Dans les stations de traitement des déchets, le désencrage des emballages imprimés utilisant les solvants organiques ne sont ni écologiques ni sélectifs puisqu'ils entraînent également certains matériaux de l'emballage support de l'encre (monomères, polymères, additifs, etc.). La technique que nous avons consignée dans cette étude permet d'extraire l'encre de l'emballage de manière peu énergétique, sélective et « amie de l'environnement » : elle utilise l'eau de mer comme solvant d'extraction et s'intéresse aux paramètres climatiques naturels (température, salinité, luminosité, effet de la vague, abrasion par le vent et le sable, etc.) pour favoriser le désencrage. Ce procédé mentionné est simulé au laboratoire et a été optimisé pour un ensemble d'emballages imprimés employant une gamme d'encres distinctes. Les produits encrifères de lessivage obtenus par cette technique économique et écologique sont analysés par les méthodes spectrométriques et chromatographiques ce qui a permis d'identifier les composants colorants et certains éléments extractibles des encres d'impression relatifs aux emballages.
La technique que nous avons consignée dans cette étude permet d’extraire l’encre de l’emballage de manière peu énergétique, sélective et « amie de l’environnement » : elle utilise l’eau de mer comme solvant d’extraction et s’intéresse aux paramètres climatiques naturels (température, salinité, luminosité, effet de la vague, abrasion par le vent et le sable, etc.) pour favoriser le désencrage.
Ce procédé mentionné est simulé au laboratoire et a été optimisé pour un ensemble d’emballages imprimés employant une gamme d’encres distinctes.
Les produits encrifères de lessivage obtenus par cette technique économique et écologique sont analysés par les méthodes spectrométriques et chromatographiques, ce qui a permis d’identifier les composants colorants et certains éléments extractibles des encres d’impression relatifs aux emballages.
Le désencrage des emballages imprimés au sein des stations de traitement des déchets est encore largement effectué au moyen de solvants organiques [1]. Cependant, du fait de leur toxicité et de leur manque de sélectivité, d’autres alternatives plus écologiques ont déjà été envisagées. Citons par exemple l’emploi de surfactants biodégradables, non-toxiques et non-volatils [1, 2, 3], sachant que les surfactants cationiques sont généralement les plus utilisés pour le désencrage.
Dans cette étude, on expose une méthode originale d’extraction sélective des encres d’impression contenues sur les emballages alimentaires imprimés (sachets, canettes, boîtes de conserve, pots de yaourt, étiquettes, etc.). Cela consiste à désencrer ces packagings par un mode opératoire simulant le naturel en utilisant comme solvant l’eau de mer (salinité, pH) avec des effets d’intempéries relatifs (température, lumière, effet de vague et abrasion).
Mots clés :
Encres, désencrage, eau de mer, environnement, métaux lourds, chromatographie, spectrométrie.
Tableau 1 : Moyenne mensuelle des données météorologiques de la région choisie pour l'étude
Mois | Température minimum moy (°C) | Température maximum moy (°C) | Température de l'eau moy (°C) | Heures de soleil moy (h) |
---|---|---|---|---|
Juin | 20 | 28 | 21 | 14 |
Juillet | 22 | 31 | 24 | 12 |
Août | 23 | 30 | 26 | 11 |
Septembre | 21 | 29 | 27 | 9 |
Valeur moyenne | 21,5 | 29,5 | 24,5 | 11,5 |
Ce procédé breveté de désencrage à l'eau de mer mimée au laboratoire est donc écologique et économique et pourrait être pratiqué aisément dans les stations de recyclage des emballages imprimés.
Pour développer cette méthode, on se propose de réaliser d'abord plusieurs essais de désencrage d’emballages imprimés au moyen d'une eau de mer naturelle (de salinité connue), en respectant les conditions météorologiques de la zone choisie pour l'étude.
Afin d’identifier les composants extractibles par l’eau de mer, les filtrats aqueux issus de ce lessivage sont analysés par spectrométrie UV/Vis et leur teneur en métaux lourds est déterminée par spectrométrie ICP-AES. La phase organique du filtrat aqueux est ensuite extraite et caractérisée par couplage GC-MS, après optimisation du programme de température du four.
