Les récents développements des sciences de l'olfaction ne sont pas encore passés dans les m'urs de notre société dont la population est restée sur des modes de communication anciens et très flous pour parler odeur. Les techniciens de l'environnement lui ont naturellement emboîté le pas puisqu'ils s'intéressent essentiellement au ressenti des populations pour le domaine des nuisances odorantes. Mais le décalage est maintenant si important que parfois l'incohérence remplace le flou au point de rendre certains discours incompréhensibles. C?est pourquoi cet article offre une réflexion sur le sujet et propose enfin un lexique commun, simple et précis dans son utilisation.
Le monde de l’environnement ne s’est penché sur la problématique « odeur » que depuis une trentaine d’années. Sa relation nécessairement étroite avec les riverains qui manifestent leur mal-être dans cet espace sensoriel, lui a fait employer, naturellement, son mode de communication.
Mots clés : gêne, nuisance, odeur, odorité, pollution atmosphérique, qualité de l’air, olfactif, odorant
Les récents développements des sciences de l’olfaction ne sont pas encore passés dans les mœurs de notre société dont la population est restée sur des modes de communication anciens et très flous pour parler odeur. Les techniciens de l’environnement lui ont naturellement emboîté le pas puisqu’ils s’intéressent essentiellement au ressenti des populations pour le domaine des nuisances odorantes. Mais le décalage est maintenant si important que parfois l’incohérence remplace le flou au point de rendre certains discours incompréhensibles. C’est pourquoi cet article offre une réflexion sur le sujet et propose enfin un lexique commun, simple et précis dans son utilisation.
Mais les besoins, les développements techniques, la nécessité de mesures, ont créé des décalages d’une telle importance entre les concepts et la manière de les exprimer que nos discours deviennent parfois incohérents.
Autour du mot « odeur »
Ce que l’on constate
Au cœur de notre préoccupation, ce mot est également le plus utilisé et dans toutes les acceptions possibles. Pour limiter notre propos reprenons les trois principaux concepts traduits par le mot « odeur », tels qu’ils sont définis dans l’ouvrage de l’ADEME [1] :
- 1 – Émanation volatile caractéristique de certains corps susceptible de provoquer chez l’homme ou chez l’animal des sensations dues à l’excitation d’organes spécialisés (Petit Robert).
- 2 – Perception mettant en jeu un ensemble de processus complexes tels que les processus neurosensoriels, cognitifs et mnésiques qui permettent à l’homme d’établir des relations avec son environnement olfactif (EOG).
- 3 – Attribut organoleptique perceptible par l’organe olfactif quand on respire certaines substances volatiles (normes ISO 5492 et EN 13725).
Au-delà de l’exacte pertinence de ces définitions et du choix des termes, elles présentent bien trois concepts fondamentalement différents à savoir :
- La première acception est bien relative à de la matière, serait-ce à l’état gazeux. Elle rejoint l’approche donnée par le Petit Larousse (émanation transmise par un fluide – air, eau – et perçue par l’appareil olfactif) ou celle de la Société Française des Parfumeurs (émission volatile perçue par le système olfactif). Cette matière est naturellement accessible aux méthodes d’analyse physico-chimiques, à l’appréciation organoleptique et sensorielle.
* Conférence « Un peu de sémantique » prononcée lors du Colloque ATMOSFAIR, Lyon, 28 septembre 2010.
1 Voir paragraphe Organoleptique et sensoriel.
tion du pouvoir redox par des capteurs MOS ou polymères, et aux dosages mais tout ceci en toute indépendance de leurs caractères odorants. C’est cette matière qui remplit les sacs de prélèvement, c’est elle qui se disperse avec ou sans modélisation et c'est aussi cette matière qui est abattue par les procédés de traitement de l’air.
- - la troisième acception (qui vient plus naturellement à la suite de la première) fait clairement mention d’une propriété particulière (organoleptique) de cette matière : celle qui la fait agir sur les récepteurs du sens olfactif.
