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Qualité physico-chimique des eaux souterraines et superficielles du Sahara septentrional oriental algérien

30 avril 2008 Paru dans le N°311 à la page 79 ( mots)
Rédigé par : Samia ACHOUR, Leila YOUCEF et Saadia GUERGAZI

L?objectif de cette étude est de présenter les principales caractéristiques physico-chimiques des eaux souterraines et superficielles du Sahara septentrional oriental algérien. Ces eaux sont apparues comme très minéralisées et excessivement dures, avec de fortes teneurs en chlorures et en sulfates. Les eaux souterraines de la nappe albienne ont semblé de meilleure qualité que les eaux du complexe terminal et ont présenté des teneurs plus faibles en fluor, conformes aux normes. Dans cette région, les ressources superficielles sont représentées essentiellement par les eaux des barrages Foum El Gherza et Fontaine des Gazelles. Elles sont moins minéralisées que les eaux souterraines et leur charge organique est essentiellement de nature humique. De plus, après chloration, elles peuvent donner lieu à la formation de composés organohalogénés potentiellement toxiques.

En Algérie, les ressources hydriques utilisées consistent en eaux souterraines et superficielles. Leur mobilisation a, de tout temps, constitué un défi à la fois technique et financier. Les potentialités en ressources tant souterraines que de surface sont importantes, mais elles présentent le sérieux inconvénient d’être inégalement réparties sur un vaste territoire. Le territoire algérien couvre en effet une superficie de 2 380 000 km² dont 85 % correspondent à la zone désertique. Les disparités régionales en matière de ressources hydriques seraient ainsi particulièrement liées à une répartition zonale nord/sud de la pluviométrie et à l’existence d’une forte évaporation des apports hydriques dans le sud du pays. Par ailleurs, l’accroissement des besoins en eau (pression démographique, urbanisation accélérée, agriculture en irrigué…) a provoqué d’énormes déficits en eau.

Les différents secteurs utilisateurs et consommateurs peuvent également induire des effets plus ou moins négatifs sur la qualité de ces eaux (rejets urbains et industriels, pratiques agricoles). Il importe donc que les eaux naturelles, déjà en quantités réduites, puissent faire l’objet d’analyses systématiques et régulières de leur qualité ou de surveillance de pollution par certains effluents.

Nos travaux s’inscrivent donc dans le cadre global de l’appréciation de la qualité physico-chimique des eaux naturelles algériennes. Ils ont surtout pour objectif de mettre

Mots-clés : dureté, eaux souterraines, eaux de surface, fluor, minéralisation, substances humiques, sud algérien.

[Photo : Situation géographique de la zone d’étude.]

Eaux souterraines du Sahara septentrional oriental

Aperçu hydrogéologique

Le bassin sédimentaire du Sahara septentrional est partagé entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye et renferme des réserves d’eau considérables. Ces dernières ne sont cependant pas renouvelables et ne sont pas exploitables en totalité. Le système aquifère saharien désigne la superposition de deux principales couches aquifères dont la plus profonde est celle du Continental Intercalaire (CI), sous-jacente à celle du Complexe Terminal (CT). Ce système recouvre une étendue de plus d’un million de km² dont 700 000 se trouvent en Algérie.

Le sous-bassin oriental est le plus étendu et est caractérisé par l’absence de relation entre l’aquifère du CT et celui du CI. À l’heure actuelle, l’hydrogéologie de tout le système aquifère saharien est assez bien connue grâce à plusieurs études de synthèse dont la plus importante est celle de l’Unesco (1972), actualisée en 1982. Le projet SASS (OSS, 2003) a également permis d’améliorer les connaissances géologiques et hydrogéologiques du bassin dans son ensemble grâce à des sondages récents et par l’étude historique sur 50 ans de la piézométrie (cote du niveau d’eau) ainsi que celle de la salinité.

Durant la dernière décennie, les techniques isotopiques appliquées en Algérie ont également contribué à différencier plusieurs types d’eaux dans les ensembles aquifères sahariens ainsi que leur évolution hydrogéochimique (Guendouz et al., 2003 ; Edmunds et al., 2003). Le système aquifère saharien est ainsi reconnu et exploité par près de 8 800 points d’eau dont 6 500 en Algérie. Certaines contraintes d’exploitation (grande profondeur, températures élevées…) font que seuls quelques forages exploitent la nappe du CI (nappe des grès ou albienne) dans la région orientale.

