E. Troncellini, Magistrato alle Acque, Venise (Italie)
R. Moletta, Moletta Méthanisation, Novalaise (France)
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Venise, ville historique construite il y a bien des siècles, au milieu de sa lagune, est complètement entourée d’eau. Presque tous les quartiers de la ville sont entièrement construits sur l’eau et forment 119 îles, reliées par 354 ponts et séparées par 117 canaux. La ville est traversée par des rues très étroites. Grâce à ces caractéristiques uniques et à la reconnaissance universelle de la valeur de ses bâtiments historiques et artistiques, en 1987, Venise a été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ces particularités rendent cependant impossible la construction d’un système de traitement des eaux centralisé et, pendant des siècles, les rejets urbains des bâtiments ont été rejetés dans la lagune sans aucun traitement via des conduites issues des canaux.
Autrefois, le flux de la marée inondait périodiquement les canalisations des égouts et les rejets se trouvaient être transférés, via les canaux, dans la lagune pour enfin finir dans la mer. Ce système d’élimination naturel, simple et pratique, a été très efficace à travers les siècles, mais il est devenu insuffisant lorsque le développement économique et la forte expansion du tourisme ont profondément modifié la densité de la population. Aujourd’hui, la ville a mis en œuvre un système décentralisé, basé sur des centaines de stations aérobies qui sont soit des SBR (Sequencing Batch Reactor), soit des MBR (Membrane Bio Reactor). Typiquement, la capacité de traitement des stations varie de 100 à 4000 Équivalent-Habitant (EH) et la plupart des unités sont installées soit dans les hôtels, soit dans les sites touristiques.
Le système décentralisé de Venise
Afin de réduire la charge de polluants émis par la ville et à rétablir l’équilibre de l’écosystème du lagon, le gouvernement italien, par le moyen du « Magistrato alle Acque » (l'autorité vénitienne pour l'eau), a déclaré que tous les rejets industriels, commerciaux, touristiques, ceux des restaurants et ceux des activités domestiques de Venise, devaient installer et assurer la maintenance des traitements des eaux usées générées.
Le choix du traitement individuel dépend de la nature et donc des différentes origines des eaux usées.
Pour les rejets domestiques (maisons, hôtels, bureaux, espaces publics, etc.), le type de traitement choisi est basé sur l'importance du nombre d’équivalents habitants à traiter : en dessous de 100 EH, les fosses septiques sont permises mais les restaurants et les bars doivent installer des trappes à graisse supplémentaires avant les fosses septiques. Au-dessus, une unité de traitement plus efficace doit être mise en œuvre.
Pour les unités de plus de 100 EH, ce sont des systèmes aérobies qui ont été installés. Les standards de rejets sur la réduction de la demande biologique en oxygène (DBO), demande chimique en oxygène (DCO) et le total des solides en suspension (MES) sont présentés sur le tableau 1. Les effluents des hôpitaux et des autres services sanitaires doivent également prendre en compte les normes de qualité, et sont soumis à des traitements supplémentaires de désinfection. Pour les effluents autres que les eaux usées domestiques tels que ceux résultant des activités industrielles, des traitements spécifiques physico-chimiques sont requis.
Tableau 1 : Taux minimum de réduction pour les unités de traitement de la ville de Venise
Paramètres : |
DBO 80 % |
DCO 75 % |
MES 50 % |
L'inventaire des rejets du « Magistrato alle Acque »
Un état des lieux via l'inventaire du recensement effectué par le « Magistrato alle Acque » montre qu'il y a environ 4500 points de rejets pour les différentes activités, ce qui représente environ 40 % du total des rejets de la ville (Carrer, 2007).
Comme le montre le tableau 2, environ 80 % de ces rejets sont traités par les fosses septiques (éventuellement complétées par des pièges à graisse), et seulement 5 % sont soumis à des traitements aérobies. Les fosses septiques traitent généralement les petits bâtiments (de 7 à 10 Équivalents habitants, en moyenne) tandis que les unités de traitement aérobies traitent des charges générées par les activités de taille plus conséquentes comme les hôtels, les immeubles et des regroupements de rejets (de 275 à 325 EH en moyenne).
Par conséquent, environ 30 000 EH sont traités via des fosses septiques et environ 34 000 EH avec des systèmes aérobies, sur une population estimée à 150 000 Équivalents habitants (incluant les résidents et les touristes). Aucune information n'est disponible sur les systèmes de traitement qui ne sont pas inclus dans l’inventaire du « Magistrato alle Acque » lequel est continuellement mis à jour.
Tableau 2 : Inventaire des points de traitement sur la ville de Venise
Type de traitement |
Nombre de points de rejets |
Fosses septiques |
2304 |
Fosses septiques avec piègeage des graisses |
1291 |
Pièges à graisses |
63 |
Sequencing batch reactor (SBR) |
45 |
Bio-reactor à membrane (MBR) |
43 |
Unités osmose |
5 |
Unités physico-chimiques |
21 |
Décanteurs |
34 |
Post-traitement d’hygiénisation |
11 |
Pas de traitement |
102 |
Autres |
6 |
TOTAL |
4493 |
Gestion et contrôle des unités de traitement aérobie de Venise
Le contrôle des bonnes pratiques de gestion des fosses septiques et des bacs à graisse est basé sur l’enlèvement périodique des boues et des graisses. L’évaluation du bon fonctionnement des unités aérobies est plus complexe et nécessite beaucoup de temps. En fait, tous les équipements électromécaniques (pompes, soufflantes d'air, soupapes, etc.) doivent être contrôlés et vérifiés périodiquement et les paramètres liés aux processus biologiques (l’oxygène dissous dans les bassins d’aération, la bonne décantation des boues) doivent être surveillés afin de garantir une bonne qualité de l’effluent. Considérant que plusieurs centaines d’unités de traitements sont déjà installées dans la ville, le contrôle de leur bonne gestion et éventuellement l’analyse de la qualité des effluents traités, sont de plus très coûteux.
