L?efficacité du traitement d'effluents gazeux chargés en composés organiques volatils non méthanique (COVNM) par le procédé d'absorption repose principalement sur le choix de l'absorbant. Dans le cas de COV non solubles dans l'eau, il est nécessaire d'employer des solvants organiques ce qui pose le problème de la régénération de l'absorbant usagé. Ce travail présente un procédé hybride de traitement d'effluents gazeux chargés en COV hydrophobes par le couplage d'une colonne d'absorption avec un module de régénération membranaire, permettant ainsi la régénération continue de l'absorbant usagé. Les principaux résultats concernant le choix de l'absorbant, le fonctionnement en colonne garnie et la régénération par pervaporation sont présentés. Puis le couplage du procédé est présenté et discuté afin de voir la faisabilité d'un procédé hybride.
En France, 23 % des rejets annuels de COVNM à l’atmosphère (1,3 million de tonnes par an) sont imputables aux industries manufacturières [1]. Les industries utilisatrices de solvants, en particulier, émettent le plus souvent de grandes quantités d’air pollué (débits de 100 à 10 000 Nm³·h⁻¹) à des concentrations moyennes (de 0,1 à 10 g·Nm⁻³). Le traitement fréquemment utilisé pour épurer ce type d’effluents est l’absorption [2]. Dans le cas où les COV émis sont de nature hydrophobe, soit 79 % des émissions nationales de COV, la faible solubilité en phase aqueuse de ces molécules nécessite d’employer des liquides de lavage organiques, non toxiques, à faible pression de vapeur saturante et de viscosité raisonnable [3]. Bien que l’efficacité de ces solvants soit avérée pour l’élimination des COV hydrophobes, le devenir du solvant usagé reste problématique. En effet, leurs coûts élevés d’achat ou les problèmes liés à leur élimination constituent une véritable barrière pour leur utilisation à l’échelle industrielle et imposent de les régénérer. Une solution envisagée est la régénération par distillation sous vide mais, compte tenu de l’aspect thermosensible de certains solvants lourds, son utilisation reste limitée. Cotte [4] a ainsi montré que la régénération par distillation sous vide du polyéthylène glycol 400 utilisé pour le lavage d’air chargé en COV conduisait à une modification du solvant, entraînant une diminution progressive de sa capacité d’absorption des COV.
Les techniques membranaires présentent l’avantage d’opérer à une température modérée avec une bonne sélectivité. Parmi l’éventail des procédés membranaires employés industriellement, la pervaporation permet de fractionner des mélanges liquides organiques ou aqueux grâce à l’emploi d’une membrane dense (sans pores) sélective [5], avec une mise sous vide ou sous gaz inerte de la partie aval afin de créer la force motrice de transport des molécules. La pervaporation a donné lieu à des applications industrielles performantes dans des séparations organiques en pétrochimie comme par exemple dans
[Figure : Principe de fonctionnement du procédé hybride.]L'élimination de composés aromatiques des carburants ou des peintures, ou la séparation benzène/cyclohexane lors de la fabrication des BTX (benzène, toluène, xylènes) [6]. Plusieurs points permettent de considérer la pervaporation comme étant une réponse possible au délicat problème de la régénération de l’absorbant usagé :
- régénération à une température proche de la température ambiante et jusqu'à 100 °C, permettant la préservation de l’absorbant mais aussi des économies d’énergie par rapport à une distillation,
- forte sélectivité, donc réduction des pertes d’absorbant pendant la régénération,
- procédé souple d'utilisation, avec une mise en route rapide pour les procédés fonctionnant en discontinu.
Certaines limitations doivent être considérées :
- flux d’extraction des composés assez faibles,
- complexité dans le choix de la membrane dans le cas de mélanges de COV,
- longévité de la membrane si présence d'impuretés comme les gaz acides par exemple.
