Des suivis de la qualité de l'eau ont été réalisés dans quatre centres de production d'eau potable situés dans les villes de Buslary, Rabinko, Oborniki et Podstolice en Pologne. La quantification de la biomasse active par ATPmètrie quantitative, à l'aide du kit Quench-Gone Aqueous', a permis de mettre en évidence des dérives microbiologiques liées aux traitements et aux réseaux de distribution d'eau potable. Ainsi, la quantification de la biomasse constitue un outil de terrain adapté pour une surveillance de la qualité de l'eau dans les systèmes de production et de distribution d'eau potable.
Afin d’alimenter les populations en eau potable, l’eau captée dans l’environnement est traitée par différents procédés en fonction de la qualité de la ressource en eau à traiter (OMS 2008). L’objectif des différents procédés utilisés dans le traitement de l’eau potable est d’éliminer les microorganismes pathogènes présents dans l’eau. Toutefois, certains microorganismes présents dans les eaux à potabiliser peuvent entrer, passer au travers et se reproduire à l’intérieur des procédés de traitement (les milieux filtrants : charbon activé et sable) (Schreiber 1997 ; Hammes et al., 2008). Les réseaux de distribution peuvent également être impliqués dans la détérioration de la qualité de l’eau. Les raisons pour lesquelles l’eau, après traitement, est sujette à une contamination microbienne sont multiples. Ceci peut être la conséquence soit d’un acci
Tableau 1 : Paramètres biologiques mesurés lors des deux campagnes analytiques
| Eau souterraine (puits S12) : ATP 13,97 PE/ml ; germes totaux revivifiables à 22 °C : 24 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S12b) : ATP 9,533 PE/ml ; germes totaux : 12 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S13) : ATP 17,79 PE/ml ; germes totaux : 1 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S14) : ATP 13,7 PE/ml ; germes totaux : 22 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S18) : ATP 4,222 PE/ml ; germes totaux : 10 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S24) : ATP 2,921 PE/ml ; germes totaux : 1 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S25) : ATP 3,532 PE/ml ; germes totaux : 6 UFC/ml |
| Eau souterraine (puits S26) : ATP 3,877 PE/ml ; germes totaux : 28 UFC/ml |
| Avant aération : ATP 4,992 PE/ml ; germes totaux : 2 UFC/ml |
| Après aération : ATP 6,240 PE/ml ; germes totaux : 2 UFC/ml |
| Après filtration sur sable (filtre 4) : ATP 6,771 PE/ml ; germes totaux : 13 UFC/ml |
| Après filtration sur sable (filtre 7) : ATP 6,479 PE/ml ; germes totaux : 54 UFC/ml |
| Après filtration sur sable (filtre 8) : ATP 6,745 PE/ml ; germes totaux : 2 UFC/ml |
| Après filtration sur sable (filtre 9) : ATP 3,771 PE/ml ; germes totaux : 1 UFC/ml |
| Sortie réservoir : ATP 8,205 PE/ml ; germes totaux : 1 UFC/ml |
| Eau produite après désinfection : ATP 0,345 PE/ml ; germes totaux : 0 UFC/ml |
La distribution peut être source d’épidémies hydriques (O'Connor 2002 ; Beaudeau et al., 2007). Ainsi, la maîtrise de la qualité de l'eau potable nécessite une stratégie de gestion des risques basée sur une approche globale à chaque étape de la chaîne de la production et de la distribution de l'eau potable.
La vérification de la qualité microbiologique de l'eau repose sur des indicateurs de contamination fécale et d’efficacité de traitement. Ces méthodes sont basées sur la faculté des bactéries à croître sur milieu de culture artificiel. Par conséquent, plusieurs limitations sont liées à cette méthode analytique : la difficulté à cultiver des bactéries stressées par les traitements ou le temps passé dans le réseau de distribution, l’interférence des résultats par la croissance de bactéries non cibles, le temps de croissance élevé de certaines bactéries (Rompré et al., 2002 ; Tallon et al., 2005). Ce dernier point soulève une importante déficience des analyses microbiologiques de l’eau : le temps d’obtention des résultats. En effet, le délai minimal entre l’échantillonnage de l’eau et la communication des résultats bactériologiques est d’environ 24 heures. Selon les exigences réglementaires, ce délai peut même
d’exploitation au niveau des filières de traitements ou au niveau des infrastructures de stockage et de distribution (telles que des intrusions massives d’eaux contaminées dans le réseau dues à des retours d’eaux au niveau des branchements, à des ruptures de canalisation et des travaux), soit d'une multiplication des microorganismes dans le système de distribution (Delahaye et al., 2003 ; Beaudeau et al., 2007). Les microorganismes présents dans l'eau potable peuvent coloniser le réseau de distribution et proliférer au sein de niches écologiques appelées biofilms (Le Chevallier et al., 1996). Par conséquent, une défaillance dans les systèmes de production et de distribution d’eau potable peut engendrer de graves conséquences sur la santé publique (Craun et al., 2006 ; Hrudey et al., 2006 ; Rizak et Hrudey 2007). Une protection insuffisante des captages, mauvaise maintenance du réseau de dis-
être plus long dans certains cas où des analyses complémentaires sont nécessaires avant l’émission d’un avis aux autorités sanitaires. L’eau traverse donc le système de distribution et est consommée, avant qu’une évaluation ait été faite. De surcroît, le temps d’obtention des résultats ne permet pas une maîtrise des risques dans l’urgence. Par conséquent, l’évaluation de la qualité de l’eau potable nécessite de nouvelles méthodes analytiques rapides, sensibles et accessibles pour une application en routine.
