Sensus Metering Systems développe, fabrique et commercialise des solutions de comptage d'eau, d'énergie thermique et de services associés. La société vient de lancer en Europe le premier compteur d'eau à corps composite. Rencontre avec Serge Frank, Directeur Commercial pour la zone Europe de l'Ouest, Moyen-Orient et Afrique chez Sensus Metering Systems.
E.I.N. : Pouvez-vous nous présenter l'histoire de Sensus Metering Systems en quelques mots ?
S.F. : Pour retrouver l'origine de Sensus Metering Systems, il faut remonter à plus de 150 ans en arrière ! La société Meinecke, fondée en 1850, a produit dès 1880 ses premiers gros compteurs. Quelques années plus tard, toujours en Allemagne, la société Pollux, spécialiste des compteurs d’eau et d’énergie thermique, a vu le jour à son tour. Dans le même temps, aux États-Unis, National Meter et Pittsburgh Meter se sont développés et se sont imposés rapidement comme des acteurs majeurs du marché. Plus récemment, en 1972, Pont-à-Mousson a donné une dimension européenne au comptage en réunissant la Lyonnaise des Compteurs, les Compteurs Doat, Meinecke et Spanner-Pollux. La filiale française de ce nouveau géant du comptage, Socam, a été créée en 1984. En 1999, les activités européennes et américaines ont été rassemblées au sein d’Invensys Metering Systems, sous le contrôle du géant industriel Invensys. En 2003, Invensys a cédé l'ensemble de ses activités comptage à l’Américain Jordan et c'est ainsi que Sensus Metering Systems est né...
E.I.N. : Aujourd’hui, quelle place occupe Sensus Metering Systems sur le marché du comptage en France et dans le monde ?
S.F. : Nous occupons la place de n° 1 mondial dans le domaine du comptage d'eau. Sur le marché européen, nous sommes leaders en comptage d'eau et acteur majeur en comptage d’énergie thermique. En France, nous figurons également parmi les leaders en matière de comptage d’eau.
Nous commercialisons chaque année près de 5 millions de compteurs dans le monde, dont 2,5 millions pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique et un peu plus de 500 000 en France.
E.I.N. : Comment sont structurés vos marchés et qui sont vos clients ?
S.F. : Nous commercialisons dans plus de 100 pays six gammes de produits : des compteurs industriels, des compteurs résidentiels, des compteurs d’appartement, des compteurs d'énergie, de gaz ainsi que des systèmes de lecture automatique à distance. Nous disposons pour cela de 5 unités de production dans la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique : deux en Allemagne à...
lance le premier compteuren Europe
Ludwigshafen et Hanovre, une en Slovaquie à Stará Turá, une au Maroc à Rabat et une en Algérie près de Sétif. À cela, il faut y ajouter 7 centres de services et 2 centres de recherche et développement en Allemagne qui regroupent une cinquantaine de personnes.
Sur le marché français, nos principaux clients sont les entreprises délégataires du service public de l'eau telles que Lyonnaise des Eaux et Saur avec qui nous réalisons près de 60 % de notre chiffre d'affaires, puis les municipalités pour 35 % et enfin les sociétés de négoce pour environ 5 %.
Globalement, nous réalisons un chiffre d'affaires de 405 millions d’€ dans le monde, dont 140 millions d’€ en Europe et 15,3 millions en France.
E.I.N. : Venons-en aux produits commercialisés par Sensus. Comment se compose votre portefeuille produits ?
S.F. : Le portefeuille produits de Sensus englobe tous les aspects du comptage, de la précision, de la collecte de données, des systèmes de lecture automatiques à distance et des systèmes intégrés intelligents. Comme vous le savez, le choix d'une technologie de compteur dépend de plusieurs paramètres : la qualité de l’eau, son prix, la classe de précision du compteur, les conditions locales d'installation et environnementales, sans oublier la réglementation locale, c'est-à-dire le nombre de relevés par an, les caractéristiques techniques imposées, etc. Pour répondre à toutes les exigences de ses clients, Sensus Metering Systems offre une gamme complète de compteurs d'eau adaptés à tous les critères de taille et de technologie, ainsi que des modules de communication pour le transfert des données. Nous proposons donc des compteurs d'eau divisionnaires à jet unique ou volumétriques. Ces produits peuvent être équipés de périphériques de sortie à impulsion pour la relève, la facturation ou les systèmes de gestion de l’eau. Des versions pour l'eau froide et l'eau chaude sont également disponibles sur les produits de cette gamme. Enfin, nous proposons également des compteurs d’eau à usage commercial ou industriel destinés à mesurer des grands débits d'eau.
E.I.N. : Sensus vient de lancer le premier compteur volumétrique en composite sur le marché européen. Pourquoi avoir développé ce produit ?