Les nappes les plus exploitées, par des forages moyennement profonds, sont celles du complexe terminal et représentées par trois unités aquifères :

  • la nappe phréatique du Quaternaire
  • la nappe des sables du Miopliocène et du Pontien
  • la nappe des calcaires de l’Éocène et du Sénonien

Une grande partie des débits prélevés est consacrée à l’agriculture alors que celle destinée à l’alimentation en eau potable est relativement faible et peut être inférieure à 10 % dans ces régions.

L’évolution du nombre de forages (notamment pour le CT) et de leur régime d’exploitation expose ces ressources en eau à des risques majeurs tels que des hauteurs de pompage excessives, la disparition de l’artésianisme et la salinisation des eaux (OSS, 2003). Les premiers signes de détérioration de la qualité de ces eaux sont signalés depuis déjà de nombreuses années (FAO, 2005).

Caractéristiques physico-chimiques des eaux

Procédure expérimentale

L’échantillonnage des eaux de forages a été réalisé au cours de plusieurs campagnes dans le cadre d’études entreprises par notre laboratoire entre les années 2000 et 2005. Les prélèvements ont concerné aussi bien les eaux destinées à l’alimentation en eau potable que celles destinées à l’irrigation. Pour chaque région considérée, différents niveaux aquifères du CI ou CT ont été échantillonnés. Les paramètres physico-chimiques des eaux (pH, conductivité, dureté, alcalinité, …) sont déterminés par

Tableau 1 : Caractéristiques physico-chimiques de quelques eaux de la région Est du Sahara septentrional. CT : Complexe terminal ; CI : Continental intercalaire.

Point d’eau pH Cond. (µS cm⁻¹) TH (°F) TAC (°F) Na⁺ (mg L⁻¹) K⁺ (mg L⁻¹) Cl⁻ (mg L⁻¹) SO₄²⁻ (mg L⁻¹) F⁻ (mg L⁻¹)
Khanguet Sidi Nadji (CT/Biskra) 7,21 3,46 247 14,0 446 40 446 2000 3,54
Ouled Djellal (CT/Biskra) 7,96 3,79 191 11,0 356 26 1459 1250 0,65
CEB Mao (CT/Ouargla) 7,97 2,62 104 7,0 361 23 1051 483 1,99
El Hadeb (CI/Ouargla) 7,30 1,53 81 12,0 170 20 443 540 0,58
Kouinine (CT/El Oued) 7,51 3,70 113 9,3 540 60 839 870 1,65
DW 102 (CI/El Oued) 7,21 2,39 83 11,2 228 34 794 790 0,38
Sidi Slimane (CT/Touggourt) 8,10 3,12 215 21,4 540 90 906 312 0,70
F 8 (CT/Hassi messaoud) 7,44 3,63 315 42,1 428 125 973 920 1,20
MdH20 (CI/Hassi messaoud) 7,35 2,62 73 13,1 264 39 518 662 0,52

les méthodes standards d’analyse (APHA, 1992 ; Rodier, 1996). Le sodium et le potassium sont dosés par photométrie à émission de flamme. Le fluor est déterminé par la méthode potentiométrique en utilisant une électrode spécifique aux ions fluorures.

Résultats et discussion

Grâce à un échantillonnage suffisamment représentatif de la nature des eaux de la région, il nous a été possible d’établir une synthèse des résultats d’analyses physico-chimiques réalisées. Le tableau 1 en présente quelques exemples pour chaque région et suivant les aquifères considérés (CT ou CI).

Sur la base de l’ensemble des résultats, les caractéristiques essentielles de ces eaux peuvent alors être résumées comme suit :

Température

Les eaux de la nappe des sables et des calcaires ont des températures quasiment constantes, voisines de la température du gîte géologique. Selon la période de prélèvement et donc de la température ambiante, les températures mesurées sur les eaux du CT évoluent dans des gammes proches de 20 à 30 °C. Par contre, les eaux plus profondes de la nappe albienne sont influencées par le gradient géothermique et se caractérisent dans toute la région d’étude par des eaux à températures élevées, dépassant souvent 50 °C (tableau 2).

