dans le Var, sur une station de compostage des boues, ils donnent satisfaction (voir EIN n° 326). Ils peuvent être implantés sur site pour réaliser une chambre de filtration ou couvrir un stockage d’effluents odorants. Alcion Environnement développe également des procédés de traitement photocatalytiques de 100 à 20 000 Nm³/h efficaces sur les COV et polluants soufrés. Biowind vient de présenter de son côté une unité mobile de traitement photocatalytique qui affiche une faible consommation électrique : 90 Wh pour 250 m³ d’air traités par heure, soit 0,36 W/m³/h. Et elle utilise peu de consommables : seuls les filtres particulaires sont à changer périodiquement. Pour Valérie Hequet, qui travaille sur la photocatalyse depuis plus d'une dizaine d’années à l’École des Mines de Nantes, « il y a dans ce domaine des développements qui sont indubitablement intéressants même s’il subsiste encore quelques questions, notamment celles du coût énergétique du procédé lorsque le spectre solaire ne suffit pas ou encore celle de la formation d’éventuels sous-produits ».