Les composés odorants et volatils représentent un danger réel au travail et une gêne pour le voisinage. Ils présentent aussi des risques de corrosion pour les matériaux. Pour toutes ces raisons, il faut lutter contre les odeurs et les COV par toute une palette de réponses préventives et curatives. Chacune avec leurs avantages et inconvénients, sans oublier leurs coûts d'exploitation. La solution universelle n?existe pas, d'où l'importance d'une bonne évaluation du problème pour apporter une réponse technique sur mesure et entretenir les meilleures relations avec le voisinage.
Les industriels du traitement de l'eau et des déchets évoluent entre les exigences de plus en plus fortes des riverains sur les questions d’odeurs, les normes sur les émissions de polluants atmosphériques (composés organiques volatils COV), les réglementations sur les conditions de travail (valeurs limites d’exposition). Les réseaux d’assainissement et leurs stations de relevage, les stations de
Les stations de traitement des eaux usées émettent de l’hydrogène sulfuré et des composés apparentés (mercaptans). Des émissions de COV et d’ammoniac ont lieu au niveau du traitement des boues et de leur transport à chaque rupture de charge et manipulations. D’autres émissions surviennent lors des opérations de dépotages de camions vidangeurs sur une station d’épuration. Les plateformes de compostage de déchets verts, d’ordures ménagères (parfois recevant des boues de stations d’épuration pour du co-compostage), les centres de stockage de déchets non dangereux émettent aussi des COV et des odeurs. Ces émissions interviennent dans des bâtiments clos et dans des ouvrages à ciel ouvert, les solutions seront donc variées.
De la réalité au ressenti : plusieurs dimensions à prendre en compte
Le problème des odeurs n’est pas qu’une question de captage ou de dilution par des dispositifs divers, c’est aussi la relation avec le voisinage. Il faut pouvoir mesurer ces odeurs, prévoir leur dissémination pour répondre à la demande des riverains.« Les riverains supportent de moins en moins les odeurs et deviennent suspicieux quant à la dangerosité pour la santé de ces odeurs et leur éventuel impact sur l’environnement » affirme ainsi Fabrice Blanco de Airpoll, société spécialisée dans le traitement des odeurs (études et solutions) et la mise en place d’observatoires. Le dispositif expoll.net développé et commercialisé en 2008 par Airpoll, permettant de mesurer et d’analyser les nuisances olfactives en continu sur internet, connaît un succès qui ne se dément pas. 2012 a d’ailleurs été une année de forte croissance pour Airpoll qui revendique désormais une quarantaine de sites équipés du dispositif expoll. Techniquement, l’outil est aussi en plein développement : une nouvelle version d’expoll.net (intégration d’un modèle de dispersion, module prévisions odeurs,
ProEco2 : un problème complexe, réponse cohérente
Le problème d’odeurs se traite bien via des équipements adaptés mais surtout grâce à une cohérence de la solution mise en œuvre à partir d’un diagnostic et de différents équipements de traitement et mesures. L’exploitant est à la recherche d’une réponse complète, pas d’une superposition d’équipements. Or il n’existe pas de solution universelle répondant à tout. Il faut donc savoir coupler plusieurs procédés pour répondre aux contraintes locales de l’installation et de sa situation géographique et météorologique.
Et donc faire appel à de multiples compétences qui se trouvent rarement au sein d’une seule et même entreprise.
Pour répondre à ce besoin, des entreprises se sont associées dans ProEco2 à l’initiative de Justin Palotta, aujourd’hui commercial export de l’association. L’idée est simple : suite à une demande de clients, regrouper les entreprises de l’association les mieux à même d’étudier le problème dans son ensemble et de fournir les équipements de traitement les plus adaptés, et si besoin les moyens de mesure des odeurs et de simulation de dispersion.