Cette étude se propose d’évaluer un procédé de traitement de gaz chargés en COVNM hydrophobes couplant une colonne de lavage avec une régénération continue par pervaporation (figure 1). Le toluène a été choisi comme molécule modèle pour représenter la famille chimique des COV hydrophobes car les aromatiques représentent 24 % des COVNM hydrophobes, dans des concentrations allant de 0,3 g·m⁻³ à 10 g·m⁻³. Les points à étudier concernant le procédé envisagé sont les suivants :
- quel absorbant employer pour être à la fois efficace en absorption et en désorption par pervaporation,
- quelles sont les caractéristiques hydrodynamiques et de transfert de matière de l'absorbant retenu pour un emploi en colonne garnie,
- quelle membrane employer, avec quelle sélectivité et quels flux d’extraction de toluène,
- comment répond le procédé lorsque l'absorption et la pervaporation sont couplées.
Principaux résultats expérimentaux de l'étude
Choix de l'absorbant
Le choix de l'absorbant est l’élément clef du procédé hybride envisagé. En effet, chacune des deux opérations unitaires couplées (absorption et pervaporation) est liée de façon déterminante à la nature physico-chimique du liquide d’absorption employé avec des spécificités propres. Un cahier des charges nécessite donc d’être établi pour le choix de l'absorbant selon des aspects techniques, économiques et de sécurité. Les critères à retenir pour déterminer un solvant utilisable dans le procédé envisagé sont dégagés à partir des aspects suivants :
- équilibre et transfert de matière en absorption,
- équilibre de désorption et transfert de matière en pervaporation,
- critères techniques de mise en œuvre,
- autres critères de sécurité et économiques.
Regroupant les éléments définis précédemment, deux types de critères se dégagent :
- les critères éliminatoires, auquel l’absorbant devra impérativement répondre de façon favorable (non toxique, non moussant),
- les critères de plus grande aptitude, c’est-à-dire des propriétés physico-chimiques qui peuvent tendre vers l'idéal mais qui ne seront jamais rien de plus qu'un « meilleur choix ». Il s'agit : (i) d'une constante d’absorption (constante de Henry) la plus favorable possible, (ii) d'une viscosité la plus faible possible, (iii) d'un coefficient de diffusion du toluène le plus élevé possible, (iv) d'une pression de vapeur saturante la plus faible possible, (v) d'une solubilisation dans la membrane de pervaporation la plus faible possible.
Plusieurs molécules ont été retenues selon les critères de sécurité et de prix. Ces molécules, correspondant à des applications chimiques usuelles, sont classées dans différentes familles :
- les polyéthylènes glycols (molécule étudiée = PEG 400),
- les phtalates (molécules étudiées = diisobutyl phtalate (DIBP), diisoheptyl phtalate (DIHP), diisodécyl phtalate (DIDP)),
- les adipates (molécule étudiée = di-2-ethylhexyl adipate (DEHA)),
- les polyalkylsiloxanes (liquide étudié = huile de silicone Rhodorsil 47V20).
La viscosité et les équilibres liquide-vapeur ont été déterminés expérimentalement. Les pressions de vapeur saturante et le coefficient de diffusion du toluène dans les absorbants ont été calculés par des corrélations de la littérature. L'affinité des absorbants pour les membranes les plus fréquemment employées ont été calculées par une méthode de contribution de groupe [3]. L'examen de l'ensemble des propriétés ainsi obtenues a justifié le choix du di-2-ethylhexyl adipate (DEHA) pour la poursuite du travail. En effet, cette molécule a
Tableau 1 : Constantes de Henry des binaires toluène/solvant à 25 °C
Solvant | 1/Hₚc (mol·L⁻¹·atm⁻¹) | Coefficient de corrélation |
---|---|---|
DEHA | 142 | 0,997 |
DIB phtalate | 113 | 0,999 |
DIH phtalate | 97 | 0,970 |
DID phtalate | 91 | 0,980 |
Huile de silicone | 57 | 0,995 |
PEG 300 | 47 | 0,999 |
Tableau 2 : Viscosités à 25 °C
Valeurs expérimentales | 25 °C (Pa.s) |
---|
présenté une affinité très importante pour le toluène (tableau 1), une viscosité raison- nable (11,4 mPa.s à 25 °C) (tableau 2) et une pression de vapeur saturante accepta- ble (3.10⁴ Pa à 25 °C) (tableau 3). Le coef- ficient de diffusion du toluène dans les dif- férents absorbants (tableau 4) positionne également le DEHA comme étant l’absor- bant le plus efficace pour la poursuite du travail.
