La chloration des eaux de piscines publiques permet de garantir une bonne qualité microbiologique des eaux grâce au maintien d'une concentration résiduelle en chlore libre actif comprise entre 0,4 et 1,4 mg Cl2/l. Parallèlement à ses propriétés désinfectantes, le chlore réagit avec la pollution apportée par les baigneurs pour former des composés indésirables comme les chloramines, les trihalométhanes et d'autres sous-produits. Cette étude présente les concentrations moyennes de diverses familles de sous-produits qui ont été mesurées dans une cinquantaine d'échantillons d'eau de piscines et de spas.
La désinfection est une étape essentielle du traitement des eaux de piscines publiques. En effet, la législation exige une eau « désinfectée et désinfectante » afin d’assurer la sécurité sanitaire des usagers vis-à-vis du risque microbiologique. Dans la très grande majorité des installations françaises, la désinfection est assurée par injection de chlore gazeux ou d'eau de Javel et, dans le cas de bassins non couverts, à l'aide de dérivés de l’acide isocyanurique. La réglementation française impose alors que la concentration en chlore libre actif soit comprise entre 0,4 et 1,4 mg Cl₂/l pour une eau non traitée aux dérivés de l’acide isocyanurique ; ou bien que l’eau ait une teneur en chlore disponible au moins égale à 2 mg/l et une teneur en acide isocyanurique inférieure à 75 mg/l pour une eau traitée aux dérivés de l’acide isocyanurique. Dans tous les cas, la teneur en chlore combiné ne doit pas dépasser 0,6 mg Cl₂/l (Arrêté du 7 avril 1981).
Si elles sont vivement encouragées pour leurs indéniables bénéfices sur la santé, ou même tout simplement pour le bien-être procuré, les activités aquatiques des baigneurs sont à l’origine d’un important relargage de « pollution » dans l’eau : phanères, squames, sécrétions rhinopharyngées, matière fécale, urine, sueur et produits cosmétiques. Chaque baigneur introduirait ainsi dans l'eau 25 à 60 ml/h d’urine et 100 à 1000 ml/h de sueur selon l’intensité de l’activité physique pratiquée (Seux, 1988). L’urine et la sueur contiennent des sels minéraux, des acides organiques, mais surtout des composés azotés qui sont souvent des composés très réactifs vis-à-vis du chlore. Les concentrations moyennes en azote dans la sueur et l’urine sont ainsi évaluées respectivement à 1 et 12 g N/l (Rapport OMS, 2006). Comme le montre la figure 1, les principales molécules azotées présentes dans ces fluides corporels sont l’urée (68 à 84 %), l'ammoniaque, la créatinine, les acides aminés.
Ces rejets sont ainsi responsables d’un apport de pollution compris entre 0,8 et 0,9 g d’azote Kjeldahl total (NTK) et entre 0,55 et 1 g de carbone organique total par
Équivalent-baigneur (Seux, 1988).
La notion d’équivalent-baigneur se définit comme étant « l’activité statistique de n baigneurs équivalente à celle d’un individu qui se baignerait seul, sans interruption, pendant une heure ». Selon Seux (1988), les flux spécifiques de pollution apportée par un équivalent-baigneur induisent des consommations en chlore élevées, de l’ordre de 7 g Cl₂ après 1 h et 10,5 g Cl₂ après 24 h.
La forte réactivité du chlore avec les composés azotés présents dans l’urine et la sueur conduit à la formation de nombreux sous-produits de désinfection (De Laat et al., 2009). Parmi ces composés, l’attention a depuis très longtemps été focalisée sur les chloramines et en particulier sur la trichloramine (ou trichlorure d’azote) car ce composé, qui est extrêmement volatil, est en grande partie responsable d’irritations des yeux, muqueuses et voies aériennes supérieures (Massin et al., 2001 ; Bernard, 2007). À ce titre, la reconnaissance de rhinites et d’asthmes comme maladie professionnelle des personnels de piscines a récemment abouti (décret 2003-110 du 11 février 2003).
