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Prévenir la légionelle dans les réseaux d'eau sanitaires collectifs

28 février 2013 Paru dans le N°359 à la page 81 ( mots)
Rédigé par : Benjamin MIDENA

Les contaminations en légionelles, déjà prises au sérieux par les établisse¬ments de santé, font l'objet d'une surveillance croissante dans l'ensemble des établissements recevant du public (ERP) mais également dans les locaux de travail. Tous les gestionnaires doivent surveiller leurs installa¬tions générant des aérosols, non seulement les tours aéroréfrigérantes, mais aussi les douches. Les réseaux à usage sanitaire constituent un enjeu fort dans le maintien du confort et de la santé des occupants et du person¬nel. Les réponses curatives n?étant pas pérennes, des solutions simples existent en termes de conception, d'exploitation et de suivi pour sécuriser les installations de production et de distribution d'eau chaude sanitaire.

La légionellose est une maladie respiratoire due au germe du genre Legionella. Depuis une quinzaine d’années, elle fait l'objet d'une vigilance particulière qui a permis d’élaborer une gestion de plus en plus efficace permettant, à ce jour, d’appréhender correctement ce risque.

Le risque sanitaire

Dans les réseaux intérieurs collectifs de distribution d’eau chaude sanitaire (ECS), la légionelle, naturellement présente sous forme de traces dans l’eau d’adduction, se développe lorsqu’au moins l'une des conditions suivantes est présente : une température comprise entre 30 et 45 °C, la présence de zones de stagnation, des accroches sous forme de tartre ou de corrosion permettant aux bactéries de se fixer et de se développer.

Au-delà de 1000 UFC/litre (Unité Formant Colonie), il est considéré que le risque de transmission à l’homme est significatif, en particulier pour les personnes recueillant plusieurs facteurs de risques tels que des pathologies respiratoires chroniques, une immunodépression, un âge au-delà de 60 ans, du tabagisme, etc.

La transmission de la bactérie intervient exclusivement de façon aérienne lorsque des microgouttelettes d’eau contaminée sont pulvérisées et inhalées jusqu’au niveau des bronches.

La maladie s’apparente à une affection bronchique aiguë accompagnée d’un syndrome pseudo-grippal. Elle touche environ 1500 personnes par an, avec un taux de mortalité important d’environ 10 %.

Le mode aérien de contamination de la bactérie conduit ainsi à privilégier deux modes principaux de transmission : les réseaux de distribution intérieurs d’eau (avec notamment les douches comme vecteurs de diffusion) et les tours aéroréfrigérantes.

À ce jour, la surveillance de la contamination des réseaux par les légionelles est réservée réglementairement aux établissements recevant du public avec, en premier lieu, les établissements de santé. Néanmoins, sur les lieux de travail, la maîtrise.

de la qualité de l’eau n’en incombe pas moins au gestionnaire de l’établissement qui supporte la responsabilité de délivrer une eau exempte de contaminants.

Ainsi, il est indispensable d’apporter une attention toute particulière à ces réseaux sanitaires, avec un niveau d’exigence comparable à celui dont bénéficient les réseaux de process.

La méthodologie

Sans une démarche globale et méthodique, nombre d’exploitants, poussés par l’urgence d'une contamination, sont tentés de mettre en œuvre des solutions curatives (type désinfection choc) qui, bien que ponctuellement efficaces, ne conduisent pas à la sécurisation des installations à terme. Dans les cas les plus extrêmes, ces actions peuvent même conduire à une dégradation définitive des réseaux et des équipements.

Pour prévenir ce type de dérive, il convient avant tout de procéder à un diagnostic poussé des installations (y compris une cartographie précise des réseaux d’eau) afin d’établir un état des lieux des dysfonctionnements potentiels. Un plan d’action adapté permet ensuite de mettre sous contrôle les différents facteurs de risque. Cette démarche globale sur des réseaux existants s’applique sans réserve dès la phase de conception des installations. En effet, lorsque certaines règles de bonne pratique sont accompagnées d’une mise en œuvre soignée, d'un choix de matériaux de qualité ainsi que d’une réflexion globale sur l'installation et son exploitation, il est possible de maintenir une bonne maîtrise du risque sanitaire sur le long terme en limitant les coûts de fonctionnement ultérieurs.

En matière de règle de conception, la réglementation et les documents techniques unifiés (DTU) dans leur forme actuelle ne suffisent pas entièrement à la réalisation d'une installation offrant toutes les garanties sanitaires nécessaires. Plusieurs guides, surtout établis à l’attention des établissements de santé ou des ERP, renforcent ces aspects par des recommandations complémentaires.

Il faut retenir que, pour offrir les meilleures garanties, une installation d’eau chaude sanitaire collective doit :

  • assurer en tout temps et tout point une température comprise entre 55 et 60 °C
  • délivrer une eau à l’exutoire du point d’usage inférieure à 50 °C pour éviter les risques de brûlures
  • éviter toute zone de stagnation (tuyau bouchonné, attente, service fermé, etc.)
  • être correctement suivie et entretenue et disposer de ce fait des moyens pour réaliser ces opérations.