Absorption en colonne garnie
Le DEHA, bien que moins visqueux que les autres absorbants étudiés, reste un liquide organique visqueux. La pertinence de l’emploi de ce liquide dans une colonne d’absorption dépend de deux aspects qu’il convient d’examiner : la mise en œuvre hydrodynamique dans la colonne avec les questions de perte de charge et d’engor- gement, et l’efficacité d’absorption avec l’étude des constantes de transfert de matière. La plupart des travaux visant à étudier les colonnes garnies ont été effec- tués avec de l’eau ou des liquides ayant une viscosité proche de celle de l’eau. Peu d’auteurs se sont penchés sur le cas des liquides visqueux comme le DEHA par
Tableau 3 : Volatilité du DIBP, DIDP et DEHA
exemple [7]. Ces points ont donc été étu- diés expérimentalement à l’échelle pilote (figure 2). Une colonne comportant un gar- nissage Hiflow en vrac sur une hauteur de 1 mètre avec un diamètre de 15 cm a été montée. Le pilote fonctionne en circuit ouvert pour le gaz et fermé pour le liquide. Des points de prélèvement en tête et en pied de colonne permettent de récupérer des échantillons liquides et gazeux (1). Un dispositif de génération de toluène gazeux comprend une pompe micrométrique (3) d’injection de toluène dans un courant d’air comprimé (2). Le tout est envoyé dans un ballon chauffé (4) afin de s’assurer que le toluène est totalement volatilisé. Le flux d’air pollué est injecté dans le courant d’air principal d’alimentation dont le débit est mesuré par un anémomètre à fil chaud (5). Un mélangeur statique permet d’homogé- néiser l’ensemble du courant gazeux avant introduction dans la colonne. Un chroma- tographe (6, HP 5890) permet d’analyser des échantillons d’air obtenus en tête et en pied de colonne. Un réservoir gradué (7) permet de remplir le pilote d’une quantité connue de solvant. Des vannes aux points bas du circuit de solvant permettent de vidanger complètement l’installation. Les mesures hydrodynamiques ont été effec-
tuées sur cette même installation mais avec des dispositifs de prise de pression et de pesée de liquide afin de déterminer les per- tes de charges et les rétentions de liquide. Les mesures expérimentales concernant l’hydrodynamique de la colonne fonction- nant à contre-courant sont données sur la figure 3. Ces mesures ont été compa- rées avec des essais avec des débits simi- laires d’eau. Il s’avère que la viscosité du DEHA entraîne une hausse des pertes de charge à débit de liquide identique, mais cette hausse reste raisonnable avec un gain maximal de 30 %. Le fonctionnement reste possible avec des débits de liquide ou de gaz importants sans atteindre l’engorge- ment trop rapidement. Les corrélations de la littérature ont été confrontées aux résul- tats expérimentaux et la corrélation de Billet s’est avérée la plus précise [8].
Les mesures expérimentales concernant le transfert de matière conduisent à deux types de résultats : les efficacités d’abat- tement qui dépendent de l’absorbant mais aussi du pilote employé et les coefficients de transfert de matière qui sont des gran- deurs utilisables pour le dimensionnement industriel d’une colonne garnie.
Des efficacités d’abattement de COV variant de 78 à 98 % ont été observées, ce qui confirme l’efficacité du DEHA pour piéger le toluène. Le pilote opérant en boucle fermée pour le liquide, celui- ci s’enrichit progressivement ce qui conduit à une perte d’efficacité qui a été observée expérimentalement. L’exploitation de ces don- nées a permis de calculer les constantes de transfert de matière kL selon le modèle du double film de Lewis et Whit- mann. Étant donné la forte viscosité du liquide, la résis- tance au transfert de matière est principalement localisée côté liquide. Les constantes de transfert de matière sont également dépendantes des
Les conditions hydrodynamiques mises en œuvre dans la colonne. Cependant, pour juger de l’efficacité du transfert de matière dans la colonne garnie, les résultats ont été comparés avec ceux issus d’un auteur ayant employé la même colonne mais avec de l’eau et du PEG 400. L’ensemble des résultats est donné dans le tableau 5. Il apparaît que le DEHA est nettement plus efficace que le PEG 400 du fait de sa viscosité plus faible. Bien que le transfert soit moins efficace qu’en employant de l’eau, les constantes de transfert de matière restent voisines de celles obtenues avec de l’eau mais la forte affinité du DEHA avec le toluène laisse penser que la mise en œuvre industrielle de cet absorbant dans une colonne garnie est viable économiquement et techniquement. Les modélisations des coefficients de transfert de matière issues de la littérature se sont avérées très peu précises et des travaux de recherche en ce sens seraient profitables [8].
