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Traitement des effluents de distillerie : une problématique régionale

30 janvier 2008 Paru dans le N°308 à la page 26 ( mots)
Rédigé par : N. POUILLAUDE

C?est dès 1970 que les grands producteurs du Cognac ont décidé de mutualiser leur effort de dépollution et de créer un centre de traitement: c'est l'origine du GIE REVICO. Le GIE décide la construction d'une unité de concentration par voie thermique. Mais le coût de l'énergie ayant encore considérablement augmenté lors du second choc pétrolier, l'installation de concentration fut abandonnée au profit d'une unité de méthanisation.

Le GIE décide la construction d’une unité de concentration par voie thermique.

Mais le coût de l’énergie ayant encore considérablement augmenté lors du second choc pétrolier, l’installation de concentration fut abandonnée au profit d’une unité de méthanisation.

Le vignoble Cognac s’étend sur environ 73 000 ha essentiellement sur les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Le vignoble produit chaque année environ 550 000 hl d’alcool pur qui serviront à élaborer après vieillissement une eau-de-vie de renommée internationale. L’eau-de-vie est issue de la double distillation de vins blancs effectuée dans un alambic charentais.

La première distillation permet d’extraire l’alcool du vin et conduit à recueillir 2 phases :

- le vin désalcoolisé ou vinasses de vins ; - une phase liquide contenant environ 30 % d’alcool : le brouillis.

La seconde distillation permet de transformer le brouillis en « eau-de-vie » et conduit également à générer une phase aqueuse désalcoolisée : les vinasses de Bonne Chauffe.

Ainsi, la distillation d’un hectolitre de vin blanc charentais à 9° conduit à produire 71 litres de vinasses de vins et 29 litres de brouillis qui, eux-mêmes, se transformeront en 13 litres d’eau-de-vie à 70° et 16 litres de vinasses de Bonne Chauffe.

Chaque année, de novembre à mars, c’est ainsi environ 500 000 à 600 000 m³ de vinasses qui sont produites dans la région. Considérant que la DCO d’un mélange de vinasses de vins et de vinasses de Bonne Chauffe est en moyenne de 25 g/L O₂, on évalue très rapidement la charge organique.

[Photo : La Distillation charentaise]
[Photo : Les 2 premiers méthaniseurs.]

liée à l’activité Cognac (12 500 à 15 000 tonnes de DCO par an).

Constatant l’impact de leur activité sur le milieu naturel et en particulier sur la Charente, les grands producteurs du Cognac ont décidé dès 1970 de mutualiser leur effort de dépollution et de créer un centre de traitement : c'est l’origine du GIE REVICO.

Le GIE décide la construction d'une unité de concentration par voie thermique. Il faut alors 24 kg de fuel lourd pour traiter 1 m³ de vinasses. Le premier choc pétrolier a incité le groupement à brûler le concentré de vinasses obtenu, pour essayer d’autoproduire l’énergie nécessaire à la concentration. Mais le coût de l’énergie ayant encore considérablement augmenté lors du second choc pétrolier, l'installation de concentration fut abandonnée au profit d'une unité de méthanisation.

Une réponse technique locale et adaptée

En 1984, deux méthaniseurs de 4 000 et 5 000 m³ furent dimensionnés sur la base des travaux des chercheurs de l'INRA de Narbonne et construits par la société d'ingénierie SGN. Le plus volumineux fut rempli d’un garnissage constitué d’anneaux inertes supports de la colonisation bactérienne. Ce digesteur à biomasse fixée fonctionnait à flux descendant intégrant une recirculation permanente « downstream ».

Le second, dédié au traitement d’effluents plus chargés, fonctionnait alors en l’absence de support de colonisation suivant le principe du réacteur infiniment mélangé.

La solution technique se montra très rapidement particulièrement adaptée.

Les méthaniseurs s’intégraient dans une filière complète qui permettait d’assurer une dépollution des vinasses compatible avec un rejet dans le milieu naturel.

Filière de traitement initiale

Les vinasses charentaises sont produites dans des distilleries dispersées dans un rayon de 50 km autour de REVICO.

Elles sont collectées par camions-citernes puis déversées dans un ouvrage où elles subissent successivement : dégrillage et décantation.

