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Régulation de l'injection de réactif pour la déphosphatation physico-chimique des eaux usées dans les stations d'épuration

31 mai 2010 Paru dans le N°332 à la page 94 ( mots)
Rédigé par : E CARRIER, P ARNAUD, S VINET et 5 autres personnes

La société Hach Lange a développé un automatisme permettant de réguler les injections de réactif à partir des concentrations en phosphates mesurées dans l'eau. Ce matériel a été installé sur la station d'épuration de la Communauté d'Agglomération Evry Centre Essonne de manière à vérifier la qualité de la mesure de l'analyseur, l'efficience du régulateur et l'intérêt économique de cette technologie. Retour d'expérience.

Les stations d’épuration doivent répondre à des contraintes de plus en plus sévères en termes de qualité d’eau et notamment sur le paramètre phosphore.

Le traitement du phosphore peut être assuré par voie biologique et/ou physico-chimique. Cette seconde alternative nécessite l’injection de réactif de manière à précipiter les ortho-phosphates.

Actuellement, les automatismes de dosage mis en œuvre par les exploitants sont relativement sommaires. Certes, des constructeurs de stations d’épuration travaillent sur des algorithmes spécifiques mais il est fréquent de rencontrer une injection proportionnelle au débit entrant sur le dispositif (mode Q × Taux). Le taux d’injection est fixe et un seuil maximal en L/m³ est pré-paramétré de manière à limiter la consommation de réactif lors des événements pluvieux (dilution).

Ce mode d’injection permet de répondre aux contraintes de qualité d’eaux fixées généralement dans les arrêtés d’autorisation de rejet (moyenne annuelle en rendement et/ou concentration) sans toutefois proposer une réelle optimisation de la consommation de réactif.

Mots-clés : station d’épuration, déphosphatation, analyseur d’ortho-phosphates, régulateur.

[Photo : Station d'épuration d'Evry.]

Consommation de réactif.

Les évolutions de la réglementation observées sur certains sites nécessitent une augmentation significative des quantités de réactif injectées avec un impact direct sur les coûts d’exploitation (OPEX).

La société Hach Lange a développé un automatisme permettant de réguler les injections de réactif à partir des concentrations en phosphates mesurées dans l'eau. La chaîne de régulation proposée est composée de cinq éléments : membranes de filtration, système de pompage, analyseur, module de communication et régulateur. Ce matériel a été installé sur la station d'épuration de la Communauté d’Agglomération Evry Centre Essonne (250 000 EH) de manière à vérifier la qualité de la mesure de l’analyseur, l'efficience du régulateur et l'intérêt économique de cette technologie en termes d’OPEX et de CAPEX.

Présentation de la station d’épuration

La station d’épuration de la Communauté d’Agglomération Evry Centre Essonne fonctionne sur le principe d'une aération boues activées faible charge. Les effluents subissent un prétraitement (dégrillage, dessablage-dégraissage). À l’issue de cette étape, les eaux usées rejoignent deux décanteurs primaires avant d’être admises sur la filière biologique composée d’une zone anoxie, d’un bassin d’aération et de deux clarificateurs.

À l'origine, le dispositif n’a pas été conçu pour le traitement du phosphore.

De manière à satisfaire aux exigences de la Police de l'eau et atteindre un rendement de 80 %, la collectivité et l’exploitant ont mis en œuvre un dispositif de traitement par injection de chlorure ferrique en juin 2006.

À partir des analyses d’autosurveillance réalisées entre le 1ᵉʳ janvier 2005 et le 30 juin 2006, il est donc possible de calculer le taux de traitement du phosphore par voie physique et biologique.

La moyenne du rendement d’élimination du phosphore s’établit à 47 %.

[Photo : Abattement du phosphore sans injection de réactif.]
[Photo : Traitement du phosphore avec injection de FeCl₃.]

L'installation mise en œuvre comprend :

  • deux cuves de 20 m³
  • deux pompes doseuses à vitesses variables
  • un automate

L’injection de réactif est régulée en fonction du débit d’entrée sur la base d’une consigne fixe de 0,07 L/m³. Les pompes sont tarées de manière à limiter le débit d’injection à 20 L/h lors des événements pluvieux.