Régénération par pervaporation
La pervaporation met en œuvre une circulation de liquide au contact d’une paroi dense. La partie aval peut être mise sous vide ou balayée par un gaz neutre. Le mécanisme mis en jeu dans la pervaporation peut être décrit en plusieurs étapes :
- (i) diffusion de la molécule du sein du liquide à l’interface membranaire ; cette étape met en œuvre une résistance au transfert de masse liée au mécanisme bien connu de diffusion moléculaire au sein de la couche limite au voisinage de la membrane,
- (ii) adsorption de la molécule dans le polymère constitutif de la membrane, étape décrite par la notion thermodynamique de solubilité,
- (iii) diffusion de la molécule au sein de la membrane, sous l’effet du gradient de concentration entre la phase amont et aval ; cette étape met en œuvre des phénomènes complexes d’interaction entre la molécule et la membrane et des phénomènes de couplage difficilement prévisibles si plusieurs espèces migrent lors de la pervaporation,
- (iv) désorption/vaporisation à la face aval, liée à l’équilibre de partage du perméant entre le polymère et la partie sous pression réduite ; l’apport de chaleur est déterminant afin de fournir l’enthalpie de vaporisation nécessaire,
- (v) migration du perméant au travers du support poreux,
- (vi) transport convectif des perméants vers le condenseur ou piège à froid.
Tableau 4 : Valeurs des coefficients de diffusion théoriques
Solvant | D_L (10⁻⁹ m² s⁻¹) |
---|---|
DEHA | 8,65 |
Huile de silicone | 5,46 |
DIB Phtalate | 2,86 |
DIH Phtalate | 1,97 |
DDI Phtalate | 0,91 |
PEG 300 | 1,43 |
PEG 400 | 0,81 |
Les travaux de la littérature ont mis en évidence que la qualité d’une séparation membranaire dépend de deux facteurs principaux : le choix de la membrane et l’efficacité de l’hydrodynamique en partie amont de la membrane.
Le choix de la membrane dans l’application envisagée n’est pas trivial car cette séparation présente deux difficultés spécifiques du fait qu’il s’agit de séparer un mélange de composés organiques hydrophobes. D’une part, une sélectivité spécifique est requise puisqu’il ne s’agit plus de séparer des mélanges de molécules hydrophobes et hydrophiles, ce qui est facilité par le choix d’une membrane d’affinité correspondant à la catégorie des molécules à séparer, mais un mélange de molécules toutes hydrophobes. D’autre part, les polymères constituant les membranes subissent un gonflement important au contact de solutions organiques du fait d’une grande solubilisation des molécules au sein du polymère, diminuant fortement la sélectivité. Ce gonflement peut de plus nuire à la résistance mécanique de la membrane.
Les membranes utilisées pour la séparation de mélanges organiques doivent donc conserver leur sélectivité et leur intégrité par limitation du gonflement. Deux types de pistes sont possibles :
- - l’utilisation de polymères à l’état vitreux, naturellement peu sujets à gonflement, tels le polyéthylène téréphtalate (PET), le polycarbonate, les polyimides [9], les polyuréthanes (PU), les polyméthacrylates,
- - l’utilisation de polymères à l’état caoutchouteux : polydiméthylsiloxane (PDMS), polyéther-bloc polyimide (PEBA), polyétherimide (PEI), polyéthylène (PE).
