par Université Paul Sabatier à Toulouse.
Note de l’auteur : Cette étude fait suite à celle de MM. J.-N. Tourencq, J. Capblancq et H. Casanova, publiée antérieurement dans cette revue (1), et est extraite comme celle-ci d'une monographie consacrée à la rivière le Lot dans les Annales de la Limnologie, tome 14, fascicules 1 et 2, année 1978 (que l’on peut se procurer en s’adressant à l’E.R.A. 702 du C.N.R.S. à l’Université Paul-Sabatier, 118, route de Narbonne, 31077 Toulouse Cedex).
Le présent article s'inspire pour l'essentiel d’un document réalisé par la S.O.D.E.T.E.G. (1976) à la demande de l’Association pour l'Aménagement de la vallée du Lot. Ce document intitulé « Propositions pour un schéma d’aménagement hydraulique de la vallée du Lot » est issu des études faites au cours de l'opération « Lot, rivière claire ». Il s'appuie donc, d'une part, sur des études à caractère scientifique et technique, d'autre part, sur des études à caractère socio-économique. Il s’agissait, à partir de la considération de l'état du bassin du Lot, de définir des objectifs, puis des actions visant à sauvegarder ou à aménager la qualité des eaux du Lot tout en envisageant les divers intérêts touristiques, agricoles, industriels de la vallée.
L’auteur remercie l'Association pour l'Aménagement de la vallée du Lot pour son autorisation d'utiliser le document S.O.D.E.T.E.G. (1976). Il remercie également MM. Lohou, Roux et Sormail de l'Agence de Bassin Adour-Garonne pour leur aide et leurs remarques sur cet article.
CONDITIONS GÉNÉRALES
Dans la vallée du Lot les besoins en eau sont variés, souvent antagonistes ; aux besoins locaux et régionaux s'ajoutent des besoins de niveau national en électricité.
Historiquement, les écoulements ont été transformés en deux temps. Du XIVe au XIXe siècle, 62 chaussées de navigation ont été construites en basse et moyenne vallée. Environ un tiers de ces chaussées sont actuellement équipées par des usines hydroélectriques de taille variable, fonctionnant au fil de l'eau. Ces dernières années ont vu s'installer de grands barrages sur le bassin amont ; les réservoirs ainsi créés représentent une capacité de stockage de 22 millions de m³ sur le Haut Lot et 538 millions de m³ sur la Truyère.
(1) Voir EAU ET L'INDUSTRIE, n° 32, février 1979, « Bassin versant et régime hydrologique de la rivière Le Lot », pages 28 et suiv.
En fait, l'utilisation des eaux à des fins énergétiques n'a cessé d’augmenter depuis près de 40 ans. En même temps se développaient d'autres besoins : pour l'eau potable, l’industrie, l’agriculture, le tourisme. Une certaine redistribution des ressources en eau était donc devenue indispensable. C'est pourquoi l’élaboration d’un schéma d’aménagement a logiquement suivi les études réalisées au cours de l’opération « Lot, rivière claire ». Il s'agissait d'assurer aux habitants de la vallée des ressources en eau suffisantes en quantité et en qualité, compte tenu des usages actuels ou à venir.
Un manque d'eau apparaît d'ordinaire aux mois de juillet et d'août. Le Lot est en effet une rivière aux étiages naturels très sévères : le débit du mois d’août tombe à moins de 9 m³/s une année sur dix pour un débit moyen annuel dépassant 150 m³/s. Les consommations d'eau sont alors relativement importantes, notamment à cause de l'irrigation. Or, à cette même période, la gestion des grands barrages de l'amont ne va pas dans le sens d’une augmentation des débits.
Ces mêmes débits figurent aux côtés des pollutions, parmi les principaux facteurs de qualité des eaux sur lesquels une action paraît possible. L’insuffisance des débits entraîne en effet l’existence de faibles vitesses et, par suite, une transformation de l'écologie de la rivière : longs temps de séjour dans les biefs, températures élevées, sédimentation des particules fines, prolifération des algues. En outre, par leurs manœuvres en éclusées, les usines hydroélectriques perturbent la régularité des écoulements et sont à l’origine de diverses dégradations de la qualité des eaux. Enfin, les pollutions domestiques et industrielles sont vivement ressenties en certaines zones, notamment au niveau du bassin de Decazeville (Say, 1978).
Les études à caractère psycho-socio-économique ont par ailleurs révélé les points sensibles sur lesquels une action rapide était souhaitable (S.E.D.E.S. 1975) :
1) les déchets flottants, 2) l'insuffisance des débits d'étiage, 3) les pulsations de débit, 4) les pollutions par rejets domestiques et industriels, 5) le trouble lié aux matières en suspension, 6) la propreté et l'accessibilité des berges.
QUALITÉ DE L’EAU
Les diverses mesures réalisées sur le Lot rendent compte d'une pollution organique modérée. La qualité de l'eau est surtout diminuée par des rejets industriels en aval de la région de Decazeville et, notamment, par les teneurs excessives en métaux lourds.
L'ensemble des mesures rassemblées par l’Agence de Bassin Adour-Garonne a permis d’apprécier la qualité des eaux du Lot à travers les grilles officielles. Les deux grilles « multi-usages » et « eau potable » ont été appliquées à la période allant de 1970 à 1974.
La première grille classe les eaux superficielles en quatre catégories :
- — 1A et 1B : eaux de bonne qualité, convenant à tous usages ;
- — 2 : eaux de qualité moyenne dont certaines utilisations sont tolérées moyennant un traitement poussé (production d'eau potable, usage alimentaire, abreuvage des animaux) ou interdites (baignades) ;
- — 3 : eaux dont la qualité interdit pratiquement tous les usages hormis la navigation et, sous certaines conditions, l'irrigation ;
- — au-delà de cette catégorie 3, les eaux dites hors classe sont impropres à quelque usage que ce soit.
