Pollutions, surveillance de la qualité? Les stations d'alerte sont chargées de surveiller la ressource et de déclencher une alerte lorsqu'elles détectent un problème. Aujourd'hui, les équipements sont au point et peuvent surveiller de nombreux paramètres. Encore faut-il savoir les choisir en sachant qu'il n?existe pas de solution universelle.
En Île-de-France, le Sedif protège les captages de ses usines de production d’eau potable en implantant, en amont de ses prises d’eau, des analyseurs chargés de veiller en permanence sur l’évolution de la ressource. La température, l’oxygène dissous, la conductivité, le pH, le carbone organique font partie des grandeurs mesurées, de même que les métaux lourds difficiles à traiter comme le zinc, le chrome, le cuivre, le plomb ou encore les nitrites, le cyanure, les chlorures, l’ammoniaque et les hydrocarbures. Deux stations, celles d’Athis-Mons sur l’Orge et de Parmain sur l’Oise, sont même équipées d’un AutoMicrotox, mis au point par Anjou Recherche pour détecter la toxicité de l’eau.
En Alsace, à la frontière franco-germano-suisse, deux stations d’alerte surveillent la qualité des eaux du Rhin : la station germano-suisse de Weil am Rhein et la station française de Huningue. Avec un contrôle toutes les 30 minutes, le poste de Huningue est chargé de commander la fermeture des
Portes de garde du canal de Huningue en cas de pollution, afin de protéger les cours d'eau et la nappe phréatique alsacienne.
Aujourd'hui, les applications des stations d'alerte sont nombreuses et variées. Ces équipements intéressent la gestion des ressources en eaux destinées à la consommation humaine, la surveillance de la distribution de l'eau potable (y compris le risque de bio-terrorisme), des déversements autres que domestiques dans les réseaux de collecte des eaux résiduaires, ou encore des déversements par temps de pluie dans le milieu récepteur. Pour répondre à ces problèmes, aucune solution n'est universelle et le choix doit se porter vers un équipement adapté aux besoins.
Une station d’alerte pour quoi faire?
« La réponse à cette question doit être claire et s'exprimer en termes techniques, en données métrologiques, en définissant les besoins et les limites financières, tant en investissement qu'en fonctionnement », rappelle Jean-Luc Cécile, Président de la commission Afnor T90L, « la réponse ne doit en aucun cas être formulée en termes de solution. On constate trop souvent que l'adéquation besoin-moyen n'est pas satisfaite, faute d'une compréhension réelle entre les acteurs ».
Dans la pratique, la relation utilisateur-fournisseur peut s'appuyer sur la norme NF T 90-552. De plus, il est conseillé à l'utilisateur potentiel de se former auprès d'organismes compétents. Le CTME (Centre Technique de la Mesure pour l’Eau) dispose désormais d'une structure opérationnelle pour assurer ses missions de formation et de tests d'équipements avec l'Institut de Régulation et d'Automatique d'Arles (IRA).
Cette structure émane de la CCI du Pays d'Arles. Forte de 40 ans d'expérience dans la formation et l’assistance technique en matière de mesure, de régulation et d'automatisme, l'IRA souhaite étendre son champ d'action des activités industrielles vers celles des structures institutionnelles et des collectivités locales.
C'est maintenant chose faite. Aujourd'hui, pour les stations d'alerte, l'IRA peut accompagner le projet de sa conception jusqu'à son exploitation, y compris celle de l'interprétation des données. L'institut est là pour apporter aux utilisateurs l'aide nécessaire au choix d'une solution et procéder éventuellement à une opération de qualification tout en assurant le suivi adapté.
en assurant un accompagnement technique tout au long du projet.
Prochainement, la démarche sera également facilitée par l’évolution de la normalisation.