Tableau 2 : Températures au prélèvement de quelques eaux de la nappe albienne

Région Profondeur du forage (m) Température (°C)
Oued Djefal (Biskra) 2 315 57
El Hadeb (Ouargla) 1 335 47,4
Sidi Mahdi (Touggourt) 1 799 54,5
Chouhada (El Oued) 1 850 57
Oms06 (Hassi Messaoud) 1 850 59

Pour les forages destinés à la distribution publique, il n’y a donc nécessité de refroidir les eaux. Ceci entraîne cependant une perturbation de l’équilibre calco-carbonique, créant des problèmes d’obstruction des canalisations signalés dans les régions de Biskra, Touggourt et El Oued (Achour, 2001).

pH et alcalinité

Le pH de toutes les eaux analysées est voisin de la neutralité avec un caractère légèrement alcalin, mais il reste inférieur à 8,3. L’alcalinité est alors de type bicarbonaté. Ceci implique par ailleurs que les eaux peuvent contenir du CO₂ libre. Ce ne serait qu’après détente qu’il y aurait du CO₂ à l’air libre provoquant un déséquilibre carbonique et aboutissant ainsi à la précipitation de carbonate de calcium du fait que le calcium se trouve en fortes teneurs dans ces eaux (Achour, 2001 ; Youcef, 2006).

Conductivité et minéralisation

Les valeurs de la conductivité des eaux sont globalement supérieures à 1 000 µS cm⁻¹ et indiquent ainsi une minéralisation élevée. Toutefois, les eaux de la nappe albienne apparaissent comme moins minéralisées par rapport aux nappes les plus superficielles du CT. Concernant la nappe des sables (Miopliocène, Pontien), les cartes de minéralisation dressées par Bouchahm et Achour (2004) avaient indiqué un accroissement de la minéralisation dans le sens de l’écoulement des eaux, grâce à des phénomènes de dissolution et de mise en solution des sels à partir des terrains géologiques traversés.

Le sens de la propagation de la minéralisation apparaît alors du sud-ouest (région de Ouargla) vers le nord-est (région de Biskra). Cette observation rejoint l’étude du CDTN (Guendouz et al., 2003) se rapportant aux eaux du Grand Erg Oriental en Algérie et en Tunisie. Par ailleurs, les minéralisations les plus faibles correspondent généralement à la partie amont de la nappe pour les régions considérées. Il est également apparu que la nappe des calcaires (Éocène, Sénonien) était souvent localement moins chargée en sels dissous que la nappe des sables. Ceci a pu être constaté dans les eaux des régions de Biskra et Ouargla (Achour, 1990 ; Achour et Youcef, 2001). Le tableau 3 permet de donner un bref aperçu de la variation de la minéralisation totale dans chaque région et pour chaque niveau aquifère. Les valeurs présentées sont calculées à partir des mesures des conductivités électriques.

Tableau 3 : Minéralisation totale des eaux de la zone orientale du Sahara septentrional

Niveau aquifère – Région – Minéralisation (g l⁻¹)
Nappe phréatique – Biskra : 2,426 – 7,0 ; Ouargla : 3,385 – 6,41 ; El Oued : 3,354 – 6,21
Nappe des sables – Biskra : 3,865 – 6,32 ; Ouargla : 1,877 – 5,17 ; Touggourt : 2,807 – 5,18 ; El Oued : 2,673 – 7,0 ; Hassi Messaoud : 2,534 – 2,7
Nappe des calcaires – Biskra : 1,04 – 4,17 ; Ouargla : 1,44 – 3,37 ; Touggourt : 2,37 – 4,80 ; El Oued : 2,67 – 2,85 ; Hassi Messaoud : 2,14 – 3,35
Nappe albienne – Biskra : 1,44 – 3,0 ; Ouargla : 1,74 – 2,83 ; Touggourt : 1,35 – 2,81 ; El Oued : 1,72 – 2,46 ; Hassi Messaoud : 2,0 – 3,79

Remarquons enfin que cette salinité est avant tout d’origine géologique (salinité primaire). Mais elle aurait tendance à s’accroître du fait d’une mauvaise exploitation des forages, voire même être aggravée par une pollution d’origine anthropique, rendant l’eau impropre même à l’irrigation.