La seconde grille classe les eaux superficielles destinées à produire de l'eau potable en trois catégories nécessitant des traitements de plus en plus difficiles :
- A1 : traitement physique simple et désinfection ;
- A2 : traitements normaux physique et chimique, avec désinfection ;
- A3 : traitements physique et chimique poussés, affinage et désinfection.
Les eaux pour lesquelles certains paramètres sortent des limites imposées par la grille sont dangereuses et impropres à la production d'eau.
Pour chacune des deux grilles, une partie de la rivière a été classée dans une catégorie donnée à partir de la considération du paramètre le plus défavorable ; il a été admis que les valeurs les plus mauvaises de ce paramètre pouvaient dépasser les valeurs fixées par la grille dans 10 % des cas.
L'application de la grille « multi-usages » (carte 1) montre qu'une grande partie du cours du Lot entre dans la catégorie hors classe par suite de la présence de produits toxiques en aval de la région de Decazeville. Si, par assainissement de cette région, on supprime ces produits toxiques et si, par ailleurs, on néglige les paramètres matières en suspension et Escherichia coli, l'ensemble de la rivière se classe en catégorie 2 ou 1B pour certains secteurs (carte 2). Dans ces conditions, les paramètres limitant la qualité des eaux seraient dus à des rejets de type domestique.
1. Les analyses des matières en suspension les plus défavorables correspondent à des périodes de crues et les analyses bactériologiques doivent être confirmées.
De même l'application de la grille « eau potable » place l'eau du Lot en catégorie hors classe sur une longue distance en aval de la région de Decazeville (carte 3). La cause en est la présence de cadmium dans une zone où les prises destinées à produire de l'eau potable, déjà présentes, tendent à s'amplifier dans l'avenir. L'absence de toxiques conduit à des qualités A2 et A3 (carte 4). On comprend donc la priorité absolue à accorder à la réduction des pollutions industrielles déversées par le bassin de Decazeville.
OBJECTIFS DU SCHÉMA D'AMÉNAGEMENT
Les données précédentes conduisent à fixer plusieurs objectifs au schéma d'aménagement. Il s'agit des objectifs :
1) eau potable, 2) eau industrielle, 3) irrigation, 4) compensation des consommations, 5) vie piscicole, 6) besoins de l'environnement et du tourisme, avec l'atténuation des variations brusques de niveau, l'amélioration de la clarté des eaux, la suppression des dépôts d'ordures et des déchets flottants, l'accès aux berges.
Pour atteindre ces objectifs, il convient : 1) d'améliorer la qualité de l'eau, 2) de relever les débits, 3) de régulariser les écoulements.
L'amélioration de la qualité de l'eau doit permettre le passage des cartes 1 et 3 aux cartes 2 et 4 (fig. 1). Il faut pour cela réduire les teneurs toxiques à des valeurs inférieures aux normes de l'O.M.S., assainir et épurer les rejets des collectivités ainsi que des industries agricoles et alimentaires.
Un relèvement des débits d'étiage s'impose pour plusieurs raisons : 1) augmenter le volume de la ressource utilisable, notamment pour l'irrigation ; 2) limiter les proliférations algales ainsi que les variations des débits sur le phytoplancton : corrélation algues-débit (Capblanq et Dauta, 1978), mise
en stratification pour de faibles débits avec risques de blooms (Caussade et al., 1978) ;
3) permettre l'application d'un règlement d'eau qui, en assurant la transmission quasi-continue d'un débit de base, atténuerait les pulsations de débit instantané sur les cours moyen et inférieur du Lot ;
4) diluer les pollutions résiduelles qui subsisteront en dépit des efforts d'épuration.
Le tableau 1 montre clairement la nécessité de relever les débits d’étiage. De plus, les 12 000 à 14 000 ha qui, d’après les prévisions, seraient irrigués en 1985 ne représentent que la moitié des superficies réellement irrigables à long terme. Aussi est-ce une consommation totale de l'ordre de 50 hm³ d'eau qui est à envisager à long terme entre juillet et octobre.
D'après l'ensemble des études, il apparaît donc nécessaire :
— de maintenir en aval d’Entraygues un débit minimum moyen qui peut être fixé à 12 m³/s ;
— d'apporter au Lot inférieur, en juillet et en août, un supplément de 20 hm³ à l’horizon 1985 et de 40 hm³ à long terme.
On peut atteindre ces objectifs. Pour maintenir un débit de 12 m³/s à Entraygues, il faut, avec une garantie de huit années sur dix, écouler en supplément 20 hm³ dans la période juillet-août et 30 hm³ dans la période allant de juin à septembre. Il est, par ailleurs, intéressant de soutenir les étiages en tête de la rivière car, les consommations étant surtout localisées à l'aval, le débit lâché à Entraygues se maintient sur une grande distance.
Enfin, diverses manipulations perturbent les écoulements du Lot : lâchers des dernières usines en amont d'Entraygues sur le Haut Lot et la Truyère, fonctionnement anarchique des usines du cours moyen. Une régulation complétant le relèvement des débits d'étiage permettrait :
1) d’obtenir un débit le plus uniforme possible au niveau d’Entraygues ;
2) d'amortir les ondes de débit par le jeu des barrages-usines en amont de Cajarc ;
3) d'imposer aux usines de l'aval un fonctionnement sans éclusées. Le maintien d'un débit supérieur à 12 m³/s à Entraygues minimiserait les contraintes d'une telle gestion.
ACTIONS PROPOSÉES
Diverses actions ont été proposées pour atteindre les objectifs du schéma d’aménagement. Elles s'étalent jusqu’en 1985.
1. Lutte contre les pollutions industrielles
L'essentiel des pollutions industrielles de la vallée provient du bassin de Decazeville par l'intermédiaire de l'affluent le Riou-Mort. Pour limiter les déversements à la source, il revient aux industriels de modifier les procédés existants, recycler les eaux, traiter les effluents.
