Sous l'impulsion des grands distributeurs d'eau privés délégataires de services publics qui ont commencé à déployer dès 2000 des solutions de télé-relevé, les syndicats et régies choisissent aujourd'hui de plus en plus cette méthode de comptage leur permettant une meilleure qualité de service. Si les technologies de communication permettant le transfert des données sont matures, l'interopérabilité des systèmes n?est pas résolue, constituant un ultime frein au développement de la télé-relève en France.
En avance par rapport à ses voisins européens, il y a 10-15 ans apparaissaient en France les premières solutions sans fil de radio-relevé à distance des compteurs d’eau en collecte mobile (Walk By, Drive By). Cette méthode, qui implique qu'un opérateur se déplace et s'approche du compteur pour récupérer l’index par radiofréquence, reçut dès le départ un accueil favorable, parti-
rement pour la relève des compteurs difficiles d'accès (domaine privatif, tampon lourd, etc.). Pour autant, « il s’agissait à l'époque d’un marché assez limité, puisque cette situation représente près de 10 % du parc des compteurs d’une collectivité » souligne Licia Maradin, Responsable Marketing chez Itron.
Puis l’offre s’est rapidement étoffée avec des solutions de télé-relève en réseau fixe qui permettent de récupérer l’index au sein d'un système central de gestion sans aucun déplacement. Sans qu’un technicien ne se déplace, les données selon cette technologie sont enregistrées en continu et en temps réel puis retransmises sur un PC à un poste central de gestion pour être analysées et exploitées. Mais contrairement à la radio-relève en réseau mobile, la télé-relève en réseau fixe nécessite une infrastructure composée de répéteurs et de concentrateurs qui retransmettent les relevés de consommation collectés par le module radio installé sur le compteur d'eau. D'où un coût d'investissement plus important (évalué à + 30 %) que celui de la radio-relève.
Pionniers en matière de télé-relève, de grands distributeurs d'eau privés, tels que Veolia Eau en 2000, Saur en 2003 et Lyonnaise des Eaux en 2005 développèrent massivement leurs propres systèmes de communication profitant des progrès technologiques dans le domaine de la radio et des transmissions des données (internet, GSM, etc.).
Dans le même temps, la problématique de la maîtrise des ressources aboutit à une prise de conscience des professionnels de l'eau, des élus, mais aussi de l'opinion publique. Plusieurs dispositifs réglementaires virent le jour, en particulier le décret n° 2007-675 du 2 mai 2007 imposant aux maires dans leur rapport annuel sur le service d’eau d'introduire dorénavant des indicateurs de performance (volumes de perte en eau sur le réseau). D’où une obligation de performance accrue de la part des services de l'eau privés ou publics vis-à-vis de leurs abonnés.
Comptages intelligents
Ainsi porté par des facteurs technologiques, environnementaux et réglementaires (bientôt renforcés par de nouveaux dispositifs avec le Grenelle de l'environnement sur le suivi de rendement) le marché de la télé-relève a fortement évolué ces 5 dernières années. « Désormais on nous demande d’augmenter la densité de la relève et la pertinence des informations », souligne Licia Maradin. « Nos clients nous demandent plus qu’un index pour la facturation. Ils veulent une information plus riche ».
Et pour cause : la télé-relève offre de nombreux avantages.
Pour les professionnels gestionnaires de réseau d'eau (collectivités, gestionnaires de parcs immobiliers ou sites industriels), la télé-relève est en effet un outil stratégique du suivi de la distribution d’eau. Elle permet notamment de mieux surveiller et entretenir les réseaux d’eau, de suivre la
Performance de comptage, superviser en temps réel les consommations, détecter les fuites et suivre les rendements.
Pour les collectivités en charge du service public de l'eau, la télé-relève rend possible la mise en place de politiques de tarification saisonnières, notamment dans les zones touristiques.