S.F. : Nous avons été confrontés, dans plusieurs régions du monde, à des réticences parfois très fortes au sujet du laiton qui, comme vous le savez, contient du plomb et certains métaux lourds. La Californie, par exemple, n’en voulait plus. Plus près de nous, la République tchèque a imposé des exigences telles qu’elles auraient nécessité le développement de versions extrêmement onéreuses. Parallèlement, des réglementations très strictes sont sorties ces dernières années sur les matériaux en contact avec l'eau. La réglementation européenne, notamment, dont la mise en œuvre est soumise au principe de subsidiarité, a provoqué l'apparition d'interprétations très différentes d'un pays à l'autre. Face à toutes ces contraintes, nous avons recherché une solution qui soit acceptable par tous et qui puisse être mise en œuvre de façon globale, c'est-à-dire au niveau mondial. D’où le choix du matériau composite qui répond à toutes les exigences réglementaires et qui s'inscrit totalement dans une démarche de développement durable dans la mesure où c’est un matériau recyclable dont la mise en œuvre est écologique puisqu’elle ne nécessite que peu d’énergie.
E.I.N. : Quels sont les apports de ce nouveau produit ?
S.F. : Ils sont nombreux. Le 620-C, premier et seul compteur d’eau domestique en corps composite disponible sur le marché européen, est issu de deux années de travaux menés dans notre centre de R&D. Il a été spécialement développé pour répondre aux attentes des distributeurs d’eau soucieux d’optimiser leurs réseaux. Ses qualités sont multiples : sa conception est exempte de métaux lourds, son procédé de fabrication et sa recyclabilité satisfont aux exigences du développe-
Sensus Metering Systems lance le
ment durable. Autres atouts importants, il est doté d’un embout ajustable breveté et d’un corps ultra-léger. Ces caractéristiques garantissent une pose rapide et facile, permettant ainsi aux utilisateurs de réduire leurs coûts d’installation et de s’affranchir des problèmes de fuites résultant de compteurs mal montés. Enfin, sa résistance aux agressions chimiques comme aux intempéries, sa précision et sa plage de mesure garantissent un rendement métrologique optimal.
E.I.N. : Ce nouveau compteur est-il vraiment aussi résistant qu’un compteur traditionnel en laiton ?
S.F. :
Soyons clairs. Ce compteur est au moins, sinon plus résistant qu’un compteur en laiton. Le corps du 620-C est constitué d’une matière composite formée d’un polyamide semi-cristallin renforcé par des fibres de verre qui lui confèrent une résistance et une durabilité exceptionnelles. De multiples tests, réalisés en laboratoire et in situ, ont été conduits pour lui garantir une résistance optimale, même en conditions particulièrement difficiles. Les contraintes les plus strictes ont été imposées afin de s’assurer que, dans toutes les conditions, les caractéristiques du corps du compteur restent stables. Un facteur de sécurité de 8 sur la limite de tension a, par exemple, été appliqué, alors que les règles de conception ne recommandent qu’un facteur 2. Les propriétés mécaniques du compteur ont été contrôlées en appliquant un processus itératif : après chaque changement de conception, de nouveaux calculs ont été réalisés pour garantir la fiabilité du produit. Les embouts, potentiellement vulnérables, ont également fait l’objet de contrôles visant à s’assurer de leur capacité à résister aux procédures d’installation les plus rudes. Le filetage résiste par exemple à un couple de serrage pouvant aller jusqu’à 90 Nm, ce qui équivaut à 2 opérateurs appuyant de toutes leurs forces sur la clé ! Mais même dans ces conditions extrêmes, la rupture est quasiment impossible : si le couple appliqué est trop important, la clé de serrage glisse autour de l’écrou, avant que le filetage ne se brise. D’ailleurs, pour confirmer ces résultats, des tests ont été conduits sur le terrain. Après de multiples montages et démontages, les embouts n’ont présenté aucune détérioration. Le 620-C a aussi été soumis à des essais de mises sous pression. Les tests ont montré que le compteur est capable de résister à une pression statique culminant à 75 bar, appliquée durant plusieurs heures, sans jamais être endommagé ou cassé : un résultat bien supérieur à celui exigé par la norme qui impose de recourir à un test de pression statique de 32 bar pendant une minute. Il s’est en outre révélé extrêmement résistant aux coups de bélier. Les tests menés en laboratoire avec des pics de pression dépassant les 100 bar, démontrent qu’il reste opérationnel après plus de 150 000 cycles d’essais, alors que l’exigence minimale pour les compteurs en laiton est de 50 000 cycles.
E.I.N. : Les matériaux composites ne sont-ils pas plus vulnérables aux agents chimiques ?