Il permet de satisfaire aux exigences réglementaires et d’atteindre un rendement moyen d’élimination en 2009 de 86,7 %.

Les rapports Fe entrant massique et molaire moyens s’établissent respectivement à 1,27 et 0,65.

Optimisation préalable menée par l’exploitant

L'exploitant a réalisé sur une période de six mois une analyse du fonctionnement de la déphosphatation physico-chimique. Les résultats de cette étude ont permis de définir le point d'injection optimum et le taux d'injection minimal (0,06 L/m³) permettant l’atteinte des objectifs définis dans l'arrêté préfectoral.

Ce mode de régulation sera dénommé ci-après : mode Q × Taux optimisé.

Dans cette configuration, les rapports Fe entrant massique et molaire moyens s’établissent respectivement à 1,6 et 0,9.

Le réglage adopté jusqu’à présent par l’exploitant est donc sécuritaire mais permet.

[Photo : Unité de déphosphatation.]

de garantir en permanence un taux de traitement de 80 %.

Optimisation de l’injection de réactif

Dans le souci de minimiser les coûts d’exploitation et d’utiliser une quantité de réactif juste nécessaire à l’obtention de la qualité de l’eau épurée imposée, l’exploitant a engagé une campagne d’essais avec la chaîne de régulation d’injection Hach Lange.

Présentation du matériel Hach Lange

Filtre

Le filtre est composé de deux membranes qui assurent une barrière physique retenant les MES et permettant de disposer d’une eau filtrée pour l’alimentation de l’analyseur (analyse de l’eau interstitielle).

[Photo : Figure 4 : Filtre.]

Elles sont disposées dans un support en inox et immergées dans les boues activées du bassin d’aération dont la teneur en PO₄ doit être mesurée.

Système de pompage

Deux pompes péristaltiques permettent de créer la dépression nécessaire pour aspirer l’eau à analyser à travers les membranes plaques. Chaque pompe est dédiée à une membrane. Le pompage s’effectue par alternance. Le boîtier est équipé d’un dispositif de contrôle de la dépression dans lequel deux seuils sont pré-paramétrés :

  • « Nettoyage » : une opération de nettoyage des membranes doit être réalisée une fois par mois. Cette information n’a aucune incidence sur le fonctionnement du dispositif.
  • « Colmatage » : cette alarme stoppe le système et transmet une information vers la supervision via le SC1000.
[Photo : Figure 5 : Système de pompage.]

Le tuyau permettant de véhiculer le fluide est disposé dans une gaine équipée d’un cordon chauffant. Une résistance est donc disponible dans l’armoire de pompage pour la période hivernale.

Un compresseur d’air permet d’insuffler de l’air à la base des membranes de manière à décrocher en permanence l’amas de matière généré par l’opération de filtration.

L’eau filtrée rejoint ensuite le dispositif de mesure.

Analyseur de phosphore

[Photo : Figure 6 : Analyseur de phosphore : 1) Photomètre ; 2) Piston air pour échantillon ; 3) Pompe à piston pour réactifs ; 4) Solution de nettoyage ; 5) Réactif colorimétrique ; 6) Trop plein échantillon ; 7) Électrovannes.]

Analyseur Phosphax SC

La mesure des ortho-phosphates s’effectue par dosage colorimétrique. La méthode « jaune » a été retenue par Hach Lange pour cette application car elle offre le meilleur rapport entre la précision, le coût et la stabilité des réactifs.

L’autonomie en réactifs annoncée par le constructeur est de 3 mois lors de la réalisation d’une mesure toutes les 5 minutes (cycle minimum de mesure de l’analyseur).

Boîtier d’acquisition SC1000

Cet équipement permet de communiquer en modbus avec les différents appareils. Il transmet la mesure de phosphates vers le régulateur WTOS.

Les informations peuvent également être transférées vers une supervision.

