Les réseaux d'eau chaude sanitaire et les tours aéroréfrigérantes contribuent à favoriser la prolifération des légionelles par des facteurs physico-chimiques, biologiques et techniques. Des outils de maintenance curative et préventive sont à appliquer : ce sont aussi bien des opérations d'exploitation et d'entretien que des traitements physico-chimiques spécifiques.
La légionellose est une maladie due à l’attaque du système respiratoire par les légionelles. Assimilée à une forme de pneumonie, elle se manifeste après minimum 2 à 5 jours d’incubation, affectant en France plusieurs centaines de sujets par an. Soumise à déclaration, la légionellose doit faire l’objet d’un traitement antibiotique spécifique.
Les légionelles, naturellement présentes dans le milieu hydrique, se développent en fonction de multiples conditions favorables (physiques, chimiques ou biologiques) mais particulièrement en fonction de la température et de la présence d’éléments nutritifs alimentant les bactéries (micro-organismes vivants ou morts, biofilms, débris divers). Pour que les bactéries provoquent une légionellose, il faut présence de légionelles : celles-ci sont véhiculées et diffusées par des micro-gouttelettes. La taille des gouttelettes est prépondérante dans la pénétration des alvéoles pulmonaires : maximum 5 à 6 μm. En présence de légionelles, les risques de développer une légionellose sont très variables et dépendent de nombreux facteurs : prédisposition face à des expositions courtes ou prolongées, répétées, et les facteurs
teurs humains. Le risque est plus important chez l'homme que chez la femme, chez les fumeurs et chez les sujets dont la protection immunitaire est diminuée (malades, enfants de bas âges, personnes âgées).
Nous traiterons dans cet article des risques de développement des légionelles dans les circuits d'eau chaude sanitaire et les tours aéroréfrigérantes, correspondant à la majorité de cas de légionelloses déclarées. D’autres types d'installation sont concernées sur lesquels la probabilité de légionellose est plus faible : systèmes d’humidification, bains à remous, fontaines décoratives....
D’autre part, la maintenance des installations d’eau constitue un outil de prévention et de gestion des risques sanitaires et de prévention du risque légionellose : nous détaillerons les principales mesures à mettre en œuvre et suivre dans les deux cas choisis.
Le cas des eaux chaudes sanitaires
Sur un réseau d'eau chaude sanitaire souvent complexe, la maintenance des installations doit être engagée de manière méthodique : elle a pour objectif de surveiller la qualité de l'eau distribuée et de pérenniser les installations.
Les facteurs de risques
Les éléments suivants doivent être pris en compte dans la gestion des risques :
- vérification des étanchéités : les fuites sur le réseau doivent être détectées et bien évidemment supprimées.
- les phénomènes de corrosion et d’entartrage : à limiter par la mise en place de traitements d’eau adaptés et suivis par une société de traitement des eaux. L’adoucissement et un traitement filmogène, silico-phosphatés sont des techniques couramment rencontrées. Un suivi technique au moins à périodicité trimestrielle par le biais d’analyses physico-chimiques est nécessaire.
- Les dysfonctionnements des équipements raccordés aux réseaux : entretien et vérification des purgeurs, dégazeurs, soupapes, des pompes de circulation, des organes de régulation.
- Les dysfonctionnements des ensembles de protection contre les retours d'eau (clapet anti-retour et disconnecteurs) : à surveiller et contrôler par des agents habilités.
- Les contaminations de l'eau distribuée par analyse d'eau type B2 ou B3, recherche des légionelles.
- Les circuits étendus sont à surveiller car ils peuvent comporter de nombreux bras morts ou mal irrigués (vitesse de 1,5 m/s conseillée) : le risque est plus faible sur des circuits de petite taille et bouclés et il est préconisé de segmenter le circuit quand cela est possible et de supprimer les bras morts. Ces prestations sont réalisées par des sociétés spécialisées dans les diagnostics des réseaux.
En dehors de ces éléments, le facteur primordial à suivre est la température.
L'influence de la température est prépondérante car les légionelles vivent sur une gamme étendue de températures. La température optimale, celle où la croissance est maximale, est d’environ 37 °C.
La cinétique de croissance des légionelles est la plus rapide entre 25 et 42 °C. Aux températures inférieures à 35 °C, la multiplication des légionelles diminue assez rapidement. Elles cessent de se multiplier en dessous de 20 °C. Elles peuvent cependant survivre sous une forme "dormante". Aux températures supérieures à 40 °C, leur multiplication décroît très vite et cesse dès 46 °C.
Elles peuvent supporter des températures plus élevées mais leur survie diminue rapidement dès que la température augmente. Leur durée de vie est limitée à quelques heures à 50 °C et quelques minutes à 60-70 °C. Elles meurent instantanément à 70 °C.
Choix des températures
Il convient d’assurer un maintien des températures aux ballons : cette mesure est essentielle car elle est tout d'abord la source appréciable d’économies d’énergie. Les températures doivent être homogènes sur l’ensemble du réseau d'eau chaude sanitaire. Il faut vérifier la différence de températures mesurées entre la production et le recyclage : ΔT < 5 °C est préconisé et est notamment obtenu par la vérification de l’équilibrage et du bon fonctionnement des boucles de circulation.
