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Traitement anaérobie à basse température du lisier de porc et valorisation énergétique du biogaz

30 janvier 2008 Paru dans le N°308 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Daniel MASSé et Richard ROYER

L?accroissement de la production porcine en Amérique du Nord a amené l'entreprise Bio-Terre Systems à mettre au point une solution environnementale innovante pour la gestion des lisiers, en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Cette approche technologique combine la digestion anaérobie à basse température, la concentration des solides et la valorisation énergétique. Elle permet de transformer la matière organique en sous-produits à valeur ajoutée, offrant ainsi une solution avantageuse aux besoins des agriculteurs.

La technologie Bio-Terre Systems (figure 1) permet aux utilisateurs de fertiliser leurs terres avec la fraction liquide, d’alimenter leurs bâtiments en énergie avec la fraction gazeuse et d’exporter leur surplus de nutriments avec la fraction solide. La technologie répond aux besoins des exploitations agricoles de toute taille, en plus de résoudre des problèmes d’odeur et de détruire les microorganismes pathogènes.

Points saillants

Technologie

  • • Utilisation de microorganismes anaérobies robustes, adaptés aux basses températures;
[Photo : Figure 1 : Les digesteurs sur lisier fonctionnant en SBR.]
[Photo : Figure 2. Proportion du volume initial de lisier et répartition des nutriments dans les fractions solides et liquides.]
  • • Aucun pré-traitement ni de séparation solide-liquide ne sont nécessaires;
  • • Procédé stable en présence d’antibiotiques et dans des conditions d’exploitation variables;
  • • Bilan de production de biogaz amélioré comparativement aux procédés conventionnels;
  • • Système automatisé nécessitant peu de suivi et d’entretien.

Environnement

  • • Production d'un biogaz valorisé comme source d’énergie renouvelable;
  • • Production d’un liquide fertilisant à haute efficacité, sans odeur et exempt de micro-organismes pathogènes;
  • • Réduction jusqu’à 50 % des superficies requises pour l’épandage de la fraction liquide;
  • • Réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre.

Économie

  • • S'incorpore aux opérations courantes et aux infrastructures de la ferme;
  • • Rentabilité des investissements de capitalisation assurée par les bénéfices agronomiques et énergétiques;
  • • Production continue de biogaz à haut potentiel énergétique.

Objectifs du projet/Phases

Le projet visait à poursuivre le développement et la commercialisation d'une technologie intégrée de traitement et de valorisation énergétique du lisier de porc. Cette technologie de traitement anaérobie à basse température devait permettre :

  • • De traiter le lisier afin de respecter les normes environnementales;
  • • D'utiliser les éléments fertilisants contenus dans le lisier;
  • • De convertir le biogaz produit en énergie verte;
  • • De valoriser les biosolides générés;
  • • D’exporter les surplus de phosphore hors de la ferme.

Phases

  • 1995-2000 : Mise au point et optimisation de la technologie avec des bioréacteurs formats laboratoires et semi-commerciaux (3, 8 et 12 m³) au Centre de recherche d’AAC à Lennoxville.
  • 2000-2001 : Implantation et optimisation des bioréacteurs commerciaux de 165 m³ à la ferme Richard Péloquin de Ste-Edwidge de Clifton. Ce volet a été accompagné d’un suivi scientifique rigoureux.
  • 2001-2003 : Démonstration à pleine échelle des bioréacteurs commerciaux pour une ferme produisant 2 500 porcs/année et valorisation des sous-produits (biogaz, bioliquide et biosolides).
  • 2004 : Doublement de la capacité de traitement à 5 000 porcs/année.
  • 2005-2006 : Démonstration commerciale dans des exploitations de 12 000 et 18 000 porcs/année (incluant la valorisation de l’énergie et des sous-produits).

Problématique

Au Canada, l'industrie porcine est en pleine expansion. Au Québec, l’application d’un moratoire ainsi que l'adoption de normes environnementales de plus en plus sévères et restrictives en matière de gestion de lisier incitent les producteurs à chercher des moyens efficaces pour gérer le lisier. Comme les terres agricoles de plusieurs régions sont saturées en phosphore, les producteurs doivent trouver des alternatives à l'épandage de lisier non traité, riche en phosphore.

L'implantation ou l’expansion de nouvelles productions porcines sont devenues des processus laborieux principalement à cause des craintes de contamination des eaux souterraines et d’émissions d’odeurs. De plus, l'épandage de lisier au champ cause l’émission d'importantes quantités d’oxyde nitreux, un gaz à effet de serre 310 fois plus nocif que le gaz carbonique.