Cette propriété est indiscutablement due à des propriétés chimiques des molécules constituant cette matière ; propriétés qui ne sont, à ce jour, pas connues. L’ouvrage cité indique qu’il donne ses faveurs à l’utilisation du mot « odeur » pour désigner ce concept. Malheureusement, tous les textes qui retiennent cette définition, dévient rapidement et indifféremment sur les autres acceptions.
Ainsi, la norme EN 13725 [2] parle d’unité, de débit ou de concentration d’odeur (en fait de taux de dilution d’odorants) ce qui ne peut bien évidemment pas s’appliquer à une propriété même si l'on peut accepter ces locutions en leur réservant une définition bien spécifique. Mais elle parle aussi dès la page 4 « d’émission d’odeurs émanant de sources », de « la mesure des odeurs potentiellement libérées » ou encore de « la dispersion des odeurs » : dans ces cas le mot odeur ne peut désigner, bien évidemment, que des produits selon l'acception précédente. Quant à « la température de l’odeur de référence » de la page 29 personne ne peut comprendre comment positionner un thermomètre sur une propriété organoleptique ! De même dans l’ouvrage de l’ADEME, nous pouvons lire, seulement trois pages après l’option retenue : « des vents entraînant les odeurs vers les riverains » mentionnant ainsi clairement de la matière et non une propriété organoleptique.
Par définition, les qualités organoleptiques ne peuvent être connues que par l’intermédiaire des organes des sens. L’aide d’une variable auxiliaire patentée n’existe pas, pour l’instant, dans le domaine qui nous concerne ici. Leurs connaissances demandent donc la mise en place de procédures bien spécifiques pour éliminer les interférences subjectives [3] ; celles-ci brouillent très largement le contenu de la réponse sensorielle.
- - la deuxième acception concerne l’aboutissement des deux concepts précédents : la perception. C’est cette définition qui est retenue, cette fois, dans le glossaire de l’ADEME (voir le texte de la définition donné plus haut). Nous retrouvons ce même sens sur internet² : « une odeur correspond à la perception par le sens de l'odorat d'une molécule chimique ou d’un composé volatil, souvent qualifiée de molécule odorante ou de parfum ou de fragrance dans le cas des fleurs ». Dalton [4] reprend cette idée, bien qu’elle s’arrête à ce qu’elle nomme “sensation” : « an odor is a sensation that our brain generates in response to certain chemicals in the air and breathed in through the nose ».
Effectivement le concept qui se trouve présenté par cette acception du terme odeur ne concerne que le “contenu” de notre cerveau. Cela n’est donc pas mesurable dans l’état actuel de nos connaissances, même si les directions indiquées par l’imagerie médicale pourraient ouvrir des pistes. Pas plus, cela ne peut se transporter, se diviser ou être connu par une autre voie que l’expression du sujet qui la ressent. La seule chose que l’on puisse atteindre est la distribution de ces sujets, par voie d’enquête, en fonction de leurs ressentis : une impression de confort ou à l’inverse de gêne.
Les incompréhensions naissent le plus souvent lorsque différents interlocuteurs utilisent chacun l’un des concepts : un vendeur d’équipement proposera un matériel qui abat des « odeurs-produits » alors que le riverain entend des « odeurs-perceptions », qui plus est, avec son contenu négatif (gêne), et trouvera qu’il a été dupé sur les 95 % de diminution dosée. La confusion est encore plus grande lorsque le même interlocuteur ou auteur utilise indifféremment les trois acceptions simultanément et indistinctement ainsi que nous l’avons trouvé dans de nombreux textes et bien que nous ne prétendions pas avoir fait le tour de tout ce que peut cacher le mot « odeur » dans l’esprit de chacun.
Proposition de définitions
Pour clarifier les choses, nous proposons d’utiliser un signifiant distinct pour chacun des trois principaux concepts présentés ci-dessus.