Enfin, pour les consommateurs, la télé-relève améliore le service rendu. En particulier, elle supprime les estimations de consommation en cas de non-relevé. En cas de déménagement ou emménagement, les usagers n’ont plus besoin de communiquer leur index. Et ce n’est pas tout ! La télé-relève offre de nouveaux services en matière de suivi de consommation. Les abonnés peuvent à tout moment consulter l'historique de leur consommation réelle au jour le jour en créant un espace internet (avec accès confidentiel) sur un portail mis en ligne par leur service d’eau. La télé-relève constitue de ce fait un moyen efficace pour inciter à un comportement éco-responsable confrontant les usagers aux chiffres réels de leur consommation. S'ils le souhaitent, les abonnés peuvent par ailleurs être alertés (via des SMS) en cas de suspicion de fuite ou de consommation anormale.
Les délégataires de services publics comme Veolia Eau, Lyonnaise des Eaux et Saur furent les premiers à offrir de telles prestations destinées aux abonnés, appelées aussi « smart meters » ou comptage intelligent.
Bilan : « Sur un total de 20 millions de compteurs d'eau installés en France, 6 millions sont équipés d'un système de radio, dont 10 % au moins en réseau fixe » estime Jean-Luc Arnoult, directeur Téléservices et Technologies de Lyonnaise des Eaux. Solution intermédiaire, la radio-relève en collecte mobile est de moins en moins utilisée au profit de la télé-relève en réseau fixe qui est en plein boom. « Actuellement nous sommes sur un rythme de 200 000 nouveaux abonnés contractualisés », indique Jean-Luc Arnoult. « De plus en plus de cahiers des charges de délégation de services publics d’eau prévoient ce type de dispositif ». Ainsi, la télé-relève devrait, pour 1 à 2 € par mois et par abonné en fonction
Élément déterminant d’une offre de niveau de service proposé, devenu le standard du marché en matière de comptage dans le secteur de l’eau. Dans ce contexte, l'offre est abondante, mais disparate.
Distributeurs privés : déploiements massifs en cours
« Nous avons un positionnement de généraliste », précise Farrokh Fotoohi, Directeur Général Ondeo Systems, filiale conjointe de Suez Environnement et Lyonnaise des Eaux, créée fin 2008 et proposant une gamme complète de technologies de l'information dédiées à la maîtrise des métiers de l'environnement. « Notre technologie couvre l'ensemble de la chaîne de mesure depuis le compteur jusqu’à l’interface avec le client final. Une des originalités de notre solution est qu’elle a été développée par les “utilities” pour les “utilities” en partenariat avec les fabricants de compteurs. Nos choix technologiques ont été décidés en fonction des besoins de nos clients. Ils sont en outre caractérisés par un coût global de possession optimisé ». Ainsi la solution développée par Ondeo Systems est basée sur une technologie robuste radio VHF à longue portée, alors que les autres opérateurs proposent des solutions de plus courte portée. Un point important selon Ondeo car il permet de réduire le nombre d’équipements intermédiaires entre les compteurs et les systèmes d'information. D’où l'amélioration du coût d'installation, moins de maintenance et donc un coût total de possession réduit. « Exemple, à Paris, rive gauche, où nous avons déployé notre système de télé-relève, le nombre de répéteurs et concentrateurs est 10 à 30 fois moins important à périmètre constant que sur la rive droite où des solutions concurrentes ont été choisies ». Un argument que conteste Veolia Eau qui a équipé la totalité des compteurs de la rive droite et posé proportionnellement deux fois moins de concentrateurs, car au final sa technologie représente des coûts d’installation équivalents mais une meilleure fiabilité et donc des frais de maintenance réduits.
Veolia Eau, pionnière et leader dans ce domaine, avec plus de 800 000 modules radios déployés depuis 2000, et totalisant ainsi plus de 70 % du parc de compteurs de première prise radio-équipés en France, utilise la solution de sa filiale HomeRider Systems, spécialisée dans les solutions radio pour applications environnementales. « Nous avons optimisé notre offre grâce à nos deux pôles d'expertise : d’une part HomeRider apporte toute son expertise sur l’architecture radio, et d’autre part Veolia Eau a le savoir-faire sur les données métiers et les services associés : seuils d'alarmes sur les fuites, les retours d’eau, fiabilité du comptage, etc… », indique Fabrice Baron, de la Direction Technique de Veolia Eau. « Le signal radio a été optimisé de façon à avoir la portée la plus longue possible avec une consommation d’énergie minimale. Cette technologie, contrairement à celle dite “VHF”, est adaptée à toutes les configurations, en zone urbaine dense ou en zone rurale plus diffuse ».