Régulateur WTOS

Le régulateur reçoit les informations suivantes :

  • La mesure des phosphates via le SC1000
  • Le débit de la station d’épuration via une liaison 4-20 mA.

En plus de ces signaux, les débits de recirculation interne et externe sont programmés dans le régulateur (fixes ou % du débit entrant) de manière à intégrer les dilutions ou les charges supplémentaires liées à ces débits.

Deux modes de régulation sont possibles.

Mode boucle ouverte

L’injection de réactif est basée sur le calcul du coefficient Bêta qui correspond au rapport molaire Fe/P.

Mode boucle fermée

L’injection de réactif est basée sur un calcul du type PID.

Un mode « repli » est intégré au régulateur. Il s’active en cas de perte d’une information : donnée de l’analyseur et/ou débit de la station. Ce dispositif permet de maintenir le traitement en cas d’anomalies diverses : communication, défaut d’un appareil, etc. Lors de l’activation de ce mode, l’injection de réactif est réalisée sur la base de profils horaires programmés dans le régulateur (flux de phosphore à traiter, débit).

Un débit minimum d’injection de réactif est

également programmé.

La consigne du débit d'injection est transmise aux pompes doseuses à vitesse variable via une liaison 4-20 mA.

Implantation du matériel

[Photo]

L'analyseur a été mis en œuvre en entrée de la zone aérobie du bassin d’aération de manière à limiter le laps de temps entre le point d’injection et la mesure. Le réactif est injecté dans la recirculation interne de la liqueur mixte qui retourne en tête de la zone d'anoxie.

L'installation de l'ensemble des modules, le raccordement à la supervision et les modifications de l'automatisme ont nécessité environ huit jours de travail.

Essais

Contrôle de la qualité des mesures de l'analyseur

Le comparatif réalisé entre les mesures de l'analyseur (méthode colorimétrique) et les analyses du laboratoire est très satisfaisant. 48 analyses ont été effectuées. L'écart moyen s'établit à 0,075 mg/L. Les réactifs utilisés permettraient une autonomie d'un an lors de la réalisation d'une mesure tous les quarts d'heure.

[Photo : Figure 7 : Comparatif des valeurs laboratoire et de l'analyseur.]

L'entretien du matériel s'avère relativement simple. Seule la fréquence de nettoyage pourra évoluer d'un site à l'autre en fonction du lieu d'implantation et de la qualité des prétraitements. Le site d'Évry dispose d'un prétraitement efficace et d'une décantation primaire qui permettent de limiter les opérations de nettoyage (8 à 12 par an). Les coûts d'exploitation sont estimés à 2,3 k€ par an sur ce dispositif.

Le matériel est donc performant et fiable. De plus, la mesure en continu du phosphore sur la station d'épuration apporte une donnée complémentaire intéressante pour le pilotage de l'exploitation.

Vérification des performances du régulateur

Cette seconde partie du test (15/12/09 au 28/02/2010) a consisté à substituer la consigne du mode Q x Taux par celle du régulateur WTOS et à analyser le delta entre les deux modes d'injection.

La consigne appliquée actuellement sur le dispositif (0,07 L/m³) n'est pas optimisée. La comparaison des deux systèmes a donc été réalisée sur la base du mode Q x Taux optimisé (0,06 L/m³).

La comparaison des deux modes d'injection permet de mettre en évidence les points suivants :

  • • L'injection de réactif en mode Q x Taux est proportionnelle au débit entrant. L’injection évolue entre 35 et 220 L/h sur la durée globale du test.
  • • A contrario, les quantités injectées par le régulateur WTOS ne sont pas uniquement liées au débit. Le résiduel en PO4 mesuré dans le bassin impacte le pilotage de l'injection. Le régulateur WTOS cherche en permanence à atteindre sa consigne. Une fois la consigne dépassée, le système augmente progressivement les quantités de chlorure ferrique injectées jusqu'à ce que la consigne soit atteinte. Après quoi, le débit diminue jusqu'au débit minimal programmé : 50 L/h. Il a été observé des périodes de plusieurs jours durant lesquelles l'injection de réactif s'est limitée à la consigne minimale de 50 L/h de par l'absence de variation du PO4 dans le bassin d'aération.