ODORANT, n.m., désigne toute substance susceptible d’activer un récepteur olfactif (elle constitue un stimulus). Il peut s’agir d'une molécule (MPO : Molécule Potentiellement Odorante), d’un mélange gazeux (CPOV : Composés Potentiellement Odorants Volatils) ou, encore, de la matrice de ces substances qu’elle soit solide ou liquide (nous pouvons parler d’objet odoriférant c’est-à-dire porteur d’odorants) et qui les libère dans l’air. Certains textes en anglais utilisent ce mot dans le même sens et avec la même orthographe. Par exemple, nous pourrons parler de source d’odorant, de concentration d’odorant et traiter ces mêmes odorants...
ODORITÉ, n.f., désigne très précisément le caractère organoleptique des odorants ci-dessus, perçu par le sens olfactif. Cette propriété est indiscutablement liée à la chimie des molécules concernées mais elle reste pour l’instant, difficile à relier aux caractéristiques chimiques connues par ailleurs. Le mot a été créé, en 1962, par le Professeur Jacques Le Magnen du Collège de France. L’équivalent anglais, odority, est utilisé et on le retrouve même dans certains textes réglementaires de Nouvelle-Zélande. Dans ce sens, il est donc possible d’apprécier des niveaux d’odorité et de fixer des limites d’odorité, de parler de l’odorité d’un air et de la rapporter à une dilution de l’odorant...
ODEUR, n.f. serait effectivement réservée à la perception proprement dite avec la définition suivante : interprétation par le cerveau des signaux fournis par les récepteurs olfactifs lors de leur stimulation par des substances odorantes. La transposition en anglais reste odor ou odour. Ainsi nous pouvons parler d’odeur agréable, d’odeur perçue...
Le choix du terme précis à utiliser est assez simple, il suffit de remplacer dans la phrase le mot « odeur » qui est venu à l’esprit dans un premier temps, respectivement par l’une des locutions suivantes :
- - « matière odorante » : dans ce cas il convient de remplacer le mot « odeur » par « odorant »,
- - « caractéristique odorante » : dans ce cas il convient de remplacer le mot « odeur »
par « odorité », – « perception olfactive personnelle » et l'on garde le mot « odeur », puis de s’assurer avec laquelle des trois la phrase reste cohérente et exprime bien ce que l'on veut dire.
Ces trois termes peuvent clairement se positionner dans le schéma présentant les différentes étapes de l’olfaction comme il est indiqué à la figure 1.
De l’odorant à l’olfactif
Ces deux adjectifs sont aussi fréquemment utilisés de manière tout à fait indifférenciée alors qu'ils ne portent pas le même contenu.
Odorant, ante, adj. = qui exhale une odeur (généralement bonne) selon le Petit Robert [5] ; cette définition est partagée avec le Petit Larousse [6]. En dehors des réserves que nous venons de faire sur l’usage du mot « odeur », cette définition nous convient. Cela correspond au terme anglais « odorous ».
Olfactif, ive, adj. = relatif à l’odorat, à la perception des odeurs (PR) ou relatif à l’olfaction (PL) ; ces définitions sont tout aussi pertinentes. L’anglais dispose de l'adjectif « olfactory ».
La clarté de ces deux définitions n’ouvre pas la porte à une quelconque confusion : le premier adjectif est relatif à la source, à la cause, au stimulus (donc tout ce qui se situe à l’extérieur du sujet) alors que le second concerne la réception, la perception et le système sensoriel correspondant (donc relié à ce qui se passe à l'intérieur du sujet). Pour faciliter le choix, il est simple d’utiliser l'adjectif « odorant » chaque fois que l'on désire l’attribuer à quelque chose qui se situe avant le récepteur olfactif (la protéine heptahélicoïdale), tandis que l’adjectif « olfactif » concerne tout ce qu’il advient à partir de ce récepteur.