Depuis 1971, à l'incitation de l’Agence de Bassin, certains industriels ont épuré ou modifié leurs procédés de traitement. Les rejets toxiques ont ainsi diminué dans des proportions appréciables. Un programme en cours continue ces premières actions.
Les données suivantes correspondent à l'état 1975-1976 et ne tiennent pas compte des modifications qui ont pu être apportées postérieurement à cette date.
Les usines et fonderies de zinc de Vieille-Montagne étaient considérées en 1971 comme l'un des principaux pollueurs du bassin. Leur production annuelle s'élève à 111 600 tonnes de zinc, 77 000 tonnes d'acide sulfurique, 19 tonnes de cadmium, 52 tonnes de cuivre, 655 tonnes d’aluminium et 7 tonnes de manganèse. Ces usines ont réalisé divers travaux qui, en 1975, avaient réduit de 10 à 30 % les flux de toxiques déversés en 1971.
Des travaux complémentaires prévoyant, outre de nouvelles réductions de toxiques, la construction de sites de stockage des boues, conduisent à une nette diminution des pollutions déversées.
L'usine de produits chimiques de Viviez produit 11 500 tonnes/an de lithopone (pigment minéral à base de sulfure de zinc et de sulfate de baryum entrant dans la fabrication des peintures). Elle a réalisé en 1974 un dispositif de précipitation des principaux toxiques contenus dans ses eaux usées (zinc, baryum, plomb, sulfates, acide sulfhydrique). La réalisation de sites de stockage des boues de Vieille-Montagne devrait permettre à l'usine de Viviez de se débarrasser de ses propres boues.
L'usine Vallourec de Decazeville produit 55 000 tonnes/an de tubes d'acier. Elle rejette d'importantes quantités de matières en suspension (1 tonne/jour), d'huiles et de graisses (200 kg/jour). Un projet de traitement des effluents était envisagé pour 1978.
Les aciéries et usines métallurgiques de Decazeville produisent 120 000 tonnes/an de fonte et 100 000 tonnes/an de ronds d'acier. Elles rejettent essentiellement des matières en suspension dues aux boues de dépoussiérage des gaz des hauts fourneaux et de l'aciérie (6,4 tonnes/jour en 1971 et 2,8 tonnes/jour en 1973 à la suite de l'arrêt de l'atelier de galvanisation). Des mesures de dépollution des eaux s'avèrent nécessaires.
Les Houillères du Bassin d'Aquitaine à Decazeville produisent 280 000 tonnes de houille par an. L'installation en 1975 d'un système de décanteurs a notablement réduit les matières en suspension déversées par le lavoir de Decazeville. Des travaux sont envisagés pour réduire les matières en suspension et les toxiques rejetés par la centrale thermique de Penchot, centrale valorisant certains produits secondaires issus du lavage du charbon.
L'usine métallurgique de Viviez produit environ 1 200 tonnes/an de pièces en alliage à base de zinc. Elle rejette des toxiques dangereux (cyanure et chrome) à la suite du traitement de surface des métaux. Un assainissement des effluents a été réalisé en 1976.
TABLEAU I
Évolution prévue des consommations estivales d'eau dans la vallée du Lot
Consommation d'eau tous usages entre juillet et octobre (1)
Volume consommé — Débit de pointe en eau
(en hm³) — (en m³/s)
Pourcentage théorique des ressources (2)
Inventaire 1975 : 25 hm³ — 6 m³/s — 30 à 110 % |
Prévision 1985 : 33 hm³ — 8 m³/s — 40 à 150 % |
1. Comprenant l'irrigation, les consommations industrielle et domestique.
2. En se référant au débit naturel moyen minimal au confluent du Lot et de la Garonne, selon le débit moyen pris en considération (sur un mois ou sur cinq jours) et selon le niveau de sécheresse (1 année sur 2 ou 10) (S.O.D.E.T.E.G. 1976).
Cette lutte contre les pollutions du bassin de Decazeville aura pour conséquence de réduire les volumes d'eau rejetés dans le Riou-Mort. Or, en période sèche, ces rejets constituent l'essentiel du débit. La construction d'un barrage-réservoir apparaît donc nécessaire pour maintenir un débit minimum suffisant dans un secteur fortement urbanisé, et pour protéger ce secteur contre les crues. La création d'un réservoir de 5 hm³ sur le site de Muratels pourrait satisfaire à ces objectifs (4 hm³ pour le soutien des débits et 1 hm³ pour écrêter efficacement les crues à la traversée de Decazeville).
En dehors du bassin de Decazeville, la principale concentration industrielle de la vallée du Lot est celle des usines Pont-à-Mousson à Fumel. Depuis 1974-1975, on y traite les eaux de lavage des gaz de hauts fourneaux ainsi que les eaux de chromage. Restent encore à traiter les dernières eaux de lavage des gaz de l'agglomération du minerai et des bacs à laitier.
Les autres pollutions industrielles du bassin du Lot sont moins importantes ou dispersées dans la vallée. Certaines ont fait l'objet ou font l'objet de traitements à Marvejols, Cahors, Capdenac, Enguialès.
2. Lutte contre les pollutions domestiques et les pollutions des industries agro-alimentaires
Ces deux types de pollution ont été regroupés parce que susceptibles d'un même traitement en stations d'épuration biologiques.
Les deux scénarios de développement socio-économique de la vallée (S.E.D.E.S. 1975) ont servi de base à la prévision des pollutions en 1985. Il s'agit des scénarios 1 : « spécialisation de l'espace » et 2 : « répartition du développement agricole et touristique sur l'ensemble de la vallée ». Trois zones seront distinguées : 1) la haute vallée comprenant les bassins du Haut Lot et de la Truyère (en amont d'Entraygues), 2) la moyenne vallée correspondant au bassin intermédiaire, 3) la basse vallée avec la zone de Cahors et le bassin aval.