En choisissant la fréquence de 868 MHz et la norme européenne EN 13757, Veolia Eau a déjà fait un premier pas vers l'interopérabilité des systèmes. En outre, le système HomeRider peut être installé sur la plupart des modèles de compteurs et est disponible pour toutes les collectivités, y compris celles qui ne sont pas clientes de Veolia Eau.
D’une autonomie supérieure à 15 ans, les équipements sont simples d’installation, extrêmement résistants. « Nous sommes convaincus que la fiabilité de ces matériels est indissociable de la maîtrise des coûts d’exploitation, c'est pourquoi nous avons étendu notre démarche de contrôle qualité sur le matériel de télé-relève. Tous les nouveaux modèles subissent des essais sévères et sont évalués in situ durant une période de 6 à 12 mois tandis que des prélèvements d’équipements en service sont effectués pour évaluer l’évolution de leurs performances dans le temps », précise Fabrice Baron.
Avec une large gamme de services associés, Veolia Eau répond ainsi aux attentes spécifiques des clients, grâce à une technologie qui permet une souplesse et une capacité d’évolution unique. D’ailleurs, depuis quelques années, le rythme des déploiements s'accélère : 200 000 compteurs équipés en 2009, 250 000 attendus en 2010. Après le déploiement pour la Ville de Paris (près de 65 000 compteurs équipés pour la rive droite) lancé dès 2002, d’autres collectivités ont opté pour le télé-relevé comme par exemple Metz, qui compte
32 000 clients individuels et collectifs équipés, Beaune (6 000 compteurs radio équipés) ou Épernay (21 000). Plus récemment, la Communauté de Communes de Cœur Côte Fleurie (voir encadré p. 75) a lancé des nouveaux services pour les 24 000 abonnés.
Le groupe Saur en revanche a opté pour une autre stratégie. « Nous considérons que nous n'avons pas à développer nos propres solutions radio. Le marché existe. Notre position est d’utiliser les technologies plébiscitées par le marché, qui sont les meilleures », affirme Cédric de Linage, ingénieur au sein du groupe Saur. « Notre stratégie est transparente. À l’issue d'un contrat, si une collectivité souhaite reprendre le réseau de télérelève en régie, elle le peut sans difficulté puisque tous les outils informatiques sont disponibles sur le marché. La technologie que nous proposons aujourd'hui est surtout celle de Coronis (groupe Elster). On peut passer de la radio à la télérelève sans avoir à intervenir sur les modules. Nous privilégions une offre de service transparente avec un prix unique pour tous les consommateurs et tout compris (réseau et services). Sur les 3 millions de compteurs que nous gérons, 100 000 sont déjà équipés de solutions de télérelève et 100 000 autres le seront d'ici la fin 2010. À titre d’exemple, les collectivités de Razac (Dordogne), Rhône Aigue Ouvèze (Vaucluse), et Fleury-les-Aubrais (Loiret) viennent dernièrement de retenir l’offre télérelève de Saur. »
L’expérience terrain des fabricants
Dès 1995, la société Sappel, aujourd’hui division du groupe allemand Diehl, fut la première à lancer des compteurs radio dans le domaine de l'eau. D’où son expérience terrain unique. « Après avoir fait la promotion de la technologie radio pendant des années et expliqué son intérêt, nous sommes passés à une autre phase où nous expliquons l’intérêt de nos systèmes » indique Michel Fuchs, Directeur Marketing chez Sappel. « Nous disposons d'un outil de production et de développement unique : une usine électronique complètement intégrée en Allemagne. Aussi, l'originalité de notre offre est notre maîtrise de toute la chaîne produit. Ensuite, nos produits ont un côté très convivial et sont utilisables par tout type de collectivité (quelle que soit leur structure informatique) ». À ce jour, Sappel rassemblant 250 personnes a vendu 2,5 millions de compteurs radio en France dont plusieurs dizaines de milliers en relevé fixe (habitat collectif).