Après trois ans de fonctionnement, ProEco2 regroupe 44 PMI dont le chiffre d’affaires global avoisine les 500 M€ pour un millier d’emplois. « Les affaires résultent de notre démarche commerciale, directement par consultation de ProEco2, ou par l’intermédiaire d’un associé qui juge qu’il ne peut pas traiter seul une affaire » explique Justin Palotta. Un groupe d’étude est constitué, étudie la demande et élabore la réponse. Le client a un interlocuteur unique, la société de l’association qui aura le volume d’affaires le plus important ou la plus concernée en termes de résultat. Pas question, une fois l’équipement en service et en cas de problème, de laisser un client face à des entreprises qui se rejettent la responsabilité entre elles. La démarche associative est d’autant plus pertinente aujourd’hui que les entreprises deviennent très sensibles aux consommations d’énergie : un problème de traitement d’air peut se coupler à de la récupération d’énergie, obligeant à mobiliser de nouvelles compétences.
Il s’agit également d’une offre globale complétée par Airpoll qui développe le portail expoll.net. L’intégration de capteurs physico-chimiques, nez électroniques, interfaces web personnalisées à l’image du client optimise les différentes fonctionnalités de l’outil et permet de répondre aux attentes des utilisateurs. Ces derniers mois, Reims Métropole, Sita, Veolia Propreté, Semarald ou encore des sites Seveso 2 ont fait confiance à Airpoll. Ils sont rejoints par des collectivités telles que Lille Métropole (partenariat avec Numtech et Alpha Mos) ainsi que par des cabinets d’études en olfactométrie qui exploitent expoll.net pour mesurer l’impact olfactif dans l’environnement d’un ou plusieurs sites potentiellement odorants.
Avec ProEco2, les entreprises peuvent s’attaquer à des affaires plus importantes ainsi qu’à l’export. Cette stratégie a démontré son efficacité. Dans le traitement des odeurs, c’est notamment la plateforme de co-compostage de boues et déchets verts d’Hasparren, située sur le site de la récente station d’épuration, qui a mobilisé Airépur Industries et Technova (modélisation de la dispersion d’odeurs) avec la fourniture d’un appareil Eolage de Delamet Environnement. Technova est spécialisée en modélisation 3D CFD en mécanique des fluides. Dans le domaine des risques, l’entreprise a acquis une expertise dans la dispersion atmosphérique horaire ou trihoraire sur une année complète de polluants gazeux ou particulaires, d’odeurs ou de gouttelettes en prenant en compte le relief, les bâtiments, mais aussi les conditions météorologiques « réelles » du site étudié (pluviométrie, rose des vents…). Dans le domaine des procédés, Technova intervient dans la conception et l’optimisation des procédés industriels comme les machines tournantes, les procédés de mélange ou les échangeurs thermiques. Elle réalise des prototypages numériques afin de pouvoir détailler les phénomènes à l’état initial et proposer des solutions afin d’améliorer l’efficacité du procédé.
À l’origine, ProEco2 était tournée vers le traitement de l’air. Elle affiche aujourd’hui quatre pôles distincts : air, énergie, déchets, eau.
La question des COV se pose essentiellement sur des sites industriels utilisant des hydrocarbures, des solvants, des produits organiques en tant que tels pour les fabrications ou comme auxiliaire d’un produit. C’est typiquement le cas des peintures qui durcissent après la phase d’évaporation des solvants. Ces émissions doivent être confinées et aspirées en vue d’un recyclage des composés condensés via, par exemple, le procédé AMCEC d’Europe Environnement avec charbon actif ou une destruction par traitement thermique telle qu’elle est pratiquée par Waterleau ou Socrematic et éventuellement catalysée pour travailler à plus basse température. Ce n’est qu’après ces traitements, et s’il reste des odeurs donnant lieu à des plaintes, que l’on procédera à des mesures relevant des odeurs. L’apparition des odeurs est une chose, leur dissémination et leur ressenti en est une autre. Selon les phases d’exploitation, les étapes de procédés, les conditions météorologiques (température, humidité, vents), la perception des odeurs par les populations sera différente. Les exploitants confrontés à ce problème d’odeurs prennent très au sérieux les plaintes exprimées : « Un échec dans le traitement des odeurs coûte très cher, d’abord en investissement, ensuite pour l’image ; cela reste dans la tête des riverains pendant longtemps ».
