Your browser does not support JavaScript!

Traitement des lixiviats dans les pays du Maghreb : étude de cas

29 novembre 2013 Paru dans le N°366 à la page 111 ( mots)
Rédigé par : Amaury BIERENT, Cécile CORDONNIER et Youssef RANNANE

Le Centre d'Enfouissement Technique (CET, plus communément appelé décharge contrôlée) est la méthode la plus courante pour l'élimination des déchets solides urbains. La production de lixiviats est un problème important de la mise en décharge. En raison de leurs caractéristiques et de l'éloignement des sites, les lixiviats doivent être traités séparément des eaux usées municipales. Ces dernières années, différentes installations de traitement de lixiviats à grande échelle ont été mises en service dans les pays du Maghreb. Ce document présente les questions et les besoins particuliers du traitement de lixiviats des décharges au Maghreb, ainsi que les solutions mises au point à partir des projets déjà réalisés.

Ces dernières années, différentes installations de traitement de lixiviats à grande échelle ont été mises en service dans les pays du Maghreb. Ce document présente les questions et les besoins particuliers du traitement de lixiviats des décharges au Maghreb, ainsi que les solutions mises au point à partir des projets déjà réalisés.

Depuis plusieurs décennies, il est reconnu que le lixiviat de décharge a un impact important et préjudiciable sur l'environnement. Les principaux paramètres de pollution sont la DCO, la DBO₅, le N-NH₄, les métaux lourds, et les sels (en particulier chlorures et sulfates). Les effets négatifs des lixiviats sur les plans d’eau et les stations de traitement d’eaux usées ont été très fortement sous-estimés dans le passé à cause de leur volume relativement faible.

Depuis quelques années, il est admis que le lixiviat, même en petite quantité, est un liquide nuisible du fait de ses charges en polluants dangereux et toxiques. Ces charges peuvent aller jusqu’à 2, voire 3 fois celles des eaux usées municipales.

Il est maintenant largement reconnu que le lixiviat doit être traité et même traité séparément. Cependant, pour tous les types d'eaux usées, au sein d’un même pays, les mêmes normes de rejet doivent être respectées. Ceci signifie qu'il n’y a pas un traitement spécifique pour le traitement de lixiviats, mais il existe une gamme de différentes technologies, qui peuvent être combinées les unes avec les autres. Le choix de la technologie la plus appropriée doit être fait en tenant compte des caractéristiques des lixiviats, des normes de rejets ainsi que des conditions techniques du site.

Nous nous intéresserons dans ce document aux traitements les plus couramment utilisés en Afrique du Nord, en donnant un bref aperçu de leurs avantages et inconvénients. Ce document se fonde sur plus de 25 ans d’expérience de Wehrle Umwelt GmbH dans le domaine du traitement des lixiviats de décharge.

Lixiviats de décharge

Pour le respect de l’hygiène et de la santé publique, les déchets solides domestiques et industriels doivent être déposés dans

Tableau 1 : Composition des lixiviats provenant de décharges municipales de déchets solides [1] et [2]