Vers une évolution des normes
La commission Afnor T 90 L, présidée par Jean-Luc Cécile, a engagé un important chantier de déclinaison de la norme générique récemment officialisée NF ISO 15839. Ce texte retient un cadre formel pour l’évaluation des capteurs et des analyseurs pour l’eau. L’IRA base ses opérations de tests sur cette norme et celles qui en découleront en associant toujours un principe de mesure à une application. Par exemple, la turbidité sera testée soit sur l’eau potable, soit sur les eaux résiduaires, en particulier en termes de contraintes pour la corrélation avec le paramètre matières en suspension. D’autres équipements devraient également être testés, comme les analyseurs industriels en ligne basés sur la colorimétrie : ils seront associés à la mesure des eaux résiduaires ou encore les analyseurs et leur sonde basés sur un principe spectroscopique par absorptiométrie et fluorescence.
Pour Jean-Luc Cécile, « L’étape ultime dans cette démarche de tests d’équipements est la certification ». Une réflexion d’ores et déjà engagée par le LNE et ses partenaires dans l’ACIME (Association pour la certification des instruments de mesure pour l’environnement) Inéris et Afnor Certification et à laquelle le CTME s’associe.
En attendant, la démarche décrite plus haut est plus que jamais à appliquer. Pour Jean-Luc Cécile, « une assistance technique extérieure est à recommander pour réussir un investissement qui conduise à satisfaire réellement les objectifs, tout en minimisant les coûts d’investissement et de fonctionnement ». Il s’agit de disposer de mesures fiables et exploitables pour gérer un système (ressource en eau destinée à la consommation, rejets d’eau dans le milieu naturel...). Ceci nécessite une réelle expertise qui peut être acquise avec un partenaire spécialisé. Pour Jean-Luc Cécile, « les pouvoirs publics devront rapidement prendre en compte dans les textes réglementaires les mesures en continu et le potentiel qu’offrent les stations d’alerte ». La porte ouverte par les arrêtés du 22 novembre 1994 n’a pas été poussée totalement en France, alors que les Allemands ont franchi le pas, et que les anglais ont déjà engagé une démarche de certification. Dans ce domaine, la France innove pourtant et propose aujourd’hui des analyseurs basés sur la spectrométrie UV-visible et des biocapteurs.
Des capteurs basés sur la spectrométrie UV-visible...
Pour surveiller les captages, Secomam et l’École des Mines d’Alès ont mis au point un système d’alerte multiparamètres basé sur une technologie optique : la spectrométrie UV-visible. Compact, cet équipement surveille automatiquement divers paramètres représentatifs de la qualité d’une eau, comme la teneur en matières organiques (DCO, DBO, COT), les matières en suspension, les nitrates, les pesticides, les hydrocarbures aromatiques... Pour réaliser la mesure, il joue sur le fait que la plupart des micropolluants (matières organiques, matières en suspension, nitrates) absorbent la lumière de façon caractéristique dans la plage ultraviolet du spectre de 200 à 350 nm. En mesurant l’absorbance de l’échantillon dans cette zone, il est possible d’établir une photographie numérique représentative de la qualité de l’eau. L’intérêt de la méthode est son temps de réaction très court, auquel s’ajoute la mise à disposition d’informations qualitatives et quantitatives sur les polluants détectés. Il faut environ cinq minutes entre
Le prélèvement de l’échantillon et la mise à disposition des résultats d’analyse.
Hocer avec Aquapod adopte une approche quasi identique. « Notre entreprise est spécialisée dans la mesure en continu de la qualité des eaux brutes et de consommation », explique B. J. Munoz, Président d’Hocer, « nous fabriquons des appareils qui détectent, analysent et quantifient les pollutions à très faible niveau, de l'ordre du microgramme par litre (µg/l) ». Ce printemps, l’entreprise annonce la version SA de son Aquapod, un produit qui s’adresse au marché des stations d’alerte. Sa technologie repose sur le couplage entre une procédure de séparation et de concentration des polluants sur une phase solide (SPE) associée à une analyse par spectrométrie UV de la solution concentrée. La technique est brevetée par Hocer et permet d’obtenir des sensibilités inférieures à 1 µg/l sur des polluants organiques dissous, notamment les pesticides (triazines, urées substituées, organo-phosphorés, les amides…), les hydrocarbures dissous (gazole, kérosène, essences SP 95 et SP 98), les produits industriels (HAP, phénols, BTX), les microcystines et certains produits complexes comme les lisiers ou les rejets de STEP.