La société Itron, comme Sappel, propose aux Services d’Eau en régie une offre de fourniture clé en main et d’accompagnement, de la faisabilité à la maintenance, en passant par la mise en service et la formation. Itron dispose d'une longue expérience avec une solution de relève radio mobile lancée dès 2000. « Ayant installé plusieurs millions de modules radio, nous
Elster
Nous savons quelles sont les contraintes liées à la relève radio fréquence, en particulier l'importance de l'environnement. Ainsi, 99 % de la performance de la communication radio est associée à l'environnement. Or celui-ci peut évoluer en cours de vie, par exemple en cas de rénovation urbaine. Pour répondre à cette problématique, nous avons capitalisé sur cette expérience et développé un système de relayage dynamique qui maille le territoire. Si l’information d’un compteur n’est plus accessible, un autre chemin de communication est automatiquement déterminé par l’intelligence du système », explique Licia Maradin. « Nous sommes les seuls à proposer cette innovation technologique assurant la pérennité du système ». Il s'agit là d'un point fort car « sur le long terme, les coûts d’exploitation peuvent impacter les coûts d’investissement en cas d’évolution du patrimoine urbain ». Autre originalité proposée par Itron, la sécurité renforcée de l'abonné. « Conformément à la réglementation, les émissions de nos modules radio sont de basse puissance, 200 fois moins importantes que celles des téléphones portables, mais contrairement à certains appareils sur le marché, nos instruments n’émettent pas en permanence. Cette spécificité de nos appareils rassure nos clients souvent préoccupés par la question de la nocivité des émissions. ».
Enfin, Sensus France figure aussi parmi les premiers acteurs du marché. En particulier, le groupe dispose sur son site de Neyron dans l’Ain d'un laboratoire de tests, équipé de 6 bancs d’essai où sont effectués à la fois des tests sur des échantillons de lots de compteurs en sortie d'usine et des tests de parcs installés. « Nous pouvons ainsi fournir aux gestionnaires un état des lieux précis de leur matériel pour optimiser les performances des compteurs sur le terrain » souligne Michel Jacquet, Directeur Commercial Sensus France. Dans le domaine de la téléréleve, Sensus, leader des systèmes AMI-AMR aux États-Unis, a choisi pour le marché européen de proposer un système ouvert qui utilise le protocole Wavenis développé par Coronis sur lequel sera basé le très attendu Perl, un compteur composite à passage intégral qui devrait arriver en Europe fin 2011. Outre l'utilisation de ce système en mode relève mobile, il offre également une compatibilité en mode réseau fixe en rendant disponibles les données de relève via Internet. L'ensemble de ces informations est donc facilement accessible pour l'utilisateur grâce à un format standard. « Dans l'intérêt de nos différents clients, Sensus travaille très activement à de nouvelles solutions de relève interopérables » souligne Michel Jacquet.
Quant aux eWON, les modem-routeurs intelligents, ils innovent comme concentrateur pour les modules équipés de technologies radio (Wavenis…). Les eWON sont donc capables de lire cycliquement les données horodatées des compteurs équipés de ce type de technologie et de les renvoyer par FTP via GPRS, ADSL, WAN, RTC,… Avec des eWONs Standard, déjà des dizaines de milliers de compteurs sont télé-relevés sur l'ensemble de la France, dans des grandes agglomérations telles les régions de Paris et Bordeaux ou en périphérie de l’agglomération de Lyon. « Le concentrateur récepteur de notre client est basé sur un eWON4102, il est ainsi capable d'historiser jusqu’à 5000 compteurs sur un rayon de plus de 1 km et de reporter les informations, via GPRS, sur un serveur ! » explique-t-on chez eWON.