Au niveau des forages de la région de Hassi Messaoud et captant les nappes du Miopliocène et du Sénono-Éocène, la salinité semble augmenter avec le débit pompé (Sellam et Saïl, 1992). Le problème de corrosion des pompes et du tubage est souvent signalé, notamment dans la zone industrielle de Hassi Messaoud.

Dureté (TH)

Pour toutes les eaux analysées, nous avons pu constater que la dureté totale dépassait assez largement 50 °F, la norme recommandée par l’OMS (OMS, 1993). Ces eaux apparaissent comme excessivement dures comparées aux eaux du nord algérien qui présentent des duretés voisines de 20 à 30 °F (Achour et Guergazi, 2002). Notons aussi que l’évolution du rapport Mg/Ca a indiqué localement l’intervention de gypses dans l’enrichissement des eaux en calcium et en magnésium (Bouchahm et Achour, 2004).

Ions dominants

Ce sont le plus souvent les chlorures et les sulfates parmi les anions, le calcium et le magnésium parmi les cations. Selon le sens de l’écoulement, les eaux de la région étudiée semblent présenter deux faciès chimiques, chloruré et sulfaté calcique et magnésien en amont avec une tendance à devenir chloruré sodique et potassique à l'aval. Compte tenu de l’évaporation intense, les nappes phréatiques se sont avérées parfois hyperchlorurées sodiques, notamment dans la région d’Ouargla. Quant aux eaux de la nappe des sables, elles sont en amont chlorurées ou sulfatées calciques et en aval chlorurées ou sulfatées sodiques. Les eaux de la nappe albienne sont globalement de type sulfaté et chloruré calcique et magnésien (Achour, 2001) sauf dans la région de Hassi Messaoud où le faciès chloruré sodique et sulfaté sodique sont largement répandus aussi bien dans les nappes du CT que celles du CI (Sellam et Saïl, 1992). Dans cette zone, les valeurs du sodium s’échelonnent entre 200 et 800 mg/L et le rapport Ca/Na montre des valeurs souvent inférieures à 1. Ainsi, la plupart des eaux du CT destinées à l'irrigation se caractérisent par des coefficients d’absorption du sodium (S.A.R.) pouvant dépasser la valeur de 12. Ce qui augure d'un fort danger d’alcalinisation et de salinisation des sols pour toute la région Est du Sahara septentrional.

Ions particuliers

Le fer dissous existe plus spécialement dans les eaux profondes où il peut atteindre des teneurs élevées (Guergazi et Achour, 2005). Le tableau 4 présente quelques exemples de teneurs en fer dans les eaux du CI pour les régions étudiées.

Tableau 4 : Teneurs en fer dans quelques eaux du CI

Forage – Fer dissous (mg/L)
El Hadeb (Ouargla) : 1,9
Temalhut (Ouargla) : 3,0
Sidi Mahdi (Touggourt) : 1,8
Bliâet Amor (Touggourt) : 2,7
Ouled Djellal (Biskra) : 0,43
Omg56 (Hassi Messaoud) : 0,40

Edmunds et al. (2003) indiquent également que la concentration en fer total dans les eaux du CI augmente de valeurs allant de 0,2 à plus de 10 mg/L en fonction de l'évolution du potentiel redox de ces eaux. À l'inverse, les nitrates sont quasiment absents des eaux du CI de la région d’étude du fait de la disparition de conditions oxydantes dans cet aquifère.

Cependant, les eaux plus superficielles du CT pourraient être le siège de réactions d’oxydo-réduction importantes. Ceci favoriserait la persistance de conditions oxydantes aérobies permettant l’augmentation des teneurs en nitrates par le biais de processus naturels dans les aires de recharge des nappes (Guendouz et al., 2003). De plus, il y a lieu de signaler la contribution des pratiques agricoles dans l'accroissement des concentrations en nitrates dans les eaux du CT de la région. Ainsi, dans la région de Biskra où l'agriculture a été fortement développée durant ces deux dernières décennies, nous avons pu mesurer des concentrations en nitrates variant de 2,6 à 30 mg/L dans les eaux de la nappe des sables destinées à la boisson.