Parallèlement à la formation des chloramines, la chloration des eaux de piscines conduit aussi à la production de nombreux composés organohalogénés (rapport OMS, 2006). Afin d’estimer l’exposition et ainsi d’évaluer les risques sanitaires potentiels encourus par les usagers ou les professionnels des piscines, il est primordial de mieux connaître la nature des composés ainsi que les gammes de concentrations rencontrées. Or, comme la législation française n’impose pas le contrôle des concentrations en sous-produits organohalogénés dans les eaux de piscines (à l’exception des trihalométhanes si le traitement de l’eau comprend une déchloramination par irradiation UV), les autorités sanitaires et les scientifiques ne disposent pas de données sur les concentrations en sous-produits de chloration dans les eaux de piscines françaises. Le Laboratoire de Chimie et Microbiologie de l’Eau (LCME) de l’Université de Poitiers et le Laboratoire Ianesco ont réalisé un certain nombre d’analyses de sous-produits de chloration dans les eaux de piscines françaises durant ces trois dernières années. Nous présenterons donc dans cet article un bilan sur les concentrations en sous-produits de désinfection qui ont été mesurées dans différents types de bassins (13 bassins sportifs, 6 bassins ludiques, 5 spas). Les bassins suivis sont tous des bassins couverts, désinfectés au chlore gazeux ou à l’hypochlorite de sodium et alimentés en eau de distribution publique. Pour l’exploitation des données, nous n’avons pas pris en compte les mesures effectuées sur des eaux ayant subi un traitement de déchloramination par irradiation UV.
Les composés analysés et les méthodes de dosage
Les analyses d’eau de piscines effectuées durant ces dernières années par le LCME ou par Ianesco ont principalement concerné le dosage de sous-produits de chloration qui sont fréquemment présents dans les eaux de distribution chlorées : trihalométhanes, acides haloacétiques, haloacétonitriles, aldéhydes et cétones halogénés, halopicrines et nitrosamines (Richardson et al., 2007). Le tableau 1 présente d’une manière succincte les méthodes d’analyses qui ont été employées. Les travaux réalisés au LCME dans les années 1980 sur la chloration de solutions aqueuses de composés organiques ont montré qu’une attention particulière doit être portée sur le choix du réducteur du chlore libre (sulfite de sodium, thiosulfate, arsénite de sodium, acide ascorbique, …) et du pH pour le conditionnement des échantillons et l’analyse des sous-produits de chloration.
Tableau 1 : Méthodes analytiques employées pour le dosage du chlore, du COT et des sous-produits de chloration dans les eaux de piscines
Paramètre | Principe | Méthode |
---|---|---|
Chlore libre et combiné | Méthode colorimétrique (DPD1 et DPD3) | Analyse sur site NF EN ISO 7393 |
Trichloramine | Stripping avec réduction sur cartouche de NCl₃ en Cl₂ puis dosage de Cl⁻ par HPLC | Méthode INRS HSTND-2205-194-04 |
Dichlorométhylamine | Stripping avec réduction de CH₂NCl₂ en CH₂N₂, chloration et dosage HPLC | Méthode LCME : Cimetière et De Laat (2009) |
AOX | Adsorption sur charbon actif, pyrolyse et dosage des ions halogénures formés | NF EN ISO 9562 |