Le polymère doit posséder trois qualités pour notre application : avoir une forte affinité pour le toluène, avoir un fort coefficient de diffusion pour le toluène afin d’obtenir des flux importants et enfin avoir l’affinité la plus faible possible pour le DEHA. L’affinité du polymère pour le toluène et le DEHA peut être estimée à l’aide des paramètres de solubilité [5]. Si le paramètre de solubilité du polymère est proche de celui du toluène, les molécules auront une
Tableau 5 : Constantes de transfert de matière expérimentales et issues de la littérature
Absorbant | Transfert de matière (m s⁻¹) | Références |
---|---|---|
PEG 200 | 1,4 – 5,5 | [14] |
Eau | 78 – 83 | [ce travail] |
DEHA | 2,5 – 24 | [14] |
Deux modules ont été testés : un module plan équipé d’une feuille de PDMS supporté par une couche de cellulose et un module tubulaire céramique dont la face interne a été recouverte d’une mince couche de PDMS.
Forte affinité ce qui permettra au toluène de bien passer dans la membrane dense. Au contraire, si les paramètres de solubilités sont très différents, la faible affinité de deux molécules conduira à une absorption plus faible du toluène dans le polymère. Le coefficient de diffusion du toluène dans les différents polymères est accessible dans la littérature.
La considération de ces données a débouché sur le choix d’une couche active en polydiméthylsiloxane (PDMS) [10]. Ce polymère présente une forte affinité pour le toluène et une affinité bien plus faible pour le DEHA. Il subit un gonflement assez important, ce qui favorise le transfert de matière. De plus, la mise en forme de ce polymère sous forme de membrane est bien maîtrisée et de nombreux fournisseurs proposent des modules équipés en PDMS. Ce polymère a donc été testé en laboratoire à échelle réduite.
Le montage expérimental est schématisé sur la figure 4. Une préparation d’absorbant enrichi à une concentration fixée de toluène est thermostatée dans un réservoir à double enveloppe (3). Ce liquide est entraîné par une pompe centrifuge (2) vers le module de pervaporation (1). La partie aval est mise sous vide à l'aide d'une pompe à palettes (4). Des pièges à froid (5) permettent de récupérer alternativement les perméats condensés à l’azote liquide. Un piège à froid supplémentaire (6) permet de protéger la pompe à vide. Une vanne de régulation (7) permet de fixer le degré de vide et de le casser en fin de manipulation. Deux vannes à trois voies (8) permettent de casser le vide dans les pièges à froid en vue de leur pesage.
Le module (Sempass – figure 5) contient la membrane plane (1) de 55 cm² qui repose sur un support métallique poreux (2) d’épaisseur 5 mm avec des pores de 100 µm. Le flux d’alimentation (3) s’écoule de manière radiale dans la cavité de pervaporation et le solvant est récupéré sur le dessus du module (4). La partie inférieure du module (5) est mise sous vide et le pervaporat est récupéré sur le côté (6). Le module peut être séparé en deux parties afin de changer la membrane, l’étanchéité étant assurée par un joint Viton et un serre-joint circulaire. Il faut noter que la cavité de pervaporation est délimitée sur sa partie supérieure par une face métallique de profil hyperbolique, permettant de conserver une vitesse tangentielle constante quelle que soit la position radiale considérée sur la membrane. La membrane utilisée est une feuille plane Sulzer 1060 ChemTech constituée d'une couche active en polydiméthylsiloxane (PDMS – épaisseur de 20 µm), que l’on mettra directement en contact avec l’arrivée de charge à traiter : c’est cette partie qui assure la sélectivité et donc la séparation solvant/toluène, et d’un support macroporeux en polyacrylonitrile (PAN) d’une épaisseur de 250 µm qui assure la tenue mécanique de la membrane.
Le module tubulaire est le modèle PVM-250-10-1-250 RPV/G de Pervatech BV (Pays-Bas) (figure 6). Une couche séparative de PDMS (1) est déposée sur la face d'un support tubulaire céramique à base d’alumine (2). Le flux de liquide à traiter (3), (4) s’écoule dans le tube d’un diamètre intérieur de 7 mm et une longueur de 250 mm, ce qui fait une surface active de 55 cm². Le carter du tube (5) est mis sous vide par le biais d’un orifice latéral (6). Le module peut également fonctionner selon le principe du balayage par un gaz vecteur inerte, qui pénètre alors dans le carter par un second orifice (7) qui a été obturé hermétiquement durant nos essais.