Il appartient donc aux gestionnaires d’établissements d’anticiper la prise en compte du risque sanitaire lors de l’élaboration des projets, de la sélection des offres et du suivi des chantiers et d’intégrer aux cahiers des charges des exigences techniques complémentaires.

Maintien de la température

Dans la pratique, le niveau des températures est à maintenir au travers par un bouclage du réseau d’alimentation sur les principales antennes. Un travers dans lequel il convient de ne pas tomber consiste à boucler le réseau jusqu’à chaque point d’eau. Cela peut conduire à complexifier inutilement le réseau et à augmenter les coûts d’investissement et d’exploitation. On considère souvent qu’il n’est pas nécessaire de boucler les 6 à 7 derniers mètres, à condition que le diamètre reste faible. Néanmoins, un réseau bouclé ne suffit pas à la prévention du risque légionelle. En effet, un bouclage efficient doit impérativement faire l'objet d'une note de calcul permettant d’assurer des températures, des vitesses minimales et maximales et des pertes de charges raisonnables. Les organes d’équilibrage (permettant de régler et de contrôler les débits souhaités dans chaque boucle) doivent être choisis grâce aux notes de calcul, en tenant compte d'une ouverture minimale à respecter. Pour mémoire, le dernier guide du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) fixe une ouverture minimale d’un millimètre. Enfin, le choix de la pompe de recirculation doit intégrer les pertes de charge totales du réseau ainsi que la somme des débits calculés pour chaque boucle.

Nature des matériaux

Concernant les matériaux constitutifs des canalisations, l'attestation de conformité sanitaire (ACS, délivrée par le CSTB) permet d’assurer l'innocuité de la plupart des produits de synthèse lors de leur contact avec de l'eau potable. Néanmoins, ces matériaux, à l'emploi souvent aisé et ne nécessitant pas de permis feu, doivent bénéficier d'une mise en œuvre rigoureuse par du personnel qualifié. À titre d’exemple, le PVC peut faire l'objet de nombreux défauts de mise en œuvre en raison de l'usage excessif de colle (création de bouchons et de rétrécissements), de l’absence de lyre de dilatation, d'un espacement trop important des supports… Les matériaux multicouches (composés de PER/aluminium/PER) nécessitent souvent, quant à eux, le sertissage par l'intérieur, ce qui a pour effet de générer des zones de rétrécissement.

Il n'existe pas, en revanche, d’ACS pour les matériaux métalliques. On note toutefois que le cuivre demeure un matériau particulièrement adapté aux usages sanitaires et d'une bonne longévité. L'acier galvanisé, par contre, n’est quasiment plus utilisé du fait de sa sensibilité à la corrosion qui engendre des défauts de circulation et crée des niches propices au développement du biofilm.

Prévention des brûlures

Afin de répondre à la contrainte liée aux risques de brûlure, l’eau distribuée aux points d’usage ne devrait pas dépasser 50 °C, en particulier pour les douches où la surface de contact avec l'eau est la plus grande. Ainsi, dans le but d’éviter autant que possible les portions de réseau non mitigées, il est préconisé de limiter la température au plus près du point d’usage et, au mieux, au point d’usage lui-même.

Pour ce faire, une gamme étendue de robinetterie existe. Que ce soit avec un système thermostatique ou mécanique, ces robinetteries offrent des bagues permettant un bon réglage de la température. Néanmoins, une attention particulière doit être portée à la capacité (parfois très variable) de ces équipements à éviter les interconnexions. Il convient, en effet, de limiter les contacts permanents entre l’eau chaude et l’eau froide qui peuvent parasiter fortement les réseaux.

Lorsque ces interconnexions ne peuvent être évitées, des clapets anti-pollution contrôlables permettent de supprimer toute possibilité de mélange. Il faut cependant intégrer le coût d'une maintenance supplémentaire.

Pour les douches collectives installées en

[Photo : Alimentation d'une rampe en eau mitigée à 37 °C (situation défavorable).]
[Photo : Alimentation d’une rampe en eau chaude sanitaire à 55 °C (situation préconisée).]

Série sur une même rampe, l’anomalie la plus fréquemment rencontrée consiste à alimenter l’ensemble des douches sur une même canalisation d’eau mitigée à 35-40 °C. Le choix d’une installation conçue pour limiter le risque légionelle passe plutôt par la mise en place d'une rampe d'eau chaude maintenue par bouclage au-delà de 50 °C et associée à la pose de panneaux de douches équipés de limiteurs de température.

Utilisation de l’énergie solaire

En matière de lutte contre les légionelles, si les énergies renouvelables ne sont pas contre-indiquées, il est toutefois nécessaire de prendre des précautions avant leur mise en place.