La couverture d’ouvrages est une solution de plus en plus fréquemment adoptée. Il existe de nombreuses solutions souples, rigides, fixes ou mobiles, autoportantes ou avec charpente.
Des années, qui ne laisseront plus rien passer, explique Christophe Renner, responsable du Groupe traitement des émissions gazeuses chez Veolia Environnement. Françoise Rousseille, ingénieur Process Air chez Degrémont, souligne, pour la partie assainissement et épuration, que « grâce aux efforts de confinement et de traitement sur les nouvelles stations, les plaintes pour odeurs s’amenuisent. »
Les sources aujourd’hui les plus fréquemment mises en cause pour les odeurs concernent des sites d’enfouissement de déchets et de compostage. Mais l’évolution rapide de l’urbanisation, l’évolution des activités sur des sites de traitement d’eau ou de déchets soulèvent régulièrement de nouveaux problèmes. D’où une autre tendance soulignée par Françoise Rousseille : « dès le cahier des charges des nouvelles installations, on observe une demande forte de garantie sur les UO (unités d’odeur) en limite de site ; il faut être proactif et moins réactif à ces questions d’odeurs. Il est illusoire d’imaginer une station d’épuration à zéro odeur ; on s’efforce de minimiser l’impact odeur mais il y a un risque résiduel. »
Tout commence par un diagnostic
La lutte contre les odeurs commence par un diagnostic sérieux d’identification des composés odorants et des sources d’émission, particulièrement lorsque plusieurs sites potentiellement émetteurs sont présents sur une même zone. « Il est primordial de recenser de manière exhaustive l’ensemble des sources potentielles d’odeurs pouvant générer ou générant des nuisances olfactives, souligne Sébastien Cougoulic, Aroma Consult. C’est une étape cruciale qui permet d’éviter d’oublier des sources (une source pouvant en cacher une autre) ou de se focaliser sur des sources d’odeurs dont la perception en terme d’intensité est plus forte par rapport à d’autres qui, pour autant, auraient un pouvoir de nuisance (concentration d’odeur) aussi important ». Elle se poursuit par une hiérarchisation des moyens mis en œuvre. Au premier rang desquels prévenir la formation des odeurs et, dans un second temps, éviter leur dissémination. Viennent ensuite les solutions de confinement (couvertures diverses et collecte pour captage) de dispersion forcée, de masquage/décomposition par dispersion de produits divers et de destruction par des dispositifs de lavage de gaz.
Photocatalyse et autres procédés
La destruction par réactifs chimiques implique la manipulation de produits corrosifs (soude, javel, etc.), des coûts et des effluents. D'où l'idée de passer à des procédés physico-chimiques où la seule consommation est l’énergie. La photocatalyse détruit les molécules odorantes et les COV par contact avec du dioxyde de titane (catalyseur) activé par le rayonnement UV naturel (soleil) ou artificiel (lampes). Une solution efficace sur les souffrés et les COV (molécules organiques) mais pas sur l’ammoniac.
Les odeurs apparaissent lors de fermentations anaérobies souhaitées (compostage, méthanisation) ou non comme dans les réseaux où, pour éviter la formation d’odeurs, il faut éviter les stagnations. Dans ce domaine, c’est bien souvent une question de conception (pente insuffisante) et d’entretien. Mais un temps de séjour important (débit faible), une température élevée sont des facteurs aggravant la formation d’odeurs. Mais les solutions existent et sont développées par des sociétés comme Athéo Solutions, spécialisées dans la problématique de l’H₂S en assainissement. La conception et le fonctionnement d’ouvrages comme les postes de relevage jouent également un rôle essentiel. Là aussi, les solutions existent à l’image du DIP Système® de Side Industrie qui repose sur un pompage en ligne évitant la stagnation des eaux usées en faisant circuler directement l’effluent. Les concepteurs de stations de relevage modifient leur design pour éviter les zones de stagnation. On peut procéder à un dosage maîtrisé d’un mélange de sels de nitrates permettant de favoriser le développement des bactéries dénitrifiantes et de maintenir ainsi l’effluent en état d’anoxie et d’éviter la fermentation de ceux-ci. Le procédé Nutriox permet de traiter préventivement la formation d’H₂S et de tous les gaz issus de la fermentation (mercaptans, méthane, acides gras volatils...). La maîtrise du dosage étant cruciale, le Centre de Recherche de Yara a développé un contrôleur de dosage dynamique et spécifique à la problématique H₂S : VIDA 100. La fermentation des boues génératrice d’odeurs sera stoppée en les desséchant.