Trihalométhanes | Méthode « Headspace » ‑ GC/MS | NF EN ISO 10301 |
Acides haloacétiques | Extraction liquide/liquide par du MTBE à pH acide, dérivation (MTBSTFA ou méthanol) et analyse GC/MS | NF EN ISO 23631 |
Haloacétonitriles | Méthode « Headspace » ‑ GC/MS | NF EN ISO 10301 |
Hydrate de chloral | Extraction liquide/liquide (MTBE) à pH acide et analyse GC/MS | — |
Halopropanones | Extraction liquide/liquide (MTBE) à pH acide et analyse GC/MS | — |
Chloropicrine | Méthode « Headspace » avec des échantillons acidifiés ‑ GC/MS | — |
Nitrosodiméthylamine | Extraction/Concentration sur phase solide, élution ‑ GC/MS | Méthode US EPA 521 |
Tableau 2 : Teneurs en sous-produits de chloration dans les eaux de piscines analysées
Paramètre | Bassins ludiques | Bassins de natation | Spas | ||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Moy | ET | MIN | MAX | n | Moy | ET | MIN | MAX | n | Moy | ET | MIN | MAX | n | |
Chlore combiné (mg Cl₂/l) | 0,44 | 0,21 | 0,04 | 0,95 | 19 | 0,56 | 0,21 | 0,28 | 0,86 | 11 | 0,64 | 0,45 | 0,25 | 2,00 | 15 |
COT (mg C/l) | 3,07 | 0,73 | 1,80 | 4,90 | 22 | 3,88 | 1,50 | 2,25 | 7,30 | 14 | 3,21 | 1,61 | 0,50 | 6,70 | 16 |
AOX (µg Cl/l) | 516 | 115 | 260 | 770 | 24 | 749 | 350 | 350 | 1 430 | 15 | 456 | 384 | 90 | 1 500 | 16 |
Chloroforme (µg/l) | 13,35 | 10,71 | 4,30 | 45,00 | 24 | 44,75 | 45,72 | 12,00 | 177,00 | 17 | 8,52 | 5,22 | 2,50 | 23,00 | 17 |
Bromodichlorométhane (µg/l) | 1,99 | 1,07 | 0,80 | 4,90 | 24 | 3,86 | 3,03 | 0,80 | 10,40 | 17 | 1,37 | 0,60 | 0,60 | 2,70 | 17 |
Dibromochlorométhane (µg/l) | 0,24 | 0,36 | n.d. | 1,20 | 22 | 1,41 | 0,78 | n.d. | 2,20 | 14 | 0,90 | 0,32 | 0,50 | 1,50 | 9 |
Bromoforme (µg/l) | n.d. | n.d. | n.d. | n.d. | 0 | 0,31 | 0,38 | n.d. | 1,10 | 12 | 0,38 | 0,05 | n.d. | 0,50 | 4 |
THM totaux (µg/l) | 15,55 | 11,94 | 5,10 | 49,80 | 24 | 49,75 | 48,55 | 13,20 | 187,40 | 17 | 10,45 | 5,54 | 3,60 | 27,20 | 17 |
Acide chloroacétique (µg/l) | 11,0 | 5,4 | 3,4 | 21,0 | 21 | 22,4 | 30,6 | 3,1 | 110,0 | 15 | 18,5 | 23,7 | 2,6 | 95,0 | 16 |
Acide dichloroacétique (µg/l) | 93,3 | 46,3 | 12,0 | 180,0 | 21 | 280,6 | 279,8 | 85,1 | 1 000,0 | 15 | 128,6 | 136,2 | 12,0 | 498,0 | 16 |
Acide trichloroacétique (µg/l) | 158,9 | 67,3 | 16,0 | 300,0 | 21 | 148,8 | 101,5 | 33,2 | 351,7 | 15 | 104,3 | 120,9 | 8,4 | 368,0 | 16 |
Acide dibromoacétique (µg/l) | 3,8 | 8,5 | n.d. | 19,0 | 20 | 5,8 | 3,9 | n.d. | 9,0 | 14 | n.d. | n.d. | n.d. | n.d. | 0 |
AHA totaux (µg/l) | 241,1 | 127,9 | n.d. | 458,0 | 23 | 417,2 | 387,7 | 133,3 | 1 437,0 | 15 | 251,5 | 262,2 | 23,3 | 944,0 | 16 |
Dichloroacétonitrile (µg/l) | 34,9 | 15,1 | 14,8 | 64,0 | 21 | 24,8 | 29,6 | 3,5 | 120,0 | 15 | 28,7 | 11,8 | 12,9 | 50,0 | 16 |
Hydrate de chloral (µg/l) | 155,9 | 87,8 | 53,0 | 250,0 | 24 | 237,4 | 134,1 | 69,0 | 497,0 | 17 | 95,9 | 76,0 | 27,0 | 300,0 | 17 |
Pour les analyses d’eaux de piscine, tous les échantillons ont été traités sur site immédiatement après leur prélèvement par addition d'un réducteur du chlore et d'un acide. Les échantillons ont ensuite été stockés à 4 °C et analysés dans un délai inférieur à une semaine.