Le fluor

Il est présent dans toutes les eaux des aquifères de la zone d’étude. Les teneurs sont toutefois variables selon la région et la nature de la nappe (cf. tableau 1).

D'une façon générale, la nappe albienne du CI est apparue comme moins chargée en fluor, avec une répartition des teneurs assez homogène de l'ordre de 0,4 à 0,8 mg/L, conformes aux normes de l'OMS relatives à la région (0,6 à 0,8 mg/L). Edmunds et al. (2003) indiquent également des valeurs entre 0,3 et 1,2 mg/L pour les eaux du CI algérien et tunisien, précisant que ces eaux étaient sous-saturées en fluorine. Les nappes du CT présentent des concentrations dépassant dans la plupart des cas 1 mg/L, avec un accroissement de ces concentrations selon le sens de l’écoulement des eaux. Guendouz et al. (2003) indiquent que des éléments mineurs comme les F ou les Br suivent les mêmes tendances que les ions majeurs qui augmentent le long des lignes d'écoulement. Ils observent également un accroissement progressif des concentrations en fluorures le long de l'aquifère de 0,6 à 2,75 mg/L.

Par ailleurs, les études antérieures (Azout et Abraham, 1978 ; Aroua, 1981) laissaient penser que le risque fluoritique se limitait à la région d'El Oued, plus rarement Touggourt ou Ouargla. Peu de données étaient disponibles pour des zones plus au nord du territoire saharien comme la région de Biskra ou pour une zone dite industrielle comme Hassi Messaoud. Nos résultats (tableau 5) concernent les eaux de la nappe du Miopliocène destinées à l'alimentation en eau potable des agglomérations de Biskra et Hassi Messaoud. Ils montrent que les teneurs en fluorures sont toutes aussi élevées que dans les autres régions, dépassant la norme de potabilité relative à la zone d’étude.

Tableau 5 : Teneurs en fluor dans la nappe du Miopliocène des régions de Biskra et Hassi Messaoud

Hassi Messaoud

Forage – Fluor (mg/L)
F7 : 1,41
F8 : 2,20
F14 : 1,13
F20 : 2,20
BT101 : 2,80
BN102 : 1,92
E2BH1 : 3,15

Biskra

Forage – Fluor (mg/L)
Bouchagroune : 2,23
Aïn Naga 1 : 3,83
Aïn Naga 2 : 2,47
Sidi Okba : 1,04
M’Zirâa : 1,81
Bades 1 : 1,95
Chalba : 1,96

Ces teneurs en fluor, plus élevées que celles des eaux du CI, demeurent cependant bien inférieures à celles d’autres systèmes aquifères à travers le monde, tels que le grand bassin artésien d’Australie (Habermel, 1983), le bassin du Sénégal (Travi, 1993) ou celui du sud de l'Oural pour lequel Popov (1979) signale des valeurs pouvant atteindre 20 mg/L en ions fluorures. Les causes de la présence de fluor en excès dans les eaux du Sahara septentrional demeurent encore au stade des hypothèses. Toutefois, une origine exogène étant peu probable, les teneurs relevées dans les nappes de la région orientale semblent bien être le fait de la nature géologique des réservoirs. En étudiant les nappes du CT de la Tunisie méridionale, Travi (1993) observe également que les teneurs en fluor paraissent totalement indépendantes de l'absence ou de la présence d’épontes phosphatées.