Enfin, la littérature mentionne plusieurs paramètres tendant à favoriser le désencrage des emballages imprimés dans les stations de traitement des déchets. Parmi eux on compte la température, le pH, l'agitation et l'emploi d’abrasifs, la salinité, etc. [1, 2, 3, 4]. Très peu de travaux, à notre connaissance, parlent de la lumière comme facteur cinétique du désencrage.
Et, comme nous avons privilégié dans cette étude l'eau de mer comme solvant d’extraction de l’encre, on a voulu déterminer quels paramètres pouvaient jouer un rôle déterminant dans le désencrage des emballages imprimés : grandeurs caractéristiques de l'eau de mer (salinité, pH) et effets des intempéries (température, lumière, effet de vague et abrasion par le sable). Pour mettre en place un système d’extraction des encres de leur support qui serait à la fois peu énergétique et « ami de l'environnement », on doit donc trouver un compromis entre la température du procédé, l'emploi de produits chimiques [3, 4], le temps d’agitation, la salinité de la solution [1], etc.
Matériel et méthodes
Échantillons
On a soumis à l’étude plusieurs emballages imprimés : des canettes de boissons gazeuses, des boîtes de conserve, des étiquettes de bouteilles de boisson, des pots de yaourt et des films en plastique divers.
Essais de lessivage par l’eau de mer d’emballages commerciaux
L'eau de mer est prélevée à une profondeur de 2 m ; sa salinité est de 28,860 ‰ (région de Maamoura, pointe du Cap Bon, Tunis). Les conditions météorologiques de cette zone de 2000 à 2011 (période de l’étude) pour les mois de juin à septembre sont données dans le tableau 1.
L'insolation mensuelle moyenne est donc de 13,6 jours (soit 13 jours et 14 heures).
Dans un erlenmeyer de 250 ml, on met en présence de 10 cm² d’emballage imprimé (canettes, conserves, étiquettes papier, étiquettes autocollantes) avec 100 ml d’eau de mer préalablement filtrée (pour éliminer le sable, les algues, etc.).
Pour simuler ces conditions à l’échelle du laboratoire on règle la température du mélange à 29 °C. La température de l'eau est en effet plus élevée le long des plages peu profondes.
Pour avoir un éclairage qui ressemble à celui d'un ciel clair ensoleillé (efficacité lumineuse de 105 à 115 lumens/W) [5] on expose les mélanges à 2 lampes fluo-compactes de 66 lumens/W et on mène l’expérience pendant 13 jours et 14 heures.
Après cette période, on filtre l’extrait aqueux et on analyse le filtrat et les matières en suspension.
Caractérisation du filtrat aqueux par spectrométrie UV/Vis et ICP-AES
Le filtrat aqueux issu du lessivage des encres d’impression est placé dans la cuve du spectromètre (de marque CECIL et de type CE 3055 à réflectance, 190-1000 nm). On en détermine la ou les longueur(s) d’onde maximale(s) λmax ainsi que l'absorbance correspondante. On aura ainsi la possibilité d'identifier les couleurs constitutives de nos échantillons et d’évaluer qualitativement le lessivage des encres [6, 7, 8, 9].
Un autre volume du filtrat aqueux est analysé au moyen d’un spectromètre d’émission atomique couplé à un plasma induit (ICP-AES) de type JY ULTIMA avec un montage optique Czerny-Turner. La gamme spectrale est de 120 à 800 nm. On cherche à en déterminer la teneur en métaux lourds (Pb, Cd, Cr, Co, Mn, Mo, Ni, Zn, Cu, Fe) [6, 10, 11].