Avec l'utilisation du système de régulation Hach Lange, la moyenne des débits de chlorure ferrique injectés est nettement inférieure à celle en mode Q x Taux.

Le régulateur a été mis en œuvre fin novembre. Le réglage des différents paramètres a nécessité plusieurs interventions de Hach Lange pour trouver le bon compromis permettant de garantir un rendement de 80 % sans surconsommer de réactif. Le système a été opérationnel à partir du 21 décembre. La comparaison des deux systèmes d'injection a donc été réalisée au cours des mois de janvier et février.

La réduction de réactif injecté s'établit en moyenne à 29,65 % sur les deux mois du test.

En extrapolant ce gain sur une année d'exp—

[Photo : Figure 8 et 9 : Comparatif des deux systèmes d'injection (8 jours).]

ploitation, il semble envisageable de réduire la consommation de 210 tonnes de chlorure ferrique par an par rapport au mode Q x Taux optimisé (0,06 L/m³) sur ce dispositif. L'investissement serait rentable après 15 mois d’exploitation.

Le pilotage de l'injection de réactif est réalisé sur la base d’une consigne de PO₄ à maintenir dans le bassin. Dès lors que la concentration en entrée diminue, le rendement est impacté, la consigne de sortie restant fixe.

À l’issue de la période de réglage, le rendement le plus bas atteint s’établit à 78,2 %. L'analyse du 8 mars 2010 fait apparaître un rendement de 74,2 % lié à l’absence de réactif dans l’analyseur. Le mode de “repli” peut donc être optimisé.

La concentration en phosphore des effluents admis sur la station d’épuration chute de manière significative lors de la période estivale.

Une modification des réglages durant cette période sera peut-être nécessaire pour garantir l’objectif de rendement de façon optimisée.

Sur les 3 mois de la période du test, le rendement moyen s’établit à 82,6 % et à 83,1 % sur les mois de janvier et février.

Ce résultat est tout à fait satisfaisant et répond aux exigences de l’arrêté préfectoral actuel.

L'algorithme développé par Hach Lange permet d’optimiser de façon importante la quantité de réactif injecté. Les rapports massique et molaire pour la période du 1ᵉʳ janvier 2010 au 28 février 2010 s’établissent respectivement à 1,12 et 0,62.

Incidences

La diminution des quantités de réactif injectées peut avoir des incidences sur d’autres aspects du process et notamment :

  • la diminution de la production de boues physico-chimique ;
  • la décantabilité des boues ;
  • la siccité des boues déshydratées ;
  • l'augmentation du taux de MVS des boues biologiques.

Le process est actuellement fortement impacté par des travaux. Le digesteur et l’épaississeur sont à l’arrêt. La seule incidence ayant pu être mesurée est l'augmentation du taux de MVS des boues biologiques (+4 points). L’exploitant devra contrôler l’impact de cette modification sur les autres aspects dès qu’une situation “normale” de fonctionnement sera recouvrée.

La réduction des quantités de réactif injectées impacte bien évidemment de manière positive le bilan carbone de la station d'épuration.

Conclusions et perspectives

Fort de ces résultats il est envisagé d’installer à demeure cet équipement sur la station d'épuration d’Evry. Il permettra de :

  • suivre et vérifier l’évolution de la consommation de réactif sur une période plus longue ;
  • étudier la faisabilité d’améliorer le mode Q x Taux pour des applications sur des stations de plus petite taille.

Le coût d’investissement de l'ensemble de la chaîne de régulation (analyseur + régulateur) s’établit à 30 k€. L'opportunité de son installation devra être étudiée au cas par cas et dépendra de la maturité du dispositif d’injection mis en œuvre.

Avec l’analyseur Phosphax SC et le régulateur WTOS, Hach Lange propose sur le marché un matériel fiable et performant, adapté aux besoins des exploitants.

Retrouvez toute l’actualité de l’eau sur le site de la revue www.revue-ein.com

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