Dans le scénario 1, la haute vallée s’orienterait vers le tourisme, la moyenne vallée vers l'industrie et la basse vallée vers l'agriculture et les industries agro-alimentaires. Le scénario 2 est caractérisé par un développement du tourisme et des activités agricoles réparti sur l'ensemble de la vallée ainsi que par une expansion moindre de l'industrie dans la moyenne vallée.
Les flux polluants bruts 1970 (Tableau II) ont été évalués à partir de données diverses : estimations des populations en place et saisonnières, recensement des réseaux d’assainissement existants, charges polluantes rejetées par les industries agro-alimentaires et stations d'épuration.
Des flux polluants potentiels bruts 1985 (Tableau II) ont ensuite été calculés. Ils correspondent aux pollutions qui seraient apportées au Lot en l’absence de stations d’épuration. Les deux scénarios de développement considérés se rapportent à des taux différents de population et d’activités agro-industrielles (S.E.D.E.S 1975).
TABLEAU II
Flux polluants évalués pour 1970 et prévus pour 1985 (en milliers d’équivalents-habitants) (S.O.D.E.T.E.G. 1976)
Haute vallée | Moyenne vallée | Basse vallée | Total | |
---|---|---|---|---|
Flux polluant brut 1970 | ||||
domestique | 98 | 48 | 86 | 232 |
industries agro-alimentaires | 37 | 12 | 48 | 96 |
total | 135 | 60 | 134 | 329 |
Flux polluant potentiel brut 1985 | ||||
selon scénario 1 | ||||
domestique | 145 | 118 | 173 | 436 |
industries agro-alimentaires | 31 | 17 | 85 | 133 |
total | 176 | 135 | 258 | 569 |
selon scénario 2 | ||||
domestique | 136 | 118 | 154 | 408 |
industries agro-alimentaires | 36 | 17 | 72 | 125 |
total | 172 | 135 | 226 | 533 |
Flux polluant traitable 1985 | ||||
selon scénario 1 | 155 | 116 | 254 | 525 |
selon scénario 2 | 154 | 118 | 223 | 495 |
1. Valeurs en 10³ équivalents-habitants.
Les flux polluants traitables en 1985 (Tableau II) ont été déterminés en appliquant les projections de développement au niveau communal. Ceci permet de tenir compte des divers coûts des stations d’épuration en fonction de leur taille. Les communes d’au moins 200 habitants ont été considérées comme susceptibles de réaliser un assainissement collectif et la comparaison des situations 1985 et 1975 a permis de fixer le nombre des réseaux et stations complémentaires d'ici 1985. On peut admettre que cette démarche fournit, à l’échelle de la région, une approximation valable des pollutions traitables, des coûts à prévoir et de leur répartition.
Les différences entre les flux polluants potentiels bruts et les flux polluants traitables — par exemple 567 000 moins 525 000 selon le scénario 1 (Tableau II) — correspondent aux flux non traités en raison de leur dispersion et de leur faiblesse.
Quel que soit le scénario, les flux polluants s'élèveraient en 1985 à environ 40 000 équivalents-habitants non traités et 500 000 équivalents-habitants traités. Un flux polluant de 150 000 à 200 000 équivalents-habitants serait donc effectivement rejeté, compte tenu d'un rendement moyen de 70 à 80 % des stations d’épuration.
Ce flux polluant effectivement rejeté en 1985 atteindrait ainsi la moitié de celui de 1970 qui s'élevait à environ 330 000 équivalents-habitants (Tableau II). Mais il faut surtout souligner qu’en l’absence d’actions, le flux polluant de 1985 augmenterait de 70 % par rapport à celui de 1970. En fait, le flux polluant rejeté en 1985 atteindra 25 à 35 % du flux qui serait rejeté si les actions en cours n’étaient pas réalisées.
Il faut enfin rappeler qu'un rendement moyen de 70-80 % tel qu’il a été retenu pour les stations d’épuration est difficile à atteindre. L’effort devra donc porter tout particulièrement sur le fonctionnement de ces stations : de leur rendement dépendra le succès de la lutte contre les pollutions domestiques et agro-alimentaires de la vallée du Lot.
3. Soutien des débits d’étiage du Lot.
Il s'agit dans un premier temps de maintenir à Entraygues un débit minimal admissible (DMA) de 12 m³/s puis, dans un deuxième temps, de compenser de nouvelles consommations en élevant ce DMA à 15 m³/s et ultérieurement à 20 m³/s. Dans ce but, il serait nécessaire de disposer en amont d’Entraygues d'un volume de 30 hm³ dès le début des années 80 et de 40 à 50 hm³ à plus long terme.
Parmi les diverses solutions envisagées, la création d'un barrage-réservoir sur le Haut Lot (barrage de Saint-Geniez-d’Olt) paraît la plus avantageuse à plusieurs points de vue. Avec une capacité de 50 hm³, en utilisation mixte avec l’E.D.F., le barrage-réservoir de Saint-Geniez-d’Olt produirait 80 GWh par an et permettrait de soutenir les étiages, 30 hm³ étant réservés à ce but. Il serait ainsi possible d'assurer :
- — À Entraygues, pour la période de juin-septembre, un débit minimum de 12 m³/s avec une garantie de 8 années sur 10, et un débit de 10 m³/s avec une garantie de 9 années sur 10 ;
- — À Cahors, compte tenu des apports intermédiaires, un débit minimum de l’ordre de 15 m³/s avec une garantie de 8 années sur 10.
À plus long terme, il conviendra de compléter l’effet de ce barrage en fonction des besoins nouveaux qui apparaîtront dans la vallée.