Les conditions d’analyse sont données comme suit : observation radiale du plasma ; fréquence de 40,68 MHz ; contrôle des débits de gaz et de la pompe péristaltique par ordinateur ; refroidissement à l’air ; débits de gaz plasma (12 l/min), auxiliaire (0 l/min), de gainage (0,2 l/min), de nébulisation (0,9 l/min) ; pression du
Tableau 2 : Analyse spectrométrique (UV/Vis) du filtrat aqueux après lessivage d’emballages de différentes couleurs
Support immergé – λmax de l’encre extraite au solvant(2) (et couleur)(3) – λmax (Abs.) du filtrat aqueux (et couleur)(1) – Eau de mer |
---|
• Canette jaune : 424,9 nm (0,040) – Jaune clair ; 525,0 nm (0,052) – Orangé rouge |
• Canette verte foncée : 753,8 nm (0,040) – Vert-jaune ; 495,1 nm (0,066) – Jaune Plusieurs petits pics : 446,7 nm (0,019) – Jaune vert |
• Canette verte claire : 389,8 nm (0,008) – Jaune vert ; 714,8 nm – Vert-bleu ; 743,4 nm (0,017) – Vert-jaune ; 864,3 nm (0,017) – Vert-jaune |
• Canette rouge : 505,5 nm (0,080) – Orangé rouge |
• Conserve rouge : 436,6 nm – Jaune ; 582,2 nm (0,026) – Rouge moyen |
• Capsule rouge : 448,3 nm – Orangé ; 515,9 nm (0,046) – Orangé rouge |
• Etiquette rouge : 424,9 nm – Jaune vert ; 605,6 nm – Bleu-vert |
• Etiquette bleue : 714,8 nm – Vert-bleu |
• Autocollant rouge : 545,8 nm (0,024) – Rouge moyen |
• Film sandwich rouge : 519,8 nm – Orangé rouge ; 502,9 nm (0,017) – Orangé rouge |
(1) Aucun pic significatif (pas de soluble).
(2) Les encres sont extraites de l’emballage au moyen d’un solvant organique (après essais de solubilité).
(3) Voir tableau de correspondance (6, 17).
Gaz de nébulisation de 2,8 bars ; débit de l’échantillon de 1 ml/min.
Extraction de la phase organique du filtrat aqueux et caractérisation au GC-MS
Au moyen d’une ampoule à décanter, on extrait la phase organique du filtrat aqueux en utilisant un solvant organique adéquat (le chloroforme dans notre cas). L’extrait obtenu est évaporé sous la hotte puis traité par du sulfate de sodium anhydre (pour éliminer toute trace d’eau). Après optimisation du programme de température du four (12, 13, 14), on analyse les extraits organiques au GC/MS (colonne chromatographique de type HP5-MS – 30 mm × 0,25 mm × 0,25 μm) en utilisant le programme suivant :
Température initiale : 45 °C ; Temps initial : 3 min ; Température finale : 280 °C ; Débit : 8 °C/min ; Temps final : 10 min
Seuls les éléments volatils du véhicule seront aisément analysables au GC/MS [12, 14, 15].
Essais de désencrage faisant intervenir plusieurs paramètres : salinité, température, pH, agitation et emploi d’abrasifs, lumière.
On réalise les différents essais avec une étiquette rouge imprimée avec l’encre formulée avec un pigment organique : le Pigment Rouge 57 (voir figure 2).
• Influence de la salinité L’eau de mer est constituée principalement de chlorure de sodium (NaCl) [16]. Pour 1 litre d’eau de mer on compte environ 25,9 g de NaCl. Dans une fiole de 500 ml on place donc 12,59 g (= 25,9 g / 2) de NaCl et on complète avec de l’eau distillée : on obtient de l’eau « salée » de salinité semblable à celle de l’eau de mer simulée. On réalise le protocole qui suivra avec deux autres salinités, soit 6 g et 18 g dans 500 ml d’eau.
• Influence de la température On place dans des erlenmeyers différents des copeaux d’emballages (10 cm²) avec 100 ml d’eau de mer simulée. Chaque solution est portée à une température définie (25, 45 et 55 °C) et agitée pendant 7 jours.
• Influence du pH On prépare quatre erlenmeyers contenant les copeaux d’emballage (10 cm²) et de l’eau de mer simulée ajustée respectivement à des pH de 5, 7, 10 et 11. Les échantillons sont agités durant une semaine.
• Influence de l’emploi d’abrasif et du temps d’agitation Pour voir l’effet du temps d’agitation et des abrasifs sur le désencrage, on prépare des erlenmeyers contenant des copeaux imprimés (10 cm²) et de l’eau de mer simulée (100 ml) sous agitation 2 jours, 3 jours et 1 semaine avec et sans abrasifs.