Technologie

La technologie Bio-Terre de digestion anaérobie du lisier de porc mise au point par Agriculture et Agroalimentaire Canada est un procédé breveté qui fait intervenir des microorganismes anaérobies adaptés aux basses températures (15 à 25 °C). Ces microorganismes sont maintenus dans des bioréacteurs à opérations séquentielles (silos adjacents au bâtiment d’élevage) qui fonctionnent de la façon suivante : remplissage, réaction, sédimentation et vidange. La fraction liquide du lisier traité est entreposée dans les réservoirs (fosses) existants avant d’être épandue dans les champs comme fertilisant.

La digestion permet la concentration du phosphore dans les boues sédimentées au fond des bioréacteurs et des fosses de retenues. La purge de ces boues permet de réduire la concentration de phosphore du lisier destiné à l’épandage. Les boues purgées sont déshydratées grâce à un procédé de coagulation-floculation avec filtration statique qui permet d’obtenir des biosolides d'une siccité comprise entre 12 et 20 %.

Le traitement produit également un biogaz riche en méthane (70 %) qui est utilisé comme source d’énergie thermique ou électrique. Moins de 10 % de l’énergie produite est consommée pour l’opération des bioréacteurs, le reste pouvant être utilisé pour la ferme ou être acheminé vers les réseaux électriques.

Résultats

Les données présentées sont basées sur des mesures effectuées durant trois ans sur une installation commerciale, implantée à la ferme R. Péloquin à Ste-Edwidge de Clifton, Québec. Les analyses ont été effectuées par Agriculture et Agroalimentaire Canada et les Laboratoires d’environnement S.M. inc.

proportion du volume initial de lisier et sa répartition des nutriments dans les fractions solides et liquides (figure 2).

Bilan agronomique

L’effluent liquide sortant des bioréacteurs est un fertilisant à haute valeur agronomique puisque les nutriments (azote et phosphore) y sont conservés sous une forme minéralisée plus facilement disponible pour les plantes que les formes organiques présentes dans le lisier brut. Les performances mesurées sont les mêmes qu’une fertilisation minérale. La digestion anaérobie permet également de réduire le volume de lisier à gérer de 5 %. De plus, la concentration des solides du lisier permet d’exporter en dehors de la ferme 50 % du phosphore dans seulement 2 % du volume initial produit.

Bilan énergétique

Les travaux effectués ont permis de mesurer et d’évaluer le fort potentiel énergétique du biogaz produit par la digestion anaérobie. Les bioréacteurs, installés à l’extérieur des bâtiments sous les conditions climatiques difficiles du Québec, ont permis de produire 37 m³ de biogaz par mètre cube de lisier. Ceci permet de produire environ 200 kWh/m³ en utilisant une génératrice électrique (25 % d’efficacité) avec récupération d’énergie thermique (50 % d’efficacité) fonctionnant à 90 % du temps.

Bilan environnemental

Au niveau environnemental, la technologie de traitement permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à la consommation énergétique à la ferme, à l’entreposage (CH₄) et à l’épandage (N₂O) du lisier. De plus, le lisier traité est exempt de microorganismes pathogènes et émet très peu d’odeurs. L’exportation du phosphore à l’extérieur de la ferme permet d’équilibrer l’épandage des bioliquides en fonction des besoins des plantes et d’éviter une surfertilisation qui pourrait causer une contamination des eaux.

Potentiel et limites

Potentiel

Suivi du procédé à distance par un système informatisé relié par télémétrie ;

• Conçu pour s’adapter aux opérations courantes d’une ferme existante ;

• Optimisation de l’utilisation de l’effluent liquide comme alternative à l’achat d’engrais chimique pour les cultures intégrées à la production animale ;

• Technologie applicable à d’autres types de fumiers, aux boues d’abattoirs et aux carcasses animales ;

• Réduction des variations de coût de production liées aux fluctuations des prix des combustibles fossiles pour le chauffage des bâtiments.

Limites

• Volume à gérer réduit de 5 % seulement ;

• Période de démarrage du procédé de digestion anaérobie nécessaire ;

• Production de biogaz directement liée à la concentration de matière organique dans le lisier à traiter ;

• Pour certains équipements de valorisation, la filtration du biogaz peut être requise ;

• Ne permet pas le rejet au cours d’eau.

[Photo : Figure 3 : L’installation face au rude hiver canadien.]
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