Cependant, le projet de barrage-réservoir de Saint-Geniez-d’Olt cause beaucoup d’inquiétudes au niveau local. Les futurs riverains dénoncent notamment les risques de défiguration du site par des variations de niveau en été. L’Agence de Bassin Adour-Garonne a ainsi été amenée à étudier des possibilités de variantes d’aménagement et de gestion des réservoirs de Castelnau et Saint-Geniez-d’Olt pouvant concilier les intérêts locaux et ceux de la vallée en aval.
Enfin, d’autres réservoirs sont encore prévus sur des affluents : à Charpal sur la Colagne (3 à 5 hm³), à Muratels sur le Riou-Mort (5 hm³), ainsi qu’à Gac sur le Célé.
4. Régularisation des débits
En période de basses eaux, les deux derniers barrages du Haut Lot (Golinhac) et de la Truyère (Cambeyrac) assurent 6 m³/s à Entraygues. Sur ce débit de base, les turbinages des retenues du bassin amont lâchent par intermittence 25 à 40 m³/s du Haut Lot ou 35 à 60 m³/s de la Truyère. Les modulations anarchiques des usines de l’aval perturbent ensuite l’ensemble de ces débits.
Afin de relever les débits d’étiages, les deux dernières usines du Haut Lot et de la Truyère pourraient assurer des débits moyens journaliers de 15 à 20 m³/s en lâchant momentanément 28, 40, 60 ou 100 m³/s superposés au débit de base de 6 m³/s. Les usines du cours moyen pourraient alors régulariser soit le niveau en déversant les surplus non turbinés, soit le débit en utilisant au mieux les éclusées de certains biefs.
Les moyens d’action sont donc essentiellement de type réglementaire : ils nécessitent au plus l’élaboration d’avenants au cahier des charges. C’est ainsi que les usines de Golinhac sur le Haut Lot et de Cambeyrac sur la Truyère devront lâcher les débits avec une certaine régularité pour permettre aux premiers barrages-usines en aval d’Entraygues d’amortir efficacement les variations. Entre Entraygues et Cajarc, ces usines pourront donc, dans certaines limites, fonctionner en éclusées. L’usine de Cajarc pourrait elle-même parfaire l’amortissement et garantir un débit pratiquement régularisé aux usines de l’aval. Ces dernières devront obligatoirement fonctionner à niveau constant.
Notons enfin qu’un certain nombre de chaussées ont été remises en état ou surélevées à des fins touristiques ou énergétiques.
5. Les gravières
Elles posent surtout un problème de réglementation. Les gisements exploités s’amenuisent et seront probablement épuisés dans une dizaine d’années. Actuellement, les nuisances pourraient être réduites pendant la période critique d’été par des arrêts d’exploitation en juillet et en août.
6. Élimination des déchets flottants
La présence de déchets flottants est vivement ressentie par la population. Ces déchets proviennent surtout des dépôts d’ordures, plus ou moins organisés ou tolérés. En 1971, l’Agence de Bassin en recensait 49 dont 17 importants ou très importants. Depuis, un effort de collecte et de traitement des ordures ménagères permet, sur les 360 000 habitants concernés, de desservir 150 000 habitants à la fin du VIᵉ Plan et 270 000 à la fin du VIIᵉ. Des équipements complémentaires devront ensuite être réalisés pour quelque 100 000 habitants. Cette action doit s’accompagner d’une fermeture des dépôts existants avec recouvrement au tout-venant, compaction, mise en place de terre végétale, et plantation d’arbres décourageant un usage clandestin du dépôt.
Enfin, les déchets flottants piégés au niveau des chaussées devront être non pas rejetés vers l’aval mais enlevés périodiquement par un service de ramassage.
7. Contrôle de la rivière
La régularité des écoulements en aval d’Entraygues pourrait être facilement contrôlée au niveau de chaque usine au moyen de limnigraphes enregistrant en permanence les niveaux d’eau. Quant au contrôle de la qualité des eaux, il pourrait s’exercer à plusieurs niveaux :
- — les paramètres indicateurs classiques (DBO, DCO…) feraient l’objet de campagnes de mesures instantanées en sept à huit stations judicieusement choisies sur le cours du Lot ;
- — la pollution toxique du Riou-Mort dans le bassin de Decazeville serait tarée au cours de trois ou quatre campagnes de mesures d’une semaine chacune, placées à différentes époques de l’année. Des échantillons instantanés seraient ensuite régulièrement prélevés selon les indications du tarage, et ce tarage serait ensuite contrôlé une fois par an par exemple ;
- — les contaminations particulières, localisées à Decazeville et à Fumel, seraient enfin enregistrées graphiquement à l’aide d’appareils directement placés sur les rejets concernés.
8. Évaluation des investissements
Cette évaluation peut être résumée comme suit (en millions de francs 1975) :
Assainissement industriel | |
---|---|
Bassin de Decazeville | 55 |
Fumel | 1 |
Établissements divers | 05 |
Assainissement type domestique | |
Réseaux d'assainissement | 160 |
Stations d’épuration | 90 |
Élimination des déchets | |
Collecte et traitement | 16 |
Restauration anciens dépôts | 1 |
Soutien des étiages | |
Barrage Saint-Geniez-d'Olt | 40 |
Barrage Muratels (Riou-Mort) | 10 |
Barrage Charpal (Colagne) | 5 |
Infrastructures liées au contrôle de la rivière | 05 |
Total arrondi | 330 MF |
DISCUSSION
Le schéma d’aménagement proposé comprend donc huit grandes actions :
- Lutte contre la pollution domestique.
- Lutte contre la pollution industrielle.
- Relèvement des débits d’étiage.
- Régularisation des débits d'étiage.
- Réglementation de l'exploitation des gravières.
- Élimination des déchets flottants.
- Aménagement des berges du Lot.
- Contrôle général du programme d'aménagement.
Il importe de souligner la cohésion, la complexité et la portée de ce programme.