Ainsi nous utiliserons l’adjectif « odorant » pour caractériser des molécules, substances, sources ou émissions, des nuisances ou pollutions d’environnement, tandis que l’adjectif « olfactif » conviendra pour des perceptions, des sensations, des conforts ou gênes. L'analogie se fait très bien, respectivement avec les termes « sonore » et « auditif » dans le monde de l’audition.
Évocation et description
Nos acquis sont réalisés de deux manières différentes :
– par la rencontre directe d'une information (toujours par voie sensorielle) selon le mécanisme de l’« imprégnation » qui aboutit à l'engrangement dans le cerveau (en mémoire) de collections d’associations personnelles ;
– par l'éducation dispensée par des « sachants » sur la base d’un langage rendu objectif par la mise en place d'un système de code appris en commun. Cette voie permet ainsi d’obtenir des référents objectifs utilisés comme descripteurs en appliquant la méthode – commune à nos activités cérébrales – de la recherche des moindres distances.
Les humains utilisent ces deux outils pour échanger dans la vie courante leurs ressentis quel que soit le système sensoriel. D’une part nous entendons ainsi parler d'une « odeur » de fraise, de fleur, d’œuf pourri, de lis ou de station d’épuration comme l’on peut parler de couleur de veste, de voiture, de plante ou de mur avec à chaque fois un souvenir très précis dans l’esprit de la personne qui parle. La démarche est dite alors associative : le sujet recherche dans ses souvenirs l'image, associée à sa perception, qu'il saura exprimer ; nous parlons alors d’ÉVOCATION. À noter que la situation est rigoureusement la même que le sujet recherche des images enfouies dans sa mémoire ou que ces images lui soient présentées, sous forme de reconstitutions plus ou moins avérées, à partir de compositions aromatiques plus ou moins complexes. Cette voie est également celle qui permet de partager des émotions [7].
D’autre part, nous parlerons alors, en considérant le caractère odorant isolé et non ce qu'il représente, d’une (ou plusieurs) note proche de l’« undécalactone », l’« hydrogène sulfuré » ou le géraniol comme d'un rouge « PANTONE 1788C » ou « RGB R254/G40/B1 ». La démarche est ici strictement comparative (recherche des moindres distances) par rapport à des référents présents [8]. Nous réservons alors à ces
Référents l’appellation de véritable DESCRIPTEUR en conformité avec la définition du Petit Robert qui mentionne bien cette notion de code :
« Ensemble de signes, de format codifié, servant à décrire de manière optimale... ».
Dans le monde de l’olfaction, la confusion entre ces deux termes a entraîné de nombreux échecs. L’utilisateur a cru que l’évocation avait la vertu de biunivocité universelle du descripteur (code appris en commun) alors que pour de multiples raisons elle ne peut être que personnelle même si, parfois, une certaine illusion de partage se fait jour.
À ce propos, le mot REFERENT est aussi lui-même porteur d’ambiguïté :
- pour les uns, il représente le support d’une image ou le déclencheur d’une évocation. Cette image (ou cette évocation) est piochée dans les souvenirs du sujet ou imposée par l’organisateur, avec plus ou moins de bonheur, à partir de molécules ou de mélanges odorants. Cette démarche fait appel à l’étage élaboré de la pensée du sujet, son vécu et ses émotions. C’est dans cette acception que l’on définit une forme de « référents » pour travailler dans la démarche « évocation ». Nous préférerions lui appliquer l’appellation d’image-type pour bien faire la distinction avec l’autre sens. - pour les autres, il s’agit d’une entité odorante définie servant de base de comparaison directe au niveau de la perception initiale (juste la prise de conscience de la sensation) sans faire intervenir les étages complexes de la mémoire ou de la réflexion. C’est dans cette acception que nous réservons le terme « référent » pour désigner la molécule porteuse de la note odorante de référence. Si nous faisions l’analogie avec le domaine des couleurs : cette acception suppose la comparaison de deux touches de peinture dont l’une de référence, sans considérer ce à quoi peut faire penser la teinte étudiée.