S.F. :
Non, le corps en composite du compteur 620-C n’est pas affecté par les eaux agressives, faiblement minéralisées et présentant un pH légèrement acide comme celles que l’on peut trouver dans les Alpes, par exemple. De même, le composite a été testé pour sa résistance au chlore et au dioxyde de chlore et aucune dégradation des performances du compteur n’a été observée lors du contact avec de telles substances. Le composite constitue en outre une excellente barrière aux huiles et aux solvants hydrocarbonés. Des tests de vieillissement accélérés consistant à simuler une exposition au soleil, aux intempéries et aux variations de températures ont montré que dans tous les cas, les qualités mécaniques du compteur restent inchangées. D’ailleurs, les essais réalisés sur le terrain ont abouti à des conclusions similaires.
Compte tenu des qualités de ce matériau, nous comptons en généraliser l’usage. Nous avons ainsi présenté il y a quelques mois un compteur divisionnaire eau froide-eau chaude, le Résisdia, dont le corps est aussi entièrement en composite. Nous développons également l’usage du composite en introduisant sur des modèles traditionnels en laiton un certain nombre de pièces intermédiaires en composite. Ce matériau a fait ses preuves dans l’automobile et la robinetterie. Il répond également aux exigences les plus sévères en matière d’eau alimentaire : ACS ; WRAS, KTW, DVGW/270.
E.I.N. : Venons-en à l’autre particularité de ce nouveau compteur, son embout ajustable. Quels sont ses avantages ?
S.F. :
Les défauts d’alignement de tuyauterie, si fréquents lors d’une installation de compteur, ne posent aucun problème avec le 620-C. Le nouveau compteur Sensus propose en effet une solution unique et brevetée pour une pose rapide et facile : un embout ajustable sur 3 plans, capable de compenser les désalignements. Grâce à cette innovation, le 620-C permet également d’éviter les fuites
premier compteur volumétrique composite en Europe
provoquées par des joints mal positionnés, garantissant ainsi la fiabilité de la connexion. Il peut être posé avec ou sans rail d'installation et a été conçu pour résister même lorsqu’il n'est pas soutenu. Ce modèle 620-C existe en diamètre 15 et 20 mm. Le 15 mm est disponible en différentes longueurs.
E.I.N. : Quelles sont les caractéristiques métrologiques de ce compteur ?
S.F. : Le boîtier de mesure, cœur du système car c’est lui qui mesure, est l'un des plus performants du marché. La plage de mesure couverte par ce nouveau compteur est beaucoup plus importante que celle exigée par les normes internationales. Le 620-C peut ainsi mesurer avec précision les débits les plus faibles – inférieurs à un litre par heure – comme les plus élevés, de 3000 à 5000 l/h. En outre, les tests réalisés in situ montrent que le compteur conserve toutes ses qualités métrologiques, même après des années de fonctionnement dans des conditions difficiles.
E.I.N. : Ce compteur est-il compatible avec des solutions de télérelève ?
S.F. : Bien entendu. Comme vous le savez, nous disposons d'une longue expérience en matière de télérelève grâce à Sensus Amérique du Nord qui est le promoteur de la télérelève sur le marché américain. Là-bas, plusieurs millions de compteurs sont équipés.
En Europe, pour différentes raisons, le marché est moins avancé. Nous proposons toutefois une solution intelligente et flexible, le capteur HRI, qui présente l’avantage de répondre à toutes les exigences en matière d'interrogation de données et la transmission à distance. Ce capteur électronique existe en deux versions : la version « PulseUnit », qui délivre des impulsions haute résolution et la version « DataUnit » qui délivre un message de type data avec le numéro de série et l'index du compteur. Bien entendu, le 620-C est livré pré-équipé HRI en standard.
J’ajoute que nous continuons à implanter le HRI sur tous les modèles de la gamme, ce qui représente un gros effort qui devrait se terminer fin 2006.
E.I.N. : Quel accueil le marché réserve-t-il à ce nouveau produit ?
S.F. : Il est encore un peu tôt pour le dire, car dans nos métiers, il existe un temps de latence important entre le moment où un client découvre un produit et le moment où il le commande. Plus de 400 compteurs 620-C ont néanmoins été installés par divers clients dans plusieurs pays d'Europe, notamment en Allemagne, en Angleterre, en France et en Espagne. Les rapports transmis par les installateurs insistent sur la facilité de mise en œuvre : le poids réduit du compteur et son embout mobile constituent à leurs yeux des avantages déterminants.
On note donc actuellement un grand intérêt pour ce produit de la part des différents acteurs du marché et je ne doute pas qu'il se traduira dans les prochains mois par des volumes de livraisons très significatifs.