Le tableau 2 présente les concentrations moyennes en sous-produits de chloration (avec les écarts types et les valeurs minimales et maximales) qui ont été mesurées dans les bassins ludiques (souvent équipés de jeux d’eau, de rivières, de banquettes à bulles…), les bassins de natation (ou sportifs) et les spas. Le nombre de valeurs mesurées pour chaque paramètre n’est pas le même pour tous les échantillons car tous les sous-produits de chloration n'ont pas systématiquement été analysés sur chaque échantillon.
Formation de chloramines(minérales et organiques)
Les analyses sur site prises en compte dans ce bilan (45 valeurs) montrent la présence de chlore combiné à des valeurs moyennes de l'ordre de 0,4 à 0,5 mg Cl/l dans les bassins ludiques et de natation et de l’ordre de 0,6 mg Cl/l dans les spas. Les analyses effectuées montrent que la concentration en chlore combiné peut dépasser la valeur réglementaire de 0,6 mg Cl/l (12 valeurs supérieures à 0,6 mg/l sur 45 mesures). Une exploitation approfondie de ces résultats nécessiterait un nombre plus élevé de mesures et de bassins testés ainsi qu'une étude au cas par cas du circuit hydraulique (circuit indépendant, existence d'un dispositif de strippage au niveau du bac tampon…), de la filière de traitement des eaux (régulation ou non de la concentration en chlore libre et du pH) et de la gestion du bassin (renouvellement de l'eau, fréquentation). Les résultats obtenus démontrent cependant qu’il est encore difficile de maintenir, pour certains bassins, une concentration en chlore combiné inférieure à 0,6 mg Cl/l, notamment en période de forte affluence.
La méthode d’analyse classiquement utilisée pour le dosage du chlore combiné (méthode colorimétrique à la DPD) ne permet pas de différencier les différentes formes de chloramines prises en compte dans le paramètre « chlore combiné ». L'utilisation de la spectrométrie de masse avec introduction membranaire (MIMS) pour l’analyse de composés volatils et semi-volatils permet actuellement d’apporter des informations intéressantes pour les chercheurs sur la nature des sous-produits répondant à la DPD (Shang et Blatchley, 1999).
Ainsi, au cours d'une étude impliquant 11 piscines aux USA (environ 35 mesures par bassin) et grâce à cette technique, Weaver et ses collaborateurs (2009) ont mis en évidence que la monochloramine est la chloramine très largement majoritaire car les contributions de la monochloramine, de la dichloramine et de la trichloramine à la concentration totale en chloramines minérales sont respectivement de l’ordre de 60, 25 et 15 %. Il apparaît de plus dans cette même étude que la technique DPD est sujette à des interférences (notamment dues à des chloramines organiques) et surestime la teneur en chlore combiné. Parmi les chloramines organiques, la dichlorométhylamine (CH₃NCl₂) formée par la réaction du chlore avec la créatinine a été retrouvée dans les 11 bassins suivis par l'étude américaine à des concentrations moyennes variant entre 5 et 18 µg Cl/l.
alors que les concentrations moyennes en trichloramine étaient comprises entre 40 et 100 μg Cl/l. Comme nous l'avons récemment montré (Cimetière et De Laat, 2009), la dichlorométhylamine est un composé très volatil qui a été mis en évidence dans l'atmosphère d’une piscine couverte. Les faibles concentrations dans l'eau en chloramines très volatiles comme la trichloramine et la dichlorométhylamine peuvent en partie être expliquées par une volatilisation importante de ces composés au niveau des bassins et des bacs tampons.
Composés organohalogénés adsorbables sur charbon actif (paramètre AOX)
La mesure des composés organohalogénés adsorbables sur charbon actif dans les conditions de l’essai indique que les teneurs moyennes en AOX dans les bassins ludiques et les bassins de natation sont généralement comprises entre 400 à 700 μg éq Cl/l mais peuvent atteindre des valeurs de l’ordre de 1 000 à 1 500 μg éq Cl/l. En ce qui concerne les spas, les mesures effectuées donnent une valeur moyenne de l’ordre de 460 μg éq Cl/l mais montrent aussi une très grande disparité des valeurs (de 90 à 1 500 μg éq Cl/l) qui peut être attribuée à la fréquence de vidange du bassin. Les teneurs les plus faibles ont été retrouvées dans les bassins vidés quotidiennement ou ayant un très fort taux de renouvellement de l’eau.