Klearios a également développé des unités compactes et communicantes sur Internet, d’optimisation du dosage de différents réactifs comme le nitrate de calcium ou d’autres, dans les effluents pour lutter contre la formation d’H₂S, vecteur principal des odeurs en assainissement. Klearios associe au dosage une mesure de l’H₂S en continu, communiquée sur un site web dédié e-Doz grâce à un capteur autonome et ATEX. Cette mesure permet de suivre de manière conviviale et de n’importe où en France les performances de traitement et de réajuster la courbe d’optimisation. Les gains sont importants et peuvent aller jusqu’à 30 % de la consommation normale en fonction des cas, pour une performance accrue.
Mais il n’est pas toujours possible d’éviter la formation des odeurs. On joue alors sur leur émission. Christophe Renner indique des changements de pratiques possibles : « sur un site de stockage de déchets, lorsqu’il faut faire des travaux comme une tranchée pour installer des canalisations, autant le faire par petites portions plutôt qu’ouvrir en une seule fois. Faire attention aussi aux conditions de vent et d’humidité, aux horaires des travaux. »
Locabri (Icare-Industries), spécialiste de constructions légères modulaires (structure bâchée), a développé, suite aux travaux menés par la société Ahlstrom, des solutions de confinement-destruction d’odeur, de même que Biowind ou Alcion Environnement. Une partie des parois de l’ouvrage de confinement est constituée d’un multicouche filtrant incluant un charbon actif adsorbant en continu les composés odorants qui sont détruits par le dioxyde de titane lorsqu’ils se désorbent dans la journée. Le charbon est donc constamment régénéré. « La surface filtrante est importante, une faible surpression (4 à 8 renouvellements d’air par heure) suffit pour assurer la filtration à faible vitesse et faible perte de charge, d’où une faible consommation d’énergie » explique Christophe Chapuis, responsable commercial de Locabri.
Autre solution développée et mise en œuvre sur quelques sites de compostage, la photocatalyse en caisson : l’air aspiré passe dans un caisson contenant le photocatalyseur activé par des lampes UV. L’efficacité sur les odeurs est prouvée dans la limite des capacités (définition des émissions à traiter et du débit), il est difficile de s’engager sur une efficacité totale, ce qui rend les utilisateurs frileux. Avantage, les solutions photocatalytiques avec lampes UVC, proposées par ANEMO, peuvent être louées pour tester en grandeur réelle l’efficacité avant une décision définitive.
Autre principe : l’utilisation de radicaux libres produits par des plasmas froids, éventuellement en présence de catalyseurs, pour travailler vers 200 - 300 °C. Une piste étudiée par Veolia Environnement pour les COV.
Pour réduire le risque de mécontentement des riverains, la modification de conditions opératoires ou de comportement constitue une solution peu coûteuse pour éviter les conflits avec des habitants qui n’aiment pas subir les faits : un riverain prévenu sera plus tolérant et compréhensif qu’un riverain pris de court.
Couvrir, capter, collecter
Sur une station d’épuration, les points d’émission sont clairement identifiés : le poste d’arrivée des eaux, le relevage et le brassage, certains bassins, le poste boues. Après évaluation des émissions potentielles et en fonction du contexte local, on décidera d’une stratégie. « On ne traite que ce que l’on envoie sur les dispositifs de traitement », rappelle cependant Sébastien Cougoulic. Une évidence parfois oubliée ou souvent négligée. L’aéraulique, la ventilation des ouvrages, doit faire l’objet d’une attention particulière.