• Influence de la lumière On place dans des erlenmeyers distincts des copeaux d’étiquettes colorées (10 cm²) avec 100 ml d’eau de mer simulée. Les solutions sont au repos 7 jours, 30 jours (~ 1 mois) et 45 jours (~ 1 mois et demi) à l’obscurité ou à la lumière (emploi de 2 lampes fluocompactes de 66 lumens/W) en respectant la luminosité d’un ciel ensoleillé (105 à 115 lumens/W).
NB : Après chaque essai de désencrage, le filtrat aqueux est analysé par spectrométries UV/Vis.
Résultats et discussion
Suite aux essais de lessivage des emballages commerciaux (voir paragraphe 2.2), on remarque que toutes les solutions d’eau
Les eaux de mer sont légèrement colorées. La coloration la plus significative est celle obtenue avec l’étiquette rouge. Les résultats de l’analyse spectrométrique (UV/Vis) du filtrat aqueux obtenu sont consignés dans le tableau 2 et les spectres sont présentés dans les figures 3 à 6.
Aucun pic significatif (pas de solubilité). Les encres sont extraites de l’emballage au moyen d’un solvant organique (après essais de solubilité).
Sous l’effet de l’eau de mer, les encres d’impression sont pour la plupart extraites des emballages étudiés : c’est le cas des canettes métalliques, des étiquettes en papier (étiquette rouge et bleue) et de l’autocollant rouge. Certaines encres n’ayant pas été lessivées par des solvants organiques ont pu l’être par l’eau de mer (canette jaune et verte).
Les encres rouges, qui sont souvent à base du pigment Rouge 57, sont extraites par l’eau de mer (cas des encres pour étiquettes). Certaines encres jaunes (Jaune 13) et bleues (à base de phtalocyanine de cuivre) sont également lessivées.
Remarque : les encres rouges de plusieurs emballages (étiquette, conserve, canette, capsule et film) sont lessivées par l’eau de mer simulée. Ces encres sont pour la plupart constituées de résines alkyde (boîte de conserve, capsules métalliques), surimpression à base de résine époxy (capsule) ou de résine acrylique (conserve). Des canettes revêtues de résines plastifiantes ont également été lessivées par l’eau de mer. Même l’encre rouge d’un film en « sandwich » a été extraite.
Puis, après avoir mesuré la teneur en métaux lourds du filtrat aqueux suite à ce lessivage (voir la partie spectrométrie ICP-AES dans le paragraphe 2.3), plusieurs points sont à mentionner : l’eau de mer mise au contact des sachets imprimés extrait, pour certains cas, des teneurs élevées de plomb et de chrome. C’est surtout le cas des sachets rouges et jaunes dont les teneurs en plomb sont supérieures à 400 µg/l alors qu’elles sont inférieures à 1 µg/l pour les filtrats aqueux des autres emballages imprimés.
Les encres rouges des boîtes de conserve sont constituées de résines aliphatiques et de polyesters. Elles sont lessivées par l’eau de mer même si elles sont protégées par des vernis.
Les sachets rouges et jaunes ont des teneurs en chrome supérieures à 65 µg/l alors qu’elles sont inférieures à 0,5 µg/l pour les autres filtrats aqueux. Ensuite, les sachets rouge et bleu délivrent une importante quantité de cuivre : les teneurs des filtrats aqueux sont respectivement égales à 9 et 14 µg/l alors qu’elles sont inférieures à 0,5 µg/l pour les filtrats des autres emballages imprimés. L’eau de mer lessive légèrement les films imprimés en « sandwich » et les pots de yaourts imprimés et seule une faible quantité de cadmium et de manganèse est extraite. Enfin, toutes les étiquettes lessivées par l’eau de mer libèrent du zinc, et l’étiquette rouge libère une quantité plus importante que les autres de cadmium (6 µg/l pour l’étiquette rouge et < 0,5 µg/l pour les autres étiquettes). Les emballages en général libèrent de légères quantités de nickel (5-9 µg/l ; valeurs proches du blanc).
de cadmium (~ 6 µg/l), de cobalt (7-10 µg/l ; valeurs proches du blanc), de manganèse (~ 4-7 µg/l). Aucun emballage ne libère de fer (< 5 µg/l).