Cohésion du programme. — Les huit actions proposées convergent vers un même but : préserver la qualité du milieu naturel tout en permettant le développement économique de la vallée. Ces actions dépendent les unes des autres dans leur réalisation. Ainsi, le problème des toxiques dans les eaux du Lot (action 2) continuerait à se poser si le relèvement des débits d’étiage (action 3) n’assurait pas une dilution des concentrations résiduelles en aval du Riou-Mort. L’élimination des déchets flottants (action 6) est de même tributaire de l’aménagement des berges (action 7) et du contrôle du programme (action 8). Ces actions se complètent et l’efficacité de l’une dépend de l’exécution des autres.
Part relative au soutien d'étiage.
Complexité du programme. — Chacune des huit actions a été décomposée en sous-actions élémentaires dans des tableaux précisant les responsabilités administratives, les bénéficiaires, les maîtres d’ouvrage. Ces sous-actions sont de natures diverses, géographiquement dispersées ; elles sont du ressort du département, du sous-bassin, d’une ou de plusieurs communes. Les intervenants pourront donc être nombreux ; mais au niveau des sous-actions comme au niveau des actions, l’ensemble doit être cohérent, rationnel et compris par tous.
Portée du programme. — Les actions proposées intéressent des bénéficiaires nombreux et variés, répartis sur l’ensemble du bassin. Les collectivités locales profiteront des mesures d’assainissement et d’amélioration de la qualité des eaux, les industriels de l’aide à la lutte contre les pollutions, les agriculteurs du développement de l’irrigation, les pêcheurs et les touristes de l’amélioration du milieu naturel. Un assentiment pourrait donc se dégager à la suite d’une information du public ; ceci est essentiel pour le succès du programme.
L’ensemble de l’opération doit donc être ordonné de manière à surmonter sa complexité. D’où l’idée de proposer la création d’une « structure » capable d’assurer :
- la maîtrise financière et la maîtrise d’ouvrage de certains aménagements ;
- l’accueil des maîtres d’ouvrage locaux et des bénéficiaires ;
- la coordination et la synthèse technique en liaison avec les administrations.
Cette structure veillerait ainsi à la façon dont le programme est perçu ; elle aurait pour charge de conduire ce programme, de contrôler ses effets et de discerner les problèmes nouveaux. Elle devrait donc disposer de moyens financiers, mais aussi posséder une compétence technique et rassembler des personnes publiques et privées intéressées par l’aménagement de la vallée.
TRAVAUX CITÉS
CAPBLANCO (J.) et DAUTA (A.). 1978. — Phytoplancton et production primaire de la rivière Lot. Annls Limnol., 14 : 85-112.
CAUSSADE (B.), CHAUSSAVOINE (C.), DALMAYRAC (S.), MASBERNAT (L.). 1978. — Modélisation d’écosystèmes rivières perturbées : application à un bief du Lot. Annls Limnol., 14 : 139-162.
SAY (Ph.). 1978. — Le Riou-Mort, affluent du Lot pollué par métaux lourds. I. Étude préliminaire de la chimie et des algues benthiques. Annls Limnol., 14 : 113-131.
S.E.D.E.S. 1975. — Étude sur la demande en eau dans le bassin du Lot. Synthèse : 15 p.
S.O.D.E.T.E.G. 1976. — Propositions pour un schéma d’aménagement hydraulique de la vallée du Lot : 123 p.
H. DECAMPS.
EFFETS DES IONS CADMIUM SUR LES MEMBRANES BIOLOGIQUES
PROBLÈMES POSÉS PAR L’UTILISATION DE LA TECHNIQUE DU DOSAGE DE L’ATP DANS LES BOUES ACTIVÉES
H. M. DAPOIGNY Ingénieur de Génie biologique Laboratoire de biochimie de Clermont-Ferrand
RÉSUMÉ
Le cadmium, agent polluant de l'eau, agit sur les membranes biologiques (la mitochondrie de cœur) en inhibant la synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP) qui, lui-même, est un agent indicateur de biomasse des boues activées.
Le présent article décrit les principales techniques mises en œuvre qui ont permis de déterminer les sites d’actions du cadmium. Agent anticorrosif, le cadmium est utilisé dans les industries de la soudure, le revêtement électrolytique des métaux, la fabrication des pigments et du papier.
Dans ces mêmes industries, les individus soumis aux inhalations de vapeur de cadmium présentent des troubles pouvant aller jusqu’à la mort. Nous savons, par ailleurs, que le plancton, qui est l’aliment de base du poisson, possède la propriété de concentrer cet élément (1). Au Japon, le riz produit dans les zones industrielles renferme quarante-cinq fois plus de ce métal que celui des autres zones (2).
Nous remarquerons aussi que le cadmium appartient au groupe II B de la classification des éléments tout comme celui du zinc qui, lui, est un cation biologique. Sur le plan de la réactivité, le cadmium forme des complexes avec certains nucléotides (3). Contrairement au mercure, les effets du cadmium ont été peu étudiés. Pour notre part, nous nous sommes intéressés aux effets de l’ion Cd²⁺ sur les membranes mitochondriales de cœur de rat, sites de synthèse essentiels de l’ATP.
L’intérêt de cet article est double :
1. Essayer de comprendre les effets du Cd²⁺ (sous forme chlorure) au niveau des sites de synthèse de l’ATP. 2. Poser le problème de la validité de mesure de l’activité des boues activées par le dosage de l’ATP.
LE RÔLE DE L’ATP
L’adénosine triphosphate est un dérivé riche en énergie, synthétisé dans la membrane interne des mitochondries, mais aussi par les bactéries. La structure en est la suivante :
Adénine — Ribose
Un rapide calcul permettrait de se rendre compte qu’un individu synthétise en vingt-quatre heures l’équivalent de son propre poids en ATP s’il n’était pas utilisé immédiatement pour : — le catabolisme, — la biosynthèse, — l’énergie de transport.