Afin de limiter les pertes thermiques, il faut prévoir une isolation thermique suffisante de la boucle et un diamètre de boucle adéquat, fonction de l’étendue du réseau et des besoins en eau chaude sanitaire.
Planning opérationnel
Des interventions rapprochées dans le
temps sont à planifier à périodicité définie :
- - chasses manuelles du réseau aux extrémités de la distribution horizontale, sur le retour de boucle en amont des pompes de circulation,
- - chasses en pied de colonne,
- - chasses sur les ballons : la présence de vannes de vidange et de trous d’homme facilite les interventions, le nettoyage et le rinçage des capacités de stockage.
Au moins une fois par semestre, le démontage des manchettes témoins installées sur le départ et retour de boucle permet de mettre en évidence la présence ou non de pustules de corrosion, et de valider le degré d’efficacité du traitement d’eau en place. Détartrer, nettoyer le réseau y compris les éléments de production, stockage, pommes de douche peuvent être des prestations planifiées ou effectuées ponctuellement en fonction de l’état du réseau et des analyses physico-chimiques et microbiologiques.
Types de circuits ECS
Deux types de circuits sont à considérer :
- - les circuits galvanisés : ils ne peuvent pas supporter sans risque de corrosion des températures supérieures à 60 °C,
- - les circuits en cuivre ou matériaux de synthèse peuvent supporter des contraintes thermiques.
Les traitements mis en œuvre sur les circuits galvanisés
Les traitements d’eau adaptés aux réseaux ECS doivent être suivis et contrôlés par des sociétés expérimentées.
En complément de l’adoucissement et du traitement anti-corrosion, des traitements désinfectants sont mis en œuvre de manière curative ou préventive. Compte tenu des obligations en matière de potabilité, deux types de traitement peuvent être adoptés :
- - l’injection d’ions cuivre-argent,
- - l’injection de chlore, ou de dioxyde de chlore en concentration modérée.
L’ionisation cuivre-argent semble susceptible de résoudre bien des problèmes, mais ce traitement fait appel à de faibles concentrations et une surveillance régulière fréquente doit être assurée par un prestataire spécialisé.
L’emploi du chlore ne peut être fait qu’à faibles concentrations. Le chlore disparaissant progressivement lorsque l’on chauffe l’eau, il faut là aussi prévoir un contrôle régulier et fréquent de la concentration par des mesures sur le terrain ou continues (sonde Redox ou ampérométrique).
De plus, le traitement chloré est difficile à mettre en œuvre et exige un minimum de connaissances en matière de traitement des eaux.
En effet, les bactéries peuvent se loger dans les amibes ou dans ces biofilms formant des dépôts sur les parois, rendant les traitements chlorés moins efficaces. La valeur en chlore libre peut donner lieu à quelques difficultés lorsqu’on utilise les résultats de mesure (le chlore libre mesuré n’est pas le chlore libre réel).
Cas du choc chloré
Un nettoyage précédé d’un détartrage est généralement indispensable avant tout traitement chloré afin d’assurer un maximum d’efficacité. Une concentration de 2 mg/l en chlore libre au point de puisage est nécessaire, ce qui entraîne des concentrations beaucoup plus importantes au niveau de la production (20 à 50 mg/l). Il est conseillé de maintenir un pH de l’ordre de 7 à 8 afin d’assurer une efficacité du chlore actif.
Un moyen de contrôler que la solution désinfectante circule sur l’intégralité du réseau est de coupler l’injection de chlore avec une solution diluée de permanganate de potassium jouant le rôle de traceur coloré. Quand il est très difficile d’atteindre les parois des ballons ou des générateurs, un traitement chimique à base de chlore peut être associé à un traitement thermique. De plus, cette solution oblige le prestataire à effectuer des rinçages rigoureux.
Cas du traitement préventif
La solution désinfectante chlorée est introduite dans le réseau à l’aide d’une pompe doseuse, asservie aux volumes d’eau d’appoint et/ou à une mesure et contrôle Redox. Le traitement est contrôlé par la mesure de chlore libre résiduel : maximum 0,2 mg/l. Tout le réseau doit être parcouru par la solution, notamment aux extrémités des éventuels bras morts de l’installation.
Des concentrations supérieures peuvent être appliquées sur les réseaux d’eau chaude sanitaire sous dérogation notamment dans les établissements à risques (milieu hospitalier par exemple).
La solution optimale est la mise en œuvre de traitement thermique continu (température élevée en production) ou discontinu (choc thermique à périodicité régulière programmée) et d’assurer la propreté des circuits (nettoyage des ballons et démontage des manchettes témoins). Dans le cas de contamination avérée, l’exploitant peut choisir d’effectuer un choc thermique ou chloré.