faibles teneurs en phosphates que nous avons mesurées sur les eaux prélevées (0,07 à 0,42 mg L⁻¹ PO₄³⁻) pourraient confirmer cet aspect (Youcef, 2006). De ce fait, l'origine du fluor peut être recherchée au niveau du toit de l’aquifère. Celui-ci, constitué d'argiles pour la nappe du Miopliocène, de marnes et d’évaporites pour les nappes du Sénonien et de l'Éocène (ERESS, 1972), pourrait par un lessivage plus ou moins important contribuer à la minéralisation en fluor. Il y a lieu de rappeler également que les teneurs en fluorures dépassent rarement 3 à 4 mg L⁻¹. L'enrichissement en fluor pourrait alors être réglé surtout par le produit de solubilité de la fluorine et donc la saturation vis-à-vis de la fluorine (Achour, 2001 ; Travi, 1993). De même, l'intensification des pompages pourrait se caractériser par un accroissement des valeurs les plus faibles et une baisse ou une stabilisation des valeurs les plus fortes en fluor (Travi, 1993). Un tel phénomène est susceptible de se produire dans toute la région orientale du Sahara septentrional si l'on tient compte de la surexploitation des nappes du CT pour les besoins de l'agriculture.

Ressources en eaux superficielles

Ressources en eaux dans le Chott Melghir

Dans la zone d’étude, les ressources en eaux correspondent à celles du Chott Melghir qui est l'un des plus grands bassins versants de l’Algérie avec une superficie de 68 750 km². Grâce à sa situation géographique, il assure la transition entre le nord et le sud de l'Algérie et bénéficie des apports en eau de différents cours d'eau, notamment en période de crue. Les ressources en eaux de surface sont évaluées à 50 Hm³ en volumes régularisables à partir de trois barrages (Foum El Gherza, Fontaine des Gazelles et Babar). Les oueds alimentant ces barrages sont caractérisés par un écoulement intermittent. Un document de synthèse de l’Agence de bassin hydrographique du Sahara (ABHS, 2005) nous fournit les données présentées dans le tableau 6.

Tableau 6 : Barrages en exploitation dans la région d’étude

Ouvrage : Foum El Gherza – Oued : Biskra – Année de mise en service : 1950 – Volume régularisable : 21 Hm³ – Destination : irrigation
Ouvrage : Fontaine des Gazelles – Oued : El Hai – Année de mise en service : 2000 – Volume régularisable : 15 Hm³ – Destination : irrigation
Ouvrage : Babar – Oued : El Arab – Année de mise en service : 1998 – Volume régularisable : 24 Hm³ – Destination : irrigation

Les eaux des grands barrages en exploitation de la zone considérée sont actuellement utilisées pour l’irrigation des grands périmètres. Mais dans la perspective de leur utilisation pour les besoins en eau potable, nous nous sommes particulièrement intéressés à la qualité de ces eaux.

Caractéristiques physico-chimiques des eaux des barrages Foum El Gherza et Fontaine des Gazelles

Procédure expérimentale

Les principales caractéristiques physico-chimiques des eaux des barrages précités ont été déterminées sur la base de méthodes standard d’analyse (Rodier, 1996). La matière organique a été évaluée selon le cas par l'oxydabilité au permanganate de potassium à chaud en milieu acide, par le carbone organique total (COT) ou l'absorbance UV à une longueur d’onde de 254 nm. Le dosage des substances humiques a été effectué par la méthode des tannins-lignines (Rodier, 1996).

Résultats et discussion

L'examen du tableau 7 appelle plusieurs remarques concernant la qualité des eaux considérées.

Comparées aux normes recommandées par l'OMS et appliquées en Algérie, les valeurs des paramètres globaux indiquent une qualité moyenne des eaux, voire médiocre. Bien que moins minéralisées que les eaux souterraines du CT de la région, elles restent assez chargées en sels minéraux avec des conductivités supérieures à 1 000 µS cm⁻¹ et des duretés importantes. En particulier, la dureté permanente s'avère élevée et correspondrait essentiellement à des teneurs considérables en chlorures et sulfates. Par comparaison, les eaux de barrage du nord algérien apparaissent comme moyennement minéralisées et mi-dures (Achour et Guergazi, 2002). Les teneurs en fluor sont conformes aux normes de potabilité et sont de l'ordre de 0,3 à 0,5 mg L⁻¹.