La séparation de phases qui s’opère au niveau du décanteur permet de diriger :

- les flux faiblement chargés vers l’ouvrage à film fixé,

- les bourbes extraites du décanteur vers le digesteur de type infiniment mélangé.

En aval de la méthanisation, le mélange réactionnel (vinasses méthanisées + boues) est recueilli dans un décanteur. Les boues actives peuvent être, selon les besoins, réintroduites dans les réacteurs de méthanisation ou envoyées vers une filière de déshydratation.

La fraction décantée poursuit son traitement au niveau d'un ouvrage d’épuration aérobie avant rejet vers le milieu naturel.

Le biogaz produit est exploité au niveau de :

- un générateur de vapeur d’environ 5 MW,

- deux groupes électrogènes fonctionnant en cogénération d'une puissance de 800 kW et permettant de récupérer une puissance de 1,4 MW (eau chaude).

L’énergie produite, selon la forme qu'elle revêt, est alors :

- revendue à EDF : énergie électrique,

- autoconsommée pour le maintien en température des équipements et des locaux : eau chaude,

- exploitée dans un autre atelier au niveau d'une colonne de distillation : vapeur.

Évolution des installations

La première année d'exploitation confirme les espoirs de la filière : environ 15 GWh PCS sont ainsi récupérés au niveau des méthaniseurs.

Rapidement, la capacité devient insuffisante ; en 1990 il est décidé la mise en œuvre d'un troisième digesteur de 3 000 m³ à lit fixé.

Dans les années 1990, les distilleries charentaises adhèrent progressivement au management environnemental et sollicitent REVICO pour traiter les vinasses de seconde distillation (ou vinasses de « bonne chauffe »).

Les volumes livrés à la dépollution augmentent mais parallèlement la concentration en DCO dans les entrants diminue. Un quatrième méthaniseur de 6 000 m³ fonctionnant en infiniment mélangé est alors nécessaire pour traiter l'ensemble du volume.

La baisse des charges organiques entrantes est liée à la dilution des vinasses de première distillation.

[Photo : Méthaniseurs 3 & 4.]

production par les vinasses de bonne concentration chauffe conduit alors l’exploitant à concentrer le mélange avant méthanisation.

Le site se dote alors d’installations de concentration sous vide (CMV) qui permettent d’amener la DCO en entrée de méthaniseurs à environ 100 g O₂/l.

Une telle concentration facilite alors la récupération de l’acide tartrique présent dans les vinasses. Ce produit précipite (sous forme de tartrate de calcium) en réduisant l’acidité naturelle des vinasses par adjonction de carbonate de calcium.

L’ajout d’un sel calcique n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement des équipements. Il favorise l’apparition de complexes phosphato-calciques de type struvite ou apatite au cœur même de l’installation. S’ils n’ont pas de conséquences majeures sur le fonctionnement des réacteurs de type infiniment mélangés, ils occasionnent le colmatage des supports de colonisation bactérienne.

Rapidement, les capacités épuratoires des réacteurs fonctionnant en lits fixés chutent. La décision est donc prise de transformer l’ensemble des quatre méthaniseurs en réacteurs de type infiniment mélangé.

Comme on le constate, les équipements n’ont donc pas cessé d’évoluer depuis l’installation des premiers réacteurs de méthanisation en 1984. La filière actuelle est représentée sur le schéma de principe décrit dans le schéma 1.

[Photo : Schéma de principe REVICO 2006.]

Un outil incontestablement performant

En 1984, le projet REVICO apparaissait audacieux ; au fil des ans l’essai s’est révélé concluant. L’outil assure parfaitement son rôle de dépollution puisque l’étape de méthanisation permet un abattement moyen de la DCO soluble compris entre 95 % et 98 %.

Parallèlement, les relevés effectués au cours des dernières années permettent d’estimer la production annuelle de biogaz à environ 20 GW h PCS pour environ 7 000 tonnes de DCO soluble détruite, ce qui correspond approximativement à 285 litres de méthane produits par kilogramme de DCO éliminé.

Il est important de souligner que ce résultat a été obtenu sans incidents de fonctionnement majeurs. Toutefois, l’installation fait l’objet d’un suivi quotidien des services maintenance et contrôle laboratoire. La concentration en acides gras volatils est particulièrement surveillée et la charge admise dans les ouvrages adaptée à l’évolution quotidienne de ce paramètre.

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