La couverture d’ouvrages est une solution de plus en plus fréquemment adoptée, de même que la construction d’un ouvrage spécifique, un poste de dépotage des camions apportant des eaux-vannes et de curage par exemple. Il existe de nombreuses solutions en matière de couvertures, avec une nette tendance pour les matériaux plastiques et composites, insensibles à la corrosion par les produits soufrés. Ces solutions, souples ou rigides, fixes ou mobiles, autoportantes ou avec charpente, sont proposées par plusieurs sociétés qui s’associent parfois avec d’autres sociétés proposant des solutions complémentaires : par exemple CI Profiles, qui fabrique des couvertures de bassin d’épuration (Domafos) et de cellules de compostage (Compodômes) en collaboration avec la société Vauché Biowaste. CI Profiles a intégré le réseau ProEco2 (voir encadré) pour pouvoir proposer à ses clients une solution complète. Trioplast,
Prat (TextilDome), Apro Industries et Ciffa Systèmes (Olfacif) proposent des solutions légères de confinement, également efficaces contre les aérosols. La conception de ces systèmes a une incidence directe sur le volume d'air à traiter : plus elle est proche du niveau liquide, plus il sera réduit voire annulé avec des couvertures flottantes (Covergaz de Ciffa). Concentration plus forte et volume moindre d’air à déplacer facilitent le traitement. Si l’ouvrage émet beaucoup d’hydrogène sulfuré, on peut réaliser un ouvrage de destruction au pied de celui-ci, pour éviter un système de collecte d’air trop important. Sur une station d’épuration de taille moyenne, on rencontrera souvent un seul ouvrage centralisé de destruction des odeurs.
Une autre solution de dispersion de l'air odorant existe. L’Eolage de Delamet Environnement permet de capter par aspiration au sol ou en sortie de process. En les propulsant à haute altitude, les odeurs dispersées ne sont plus perceptibles pour le nez humain. Le procédé est non sélectif et fonctionne donc quels que soient les composés à l’origine de l'odeur.
Aujourd’hui, une cinquantaine d'applications – en fixe ou mobile – sont installées en France et à l’étranger (séchage solaire, compostage, industries agro…). C’est un équipement robuste et simple d’utilisation, le seul consommable étant l’énergie électrique. Selon les applications, deux tailles sont à la gamme : l’extracto pulseur (120 000 m³/h) et le pulseur (300 000 m³/h).
Autre solution pour les sites ouverts et parfois les canalisations, la pulvérisation de produits masquants et/ou destructeurs d’odeurs. Le principe repose sur une réaction chimique entre les molécules constituant les odeurs (sulfure, mercaptan, ammoniac, amines etc.) et d’autres molécules pour obtenir des molécules nouvelles plus grosses, moins volatiles (plus condensables) ne générant pas d’odeur. Westrand, Biothys, Lenntech, Klearios, OGP Consulting et RAM Environnement fournissent ces produits et équipements parfois sous forme de diffuseur statique (Airforce 1 de Biothys) ou de diffusion sèche sans eau, très économique (Klearios). La pulvérisation n’est déclenchée que dans les situations sensibles, par exemple certaines directions de vent, ou lors de phases de travaux, pour limiter la consommation ; la modélisation de dispersion d’odeurs trouve ici toute son utilité.