Une comparaison des quantités de chlore consommé et des productions de composés organohalogénés effectuée sur un bassin ludique nous a permis de montrer qu'une très faible proportion du chlore consommé se retrouve incorporé dans des composés organohalogénés (0,5 à 1 %). En d'autres termes, la quasi-totalité du chlore consommé dans les bassins résulte de réactions d’oxydation (oxydation de l’ammoniaque, de l'urée, …) dans lesquelles le chlore consommé est réduit en ions chlorure.
Formation de trihalométhanes (THM)
Le dosage des trihalométhanes (THM) dans les eaux de piscines nécessite impérativement une acidification des échantillons afin d’éviter l'hydrolyse de certains sous-produits de chloration en THM lors du stockage prolongé des échantillons et surtout lors de la mise à l’équilibre gaz/liquide dans les passeurs d’échantillons Headspace. La figure 2 qui présente des exemples typiques de résultats obtenus pour le dosage des THM dans un échantillon d'eau de piscine permet d'illustrer l’influence du pH sur le dosage des THM par la méthode Headspace. En acidifiant les échantillons à pH inférieur à 3, les concentrations en chloroforme mesurées après 30 et 60 minutes de temps de contact des flacons Headspace à 80 °C sont identiques et égales à 18 ± 1 μg/l (figure 2a). Si les échantillons n’ont pas été acidifiés (pH = 7,3), les analyses montrent que les concentrations en chloroforme ont augmenté d’un facteur 2,5 et 3,8, respectivement après 30 et 60 minutes de temps de contact à 80 °C. Une hydrolyse accélérée des précurseurs de chloroforme présents dans cet échantillon d’eau de piscine, effectuée en portant cet échantillon à pH 11 durant 45 à 60 minutes (température ambiante) avant l’analyse, montre que la concentration en chloroforme pourrait potentiellement augmenter d’un facteur 8. Pour ce même échantillon d’eau de piscine, les dosages montrent également une surestimation de la concentration en bromodichlorométhane si l’échantillon n'est pas acidifié (figure 2b). Les surestimations observées avec le bromodichlorométhane sont cependant moins importantes que celles observées avec le chloroforme, vraisemblablement parce que le potentiel d’augmentation de la concentration en bromodichlorométhane est plus faible.
Il est donc impératif de neutraliser le chlore libre présent dans le milieu et d’acidifier l’échantillon à pH < 4 : ceci peut être réalisé par ajout de thiosulfate de sodium et d’acide chlorhydrique ou par addition d'acide ascorbique.
Les analyses effectuées au LCME et à Ianesco ont mis en place cette procédure dès la fin des années 1980. Les analyses de THM prises en compte dans ce bilan (58 valeurs) montrent que les concentrations totales des 4 THM sont généralement de l’ordre de quelques μg/l à quelques dizaines de μg/l. Un examen
Un examen plus détaillé des données montre aussi que les concentrations moyennes en THM sont globalement plus faibles dans les bassins ludiques et les spas (10 à 15 µg/l) car la température plus élevée de l'eau ainsi que les jeux d’eau (bullages, vagues, toboggan, …) favorisent la volatilisation des THM. Dans ces bassins, la concentration en THM peut être inférieure à celle présente dans l’eau d’appoint. En ce qui concerne les bassins de natation, les valeurs mesurées sont généralement comprises entre 20 et 50 µg/l mais des valeurs beaucoup plus élevées (150 à 180 µg/l) et supérieures à la concentration maximale de 100 µg/l autorisée dans les eaux de distribution ont été régulièrement mesurées sur un bassin sportif. Ces fortes teneurs ont pu être expliquées par une surchloration de l'eau (absence d’une régulation pour l'injection du désinfectant) et par un fort temps de séjour hydraulique de l’eau dans le bassin. Les analyses effectuées montrent également que le chloroforme représente pour tous les bassins étudiés le THM fortement majoritaire (> 90 % des THM) en raison de la faible teneur en bromures dans les eaux d’appoint. La contribution des THM au paramètre AOX est faible comme le montre la figure 3 (2,5 % en moyenne pour les bassins ludiques et les spas, 6 % pour les bassins de natation) et inférieure à celle généralement observée pour les eaux de distribution (environ 25 %).