Déjà, l'appareil est exploité par l'Institut d’Aménagement de la Vilaine (IAV) et la communauté d'agglomération de La Rochelle, deux collectivités exploitées par la SAUR, la Communauté Urbaine de Brest et Générale des Eaux de Lyon.
Anael dispose de son côté d'une sonde spectrophotométrique qui s'immerge directement in situ. L'analyse du spectre d'absorbance permet la détermination simultanée de paramètres de pollution en matières organiques, nitrates, MES… et ce, sans prélèvement, ce qui permet de s'affranchir des problèmes liés aux boucles d'échantillonnage et aux filtrations fréquemment indispensables aux analyseurs classiques. Ces sondes sont utilisées, entre autres, par Anjou Recherche.
Quant à EFS, la société créée voici une vingtaine d’années a conçu des analyseurs d’eau UV-Visible en ligne, sans réactif. Aujourd’hui, elle emploie une centaine de personnes au sud de Lyon à Montagny (69). Datalink Instruments, société française basée à Grenoble, propose une large gamme d'analyseurs d'eau en continu utilisant la technique de la spectroscopie UV, gage de fiabilité et de maintenance réduite.
Dans les stations d’alerte, ces analyseurs s'associent très souvent avec des sondes multiparamètres pour mesurer les grandeurs électrochimiques.
Les sondes multiparamètreset les biocapteurs...
Les sondes multiparamètres sont très utilisées pour les mesures de terrain. La sonde Aquaclip 100 de Neotek rassemble plusieurs paramètres pour les mesures sur lacs et rivières, mais aussi dans les forages étroits, là où son faible diamètre (40 mm) lui permet de descendre. Elle donne un diagnostic rapide et précis sur les paramètres physico-chimiques comme le pH, la conductivité, la température, le potentiel Redox ou le niveau d’eau. La sonde se branche soit sur le boîtier de terrain Acteon3000, soit directement sur un PC ou sur toutes centrales d’acquisition SDI12.
OTT propose également plusieurs sondes multiparamètres pour la mesure de la qualité des eaux de surface ou des nappes souterraines. Ainsi, les sondes multiparamètres DataSonde et MiniSonde, robustes à maintenance réduite, ont été spécialement conçues...
pour la mesure sur site de la qualité des eaux de surface ou des nappes souterraines. D’autant que la technologie Hach LDO (Luminescent Dissolved Oxygen) pour la mesure de l’oxygène dissous est désormais disponible sur les sondes multiparamètres Minisonde et Datasonde avec l’arrivée de la nouvelle Série 5 et 5X. « Les technologies de mesures utilisées sur nos derniers capteurs physico-chimiques, explique Laurent Rohaut, Chef de produit qualité chez OTT France, permettent un déploiement à long terme sur le terrain : système autonettoyant intégré pour les capteurs optiques, capteur d’oxygène dissous sans entretien et nécessité de ré-étalonnage pendant un an (technologie LDO), alimentation intermittente des capteurs, … ».
Pour la surveillance de toxicité, rien de tel qu’un biocapteur. Les industriels proposent maintenant des équipements performants, parmi lesquels on peut citer le Gymnotox d’ER Ingénierie, les Truitel et Truitosem de Cifec, ou encore le Fluotox d’Arnatronic. Ces appareils se révèlent très intéressants pour détecter la toxicité de l’eau de consommation humaine. Cependant, pour être pleinement opérationnels sur site et pouvoir donner l’alerte, ces capteurs doivent être intégrés dans une chaîne de mesure.
Des capteurs intégrés dans la chaîne de surveillance
La station de surveillance est un tout qui intègre un préleveur d’échantillon, le capteur, la chaîne d’acquisition et de traitement, l’électronique de transmission des informations et des alertes.
Cet ensemble étant la plupart du temps situé dans des endroits isolés, il doit répondre à des contraintes d’autosurveillance et d’alimentation électrique, tout en étant robuste et fiable. Hach-Lange propose ainsi une gamme complète de produits couvrant l’ensemble des paramètres applicables à l’analyse de l’eau : eaux brutes, eau potable, eaux usées et eaux de process.