LA SYNTHÈSE DE L’ATP DANS LA MITOCHONDRIE DE CŒUR DE RAT
Il est synthétisé par oxydations successives des substrats (NADH + H⁺, FADH₂). Le transfert des électrons et protons se fait par l’intermédiaire de la chaîne respiratoire.
L’énergie d’oxydo-réduction ainsi libérée est transformée en liaison phosphate si le milieu contient de l’ADP + Pi et si la différence de potentiel est suffisamment importante entre deux transporteurs d’électrons. L’énergie libre de formation doit être au moins égale à 7,3 kcal par mole d’ATP synthétisé.
La phosphorylation dite oxydative se fait au niveau d’un système enzymatique : l’ATPase :
a) Schéma de l’ATPase :
D’après ce schéma, nous constatons que l’oxydation du NADH conduit à la consommation d'un atome d'oxygène et que le rapport ATP/O vaut 3 (nombre de moles d’ATP produites par atome d’oxygène consommé). Pour le FADH₂, le rapport vaut 2 et 1 pour le TMPD (N,N’,N’,N’ tétraméthyl-phénylèdiamine) + ascorbate.
LE DOSAGE DE L’ATP
a) Le principe :
Un enzyme, la luciférase, extraite d’abdomen de luciole, a la propriété d'utiliser l’ATP en présence de luciférine pour produire de l'énergie lumineuse. La réaction se passe en trois temps.
E + LH₂ + ATP ⇌ ELH₂-AMP + Mg²⁺ + PPi (1) ELH₂-AMP + O₂ → E + CO₂ + L + hν + AMP (2) E + L + Mg²⁺ + ATP ⇌ ELAMP + Mg²⁺ + PPi (3)
b) La mesure de la vitesse de synthèse d’ATP :
Dans la cellule d'incubation du polarographe contenant 1,8 ml de suspension mitochondriale, 5 µl de cette suspension sont prélevés dès l'addition de ADP toutes les 20 secondes.
Le prélèvement est ajouté à 245 µl d'une solution tampon contenue dans un tube rhésus. L’addition de luciférine-luciférase se fait par injection pneumatique dans un appareil de type Muca qui enregistre la luminescence produite au moyen d'un photomultiplicateur.
LA PRÉPARATION DES MITOCHONDRIES
Les mitochondries de cœur de rat de souche Wistar sont préparées selon la méthode de Tyler et Gonze (4).
Les cœurs sont prélevés après décapitation. Les mitochondries sont isolées dans un milieu MSE ajusté à pH 7,4 avec du tris molaire.
Composition du milieu MSE :
- — mannitol : 0,025 M
- — saccharose : 0,075 M
- — EDTA : 0,05 M
Une solution de protéase est préparée juste avant le broyage à raison de 5 mg par cœur dans 2,5 ml de milieu MSE auquel on ajoute 0,025 ml de tris molaire. Cette protéase d'origine bactérienne a pour rôle d'agir au niveau des fibres musculaires. Le cœur prélevé est déposé immédiatement dans une solution de milieu MSE glacée, il est débarrassé du sang. À l'aide d'une paire de ciseaux, il est découpé, puis broyé dans un potter Elvehjem avec 2,5 ml de la solution de protéase pendant 30 secondes à raison de 800 tr/min. Immédiatement après ce temps, on ajoute 17,5 ml de milieu MSE pour diluer la protéase qui risquerait d’endommager les mitochondries et, de nouveau, on homogénéise pendant 1 min 30 s, puis on complète à 40 ml. Une première centrifugation avec une centrifugeuse de type Sorvall pendant 10 minutes à 8 900 g a pour rôle de faire précipiter l'ensemble des particules cellulaires dont les mitochondries, afin d'éliminer le surnageant qui contient la protéase.
Le culot obtenu est homogénéisé avec du milieu MSE ; une deuxième centrifugation à 770 g a pour but d’éliminer les noyaux et membranes cellulaires qui précipitent le surnageant à 8 900 g pendant 10 minutes.
Les mitochondries sont récupérées dans 0,5 ml de MSE à froid et serviront à l'étude envisagée.
LES EFFETS DU Cd²⁺ SUR LA VITESSE DE SYNTHÈSE DE L’ATP
a) Processus expérimental :
Dans la cellule du polarographe du type Gilson médical, nous ajoutons successivement : 1,8 ml de milieu TKP (tampon : tris 0,16 M ; potassium 0,112 M ; phosphate 0,005 M ; MgCl₂ 0,0064 M), 5 µl de Cd²⁺ sous forme de CdCl₂ de 0 à 2,5 mM initial. Après agitation, addition de 0,4 à 0,6 mg de protéines mitochondriales (détermination par la méthode Biuret et Lowry).
Les mitochondries respirent pendant trois à quatre minutes, elles se trouvent à l'état 4. Nous ajoutons alors 400 nanomoles d’ADP. Dès cet instant l’ATP synthétisé est prélevé par une micropipette et dosé immédiatement.
b) Résultats :
Nous avons choisi de présenter les résultats les plus significatifs pour expliquer le mode d'action du Cd²⁺ sur la membrane mitochondriale. Nous devons signaler que la consommation d’oxygène n’est pas affectée en absence d’ADP, c’est-à-dire à l'état 4.
Les vitesses de synthèse de l’ATP sont exprimées ci-dessous en nanomoles d’ATP par minute et milligramme de protéines mitochondriales, en fonction du logarithme de la concentration de cadmium (en nanomoles) par milligramme de protéines mitochondriales.