Il convient de rappeler que les eaux de piscines traitées par un déchloraminateur UV n'ont pas été sélectionnées pour effectuer cette synthèse. Dans une récente étude bibliographique, nous avons montré que la déchloramination UV peut conduire à une augmentation de la teneur en THM (De Laat et Berne, 2009). L’effet de la déchloramination UV sur la formation de THM peut maintenant être mieux appréhendé d’une part parce que les laboratoires d’analyses prennent les précautions nécessaires (neutralisation et acidification des échantillons) et d’autre part, parce que la réglementation impose aux exploitants des piscines utilisant un déchloraminateur UV de suivre régulièrement la concentration en THM dans l’eau (circulaire n° DGS/EA4/2008/65 du 22 février 2008). Les travaux actuellement réalisés par le LCME en collaboration avec l’AFSSET (Agence Française de la Sécurité Sanitaire, de l'Environnement et du Travail) permettront très prochainement d’apporter des informations sur l'influence de l'irradiation UV sur la formation des THM et des autres sous-produits.
Formation d’acides haloacétiques (AHA)
Les acides haloacétiques sont des dérivés halogénés de l’acide acétique qui peuvent être formés lors de la chloration de nombreuses molécules organiques simples ou de molécules plus complexes comme les substances humiques présentes dans les eaux naturelles. Neuf acides haloacétiques chlorés et/ou bromés peuvent potentiellement être formés lors de la chloration des eaux mais les composés les plus couramment retrouvés sont au nombre de cinq : l'acide monochloroacétique, l’acide dichloroacétique, l'acide trichloroacétique, l'acide monobromoacétique et l'acide dibromoacétique. Les AHA sont, après les THM, la principale famille de sous-produits de chloration dans les eaux de distribution avec une contribution de l’ordre de 15 % à la formation d’AOX. Les AHA représentent également la principale famille de sous-produits de chloration dans les eaux de piscines car ils comptent pour environ 25 à 30 % des AOX (figure 3) avec des concentrations qui peuvent atteindre plusieurs centaines de µg/l pour les acides dichloroacétique et trichloroacétique (tableau 2). Ces fortes concentrations peuvent être expliquées par les fortes quantités de AHA formés par les réactions du chlore libre et du chlore combiné avec les contaminants apportés par les baigneurs, par leur accumulation dans l'eau (car les AHA ne sont pas volatils) et par des temps de séjour hydraulique élevés de l'eau dans les bassins.
Formation d’hydrate de chloral (HC)
L'hydrate de chloral (CCl₃CH(OH)₂), qui est la forme stable du trichloroacétaldéhyde (CCl₃CHO), est formé lors de la chloration de nombreuses molécules organiques azotées. L’OMS, en 2006, ne cite qu’une seule valeur (265 µg/l) pour la concentration en hydrate de chloral en eau de piscines. Les analyses effectuées par le LCME et le Lanesco (58 valeurs) montrent que l'hydrate de chloral est l'un des principaux sous-produits de chloration présents dans les eaux de piscines car il compte pour environ 15 à 20 % de la teneur en AOX des eaux de piscines (figure 3). Les concentrations en hydrate de chloral dans les eaux de piscines sont généralement comprises entre 100 et 250 µg/l, alors qu’elles ne sont que de l’ordre du µg/l dans les eaux de distribution. Les plus fortes concentrations en hydrate de chloral qui ont été mesurées au cours de nos campagnes de mesures atteignent 500 µg/l. Ces très fortes teneurs s’expliquent par les raisons suivantes : les composés organoazotés rejetés par les baigneurs constituent de très bons précurseurs d’hydrate de chloral par chloration, l'hydrate de chloral est très stable dans l’eau car il s’hydrolyse très lentement à pH neutre, est très stable en présence de chlore libre et n’est pas volatil. Les travaux de recherche actuellement réalisés au LCME sur la stabilité de l’hydrate de chloral démontrent que l'hydrolyse d'une petite fraction de l'hydrate de chloral en chloroforme est en très grande partie responsable de la surestimation de la concentration en chloroforme observée lors de l'analyse des THM par la méthode Headspace dans des échantillons d’eau non acidifiés.