Réflexions autour de l’interopérabilité
Au-delà du coût d’investissement de la relève à distance, certaines collectivités hésitent à franchir le pas, freinées par un aspect purement technologique. De fait, il n’existe pas de standard de communication proposant une mode unique d'interopérabilité. Si bien que les modules radio développés par Coronis (racheté par le groupe Elster en 2007), Sappel ou Veolia ne communiquent pas entre eux par exemple. Certes, la communication pour la relève des compteurs est normalisée (NF EN 13757 relative aux protocoles de communication), mais cette réglementation n’intègre pas encore
Michel Jacquet, directeur commercial de Sensus France :
« Sensus a clairement opté pour des protocoles de communication ouverts »
Déjà précurseur dans le domaine des compteurs en matériau composite, Sensus plaide en matière de télérelève pour l’émergence d’un système interopérable ouvert susceptible de fédérer les différents protocoles existants. Entretien avec Michel Jacquet, directeur commercial de Sensus France.
Revue L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Quel regard portez-vous sur le marché du comptage en France ?
Michel Jacquet : Le marché est tonique, voire même dynamique au regard du contexte macro-économique actuel. Les projets sont nombreux, diversifiés, et l’on constate une bonne tenue des volumes. L’offre développée par Sensus depuis plusieurs années n’est sans doute pas tout à fait étrangère à ce constat. L’intérêt pour les compteurs en matériau composite est bien réel et la télérelève, qui suscite également de la part des collectivités un intérêt croissant, contribue sans aucun doute à porter le marché.
E.I.N. : La demande en matière de compteurs en matériau composite a pourtant tardé à se manifester.
M.J. : En matière de compteur en composite, nous avons été des précurseurs. Je vous rappelle que Sensus a été le premier à lancer sur le marché européen, avec le 620 C, un compteur en composite. Il a donc fallu, comme toujours en pareil cas, initier une démarche pédagogique de fond pour informer les exploitants, leur exposer les atouts du composite, lever les craintes légitimes qui peuvent s’exprimer quand un matériau nouveau apparaît et les convaincre de l’intérêt de ce type de compteur. Cela a pris du temps mais aujourd’hui les atouts du composite sont bien compris des grands donneurs d’ordre comme de la plupart des collectivités territoriales.
J’observe d’ailleurs que bon nombre de nos confrères, plutôt sceptiques au départ, n’ont pas tardé à nous suivre dans cette démarche. Le succès est donc bien au rendez-vous si bien qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle composite, l’unité de compte n’est plus le millier mais la centaine de milliers d’unités. En termes de volume vendu concernant les compteurs volumétriques, j’estime que les compteurs en matériau composite représentent presque 50 % de nos ventes. C’est considérable.
E.I.N. : Qu’est-ce qui justifie le succès de ce type de compteurs ?
M.J. : Ils combinent tous les avantages des compteurs traditionnels et notamment leurs qualités métrologiques tout en y associant de nombreuses autres qualités parmi lesquelles leur légèreté, leur rapidité et leur facilité de pose, leur capacité à résister aux agressions chimiques comme aux intempéries sans oublier leur recyclabilité totale, un atout décisif en termes de développement durable. J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que Sensus vient de signer avec Recy’stem-Pro, un organisme qui accompagne les industriels dans leurs opérations de traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques, un accord qui prévoit la collecte et le recyclage des modules de télérelève de Sensus et également la prise en charge des compteurs composite en fin de vie de la gamme Sensus 620 C, qui devient ainsi le premier compteur composite 100 % recyclable du marché.
E.I.N. : Le second facteur qui porte le marché, la télérelève, n’est pas véritablement nouveau…
M.J. : Dans son principe, non. Mais les avantages inhérents à la télérelève se multiplient au même rythme que les technologies qui progressent vite ! L’arrivée de l’AMR (Automated Meter Reading) qui permettait de relever les compteurs à distance lors des tournées sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans des lieux privés a marqué un progrès certain. Mais l’arrivée des réseaux radio fixes, également appelés AMI pour Advanced Metering Infrastructure, qui permettent de collecter les données à tout moment, change la donne en diminuant les coûts, en ouvrant la voie à de nouveaux services et en faisant du compteur un outil de gestion à part entière. Les exploitants de réseaux, les distributeurs et les élus l’ont bien compris et s’intéressent de très près aux bénéfices qu’ils peuvent en retirer.