Cas du choc thermique
Le principe du traitement consiste à porter l’eau à plus de 70 °C dans tout le réseau, température à laquelle les légionelles ne survivent que quelques secondes. Il faut procéder au nettoyage et à un traitement chimique, puis procéder au traitement thermique, et, pour éviter une nouvelle contamination, maintenir la température de production et de stockage à au moins 60 °C.
Le cas des eaux de tours de refroidissement
Principe de fonctionnement
Les tours aéroréfrigérantes, les évapo-condenseurs et évapo-refroidisseurs ont pour fonction de rejeter des chaleurs excédentaires vers l’atmosphère en utilisant l’évaporation de l’eau. L’efficacité du système est liée à la conception et à l’entretien de la tour aéroréfrigérante ainsi qu’aux conditions atmosphériques. Ceux-ci ont été associés à de nombreux cas de légionellose. La température de l’eau est comprise généralement entre 30 °C et 35 °C, avec des variations souvent appréciables selon les conditions du moment. Les températures de 25 à 40 °C correspondent à la plage favorable au développement des légionelles. Dans le cas des évapo-condenseurs, les températures et risques sont sensiblement les mêmes qu’avec les tours.
Afin d’améliorer les échanges, les tours aéroréfrigérantes, tout comme les évapo-condenseurs, possèdent des rampes chargées de disperser l’eau afin d’augmenter la surface de contact.
Deux techniques sont couramment employées : les buses d’aspersion (plusieurs rangées de buses arrosent le corps d’échanges) ou les goulottes (l’eau est répartie sur des goulottes percées arrosant le corps d’échanges). Les buses d’aspersion sont privilégiées.
Le risque principal de ces systèmes réside dans la formation de gouttelettes d’eau : contrairement à l’eau évaporée, les goutte-
... nient est leur coût. D’autres traitements existent : ce sont des traitements physiques par rayonnement UV, nécessitant l'installation de filtre, ou ionisation cuivre-argent.
Les produits de conditionnement anti-tartre et anti-corrosion
Des produits formulés sont utilisés comprenant des inhibiteurs d’entartrage et/ou de corrosion. Ils sont injectés proportionnellement aux volumes des appoints d’eau. Les inhibiteurs d’entartrage sont des polyphosphates, des phosphonates, des polymères carboxyliques et des polyamines filmantes. Les inhibiteurs de corrosion sont des inhibiteurs anodiques (nitrites, molybdates, tannates, polyphosphates…), cathodiques (zinc), des mélanges polyphosphates/zinc, ou encore des inhibiteurs organiques (famille des azoles).
Filtration
Pour éviter les bouchages, il est classique d’équiper le circuit de recyclage d’eau de filtres éliminant les éléments en suspension, au moins les plus grossiers.
Gestion et maintenance
Conformément au guide des bonnes pratiques légionella sur les tours de refroidissement, un livret d’entretien et suivi technique sont obligatoires afin de gérer le risque de ces installations. L’exploitant doit reporter toute intervention dans le livret tenu à disposition des inspecteurs des installations classées. Il inclue :
- la date d’autorisation administrative si la puissance électrique du groupe frigorifique dépasse 50 kW,
- les volumes d’eau consommés mensuellement, les périodes de fonctionnement et d’arrêt,
- toutes les opérations effectuées : vidange, nettoyage, désinfection, les analyses physico-chimiques et bactériologiques,
- opérations de mise en service et remise en service, réglementation en vigueur.
L’objectif est de maintenir propre les installations par un contrôle visuel, ou analytique.
Suivi de l’efficacité
Le seuil de contamination étant de 1 000 UFC/l en légionelles, des mesures de prévention doivent être prises. Au-dessus du seuil de 10⁵ UFC/l, le système doit être stoppé et des actions curatives doivent être prises. Un suivi technique rigoureux et une bonne exploitation sont donc nécessaires et impliquent d’effectuer des contrôles réguliers. Afin de limiter les développements de bactéries dont les légionelles, il convient principalement de contrôler :
- l'échange thermique : des prestations de nettoyage des pulvérisateurs, du corps d’échange en présence de dépôts, du bassin par brossage ou haute pression sont parfois nécessaires,
- la consommation d’eau et des produits de conditionnement, le calcul des dosages des réactifs, une maintenance des adoucisseurs, leur entretien et la désinfection des résines.
- les postes de traitement d’eau : maintenance des adoucisseurs, entretien et désinfection des résines, nettoyage de la sonde de conductivité,
- un suivi du traitement biocide validé par des analyses microbiologiques dont des recherches de légionelles effectuées deux fois par an,
- un suivi des procédés et un contrôle de l’exploitation par des analyses physico-chimiques effectuées à périodicité définie (fonction du type d'installation et de son importance),
- des désinfections sont obligatoires après une période d’arrêt ou de travaux.
Conclusion
La problématique légionelles ne tient pas uniquement dans la mise en œuvre d'un produit de conditionnement d'eau. La clé du succès réside dans une approche globale de la question avec un suivi, une gestion et une maintenance rigoureuse, gage d’économies par rapport à des actions curatives lourdes et coûteuses.