Ainsi, la première réflexion, lors de l’installation d’un préchauffage solaire, consiste à s'assurer que le besoin en eau chaude sanitaire sera conséquent durant les mois de juillet et d’août (mois de fort ensoleillement) car l’énergie solaire ne peut être stockée que dans des quantités limitées. Sur des installations telles que des gymnases ou des vestiaires d’entreprises fermés en période estivale, il n’est pas rare d’observer des montées en températures qui entraînent une surchauffe générale et une dégradation définitive de l’installation. En effet, le fluide solaire irriguant les panneaux, constitué d’eau et d’antigel (glycol), réagit aux fortes températures (>150 °C) en se transformant en une matière brune et visqueuse colmatant rapidement tout ou partie des canalisations et des capteurs. En dehors des périodes de fort ensoleillement, il est fréquent que les panneaux solaires ne permettent pas de réchauffer l’eau au-delà de 30 ou 40 °C, ce qui constitue, lorsque de grandes capacités d'eau sanitaire sont préchauffées, un risque important de développement des légionelles.

Afin d’éviter ce dernier cas de figure, une conception sécurisée permet de limiter les contaminations. Le réchauffage solaire étant lent, il nécessite de stocker l’énergie produite sous forme de grands volumes d'eau chaude. Dans un souci d'efficacité et de simplicité, les productions solaires se sont développées sur le principe d’un stockage direct d’eau sanitaire préchauffée sans tenir compte du risque de développement de légionelles. De nombreuses installations présentent ainsi des capacités de stockage de plusieurs mètres cubes à des températures couramment inférieures à 50 °C. Le risque de prolifération des légionelles est, par conséquent, fortement accru. Heureusement, pour une bonne part des installations correctement dimensionnées, le volume de stockage préchauffé est renouvelé au moins une fois par jour ce qui permet de limiter la stagnation et le développement bactérien.

La conception à privilégier consiste à ajouter une étape d’échange intermédiaire et à stocker l’énergie produite dans des réservoirs d’eau technique. Ceci engendre une baisse de rendement solaire en raison d’une étape d’échange thermique supplémentaire, mais permet de sécuriser notablement l’installation en réduisant les coûts d'exploitation. De plus, le fait de stocker de l'eau technique plutôt que de l’eau sanitaire permet d’éviter l'emploi de ballons spécifiques (trappe de visite, revêtement anticorrosion, etc.) au profit de ballons en acier noir, beaucoup moins onéreux.

Ce type de conception offre un large choix de modes de régulation, parfois complexes, et de possibilités de transfert d’énergie, notamment par le biais d’échangeurs à plaques externes ou noyés.

Dans le cas d’une installation de préchauffage par échangeur noyé, l'eau sanitaire est réchauffée dans un serpentin immergé sans régulation dans la masse d’eau. Le stockage pouvant atteindre des températures proches de 80 °C, il est impératif d’ajouter un mitigeur thermostatique centralisé réglé à 60 °C en départ d’eau chaude sanitaire.

Lorsque le préchauffage est réalisé de façon instantanée par un échangeur à plaques externe, il est possible de réguler la température à 60 °C en sortie grâce à une vanne 3 voies et d’éviter ainsi la pose d’un mitigeur centralisé.

Dans les deux cas, le retour ECS devra être

[Photo : Préchauffage instantané avec échangeur noyé.]
[Photo : Figure 4 : Préchauffage instantané avec échangeur externe.]

Piqué en aval immédiat du préchauffage instantané de façon à entraîner l’eau préchauffée sur le réseau dès le premier litre consommé. En complément, un suivi analytique réglementaire, au travers d’analyses accréditées COFRAC, contrôle l’innocuité de l'eau chaude sanitaire distribuée. Cette traçabilité alimente le carnet de suivi sanitaire, support incontournable d’une exploitation raisonnée visant la réduction des risques sanitaires.

Ainsi, bien conçues, bien exploitées et bien suivies, les installations de production et de distribution d’eau chaude sanitaire assureront le niveau de confort et de santé exigible par les utilisateurs.

Exploitation et suivi

Il revient aux gestionnaires d’apporter une attention particulière au risque lié aux légionelles lorsqu’ils mettent à disposition une installation sanitaire. Cette prise en compte nécessite de s'assurer que l’installation respecte une conception sécurisée mais également qu’une exploitation et une surveillance adéquates ont été mises en place. Pour ce faire, différents outils sont à leur disposition.

En effet, il existe aujourd’hui des technologies in situ permettant de suivre en continu les indicateurs de fonctionnement des réseaux. Des sondes placées en différents points représentatifs des installations permettent de vérifier le maintien de la performance et de générer des alertes en cas de dérive.

[Photo : Exemple de sonde communicante multi-paramètres Kapta™ 3000 d’Endetec (chlore actif, température, conductivité, pression).]
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