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Quand Yellowstone se réveillera

31 juillet 2014 Paru dans le N°373 à la page 105 ( mots)
Rédigé par : Antoine DERUEL

Yellowstone, c'est d'abord le mariage de deux éléments antagonistes, l'eau et le feu. Mais derrière les spectacles fabuleux offerts par ce haut lieu du tourisme, se cache un monstre, un super-volcan responsable, dans le passé, de plusieurs extinctions'

Situé aux confins du Wyoming, du Montana et de l’Idaho, dans le nord-ouest américain, le parc national de Yellowstone est un haut lieu du tourisme. Yellowstone est souvent considéré comme l’un des plus beaux parcs nationaux au monde pour son paysage, sa flore et sa faune sauvage. C’est aussi le plus grand et le plus ancien : il fut créé le 1ᵉʳ mars 1872. Sa superficie est comparable à celle de la Corse. La forêt naturelle du parc national de Yellowstone couvre près de 9 000 km². Mais le parc est surtout connu pour ses phénomènes hydrothermaux. Car on recense à Yellowstone pas moins de 10 000 points d’activités thermales, soit plus de la moitié des phénomènes géothermiques du monde ! Le parc comprend près de 300 geysers en activité, qui représentent les deux-tiers des geysers recensés sur la planète. C’est aux couleurs chatoyantes des produits d’altération des roches volcaniques par les eaux chaudes et acides que le parc doit son nom : yellow-stone, littéralement pierre jaune en français. On trouve également dans le parc un canyon, des restes de végétaux fossilisés, un lac relativement étendu pour son altitude, mais aussi des restes de civilisations indiennes remontant à près de 11 000 ans avant notre ère. Il n’est ouvert au public que six mois de l’année. Le reste du temps, il est recouvert par la neige et d’un accès difficile.

Mais les spectacles grandioses que l’on peut y observer attirent chaque année

[Photo : Le parc de Yellowstone est traversé dans sa partie Est par un canyon creusé par la rivière du même nom. La rhyolite, associée au soufre que l'on trouve en abondance dans le grand canyon de Yellowstone justifie son surnom de « pays de la pierre jaune ».]

Près de 3 millions de touristes, soit jusqu'à 30 000 visiteurs par jour en été ! Au grand émerveillement des visiteurs, certains de ces geysers, dont le célèbre « Old Faithful », crachent à plusieurs dizaines de mètres de hauteur leurs volutes d'eau et de vapeur avec une régularité légendaire. D'autres restent assoupis durant des semaines, des mois ou des années avant d'exploser à nouveau. Le tout au milieu d'une profusion de fumerolles nauséabondes, de lagons multicolores et de chaudrons brûlants où bouillonnent des boues sulfureuses. Des chaînes de montagnes entourent le plateau volcanique du parc, situé à une altitude moyenne de 2400 m. Car avant d'être un parc naturel, Yellowstone est d'abord et avant tout un point chaud de l'écorce terrestre.

Yellowstone, un point chaud de l'écorce terrestre

Autrefois, Yellowstone était appelé « la région où l'enfer déborde ». C'est que la croûte terrestre est très mince dans cette région du monde. Le magma en fusion se trouve à moins de 6 kilomètres sous la surface, contre 30 km en moyenne ailleurs. La neige fournit l'eau qui, en fondant, s'accumule dans les différentes fissures de la croûte terrestre. L'eau, chauffée dans les profondeurs du sous-sol, ressort sous forme de sources jaillissantes, de fumerolles et de pots de boue. L'activité sismique de l'endroit est la plus intense de toute la région des Montagnes Rocheuses. Cette activité remonte à l'époque du Tertiaire. Il y a 2 millions d'années, puis 1,2 million d'années, et puis il y a encore 600 000 ans, de gigantesques éruptions volcaniques ont eu lieu ici. L'éruption qui s'est déroulée il y a deux millions d'années a produit plus de 2 500 km³ de cendres, près de cent fois le volume du Mont-Blanc ! L'éruption la plus récente, il y a 600 000 ans, a expulsé environ 1 000 km³ de débris et de cendres à une altitude de plus de 45 km. À la suite de cette explosion, le centre du parc actuel s'est écroulé en formant une gigantesque caldeira de 45 kilomètres de long sur 75 kilomètres de large et 2 000 mètres de profondeur.