Ensuite, les résultats de l'identification des extraits organiques issus du lessivage des emballages commerciaux (voir paragraphe extraction de la phase organique du filtrat aqueux et caractérisation au GC-MS) sont présentés dans le tableau 3.
Les molécules organiques lessivées peuvent être des amines aromatiques (1H-Pyrazolo[3,4-d]pyrimidin-4-amine) provenant généralement du liant de l’encre d’impression. On a aussi des molécules de 1-Butoxy-2-ethylhexane provenant soit de monomère acrylate d’encre UV (PETIA) soit d’additifs de ces mêmes encres. On trouve aussi des esters d’acide gras comme le 9,12-Octadecadienoic acid (Z,Z)-, phenylmethyl ester (voir yaourt rouge) ou le 9-Octadecenoic acid (Z)- phenylmethyl ester (ou benzyl oleate) (voir yaourt violet) pouvant provenir de plastifiants servant à la formulation des encres offset. Puis, le Dodecanamide du yaourt orange est certainement issu de photo-amorceurs utilisés dans les encres UV. Pour les étiquettes papiers lessivées par l'eau de mer, la molécule de 7-hexadecenal, (Z) identifiée provient d’esters servant de diluant des encres offset. Enfin, dans le filtrat organique des capsules métalliques, on trouve des plastifiants (le DIOP) et des traces de diluants à base d’ester (le benzyl benzoate).
Les derniers essais effectués au cours de cette étude nous révèlent les paramètres ayant un impact sur le désencrage des emballages imprimés. D’abord, les résultats de l’analyse par spectrométrie UV/Visible du filtrat aqueux obtenu après variation de la salinité, de la température, du pH, de l'agitation, de l’abrasion et de la luminosité des solutions d’eau de mer simulée sont donnés dans le tableau 4.
L’étude des spectres UV/Visible du filtrat aqueux issu du lessivage de l’étiquette rouge montre que certains paramètres influencent considérablement l’extraction de l’encre rouge de son support (voir tableau 4).
D’abord, on observe une nette différence entre une étiquette lessivée avec de l’eau distillée simple (sans NaCl) et une étiquette lessivée avec de l’eau « salée » (avec NaCl). Dès qu’il y a une certaine teneur en sel dans la solution de lavage, l’absorbance de la solution est plus élevée et l’extraction de l’encre est donc plus remarquable (on passe de 0,006 sans sel à 0,016 avec 6 g de NaCl). Et, l’absorbance augmente davantage avec une élévation de la salinité : les absorbances sont de 0,016, 0,044 puis 0,068.
Tableau 3 : Identification des extraits organiques issus du lessivage des emballages commerciaux
Emballage lessivé par l'eau de mer | Identification au GC/MS de l'extrait organique |
---|---|
Yaourt rouge | 1-Butoxy-2-ethylhexane ; 9,12-Octadecadienoic acid (Z,Z)-, phenylmethyl ester |
Yaourt orange | Dodecanamide |
Yaourt violet | 9-Octadecenoic acid (Z)- phenylmethyl ester (= benzyl oleate) |
Sachet marron | 1H-Pyrazolo[3,4-d]pyrimidin-4-amine |
Étiquette jaune moutarde | 7-hexadecenal (Z) |
Capsule blanche | Phthalic acid, butyl undecyl ester (proche du DIOP) |
Capsule rouge | Benzyl benzoate ; DIOP |
Tableau 4 : Analyse par spectrométrie UV/Visible du filtrat aqueux et influence des paramètres mis en jeu
Paramètre d’essai : Salinité (eau salée)
Conditions | Absorbance λ_max |
---|---|
Eau distillée (pas de NaCl) | 0,006 |
Eau + NaCl à 6 g | 0,016 |
Eau + NaCl à 12,95 g | 0,044 |
Eau + NaCl à 18 g | 0,068 |
Paramètre d’essai : Température (eau simulée)
Conditions | Absorbance λ_max |
---|---|
40 °C | 0,018 |
50 °C | 0,020 |
60 °C | 0,082 |
Paramètre d’essai : pH (eau simulée)
Conditions | Absorbance λ_max |
---|---|
pH 5 | 0,034 |
pH 7 | 0,077 |
pH 10 | 0,106 |
pH 11 | 0,135 |
Paramètre d’essai : Abrasifs et temps d’agitation (eau simulée)
Conditions | Absorbance λ_max |
---|---|
Sans abrasif – 2 j | 0,019 |
Sans abrasif – 3 j | 0,025 |
Sans abrasif – 7 j | 0,033 |
Avec abrasif – 2 j | 0,036 |
Avec abrasif – 3 j | 0,283 |
Avec abrasif – 7 j | 0,471 |
Paramètre d’essai : Lumière et temps de repos (eau simulée)
Conditions | Absorbance λ_max |
---|---|
Obscurité – 7 j | 0,008 |
Obscurité – 1 mois | 0,016 |
Obscurité – 1,5 mois | 0,009 |
Lumière – 7 j | 0,022 |
Lumière – 1 mois | 0,022 |
Lumière – 1,5 mois | 0,014 |
avec respectivement 6 g, 12,95 g et 18 g de NaCl en solution.