Le procédé de traitement Norasystem® développé par les Laboratoires Phodé, mis en œuvre par OGP Consulting, permet d’agir en curatif sur la pollution olfactive « sans masquage, ni neutralisation » explique-t-on chez les Laboratoires Phodé. « Une fois diffusé au contact des composés odorants organiques, le principe actif d’origine végétale catalyse instantanément la réaction de minéralisation. Les molécules se retrouvent définitivement sous leur forme minérale, inerte, non toxique, stable et inodore. Ce procédé de traitement est modulable et permet de traiter les espaces ouverts ou confinés et les flux canalisés avec les systèmes de diffusion air-liquide générant la plus grande surface réactionnelle. »
Les produits masquants ne font cependant pas l’unanimité. « Une étude de l’Ademe menée sur le sujet n’a pas permis d’établir leur efficacité réelle en terme de réduction de la concentration d’odeur, on observe même parfois un effet surodorant. Toutefois des modifications sur l'intensité et de la nature de l'odeur ont pu être constatées » souligne Sébastien Cougoulic.
Après collecte, il faut traiter
Lorsque l'on a collecté l’air odorant, il faut détruire les odeurs, soit par voie chimique, soit par voie biologique. Les débits sont parfois importants : le centre de valorisation organique de Lille Métropole qui
L’installation, qui reçoit 180 000 t/an de déchets, est ventilée à 350 000 m³/h. L’air passe d’abord dans des tours de lavage puis dans un biofiltre. Pour réduire les volumes, on peut procéder au captage à la source, ce qui évite le mélange de familles d’odeurs, puis procéder à une ventilation des locaux par dilution.
Le biofiltre s’est fortement développé car n’utilisant pas de réactif : les bactéries consomment les odeurs et aussi des COV. Elles sont fixées sur des supports minéraux beaucoup plus durables : « jusqu’à 15 ans » affirme Annaick Rouxel d’Algotec International qui propose des biofiltres sous forme modulaire en conteneur isotherme abritant aussi la partie commande. « Les bactéries utilisées sont développées spécifiquement pour le traitement des odeurs ; nous avons un système de recyclage/arrosage pour maintenir le support actif. Notre granulat Triod offre une surface de 50 m²/g avec des pores de 0,01 à 0,1 µm pour fixer la biomasse ». La forme conteneur permet une installation rapide sans beaucoup de travaux. De nombreuses sociétés proposent des biofiltres : Algotec International, Degrémont, Airépur Industries, GreenPro, DMT (Odourex avec support mousse plastique), Klearios, Europe Environnement, TC Plastic, Waterleau (Bioton et Belair avec prélavage).
Une des limites du biofiltre est le débit maximum traitable (au moins 100 000 m³/h) et des concentrations en hydrogène sulfuré et ammoniac moyennes sous peine de faire périr les bactéries. D’où l’association fréquente de biofiltre avec du lavage de gaz chimique : traitement à l’acide, à la soude puis à l’hypochlorite. Mais le biofiltre peut servir aussi à réduire la consommation de réactifs chimiques grâce à différents types d’associations.
Dépollution d’air et élimination des odeurs dans les cimenteries
La fabrication du ciment est un procédé énergivore : l’énergie représente de 40 à 60 % des coûts de production. La cuisson du clinker est l’étape la plus critique en termes de consommation d’énergie et d’émissions dans l’atmosphère. Au cours de cette phase, les matières premières sont acheminées au sein d’un four rotatif où elles sont séchées, préchauffées, calcinées et frittées pour produire le clinker de ciment à des températures proches de 2 000 °C.
C’est ainsi que les cimentiers favorisent, dans la cuisson du clinker, la substitution des combustibles conventionnels (charbon, coke de pétrole, fuel lourd) par une grande variété de combustibles, sous-produits d’autres procédés industriels et déchets aussi bien liquides (huiles usagées, solvants, etc.) que solides (pneus usagés, sciures de bois, déchets plastiques, papier, carton, farines animales, boues d’épuration, etc.). De plus, les matières premières de base issues d’un mélange de calcaire, d’argile, de quartz et de minerais de fer sont partiellement remplacées par des déchets et sous-produits (cendres volantes, déchets de démolition, sable de fonderies, laitier de haut fourneau, etc.). L’utilisation de ces combustibles alternatifs et matières premières secondaires augmente les émissions atmosphériques de polluants tels que les poussières, les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO), les composés organiques volatils (COV), les dioxines et furanes, et génère des odeurs.
