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Performances du traitement des odeurs en usine d'épuration : ce que l'on est en droit d'attendre

30 juillet 2008 Paru dans le N°313 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : Eric GUIBELIN, Jean VERGUET et Karine KACZOR

Les exigences en termes de traitement des nuisances olfactives deviennent de plus en plus fortes en raison de pressions riveraines d'une part et, d'autre part, de traitements des eaux et des boues plus poussés. Ces traitements impactent le niveau d'émission de composés odorants. Le SNITER attire par conséquent l'attention des professionnels sur ce qui, compte tenu du coût du traitement, peut être raisonnablement demandé en termes de performances par les techniques classiques dans leur mise en oeuvre usuelle. Ces performances sont exprimées soit en niveaux de concentrations, soit en unités d'odeur en fonction des traitements les plus courants que sont la biodésodorisation, le lavage chimique, le charbon actif et les traitements thermiques. Il convient en particulier de rester mesuré sur le niveau d'odeur attendu en sortie des traitements, notamment en cas de COV abondants dans l'air à traiter.

La prise en compte des nuisances olfactives dans la conception ou la réhabilitation des usines de traitement d’eau usée ne date pas d’hier. Longtemps, les cahiers des charges se sont limités à préciser des niveaux de rejets des polluants odorants les mieux identifiés et les plus abondants, à savoir l’hydrogène sulfuré, l’ammoniac, le méthyl mercaptan et les méthylamines.

Problématique

Mais à l’heure actuelle se développe une exigence sur le niveau de perception des odeurs (exprimé en unité d’odeur UOE par m³ selon la norme européenne NF EN 13725) qui peut se traduire soit par une obligation de niveau au rejet canalisé ; soit, en cas de régime ICPE appliqué aux unités de traitement hors site (type plate-forme de compostage notamment, rubrique 2170 selon le JO du 16/02/2002), par un niveau et débit d’odeur sur la plate-forme en régime de déclaration, ou par une fréquence de perception olfactive dans le voisinage du site en cas de régime d’autorisation (arrêté du 22/04/2008).

En outre, lorsque le type de procédé utilisé occasionne une montée en tempéra-

Mots clés : biodésodorisation, COV, charbon actif, lavage chimique, unités d'odeur, RTO.

Keywords: Biological deodorisation, VOC, Activated Carbon, chemical scrubbing, odour units, RTO.

ture de la boue, qu'il soit biologique (compostage...) ou thermique (séchage...), des composés odorants complexes sont dégagés, tels que les organo-volatils (acides, aldéhydes et cétones) ou autres molécules, parfois aromatiques, pouvant contenir du soufre (composés organiques sulfurés...) ou de l’azote (indole, scatole, etc.). Ces composés sont souvent globalisés sous le vocable de COV, terme général regroupant tout composé organique volatil (hors méthane), qu'il soit d’ailleurs odorant ou non. Leur complexité, souvent liée à une faible hydrosolubilité, les rend généralement difficiles à traiter par les moyens usuels. De ce fait, les niveaux d’odeurs rejetés peuvent être assez élevés, en dépit d'un bon abattement des polluants classiques. C’est pourquoi il nous paraît opportun, dans cet article, de suggérer aux maîtrises d'œuvre et d’ouvrage ce que l’on est en droit d’attendre de ces traitements usuels, soit en termes de concentration, soit en termes d'unité d’odeur, afin de prévenir des exigences de traitement excessives ou discordantes.

Par traitements usuels, nous entendons ce qui est adapté sur la plupart des usines, à savoir :

  • la biofiltration (biodésodorisation), sur support minéral ou organique, à prédominance de flore autotrophe ou hétérotrophe ;
  • le lavage chimique sur 1, 2 ou 3 tours acides, oxydo-basiques ou oxydantes ;
  • le charbon actif, à base de fibre de coco ou de houille, vierge ou imprégné ;
  • les traitements thermiques dédiés, essentiellement le traitement thermique régénératif dit « RTO » utilisé en terme de finition après traitement des polluants sulfurés et azotés.

Recommandations du SNITER

Il s’agit ici de propositions raisonnables en termes techniques et économiques concernant des installations usuelles, sans fortes émissions de COV. Des niveaux de rejet plus contraignants sont possibles mais induisent des surdimensionnements ou des installations plus complexes, et également des investissements plus lourds.

Le traitement thermique (RTO) peut être utilisé en finition dans le cas d’exigences fortes relatives à des installations présentant des rejets élevés de COV, telles celles utilisant des montées en température : atelier de séchage, cuisson des boues, compostage.

Le SNITER propose les choix possibles suivants :

  • Des performances exprimées en unités d’odeur (représentatives du ressenti des populations, réclamant une étape de mesures puis l'utilisation d’un logiciel de simulation de dispersion). Ce type de performances est préconisé plutôt en site sensible, lorsqu'identifié par l'étude d’impact.
  • Des performances exprimées en concentrations de molécules spécifiques – usuellement H₂S, mercaptans, ammoniac, amines, aldéhydes-cétones (d’interprétation plus directe après l’étape de mesures).