Plusieurs points ont été testés expérimentalement : pervaporation de toluène pur, pervaporation de DEHA pur et pervaporation de mélanges de toluène-DEHA. Les principales observations sont :
- (i) la pervaporation de toluène pur a mis en évidence des flux très importants, ce qui était prévisible pour du PDMS. Un fort gonflement a permis à la membrane plane 1060 de conduire à des flux de toluène supérieurs à ceux du module tubulaire Pervatech. Cependant, ce cas n’est pas significatif puisque la pervaporation de toluène pur n’a pas d’intérêt ;
- (ii) la pervaporation de DEHA n’a pas permis de mesurer le flux de passage de cette molécule. En effet, des essais ayant duré jusqu’à 96 heures n’ont pas permis de déceler de DEHA dans les pervaporats.
Ces cl. limite et donc un effondrement du flux transféré.
4 Couplage du procédé
Les procédés d’absorption et de pervaporation ont été étudiés séparément. Les paramètres influents ont été dégagés et des corrélations ont été proposées. Il est maintenant important de confronter tous ces résultats obtenus afin selon la limite de détection ; (iii) la pervaporation des mélanges DEHA-Toluène ont montré une chute dramatique des flux de toluène extrait, de manière nettement inférieure à ce que les données d’absorption du toluène dans le PDMS ne laissaient envisager. Par ailleurs aucune trace de DEHA n'a été détectée par chromatographie liquide dans les perméats. La situation était encore plus préoccupante avec le module tubulaire Pervatech puisque le flux de toluène extrait diminuait progressivement avec les expériences jusqu’à conduire à des flux de toluène non mesurables.
Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer ces résultats :
- - le transfert du toluène dans le module n'est pas gouverné par la membrane mais par l'hydrodynamique en face amont,
- - le DEHA passe légèrement la membrane et se condense dans le support de celle-ci. Ceci expliquerait le comportement du module tubulaire car ses pores sont beaucoup plus petits que ceux du support fritté du module plan.
Seul le premier point a pu être vérifié expérimentalement en faisant varier la vitesse de circulation du mélange (tableau 6). L'influence de la vitesse est nette, ce qui prouve que la couche limite liquide joue un rôle prédominant dans le mécanisme global de transfert. Le coefficient de transfert de matière dans le film kₗ a était de l'ordre de 10⁻⁶ m s⁻¹. La variation de ce coefficient de transfert de matière se fait selon une puissance 0,5 de la vitesse tangentielle de circulation du liquide. L'insuffisance du transfert du toluène dans le film par rapport à la capacité de la membrane à le transférer conduit à une polarisation de la couche d'étudier le couplage proprement dit.
Du côté de l'absorption, l'extrapolation à l'échelle industrielle est envisageable du fait que les colonnes d’absorption présentent un comportement similaire quelle que soit l’échelle et que de nombreux outils de dimensionnement existent. De plus, les corrélations ont été validées sur une installation de taille pilote.
Du côté de la pervaporation, l’extrapolation est plus délicate. Les essais ont été menés sur des modules de pervaporation de laboratoire de petite taille. La comparaison entre un module de pervaporation de 55 cm² et une installation industrielle de plusieurs centaines de mètres carrés de surface laisse émettre nombre de réserves quant à la validité des résultats, et ce d'autant plus qu'il a été mis en évidence que l'hydrodynamique dans le liquide joue un rôle primordial.
Ainsi, bien qu'il soit intéressant d’évaluer économiquement le procédé hybride et de le comparer économiquement avec les autres procédés de traitement d’air, cela ne peut pas être fait de manière convenable dans le cas de la présente étude. Le couplage peut cependant être analysé d’un point de vue mathématique et un dimensionnement peut être proposé en posant certaines hypothèses. Des réponses seront proposées afin de comprendre la dynamique du système couplé.
Le couplage s’effectue par le biais de grandeurs communes qui créent l'interdépendance des procédés d’absorption et de pervaporation. Considérons le cas du couplage le plus élémentaire, le couplage direct tel que représenté sur la figure 7. Les grandeurs couplantes sont au nombre de trois : les concentrations en phase liquide, la température et le débit du liquide.
Ces grandeurs sont analysées ci-dessous.