Les techniques de dépollution d’air utilisées jusqu’à présent dans les cimenteries sont la Réduction Sélective Catalytique (SCR, pour Selective Catalytic Reduction) pour abattre les NOx et des filtres électrostatiques pour le dépoussiérage. Cependant, ces techniques sont inadaptées pour le traitement du CO, des COV, des dioxines et furanes et ont une efficacité limitée pour l’élimination des odeurs. De plus, les catalyseurs SCR sont régulièrement désactivés par des poisons de catalyseurs comme le soufre, le phosphore et les métaux lourds.
Deux sociétés autrichiennes, le groupe de technologie environnementale Chemisch Thermische Prozesstechnik GmbH et le cimentier Wopfinger Baustoffindustrie GmbH, ont récemment développé un concept technologique innovant pour la dépollution d’air et l’élimination des odeurs dans les cimenteries : un Oxydeur Thermique Régénératif (RTO, pour Regenerative Thermal Oxidizer) intégrant un système DeNOx par Réduction Sélective Non-Catalytique (SNCR, pour Selective Non-Catalytic Reduction). En amont du RTO est installé un filtre à manches pour l’abattement des poussières.
Les effluents gazeux issus de la cuisson du clinker et de deux autres étapes du procédé (concassage et séchage), constituant un débit total de 200 000 Nm³/h, sont introduits au sein du RTO où le CO, les COV, les dioxines et furanes sont oxydés dans une chambre de combustion à une température de 950 °C alors que les NOx y sont réduits par SNCR grâce à l’introduction d’ammoniac via des buses d’injection. Le taux d’abattement des odeurs est le plus élevé possible. Le caractère régénératif du RTO provient de la régénération d’énergie qui se fait par le biais d’échangeurs de chaleur constitués de blocs céramiques en nids d’abeilles. Un fonctionnement cyclique entre les échangeurs en céramique réduit au strict minimum le besoin en énergie extérieure du RTO.
Ainsi, les combustibles alternatifs et matières premières secondaires peuvent être intégrés à la fabrication du ciment sans restriction, tout en garantissant des émissions atmosphériques sans odeurs et conformes aux exigences réglementaires.
Association de ces principes sont possibles.
« Degrémont a développé la gamme Azurair : B pour biologique, B Twin biologique en deux étages pour les petites stations, Boost avec prétraitement biologique puis finition physico-chimique, ce qui économise sensiblement les réactifs chimiques, et C physico-chimique ».
L’avantage de la voie chimique repose sur sa capacité à absorber des bouffées concentrées d’odeurs.
Les laveurs de gaz occupent de la place, les tours peuvent avoir 4 m de diamètre et 7 à 8 m de haut. « Veolia Environnement a développé et breveté des laveurs de gaz plus compacts qui pourront être placés au plus près des sources », indique cependant Christophe Renner.
Si l'on craint des odeurs résiduelles, il est possible de recourir au charbon actif, une solution très efficace mais assez coûteuse, plutôt réservée à cette étape finale.
Surveiller, modéliser, simuler
Pour s'affranchir du côté subjectif, de la variabilité des perceptions d’odeurs, plusieurs réponses sont apportées. Les jurys de nez avec des professionnels et des volontaires sont utiles pour identifier des sources, répertorier des situations. Un moyen utile pour les relations entre industriel et voisinage mais a posteriori. D’où le développement depuis une dizaine d’années des nez électroniques qui travaillent en continu sans saturation (perte de sensibilité). Ils servent à diagnostiquer une situation mais doivent être calés (étalonnés) pour chaque situation afin d’adapter le profil d’odeurs. Ils sont généralement associés à des modèles de dispersion atmosphérique. « L’information d’odeur sert ensuite à prendre des décisions comme éviter ou différer des opérations, déclencher la dispersion de produits masquants. Veolia a 80 sites équipés dans le monde », explique Christophe Renner. Degrémont lance en 2013 Azurair Scan et Azurair Scan Sensor, des solutions de détection et de correction.