Par ailleurs, la turbidité des eaux de barrage du sud algérien est assez peu élevée du fait d'une végétation peu dense associée à la faiblesse des précipitations avec une pluviométrie moyenne annuelle de l’ordre de 380 mm (ANAT, 2003). Quant à la matière organique des eaux des barrages Foum El Gherza et Fontaine des Gazelles, elle reste dans des limites acceptables lorsqu’elle est exprimée par des paramètres globaux tels que l'oxydabilité au permanganate ou le COT. Les valeurs de la densité optique en UV et celles du paramètre tannins-lignines permettent de supposer qu’une part non négligeable de cette matière organique est liée à la présence de substances humiques. En représentant la fraction prépondérante du COT, ces macromolécules naturelles témoignent d’une pollution exogène quasi inexistante. Toutefois, il faut signaler que ces substances sont susceptibles de créer des difficultés dans l’optimisation des traitements physico-chimiques que pourraient, à l'avenir, subir ces eaux de barrage. En particulier, au cours de l’étape de désinfection, elles pourraient fortement consommer le chlore et mener à la formation de sous-produits organohalogénés potentiellement toxiques. La chloration de ces eaux, que nous avons réalisée en laboratoire, a ainsi montré que les potentiels de consommation en chlore étaient de l'ordre de 5 à 10 mg Cl₂ L⁻¹. Les potentiels de formation de trihalométhanes (THM) sont apparus également comme non négligeables (tableau 8).

Tableau 8 : Potentiels de formation de THM ; Cl₂ introduit = 20 mg·L⁻¹ ; t = 24 heures

PTHM (µg·L⁻¹) Eau de Foum El Gherza (Hiver / Été) Eau de Fontaine des Gazelles (Hiver / Été)
CHCl₃ : 39 / 45 45 / 149
CHCl₂Br : 16 / 38,4 14 / 26
CHClBr₂ : 12 / 19 10 / 15,8
CHBr₃ : 8 / 14 4,8 / 8,5

La mise en évidence de la formation de THM bromés s'est trouvée liée à la présence d'ions bromure dans les eaux du fait de la nature géologique des terrains de la région d’étude. Les variations saisonnières des teneurs en THM pourraient être essentiellement reliées aux grands écarts de températures observés dans la région.

Conclusion

L'objectif de notre étude était d'effectuer une mise au point sur les principales caractéristiques physico-chimiques des ressources hydriques du sud algérien et notamment la région orientale du Sahara septentrional. L’évaluation de la qualité des eaux souterraines a été appréhendée grâce à un échantillonnage assez exhaustif des forages de la région de Biskra, Ouargla, Touggourt, El-Oued et Hassi Messaoud pour différents niveaux aquifères. Les caractéristiques minérales sont apparues globalement médiocres avec des valeurs élevées et dépassant souvent les normes de potabilité pour des paramètres tels que la conductivité, la dureté, les chlorures ou les sulfates. Toutefois, la nappe albienne profonde a semblé moins minéralisée que les nappes du complexe terminal et ont présenté, en particulier, des teneurs en fluor conformes aux normes de potabilité de la région. Concernant les nappes les plus exploitées actuellement (nappes du CT), les teneurs en fluor dépassent généralement 1 mg·L⁻¹ et peuvent atteindre 3 mg·L⁻¹, voire plus. Dans le bassin sédimentaire du Sahara septentrional, l’origine et les mécanismes de transfert du fluor ne sont pas encore élucidés. Toutefois, compte tenu du contexte géologique, nous avons pu supposer que les formations sablo-argileuses ou calcaires pouvaient contribuer à l’enrichissement des eaux en fluor.

Nous nous sommes également intéressés à la qualité des ressources superficielles les plus importantes dans cette région, à savoir les eaux des barrages Foum El Gherza et Fontaine des Gazelles situés dans la Wilaya de Biskra. Du fait du contexte géographique, la turbidité des eaux a paru assez peu élevée. La minéralisation de ces eaux de surface est moins importante que celle de la plupart des eaux souterraines de la région mais la dureté, les chlorures et les sulfates restent à des teneurs appréciables. Quant aux charges organiques déterminées, elles semblent indiquer que les composés d'origine naturelle tels que les substances humiques sont encore prépondérants. La chloration de ces eaux peut toutefois aboutir à une dégradation de leur qualité du fait de la formation de sous-produits organohalogénés présentant un risque pour la santé.

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