Quelques autres confusions
Odorité, analyse physico-chimique et VOC
Les différentes approches des analyses physico-chimiques ou du dosage des composés organiques volatils n’ont pas de lien direct avec les caractères odorants ou l’olfaction même si un certain nombre de textes et même de normes prêtent à confusion. Par ces voies, il est impossible de répondre à un problème d’odorité : l’analyse n’est jamais une olfaction et malheureusement la littérature est pleine de mesure d’odeur par des dispositifs divers : CPG, PID, FID, MOS et autres capteurs et détecteurs... Peut-on trouver une relation entre des propriétés chimiques et des caractères odorants ? Dans l’état actuel des connaissances des mécanismes de l’olfaction cela n’est pas encore possible. Les dosages effectués sur une fonction chimique ne peuvent pas traduire les caractères odorants.
Peut-on faire correspondre des odorités des molécules lorsque l’on a pu les identifier ? Oui, avec un travail approprié et dans la mesure où ces molécules peuvent être observées isolément, ce qui est très rarement le cas.
Peut-on s’appuyer sur des systèmes dits « par apprentissage » ? Parfois, lorsque la composition du mélange est stable en nature et en proportion et que le groupe des sujets utilisés est capable d’une excellente discrimination et d’une parfaite répétabilité, et avec des sujets qui ont été formés à exprimer leurs perceptions de manière standardisée et biunivoque. Toutes ces conditions ne peuvent être rassemblées que pour des essais de laboratoire bien spécifiques.
Les approches instrumentales et les dosages de VOC ne fournissent pas l’odorité de l’effluent gazeux.
Relations à la toxicité et à l’allergie, risque réel et risque perçu
Il est encore communément répandu dans la population que les « odeurs » sont dangereuses. Cela recouvre encore deux confusions : d’une part entre le mot odeur et les composés chimiques, d’autre part entre les capacités de détection de notre sens olfactif et une finalité de sa fonction. En fait on ne voit pas (à quelques situations particulières près) comment l’odorité d’une substance peut avoir un caractère toxique ou allergisant, cette substance ne traversant pas la paroi des cils olfactifs. En revanche des molécules, qu’elles soient odorantes ou non, peuvent être actives au niveau des muqueuses ou des alvéoles pulmonaires et provoquer des troubles du fait de caractéristiques autres que leur odorité. D’autre part, si la finalité de l’olfaction n’est pas automatiquement la détection de danger, elle peut l’acquérir par l’éducation (reconnaissance du parfumage du gaz de ville, par exemple) ; mais, dans tous les cas, l’olfaction est un moyen de révéler au sujet la présence de substances dans l’air, elle peut donc lui fournir une alerte que ses connaissances, plus ou moins exactes, lui permettent d’attribuer à une source qu’il peut juger favorable ou présentant un risque pour lui. Selon les cas, ce risque perçu n’est pas pour autant un risque réel. Quant aux liens de la dangerosité avec les aspects hédoniques de la perception, ils ne peuvent être crédités d’aucune confiance.
odeurs (au sens perception olfactive) sont des informations (non suffisantes) qui doivent déclencher des investigations. Elles restent à exploiter en toute connaissance de cause en demandant des recherches dans le domaine analytique ou dans celui des ressentis selon les aspects que l’on souhaite connaître.
Distinguer l'atteinte chimique et le confort
Un héritage ancestral nous a habitués à lier ce qui est agréable et confortable avec la bonne nature et ce qui est gênant à la « méchante chimie ». Nous ne reviendrons pas sur ce qu’il faut penser des approches rousseauistes qui ont, malgré tout, bien impressionné notre monde. Nous savons maintenant que la situation est loin d’être aussi manichéenne comme nous venons de l’évoquer.