Formation d’haloacétonitriles (HAN)
Les haloacétonitriles sont principalement formés lors de la chloration de composés organoazotés comme les acides aminés et les protéines. Le dichloroacétonitrile (CHCl₂CN) a été détecté dans tous les échantillons analysés à des concentrations variant de quelques à plusieurs dizaines de µg/l. Les teneurs moyennes en dichloroacétonitrile ont été de l’ordre de 25 à 30 µg/l pour les différents types de bassins étudiés. Ces concentrations correspondent à un taux de participation du dichloroacétonitrile dans le paramètre AOX qui se situe entre 2 et 6 %. Le trichloroacétonitrile n’a jamais été détecté lors de nos mesures (limite de détection : 0,5 µg/l) car ce sous-produit est très instable dans les eaux de piscines. Les concentrations en bromochloroacétonitrile et en dibromoacétonitrile ont toujours été très faibles dans les eaux (< 1 à 2 µg/l).
Autres sous-produits de chloration
Les analyses chromatographiques effectuées sur un nombre beaucoup plus limité d’échantillons révèlent également la présence de dichloro-1,1 propanone et de trichloro-1,1,1 propanone (quelques µg/l), de chloropicrine (quelques dixièmes de µg/l) et de nitrosodiméthylamine (quelques ng/l dans quelques échantillons). Les données bibliographiques concernant les eaux de distribution suggèrent que de nombreuses autres familles de sous-produits non recherchées dans notre travail pourraient aussi être présentes dans les eaux de piscines (chlorure et bromure de cyanogène, haloamides, haloanisoles, autres nitrosamines) (Richardson et al., 2007 ; Weaver et al., 2009). Comme l’illustre la figure 3, seulement la moitié des composés organohalogénés présents dans les eaux de piscines a pu être identifiée.
Conclusions
Si les concentrations en chlore combiné dans les bassins font l’objet depuis très longtemps de contrôles stricts de la part des exploitants de piscines et des autorités sanitaires, les études très récentes montrent que de nombreux autres sous-produits peuvent être formés lors de la chloration des eaux de piscines. Les résultats présentés dans cette étude montrent ainsi que des fortes concentrations en acides haloacétiques, en hydrate de chloral, en haloacétonitriles et en trihalométhanes peuvent être retrouvées dans les eaux de piscines publiques. D’autres familles de molécules peuvent être présentes dans les eaux. L’état actuel des connaissances ne permet pas de connaître les facteurs de risques pour la santé des baigneurs associés à la présence de ces sous-produits organohalogénés dans les eaux de piscines. La réglementation française ne fixe aucune norme à respecter pour la concentration en THM dans les eaux de piscines mais l’OMS recommande une concentration maximale en THM de 100 µg/l dans l’eau des bassins. L’Allemagne a adopté une réglementation plus sévère en fixant des teneurs maximales dans les eaux de piscines de 20 µg/l pour les THM et de 0,2 mg Cl/l pour le chlore combiné. Compte tenu des données obtenues au cours de cette étude, le respect d’une norme plus contraignante sur les paramètres chlore combiné et THM imposerait une meilleure maîtrise du taux de chloration, du pH et des appoints d’eau (capteurs, régulation), une meilleure formation des techniciens chargés de la qualité de l’eau, une limitation éventuelle de la fréquentation et surtout une meilleure éducation et une meilleure hygiène des baigneurs (douche savonnée obligatoire, port de bonnet…). La diminution des concentrations en sous-produits de chloration peut aussi être envisagée par une modification des filières de traitement classiquement mises en œuvre pour le traitement des eaux de piscines. L’utilisation de procédés efficaces de transfert gaz/liquide comme les colonnes de stripping permet d’éliminer les composés volatils.
D’autres procédés de traitement comme la déchloramination par irradiation UV et le couplage ozone + chlore sont maintenant de plus en plus utilisés mais l’impact de ces traitements sur la formation de THM mais également sur la formation de toutes les autres familles de sous-produits de chloration est encore beaucoup trop mal connu.
Remerciements
Les auteurs remercient l’AFSSET pour leur soutien financier, Nicolas Cimetiere et Diab-Adams Freyfer (chercheurs au LCME) pour leur participation aux campagnes d’analyses et les exploitants des piscines pour leur coopération.
Références bibliographiques
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