Aujourd'hui, Yellowstone se trouve toujours au-dessus d'un feu permanent dont l'activité s'intensifie. Entre 1996 et 2003, près de 300 événements sismiques ont été répertoriés à proximité du parc. Après une relative accalmie, une nouvelle série de tremblements de terre relativement forte a débuté au mois de novembre 2013. Elle se poursuit aujourd'hui encore et inquiète les scientifiques qui auscultent de très près le nord-est de la caldeira. Une zone du parc a même été fermée aux visiteurs en raison des températures élevées et de la déformation des sols. Dans les quelques jours précédant la fermeture, l'acidité des eaux souterraines avait rongé les chemins autour de certains geysers et la température des traînées acides au sol avait atteint 190 °, loin du maximum habituel de 80 °.

Des volcanologues ont mis en évidence un important mouvement de magma sous le parc et calculé que le niveau du sol à Yellowstone s'était élevé de plus de quatre-vingt centimètres depuis 1920. Mais la découverte la plus importante reste la mise en évidence d'un super-volcan à l'origine de plusieurs extinctions.

Un super-volcan à l'origine de plusieurs extinctions

C'est grâce aux études réalisées par la

[Photo : Certains geysers, ici le célèbre « Old Faithful », crachent à plus de 40 mètres de hauteur leurs volutes d'eau et de vapeur.]
[Photo : Vue des terrasses de Mammoth Hot Springs. L’eau chaude chargée de gaz carbonique filtre à travers le sol, dont elle dissout le calcaire. En arrivant à l’air libre, sa pression diminue, le gaz carbonique s’échappe, et le calcaire se dépose en fines lames qui s’amoncellent depuis des siècles. L’eau ruisselle en fumant et cascade de bassin en bassin.]

Les recherches menées autour du super-volcan de Yellowstone ont montré que celui-ci explosait en moyenne une fois tous les 600 000 ans. Or, sa dernière éruption remonte à 640 000 ans... L’explosion de l’immense poche de lave souterraine d’environ 100 kilomètres de diamètre provoquerait des dégâts semblables à ceux que produirait l’impact d’un astéroïde de moyenne taille. Elle causerait tellement de chaleur qu'elle propulserait les gaz, cendres et poussières à une altitude de 30 voire 40 kilomètres. Portées à cette hauteur par la chaleur intense, les cendres bloqueraient durablement les rayons du soleil, dérégleraient le climat, entraînant ainsi la disparition des écosystèmes sur les trois quarts du continent nord-américain...

NASA au-dessus du parc Yellowstone pour une mission spatiale, que l’existence d’un super-volcan fut mise en évidence en 1966. Un volcan de niveau 8, le plus important sur l’échelle des volcanologues. Les super-volcans, responsables d’avoir provoqué dans le passé plusieurs extinctions, ont peu en commun avec les volcans normaux. Ils peuvent se comparer à 1000 volcans qui se réveilleraient simultanément, suivis d’un tremblement de terre qui serait ressenti à plusieurs milliers de kilomètres de son épicentre.

Loin d’avoir la forme d’un volcan conventionnel sous la traditionnelle apparence d'une montagne en forme de pic, le super-volcan de Yellowstone, après avoir vidé sa poche souterraine de la roche en fusion, s’est effondré sur celle-ci, ne laissant qu’une immense caldeira. Or, les éruptions de caldeira sont les plus dévastatrices des éruptions volcaniques. Heureusement, elles restent rares. On estime qu’une ou deux seulement de ces éruptions surviennent par siècle.

[Photo : Le parc de Yellowstone vu de l’espace. La dépression sombre qui occupe tout le centre de l’image est le cratère d’un super-volcan. Au centre de la dépression, le lac de Yellowstone.]

Pour l’heure, Yellowstone est une grosse marmite sous pression dans laquelle la lave s’accumule. Des dizaines de sismographes et de capteurs en tous genres scrutent en permanence les mouvements du super-volcan et les variations de sa chambre magmatique. Les géologues ne sont sûrs que d’une chose : un jour, elle explosera. Quand ? Nul ne le sait vraiment...

[Photo : Aujourd’hui, Yellowstone se trouve toujours au-dessus d’un feu permanent.]
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