Nos résultats permettent de dégager les points suivants :
Nous remarquons que lors de l’utilisation du succinate pour substrat (courbe —.—.—) la vitesse de synthèse de l’ATP diminue progressivement à partir de 1 nanomole de Cd²⁺ par milligramme de protéines et jusqu’à 12 nanomoles Cd²⁺ par milligramme de protéines. Par contre, le rapport ATP/O est égal au rapport théorique. Lors de l’incubation des mitochondries avec du TMPD + ascorbate (courbe _._._), l’effet inhibiteur du Cd²⁺ commence à la concentration pour laquelle la vitesse de synthèse de l’ATP est totalement inhibée en présence du succinate.
Ces premiers résultats permettent donc de localiser un effet inhibiteur du Cd²⁺ au niveau du troisième site des phosphorylations oxydatives à partir de 10 nanomoles de Cd²⁺ par milligramme de protéines.
Il reste donc à préciser le site d'action du Cd²⁺ au niveau des deux premiers sites de phosphorylation. En effet, il paraît paradoxal d’obtenir une inhibition au niveau du deuxième site tout en conservant un rapport ATP/O = 2.
En ajoutant de la roténone (agent inhibiteur puissant du premier site de la chaîne respiratoire) lors de l’incubation des mitochondries avec du succinate, Cd²⁺ et ADP, le rapport ATP/O = 1. Nous constatons donc ainsi qu’à des concentrations non inhibitrices du troisième site, le Cd²⁺ inhibe les phosphorylations oxydatives au niveau du deuxième site.
En effet, en présence de Cd²⁺, succinate et ADP sans roténone, le rapport ATP/O = 2 parce que le Cd²⁺ est un activateur de la déshydrogénase malique (MDH) (5).
Lors de l’oxydation du succinate, le malate produit est rapidement transformé en oxaloacétate (OAA) formant du NADH réoxydé par la chaîne respiratoire selon le schéma suivant :
Nous remarquerons que le Cd²⁺ manifeste sa toxicité soit en inhibant certains sites, soit en stimulant d'autres sites. Dans le cas de la MDH, le Cd²⁺ agit en déplaçant le zinc de son site d'action.
EFFET DU CADMIUM SUR LA MEMBRANE MITOCHONDRIALE EN PRÉSENCE DE NUCLÉOTIDES
Goodgames et Jeeves (3) mettent en évidence que le Cd²⁺ forme des complexes avec certains nucléotides. Les résultats précédents montrent que c’est l'addition de l’ADP qui potentialise l’effet inhibiteur.
Le but de ce chapitre est de tenter de montrer le rôle du nucléotide (ATP) dans le processus d'inhibition de la respiration mitochondriale.
Résultats :
Les conditions expérimentales sont identiques à celles citées dans le paragraphe précédent ; l’ADP est remplacé soit par l’ATP, l’AMP, le GTP ou l’ITP. Les valeurs portées dans le tableau ci-dessous représentent la concentration de Cd²⁺ exprimée en nanomoles par milligramme de protéines ; la consommation d’oxygène (O₂) exprimée en nanomoles par minute et milligramme de protéines ; la consommation d’oxygène en présence du Cd²⁺ et d’un nucléotide.
L’addition de nucléotide est réalisée trois à quatre minutes après l’incubation des mitochondries :
Nucléotide | Cd²⁺ | O₂ sans | O₂ avec | % inhibition |
---|---|---|---|---|
0 | 188,7 | 241,9 | — | — |
AMP | 708,7 | 245,1 | — | — |
ATP | 56,5 | — | — | — |
ITP | 21,7 | 150 | 365,6 | — |
GTP | 83,9 | 79 | — | — |
0 | — | 745,2 | — | — |
Nous constatons donc que la présence de Cd²⁺ et d’un nucléotide potentialise l’inhibition de la consommation d’oxygène. Le mécanisme d’action n’est pas encore connu, mais on peut penser qu’il s’agit d’une modification des phénomènes de transport membranaire (affinité du cadmium pour les groupes phosphate).
PROBLÈMES POSÉS PAR L’UTILISATION DE LA TECHNIQUE DU DOSAGE DE L’ATP DANS LES BOUES ACTIVÉES
Nous devons rappeler que le but de notre étude était de comprendre les effets des ions Cd²⁺ sur la mitochondrie de cœur de rat.
Nous savons, en outre, que le comportement des bactéries contenues dans les boues activées est comparable à celui des cellules mammaliennes (séquence : cytochrome b-c-a-o). La phosphorylation oxydative met en jeu une naphtoquinone du groupe de la vitamine K et une variété de benzoquinones appelées ubiquinones. Les boues activées étant composées de bactéries, protozoaires, métazoaires, une méthode d’extraction et de dosage de l’ATP a été récemment mise au point (revue « L’EAU ET L’INDUSTRIE », n° 32), parce que les micro-organismes utilisent pour leur biosynthèse l’ATP avec la même efficacité.
Le problème est alors de savoir s’il y a danger à utiliser cette technique de mise en évidence de production de biomasse. Il faudrait alors connaître exactement les effets des métaux lourds ou autres agents toxiques sur la chaîne respiratoire des boues activées.
CONCLUSION
Comme le mercure, le zinc et le plomb, le cadmium affecte le mécanisme des phosphorylations de la mitochondrie.
L’ATP étant un dérivé riche en énergie important chez les bactéries, il faudrait alors envisager d’étudier les effets du cadmium sur les boues activées, puisque cet élément est un polluant de l’eau.
H. M. DAPOIGNY.
BIBLIOGRAPHIE
1. MARTIN J., BROEN KOW W. V. — (1975), Science, 190, 884-885.
2. CHAUBE S., NISHIMURA H., SWINYARD C. A. — (1973), Arch. Environ. Health, 26, 237-240.
3. GOODGAME David M. L., JEEVES I., REYNOLDS C. D., SKAPSKI A. C. — (1975), Biochem. J., 151, 467-468.
4. TYLER B. D. et GONZE Jeannine — (1967), Methods in Enzymology, 75-76.
5. WEBER C. W. et REID B. L. — (1969), Toxicology and Applied Pharmacology, 14, 420-425.