Les pompes de relevage sont installées dans un réservoir tampon de sécurité. En cas d'incident et de remplissage du tampon, les effluents vont, via un by-pass, directement dans la lagune.
Parmi les précautions qui sont prises pour leur gestion, on a la charge maximale de l’unité (avec by-pass en cas de surcharge) et une alarme de marée haute.
Toutes les unités de traitement de Venise sont susceptibles d’être inondées par les eaux de la lagune lorsque la marée est très haute. Elles entrent par l’émissaire de sortie. Sous ces conditions, pour éviter l’entrée d’eau de mer dans l’unité de traitement (ce qui pourrait
[Photo : Écran du système pour la gestion et le contrôle des SBR.]
provoquer une réduction de l’activité biologique des boues), la vanne de sortie est fermée durant cette période et les eaux usées sont dirigées vers le by-pass.
L’oxygène dissous est automatiquement mesuré et contrôlé, et les boues provenant des différents stockages sont régulièrement pompées sur un bateau pour être déshydratées dans une unité spécialisée.
Dans les usines mettant en œuvre des bioréacteurs à membranes, l’efficacité membranaire est contrôlée en mesurant la différence entre la pression entre les compartiments du perméat et du rétentat. Lorsque la diminution de la pression est inférieure à la valeur de sécurité, le lavage des membranes est effectué par une solution acide.
Le système de surveillance centralisé du « Magistrato alle Acque »
Afin de gérer de nombreuses petites usines décentralisées à Venise, « Magistrato alle Acque » a développé un système centralisé (SisTeMaV) pour contrôler l’efficacité de chaque unité. Les signaux électriques, analogiques et numériques des équipements et les éléments de chaque unité de traitement (pompes, vannes, mélangeurs, ventilateurs, alarmes de niveau, de pression à membrane, l’oxygène dissous et de capteurs de turbidité), sont collectés et envoyés par le réseau GSM au siège de la « Magistrato alle Acque ». Par le biais de SisTeMaV, avec ce logiciel dédié, il est possible de suivre en temps réel la performance de chaque unité. Chaque unité est représentée avec ses dispositions particulières et avec toutes les indications d’alarmes et de fonctionnement des interrupteurs, comme le montrent les figures 2 et 3 pour les SBR et les MBR, respectivement. Il est donc facile d'identifier de possibles dysfonctionnements et d’avertir le propriétaire de l'ouvrage, afin qu'il prenne rapidement les mesures nécessaires. En outre, il est également possible de procéder à des évaluations statistiques de l’exploitation de chaque unité afin de vérifier si les opérations de maintenance sont correctement effectuées.
[Photo : Écran du système pour la gestion et le contrôle des MBR.]
Aujourd’hui, SisTeMaV contrôle principalement les unités de traitement aérobies. C’est-à-dire :
• 50 SBR (Sequencing Batch Reactors) ;
• 40 MBR (Membrane Bio Reactor) ;
• 9 systèmes d’aspiration des eaux usées qui alimentent un traitement par MBR situé sur une colline ;
• 5 unités de traitement relevant d'autres typologies (physico-chimiques, osmose inverse) dont une physico-chimique en circuit fermé (avec recyclage des eaux usées).
[Photo : Répartition des 134 usines de traitement des eaux usées de la ville de Venise : SisTeMaV en contrôle aujourd’hui 104.]
[Photo : Figure 5 : Pourcentage de fonctionnement du by-pass sur les steps de Venise.]
installée dans une usine de verre.
L’activité de « Magistrato alle Acque » a grandement amélioré le fonctionnement de toutes les usines de traitement, y compris, clairement, une réduction significative d'utilisation du by-pass. Dans certains cas, le rendement de l'unité de traitement et ses problèmes d’entretien ont été très rapidement améliorés (figure 5). Un niveau jugé acceptable (moins de 10 % du temps en by-pass) a été atteint après quatre mois de fonctionnement du système centralisé SisTeMAV. La ligne pointillée est le niveau qui a été déclaré comme acceptable.
Conclusion
SisTeMAV, le système de centralisation du « Magistrato alle Acque » (l’Agence de protection de l'eau de la lagune de Venise), qui assure la gestion et le contrôle des installations décentralisées de la ville de Venise, se révèle être efficace et rentable. Aujourd’hui, SisTeMAV contrôle plus d'une centaine de stations d’épuration. En règle générale et grâce à cet outil, le rendement des unités de traitement a été substantiellement renforcé.
Ce texte est traduit à partir de l'article : E. Tromellini, G. Ferrari et F. Croci, 2009, Centralized management and control of decentralized systems.
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