• Parmi les trois grandeurs couplantes, la concentration en polluant du liquide est la seule qui ne soit pas un paramètre directement ajustable. Elle est la résultante physique de tous les transferts opérant dans le système hybride. Elle n'est pas constante au cours de sa boucle de circulation (figure 8) : elle est maximale en sortie de colonne (C₊) et minimale en sortie du module de pervaporation (C₋).
• La température peut être ajustée et découplée par l'emploi d’échangeurs. Ceci pourrait être judicieux car l’augmentation de température est favorable à la pervaporation mais défavorable à l’absorption. Une température unique conduirait au choix d'un optimum qui ne serait pas forcément très efficace.
• Le débit de liquide ne peut être découplé sans complexification du procédé hybride. Celui-ci peut être découplé par ajout de réservoirs, ce qui permettrait par exemple de continuer à régénérer le liquide même si l'absorption n’est pas en fonctionnement (cas d'une activité diluée seulement par exemple). Le débit peut être différent dans chaque partie du procédé par multiplication des modules de désorption par exemple.
La mise en équations du procédé a été réalisée [11]. Le système d’équation final est le suivant :
\(\Bigg(1- \dfrac{X_-}{1-X_-}\Bigg)=\dfrac{A}{R-1} \dfrac{R}{R}\) \(X_- = E\,X_- \Big(1-E\Big)\) \(\Bigg(\dfrac{X_+}{E\,X_-}\Bigg)=P\)
Avec six grandeurs adimensionnelles :
x = H·C_{l∞} X = H·C_{l_s} * X₊ et X₋ sont des concentrations adimensionnelles rapportées à la concentration en équilibre avec le gaz en entrée ou sortie de colonne ;
\(A=\dfrac{K_{a}v}{H Q_{l∞}}\)
A représente le ratio entre la quantité de toluène pouvant être transférée par la colonne et la quantité apportée par l'air à traiter. Plus A est élevé est plus la colonne sera dans un fonctionnement efficace ;
P représente le ratio entre la quantité de
K\(_M^S = \frac{5}{4}\)
P = \(\frac{K_M^S}{Q_L}\), toluène pouvant être transférée par le module membranaire et la quantité apportée par le liquide à régénérer. Plus P est élevé et plus la colonne sera dans un fonctionnement efficace ;
S est la surface de la membrane ;
E = \(\frac{C_{as}}{C_{ae}}\). E représente l’objectif à atteindre. E = 0 correspond à un objectif hypothétique (l’air est traité à 100 %) ;
R = \(\frac{H Q_L}{Q_G}\). R est le taux d’absorption classiquement employé dans l’absorption.
Ce système comportant 6 inconnues pour 4 équations ne peut être résolu qu’en fixant la valeur de deux paramètres. Pour comprendre le fonctionnement du procédé, nous avons fixé un objectif d’abattement de 90 % (E = 0,1) et un taux d’absorption R = 2.
La résolution du système permet alors de tracer la figure 9, carte de lecture du procédé riche en informations. Une première information provient de la courbe A en fonction de P. Cette courbe montre que plus P est élevé, c’est-à-dire que le module de pervaporation est plus efficace, et plus A est faible, ce qui peut être traduit par une colonne moins efficace. En pratique, cela signifie qu’un module de pervaporation très efficace permet de compenser une colonne peu efficace. Cela peut également être compris par le fait que si la colonne est sous-dimensionnée, le procédé global ne fonctionnera que si le module de pervaporation permet de compenser cette colonne insuffisante. De la même manière, une colonne d’absorption très efficace ne nécessitera qu’un module plus réduit afin que le procédé global fonctionne.
Ceci peut être compris par l’observation des courbes X+ et X-. Lorsque le module de pervaporation est très petit (P petit), les valeurs de X+ et X- tendent à se rapprocher car le module ne parvient pas à appauvrir le liquide entrant dans celui-ci. Le niveau de concentration global dans le système est donc élevé, proche du liquide à saturation. La colonne fonctionne donc dans des gammes de concentrations très défavorables que des conditions de transfert de matière particulièrement élevées doivent compenser. Réciproquement, si le module de pervaporation est très efficace, le liquide est fortement régénéré et X- s’éloigne notablement de X+. La colonne d’absorption fonctionne donc avec un liquide de lavage plus efficace et n’a donc pas besoin d’être surdimensionnée pour que le procédé global fonctionne.