Lorsque les performances sont exprimées en unités d’odeur :

a) Soit adaptation des performances exigées en sortie de traitement aux performances usuellement constatées pour différents procédés (les unités d’odeur sont exprimées en sortie de traitement en UOE/m³).

Tableau I : valeurs courantes en unité d’odeur en sortie de traitement

Mode de traitement Valeurs UOE/m³ en moyenne Valeurs UOE/m³ en pointe
Biofiltre 1 000 (*) 2 000 (*)
Tours de lavage 500 (*) 1 000 (*)
Charbon actif 250 500
Traitement thermique (RTO) 1 000 1 500

(*) Avec faibles concentrations de COV en entrée

b) Soit exigences exprimées en UOE dans l’environnement au niveau du plus proche riverain (par similitude avec l’arrêté du 22 avril 2008 sur le compostage). Dans ce cas, une valeur limite de 5 UOE/m³ peut être retenue (en 98ᵉ percentile, selon la norme européenne). Cette valeur ne peut être mesurée directement dans l’environnement de la station car elle est trop sujette aux odeurs ne provenant pas du site de la station. Elle est déterminée à partir d'une mesure olfactive ponctuelle des émissions de chaque source, mesures traitées ensuite par un logiciel de dispersion-diffusion validé en commun par le maître d’œuvre et l’entreprise. Ainsi la gêne effective de la station est déterminée, telle une émergence.

2. Lorsque les performances sont exprimées en concentration :

- Adaptation des performances exigées [...]

[Photo : Lavage chimique tour acide + tour javel/soude (34 000 Nm³/h).]
[Photo : Biofiltre autotrophe (10 000 m³/h)]
[Photo : Tours acides et biofiltres hétérotrophes (2 × 60 000 m³/h)]

En sortie de traitement aux performances usuellement constatées pour différents procédés : les garanties doivent être libellées avec les caractéristiques d’entrée du traitement indiquées ci-après dans le cadre d’un dimensionnement classique : air de ventilation + captation de zones confinées (les concentrations sont exprimées en mg/Nm³ d’air).

  • Rappel : la notion de rendement dépend totalement de l’entrée et n’est pas forcément représentative des flux rejetés en cas de faibles concentrations d’entrée ; elle sera par conséquent écartée.
  • Mesures de concentrations : H₂S, R-SH en chromatographie (en prenant la moyenne de plusieurs mesures instantanées), NH₃, R-NH après barbotage sur quelques heures (4 à 24 h généralement). On notera les valeurs relativement élevées des biofiltres en termes d’UOE, imputables à leur « odeur de fond » liée à leur nature biologique et organique.

Conclusion

La palette des techniques usuelles (biofiltration, lavage chimique, charbon actif) permet sans problème d’atteindre des niveaux de traitement très satisfaisants sur les quatre polluants classiques que sont l’hydrogène sulfuré, les mercaptans, l’ammoniac et les amines. En revanche, il n’est pas raisonnable d’attendre une épuration poussée des composés organo-volatils, lorsqu’ils sont présents, par des moyens simples, c’est-à-dire sans recourir à des dimensionnements coûteux passant par exemple par des temps de séjour accrus dans un biofiltre ou par le recours à la RTO. De ce fait, les unités d’odeurs mesurées en sortie peuvent atteindre 1 000 à 2 000 UOE/m³, ce qui n’est pas une valeur élevée lorsqu’un rejet canalisé, dispersant, est mis en place afin de limiter le niveau perçu par le voisinage.

Tableau II : valeurs courantes en concentrations de polluants en sortie de traitement

Mode de traitement H₂S Mercaptans [RSH] Ammoniac [NH₃] Amines [R-NH] Aldéhydes-cétones (3) COV totaux (4)
VME 7 7
VLE 14 14

Entrée maximale admissible pour le procédé en mg/Nm³

Mode de traitement H₂S Mercaptans [RSH] Ammoniac [NH₃] Amines [R-NH] Aldéhydes-cétones (3) COV totaux (4)
Biofiltres 15 2 10 2 0,5
Tours de lavage 20 3 20 1 2
Charbon actif 20 3 10 1 2
Traitement thermique 500

Sortie garantie (valeurs couramment constatées) en mg/Nm³

Mode de traitement H₂S Mercaptans [RSH] Ammoniac [NH₃] Amines [R-NH] Aldéhydes-cétones (3) COV totaux (4)
Biofiltres ≤ 0,1 ≤ 0,05 ≤ 1 ≤ 0,5 NA
Tours de lavage ≤ 0,1 ≤ 0,05 ≤ 1 ≤ 0,1 ≤ 0,4 (1)
Charbon actif (2) ≤ 0,1 ≤ 0,05 ≤ 1 ≤ 0,1 ≤ 0,4 (1)
Traitement thermique 50 / 20

NA : non adapté.

(1) La valeur s’entend pour chaque composé mesuré.

(2) Résultats obtenus avant le début de saturation du charbon actif.

(3) Les aldéhydes-cétones sont exprimées en C.

(4) Les COV sont indiqués sous forme de COV totaux non méthaniques exprimés en équivalent-carbone, conformément à l’arrêté ICPE du 2 février 1998 et à la directive européenne 1999-13 CE.

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