E.I.N. : Reste la question clé de l’interopérabilité des systèmes de communication. Quelle est la politique de Sensus en la matière ?
M.J. : Effectivement, les acteurs français sont partis en ordre dispersé sur ce dossier si bien que coexistent aujourd’hui plusieurs systèmes dont les qualités sont réelles mais qui devront fatalement converger vers une interopérabilité totale. L’absence d’interopérabilité est-elle aujourd’hui un frein au développement du marché ? Sans doute. C’est l’une des raisons pour lesquelles Sensus a très tôt cherché à utiliser des protocoles de communication compatibles avec la mise en œuvre de ses offres télérelève en proposant notamment le système ouvert Wavenis, développé par Coronis. Nous attendons également beaucoup du mandat initié par la Commission européenne qui a missionné les trois organismes impliqués (CEN, CENELEC, ETSI) pour mettre en place une plateforme, le Smart Metering Coordination Group (SMCG), chargée de proposer un programme cohérent et coordonné de développement de normes applicables aux différentes énergies : eau, électricité, gaz, chaleur. J’espère qu’elles contribueront à faire émerger un système interopérant et fédérateur qui puisse inciter les exploitants à s’engager dans la démarche télérelève. Au plan technique, Sensus y travaille activement et pourrait présenter une solution innovante au cours du prochain salon Pollutec qui se tiendra à Lyon début décembre.
E.I.N. : Un rapport avec le nouvel iPERL ?
M.J. : Non, il s’agira plutôt d’une offre innovante en matière de systèmes radio. Mais iPERL, un compteur statique à passage intégral d’un tout nouveau genre puisqu’il se caractérise par une absence totale de pièce mécanique en mouvement fera également partie des prochaines innovations présentées par Sensus en Europe. Ce compteur, déjà commercialisé aux États-Unis, fait actuellement l’objet des adaptations nécessaires pour le rendre compatible avec les normes et exigences européennes. Entièrement fabriqué en matériaux composites, il intégrera dans une structure monobloc un ensemble de comptage communicant et devrait être présenté en France à la fin de l’année 2011.
Propos recueillis par Vincent Johanet
Vers le « smart metering » multi-énergies
Avec l’arrivée d’acteurs majeurs comme Gaz de France et EDF qui se sont engagés dans des projets de relevés automatiques par courant porteur, la télérelève pourrait
se systématiser à l'ensemble des énergies. D'ores et déjà, Lyonnaise des Eaux et Suez Environnement développent à travers la technologie d’Ondeo Systems la possibilité de suivre les consommations de gaz et d'électricité. « Les professionnels sont en train de s'équiper de ce type de technologie, afin de mieux connaître leur consommation et mettre en place des solutions visant une maîtrise des ressources », souligne Jean-Luc Arnoult, Directeur Téléservices et Technologies.
Chez Veolia Eau, la mutualisation est aussi d’actualité et ne se cantonne pas au domaine énergétique : pour le leader des services à l'environnement, le comptage intelligent concerne tous les capteurs environnementaux. Ainsi, le système HomeRider est compatible avec la plupart des compteurs d'eau, de gaz et d’électricité, énergie thermique, mais aussi de colonnes d’apport volontaire pour optimiser la collecte sélective par exemple. En ce qui concerne les réseaux d’eau, les nombreux capteurs permettant d’optimiser sa gestion peuvent transmettre leurs informations via le réseau HomeRider. Cette mutualisation du réseau permet de relever un grand nombre d'informations, en temps réel et à moindre coût.
Des systèmes transversaux multi-énergies sont également proposés par les grands fabricants comme Elster, Itron ou Sappel. « Les régies avec lesquelles nous travaillons sont très attachées à leur devoir d’exemplarité du service public en matière de maîtrise de la ressource, signale Licia Maradin. Pour les bâtiments publics, hôpitaux, collèges, gymnases, etc., nous avons de plus en plus de demandes. »
Si la technologie permet de relever tous types de compteurs, reste à savoir si le marché ira dans cette direction. Personne ne peut le dire. De fait le monde de l’électricité n’a pas les mêmes contraintes que le monde de l'eau.