En fait ces deux espaces relèvent de registres très différents qui ne peuvent pas être mis en balance [10]. La chimie relève de l'espace scientifique et fournit une connaissance de la matière, le confort se situe au niveau du ressenti des personnes. La transposition entre ces deux espaces ne relève que de la psychologie de chaque sujet. Donc l'un ne peut en aucun cas remplacer l’autre : des résultats chimiques n’informent pas sur la gêne éprouvée par les riverains et cette gêne ne peut être considérée comme une mesure des émissions. Néanmoins ce sont bien des composés chimiques qui peuvent induire une gêne olfactive. Une certaine forme de recherche de corrélations peut être envisagée en faisant appel à l’intermédiaire de l’analyse olfactive directe sur l’air ou par l’usage de l’analyse CPG/sniffing pour évaluer de manière théorique une situation ou pour connaître un groupe de sujets donnés.
Aussi, dans la majorité des cas, ce sont les deux approches conjuguées qui permettent de connaître toutes les facettes d’une situation de nuisance odorante.
Organoleptique et sensoriel
Voici encore deux mots qui sont pris l’un à la place de l’autre bien que leur distinction soit bien claire.
Organoleptique, adj. : se dit de ce qui est capable d’impressionner un récepteur sensoriel (PL) ; qualifie une propriété d’un produit perceptible par les organes des sens (norme ISO 5492) ; qui affecte les organes des sens (PR).
Sensoriel, adj. : relatif aux sens, aux organes des sens (PL) ; relatif à l’usage des organes des sens (norme ISO 5492) ; qui concerne les organes des sens (PR).
Les points de vue sont donc parfaitement homogènes et n’ouvrent pas la porte aux interprétations :
Un objet, l’air ne peuvent pas avoir de propriété sensorielle mais bien organoleptique, mais un homme, muni de différents sens, aura lui des aptitudes sensorielles.
Conclusion
À juste titre, les professions de l’environnement s’intéressent de plus en plus à l’espace de l’odorité pour répondre à une demande grandissante de la population. Il est donc important qu’elles le fassent de la manière la plus pertinente possible. Pour ce, elles sont amenées à suivre l’évolution des connaissances dans ce domaine fort complexe. L'exigence de clarté dans le contenu des concepts utilisés doit se traduire dans l’emploi d’une terminologie précise, partagée et biunivoque telle qu’elle existe déjà avec les quelques aménagements complémentaires que nous proposons. Ce vocabulaire fait partie des connaissances même s’il peut demander un développement de formations pour les acteurs concernés. Au-delà de la simple communication et du rôle des commerciaux, la technologie et la recherche scientifique devraient également en tirer profit.
3 Selon le concept développé par IAP Sentic
[Encart : Références bibliographiques : [1] ADEME : Pollutions olfactives. Dunod, 2005. [2] AFNOR : Détermination de la concentration d’une odeur par olfactométrie dynamique. Norme NF EN 13725, octobre 2003. [3] Jaubert Jean-Noël. Les odeurs dans l’air : de la pollution osmique à la gêne olfactive. Environnement Risques et Santé, vol. 4, n° 1, janv-fév 2005, p. 51. [4] Dalton P. Upper airway irritation, odor perception and health risk due to airborne chemicals. Toxicology Letters, vol. 140-141, 14 avril 2003, p. 239-248. Proceedings of EUROTOX 2002, The XL European Congress of Toxicology. [5] Robert P. Le Nouveau Petit Robert. Dictionnaire Le Robert, Paris, juin 2000. [6] Le Petit Larousse, 2001. [7] Engen T. La mémoire des odeurs. La Recherche, v. 20, n° 207, février 1989. [8] Jaubert M., Jaubert Jean-Noël. Olfactory analysis according to the « Field of odours® » methodology. 8e Workshop : Odour and Emissions of Plastic Materials, Kassel (Germany), 27-28 mars 2006. [9] Jaubert Jean-Noël. La gêne olfactive : composante – moyens d’appréciation. Pollutions Atmosphériques, janv-mars 2014 (à paraître). [10] Jaubert Jean-Noël. Surveiller la qualité odorante de l’air. Pollution Atmosphérique, 205, janv-mars 2010.]