La mesure de la biomasse active par ATPmétrie, à l’aide du kit Quench-Gone Aqueous™ commercialisé par Aqua-tools, est un test rapide et sensible qui permet de contrôler la qualité microbiologique de l’eau. L’objectif de cette étude a donc été d’appliquer cette méthode analytique en réalisant un suivi de la qualité biologique de l’eau dans plusieurs systèmes de production et de distribution d’eau potable.
Suivi de la qualité de l’eau dans les filières de traitement
Deux campagnes analytiques ont été réalisées : le 15 février 2011 pour l’usine alimentant en eau potable la ville d’Oborniki et le 20 avril 2011 pour les usines de Buslary et de Rabinko. Les trois centres de production traitent des eaux souterraines en mettant en œuvre plusieurs étapes successives de traitements : aération, filtration sur sable et désinfection au perchlorate de sodium. Les résultats des mesures d’ATP à l’aide du kit QGA™ et de dénombrement des germes totaux revivifiables à 22 °C (selon la norme PN-EN ISO 6222:2004) sont représentés dans le tableau 1 et la figure 1. Les concentrations d’ATP mesurées dans les eaux souterraines sont comprises entre 14,52 et 0,83 pg/ml soit 1 450 et 830 équivalent microbien/ml (tableau 1). La faible biomasse et l’absence de germes totaux revivifiables à 22 °C dans l’échantillon d’eau souterraine de l’usine de Rabinko témoigne d’une bonne qualité biologique de l’eau brute. Après filtration, les résultats révèlent une augmentation des teneurs en ATP excepté pour le filtre 8 de l’usine d’Oborniki. Ceci peut s’expliquer par une différence de hauteur du lit de sable entre le filtre 8 et les autres filtres. Les médias filtrants utilisés pour le traitement de l’eau potable peuvent être colonisés par les microorganismes présents dans l’eau traitée (Stewart et al., 1990 ; Leilei et al. 2008). Un tel développement microbien peut donc conduire à une augmentation de la biomasse après filtration. L’impact de la désinfection a pu être évalué pour l’usine d’Oborniki, montrant ainsi une diminution des concentrations d’ATP de 8,2 à 0,3 pg/ml soit 8 200 à 300 équivalent microbien/ml. Ceci n’a pu être observé dans l’échantillon d’eau produite de l’usine Buslary puisqu’il s’agit d’une désinfection discontinue.
Cartographie d’un réseau de distribution d’eau potable
Afin de suivre la qualité de l’eau au cours de son transport, une cartographie de la qualité biologique de l’eau distribuée dans les villes de Podstolice et d’Opatówko a été réalisée le 3 mars 2011 (figure 2). L’eau potable alimentant ce réseau est produite à plusieurs systèmes de production et de distribution d’eau potable.
Tableau 2 : Paramètres biologiques mesurés lors des trois campagnes analytiques sur les systèmes de production et de distribution d’eau potable de la ville de Podstolice
| 03/03/2011 |
|---|
| ATP (pg/ml) |
| ATP (équivalent/ml) |
| Germes totaux revivifiables à 22 °C (UFC/ml) |
| 14/03/2011 |
| ATP (pg/ml) |
| ATP (équivalent/ml) |
| Germes totaux revivifiables à 22 °C (UFC/ml) |
| 25/03/2011 |
| ATP (pg/ml) |
| ATP (équivalent/ml) |
| Germes totaux revivifiables à 22 °C (UFC/ml) |
partir d’une eau d’origine souterraine après une aération, une filtration sur sable et une désinfection. Cette dernière étape du traitement est réalisée par ajout de perchlorate de sodium directement dans le réseau de distribution en sortie de l'usine de Podstolice. Pour la majorité des points mesurés, les concentrations d’ATP diminuent avec la distance parcourue par l'eau dans le réseau. Une augmentation du temps de contact avec l’agent désinfectant peut être à l’origine d’une diminution de la biomasse dans l'eau au cours de son transport.
Suivi temporel de la qualité biologique de l’eau
À travers trois campagnes analytiques, un suivi temporel de la qualité de l'eau a été réalisé sur les systèmes de production et de distribution d’eau potable de la ville de Podstolice. Les résultats, représentés figure 3 et tableau 2, révèlent une nette augmentation de la concentration en ATP et des germes totaux revivifiables à 22 °C au cours des traitements. Ceci suggère qu'une dégradation de la qualité biologique de l'eau a lieu dans le système de production d'eau potable de l'usine de Podstolice. Lors de la dernière campagne, on observe une augmentation globale des concentrations d’ATP et des germes totaux revivifiables à 22 °C dans les échantillons prélevés dans la filière de traitement et dans ceux prélevés dans le réseau de distribution. Ce résultat indique un dysfonctionnement majeur dans la filière de production d’eau potable nécessitant des actions correctives pour endiguer cette dérive.
Conclusions
La mesure de la biomasse active par ATP-métrie quantitative a permis de réaliser le suivi de la qualité de l'eau dans les systèmes de production et de distribution d'eau potable et de mettre en évidence plusieurs zones à risque nécessitant des actions correctives. Cette méthode peut être appliquée dans le cadre d'une surveillance journalière des ouvrages et permet un suivi régulier de la qualité de l’eau potable dans les réseaux. La quantification de la biomasse à l'aide du kit QGA™ constitue une méthode simple, rapide et sensible. Une analyse peut être réalisée en quelques minutes seulement. Le kit QGA™ est directement applicable par les équipes de terrain.
Références bibliographiques
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