Une élévation de la température et du pH favorise également le lessivage de l'encre par l'eau de mer. En passant en effet de 40 à 60 °C l'absorbance de la solution passe de 0,013 à 0,032. Et, pour une solution de lavage acide de pH 5 vers des solutions de plus en plus basiques de pH 10 et 11, on passe d'une absorbance respectivement de 0,031 à 0,106 et 0,135.
Ensuite, le temps d’agitation joue certes un rôle dans l’augmentation du désencrage des étiquettes mais, lorsque cette agitation est couplée à la présence d’abrasifs en solution, le désencrage est nettement plus remarquable. Ainsi, une augmentation du temps d’agitation sans emploi d’abrasif amène à une légère élévation de l’absorbance de la solution : 0,019 pour 2 jours, 0,025 pour 3 jours et 0,019 pour 7 jours d’agitation. Pour les mêmes temps d’agitation mais en présence d’abrasifs, on a : 0,036 pour 2 jours, 0,283 pour 3 jours et 0,471 pour 7 jours.
Les abrasifs jouent donc un rôle déterminant dans le désencrage des étiquettes imprimées.
Enfin, dans l'obscurité sans agitation, le lessivage est quasi-nul. La présence de lumière augmente l’extraction des encres. On passe ainsi d'une absorbance de 0,008 pour 2 jours à l’obscurité à 0,022 pour la même période à la lumière.
Conclusions
On observe que, sous l’effet de l’eau de mer, la plupart des encres d'impression sont extraites des emballages imprimés tels que les canettes, les capsules et les conserves métalliques, mais aussi les films en plastique ou les étiquettes en papier. Le lessivage des encres rouges est d’ailleurs assez remarquable.
De plus, certaines encres n’ayant pas été extraites par des solvants organiques, ont pu l’être par l'eau de mer.
Quelques supports imprimés (tels que les sachets) libèrent des quantités remarquables de plomb, de chrome, de cuivre et même de cadmium (cas des étiquettes rouges).
Les composés organiques lessivés par l'eau de mer sont généralement issus du liant des encres. On compte ainsi des amines aromatiques, des molécules monomères, des additifs et autres plastifiants (esters d’acide gras), des dérivés de photo-amorceurs, ou encore des esters employés comme diluant de certaines encres.
Puis, les matières en suspension renferment des teneurs en métaux lourds bien plus élevées que les filtrats aqueux.
On note enfin que trois paramètres favorisent considérablement le désencrage du support imprimé : une élévation de la salinité, de la température et du pH des solutions de lavage. Le temps d’agitation joue aussi un rôle dans l’augmentation du désencrage des emballages mais, lorsque cette agitation est couplée à la présence d’abrasifs en solution, le désencrage est nettement plus remarquable. La lumière est également un léger facteur cinétique d’extraction des encres de leurs supports.
Cette méthode de désencrage à la fois écologique et économique, expérimentée et optimisée à l’échelle du laboratoire, peut donc être un atout majeur pour les stations de traitement ou de recyclage des déchets imprimés [18].
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