Ces composants provenant d’un fournisseur unique peuvent garantir un niveau de compatibilité et de polyvalence élevé sur une large gamme d’applications. Hach-Lange a ainsi fourni au Syndicat des eaux de la station du Hurepoix (91) une station d’alerte permettant de mesurer en continu 9 paramètres pour la surveillance du captage d’une importante usine d’eau potable (20 000 m³/jour).
OTT France propose également des stations d’alerte de qualité des eaux qui comprennent les composants suivants :
- - capteurs physico-chimiques (gamme sonde multiparamètres « Mini et DataSonde »)
- - système d’acquisition et de transmission de données (gamme « Logosens »)
- - vecteur de transmission (modem RTC/GSM, radio ou satellite)
- - système de supervision (gamme « HYDRAS3 »)
« Les stations d’alerte OTT gèrent l’acquisition et la transmission des mesures physico-chimiques en toute autonomie, sans nécessité d’un raccordement au secteur », souligne François Laurent, Directeur commercial d’OTT France. « L’alimentation peut être assurée simplement par des piles ou, en cas d’une station surveillant plusieurs paramètres différents, par un panneau solaire. Les paramètres pouvant être mesurés in situ en continu sont les suivants : conductivité, température, pH, redox, oxygène dissous, turbidité, ammonium, le chlorure, la chlorophylle a, les cyanobactéries, … Au total, ce sont 17 paramètres qui sont disponibles ». Les mesures enregistrées dans la station peuvent être collectées à distance via modem RTC/GSM, radio ou satellite par un
superviseur ou être envoyée automatiquement vers celui-ci ou directement sur des sites Internet dédiés.
Ce dernier mode de communication permet de traiter et de mettre à disposition en temps réel des milliers d’informations. La transmission automatique des informations peut être réalisée par message SMS, e-mail ou par un message numérique traité par un poste de supervision. « Ces évolutions permettent d'instrumenter des sites très en amont, auparavant inexploités, souligne François Laurent. Ainsi, il est désormais possible de créer, par exemple, des stations d’alerte de prolifération de cyanobactéries sur les zones de baignades, de pêche, ou des réservoirs d'eau naturelle. »
AquaMS, distributeur exclusif du Fluotox et du Gymnotox, commercialise la station Stalis en partenariat avec Endress+Hauser et ER Ingénierie. Entièrement autonome et sécurisée, elle peut s'installer en pleine campagne. L'armoire est compatible avec les règles les plus exigeantes de l'architecture urbaine. Au-delà des paramètres classiques, les possibilités d’options sont très importantes, avec la mesure des hydrocarbures, de l’H2S dans l'eau, des cyanobactéries ou des pollutions agricoles (herbicides).
Hocer, avec Aquapod, commercialise une station d’analyse en continu autonome et communicante, allant du prélèvement à la transmission des données pour les pollutions organiques et les paramètres physico-chimiques.
La division Environnement de Neotek propose une solution complète, fixe ou portable, pour une station d’alerte de la qualité des eaux. Elle se compose d'un préleveur fixe réfrigéré pour conserver les échantillons prélevés à 4 °C, d’une sonde multiparamètres reliée au préleveur et d'un système d'acquisition et de transmission des données. Du côté alimentation, le système peut fonctionner sur 220 V, 24 V, batterie, panneau solaire.
Avec CE4, Endress+Hauser apporte une solution compacte et modulaire pour la mesure en ligne de la qualité de l'eau. Cette station intègre le prélèvement d'échantillons, les capteurs, l'acquisition et le traitement de données.
La régulation et la transmission des données est effectuée via une connexion analogique, numérique, Profibus ou modem. En cas de pollution, un message téléphonique préenregistré, un e-mail ou un SMS sont automatiquement envoyés à la personne d’astreinte.
Quant à EFS, l'accord qu'il a signé en 2004 avec l’Australien Greenspan (une filiale du groupe Tyco), lui apporte non seulement des analyseurs pour les eaux naturelles, mais aussi une station d’alerte.
La sonde Aquaclip 100 de Neotek rassemble plusieurs paramètres pour les mesures sur lacs et rivières, mais aussi dans les forages étroits, là où son faible diamètre lui permet de descendre.