L’influence du débit de liquide sur le fonctionnement du procédé hybride nécessite de prendre en compte le phénomène d’engorgement dans la colonne. En effet, une colonne dimensionnée pourra opérer dans des gammes de débits variables mais proche de l’optimum de dimensionnement. Ainsi, le débit de liquide ne constitue pas un paramètre facilement variable pour le procédé hybride.
Néanmoins, l’évolution des constantes de transfert de matière en fonction du débit de liquide a été déterminée par les essais en pilote d’absorption et avec le petit module de pervaporation. Pour la colonne d’absorption, le \(k_{L,a}\) varie avec une puissance 1/3 en fonction de la vitesse de liquide. Pour le module de pervaporation il s’agit d’une puissance 4/4. L’évolution du paramètre E en fonction de R est représentée sur la figure 10. Il s’avère que l’augmentation de R, c’est-à-dire de la vitesse de liquide pour un débit gazeux fixe, conduit à une augmentation de E, c’est-à-dire une augmentation de la concentration du gaz à traiter en sortie de colonne. Ce point peut paraître surprenant car une augmentation du débit liquide favorise un transfert de matière de chaque côté du procédé. Mais si l’on considère l’enrichissement du liquide en sortie de colonne et l’appauvrissement en sortie de module de pervaporation, il s’avère qu’une augmentation du débit de liquide diminue le temps de séjour de celui-ci et donc l’enrichissement ou l’appauvrissement en toluène. Le cas limite serait de
La limitation première du procédé réside dans les résistances au transfert de matière dans le liquide. Le procédé pourrait être amélioré en favorisant une hydrodynamique réduisant au maximum la couche limite liquide, que ce soit en absorption ou en pervaporation, sans pour autant trop augmenter la vitesse de liquide. Des modules à spirales (écoulement de Dean) [12] ou des fibres creuses [13] pourraient être des pistes d’amélioration.
Il ne faut pas considérer qu’un débit de liquide infini conduise à un temps de séjour nul et donc une concentration identique en tout point du circuit fermé de liquide. Ces conditions de fonctionnement sont très défavorables aussi bien en absorption qu’en pervaporation.
Par ailleurs, une validation expérimentale du procédé couplé aurait été porteuse de nombreuses informations mais n’a pas pu être menée par manque d’un module de régénération membranaire de taille suffisante.
L’extrapolation des résultats obtenus sur un petit module de laboratoire a été tentée à l’échelle d'une installation industrielle à l'aide du système d’équations proposé, mais les résultats encourageants n'ont pas été donnés du fait d’un manque de connaissance du point clé du procédé qui est l'hydrodynamique dans le module de pervaporation industriel. Ce point devrait être étudié dans le cas de l'emploi du DEHA afin de proposer des lois de transfert de matière utilisables pour un dimensionnement industriel.
Conclusion
Le procédé hybride a été étudié sur chaque point qu'il semblait intéressant d’explorer : choix du liquide d’absorption, étude de l’hydrodynamique et du transfert de matière en colonne garnie, étude de la régénération par pervaporation et modélisation du couplage global. Plusieurs points ont été mis en évidence afin de comprendre chaque étape, et le procédé dans sa globalité.
Tableau 6 : Flux de pervaporation avec le module plan à 48 °C
Vitesse de liquide (m s⁻¹) | Concentration en toluène (g L⁻¹) | Flux de pervaporation moyen (g m⁻² h⁻¹) |
---|---|---|
0,34 | 4,6 | 3,8 |
0,60 | 4,6 | 5,1 |
0,95 | 4,6 | 6,2 |
0,34 | 6,3 | 5,0 |
0,60 | 6,3 | 6,8 |
0,95 | 6,3 | 8,6 |
0,34 | 10,7 | 8,4 |
0,60 | 10,7 | 11,0 |
1,30 | 10,7 | 16,9 |
Remerciements
Ce travail a été réalisé avec l’appui financier de l’ADEME et de la société Europe Environnement (Vieux Thann, France).
Références bibliographiques
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