Louis Vivola, responsable produits environnement d'Alpha Mos, indique une autre retombée du suivi d'odeur : la meilleure compréhension des installations et de leur exploitation. D'autres sociétés, comme Odotech avec son Odowatch, développent des produits comparables.
Odotech S.A.S revendique ainsi 78 % du marché avec des solutions multi-sites intégrées pour la mesure, la surveillance et le contrôle dynamique des odeurs et des composés chimiques associés. Les nez électroniques de la solution OdoWatch® possèdent un ensemble de seize capteurs MOS permettant d'avoir un large éventail de réactions différenciées et une précision accrue en fonction des modifications des process. L'intégration d'un logiciel de modélisation de dispersion des odeurs permet alors la visualisation en temps réel de l'impact olfactif du site et une meilleure compréhension par la génération de rapports automatiques pour la mise en place d'actions ciblées. De plus, OdoWatch®, totalement configurable et déclinable en version multi-sites depuis maintenant quatre ans (Cap Ecologia à Pau), intègre des capteurs spécifiques en fonction des besoins opératoires (Yorkshire Water, UK) mais également une plateforme web pour recevoir les observations des riverains (Veolia Eau Maxéville, Agglomération de Montpellier, Saur Saint-Gilles-Croix-de-Vie). Jean-Michel Turmel, directeur commercial, indique que « parmi la centaine d'usagers de OdoWatch®, on a observé des retours sur investissement de 10 % à 90 % par an (baisse des consommables et du coût énergétique, gain de productivité) tout en réduisant les plaintes d'odeurs grâce à l'approche globale d'un système OdoWatch® ».
Mais les nez électroniques souffrent encore d'un manque de sensibilité des capteurs et surtout d'une dérive dans le temps due à l'humidité, ce qui peut nécessiter une recalibration des capteurs. Sébastien Cougoulic souligne également que la norme EN 13725 de détermination de la concentration d'odeur précise qu'on peut mesurer des unités d'odeur par mètre cube à partir d'un panel de nez humains et en aucun cas à partir d'un équipement de mesure. La situation change avec le CairClip développé par Cairpol pour l'hydrogène sulfuré et le méthyl mercaptan, dont la sensibilité tombe à quelques ppb, soit de l'ordre de la limite de sensibilité du nez. Veolia Environnement les a testés sur une station d'épuration avec beaucoup d'intérêt et Degrémont les utilise dans sa solution Azurair Scan Sensor installée sur la station de Ciudad Juarez au Mexique. C'est un développement complet : capteur, poste de mesure Cairbox (capteur, panneau solaire, système de télécommunication), logiciel CairMap (interface graphique et traitement des données). On peut ainsi suivre tout l'historique des mesures de chacun des capteurs. Le capteur électrochimique est très stable et n'a pas besoin de réétalonnage pendant un an. Un point de mesure coûte de l'ordre de 1 000 €, un site bien quadrillé coûtera de 20 à 30 k€. Un coût rapidement amortissable au regard des économies de produits réalisables et d'éventuelles amendes.
Aroma Consult propose un système d'observatoire d'odeurs appelé ODOURMAP qui permet pour la première fois de visualiser l'impact des sources d'odeurs d'un site (par modélisation) et la perception de riverains, de réseau de messagers, par une communication en temps réel par SMS et internet, et un reporting des résultats sur un site web. Dans cette application, pas besoin de capteurs ou de nez électronique.
Ces approches tendant à contrôler en permanence les émissions odorantes d'un site permettent-elles de répondre dans tous les cas aux réglementations en vigueur ou aux arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploiter ? « Seules les approches basées sur l'utilisation de la norme EN 13725 pour la mesure des unités d'odeurs sur site ou la norme NF X 43-103 pour la mesure des intensités d'odeurs dans l'environnement, couplées ou non à de la modélisation, sont aptes à répondre aux contraintes réglementaires », rappelle Étienne de Vanssay, Cap Environnement.