ParameterUnitAcid phase RangeAcid phase MediumMethanogenic phase RangeMethanogenic phase MediumAcid phase RangeAcid phase MediumIntermediate phase RangeIntermediate phase MediumMethanogenic phase RangeMethanogenic phase Medium
pH value4.5-767.5-986.2-7.87.46.7-8.37.57.0-8.37.6
CODmg l⁻¹6 000-60 00022 000500-4 5003 000950-40 0009 500700-28 0003 400460-8 3002 500
BOD₅mg l⁻¹4 000-40 00013 00020-850180600-2 700630200-1 00028020-700230
TOCmg l⁻¹1 500-25 0007 000200-5 0001 300350-4 200 (2)2 600 (2)300-1 500 (2)880 (2)150-1 600 (2)660 (2)
AOXµg l⁻¹540-3 4501 674524-2 0101 040260-6 2002 400260-3 9001 545195-3 5001 725
Org-N (1)mg l⁻¹10-4 25060010-4 250600
NH₄-N (4)mg l⁻¹30-3 00075030-3 00075047-1 65074047-1 65074017-1 650740
TN (t)mg l⁻¹40-3 4251 35040-3 4251 350250-2 000920250-2 000920250-2 000920
NO₃-N (1)mg l⁻¹0-250.50-2500.8
NO₂-N (t)mg l⁻¹0.4-530.4-503
SO₄mg l⁻¹70-1 75050010-4208035-92520020-2309025-2 500240
Clmg l⁻¹100-5 0002 400100-5 0002 100315-12 4002 150315-12 4002 150315-12 4002 150
Na (1)mg l⁻¹50-4 0001 35050-4 0001 3501-6 8001 1501-6 8001 1501-6 8001 150
K (1)mg l⁻¹10-2 5001 40010-2 5001 100470-1 750880470-1 750880170-1 750880
Mgmg l⁻¹50-1 15047040-35018030-60028590-35020025-300150
Camg l⁻¹10-2 5001 20020-6006080-2 30065040-31015050-1 100200
PO₄ (1)mg l⁻¹0.1-3.00.60.1-3.00.60.3-5.40.80.3-5.40.80.3-5.40.8
Cr (1)mg l⁻¹0.003-0.160.030.003-0.160.030.002-0.520.1550.002-0.520.1550.002-0.520.155
Femg l⁻¹2-2 1007803-280153-5001352-120364-12525
Ni (1)mg l⁻¹0.02-0.250.020.02-0.250.020.01-0.190.090.01-0.190.090.01-0.190.09
Cu (1)mg l⁻¹0.004-1.40.080.004-1.40.080.005-0.560.090.005-0.560.090.005-0.560.09
Znmg l⁻¹0.1-1.20.50.3-4.30.60.05-1.60.220.06-1.70.60.09-3.50.6
As (1)mg l⁻¹0.005-0.140.0060.005-0.140.0060.0005-0.5250.03750.0005-0.5250.03750.0005-0.5250.0375
Hg (1)mg l⁻¹0.0002-0.010.0010.0002-0.010.0010.000002-0.0250.00150.000002-0.0250.00150.000002-0.0250.0015
Pb (1)mg l⁻¹0.008-1.020.090.008-1.020.090.008-0.400.160.008-0.400.160.008-0.400.16

Des décharges contrôlées situées en général dans des zones isolées. Cependant la décomposition des déchets au sein de ces décharges a des impacts majeurs sur l’environnement avec notamment l’émission de gaz à effet de serre, tels que le dioxyde de carbone et le méthane, ainsi que la production d’un liquide, connu sous le nom de lixiviat.

Les lixiviats de décharge ont pour origine les eaux contenues dans les déchets enfouis, ainsi que celles qui s’infiltrent dans le corps de la décharge. Les lixiviats ainsi générés sont très pollués avec une teneur en ions ammonium et en composés organiques très élevée et, dans la majorité des cas, les acides et les hydrocarbures halogénés les rendent toxiques. Les lixiviats possèdent un pouvoir tampon élevé et montrent généralement un déséquilibre du ratio DCO/N-NH₄. Par ailleurs, une grande partie de la DCO est représentée par de la DCO non biodégradable, appelée « DCO dure » ou encore « DCO réfractaire ».

Les lixiviats peuvent aussi contenir des valeurs élevées en ions chlorure et sulfate, ainsi que de grandes concentrations en métaux sous forme ionique, spécialement le fer et les métaux lourds (tableau 1).

Dans certains pays européens, les nouveaux polluants comme les produits pharmaceutiques, les pesticides ou les surfactants fluorés, et même les nanoparticules qui ont fait l’objet de discussions récentes entre les experts, sont connus du grand public. Ces polluants feront probablement l’objet de nouvelles normes de rejet dans l’avenir, car ils se trouvent dans les déchets déchargés et, par conséquent, dans les lixiviats.

La composition des déchets, la réglementation spécifique sur leur enfouissement et les conditions climatiques ont un large impact sur le lixiviat produit. L’emplacement de la décharge a aussi une influence : les différents climats, les différents modes de vie, les différents systèmes de collecte des déchets et systèmes de gestion des décharges, etc., ont des effets sur la quantité de lixiviats produits et leur composition. Le tableau 2 montre des exemples de différents niveaux de pollution des lixiviats dans différentes régions.

Tableau 2 : Différence régionale des caractéristiques des lixiviats

RégionPlage DCO [mg/l]Plage N-NH₄ [mg/l]
Nord de l’Europe< 6 000< 1 200
Sud de l’Europe< 15 000< 2 000
Maghreb> 30 000> 3 000

Par ailleurs, la composition des lixiviats varie au cours du temps (âge de la décharge) : les lixiviats provenant d’une décharge municipale « âgée » en phase de méthanogenèse ont une composition très différente de ceux provenant d’une décharge municipale « jeune » en phase acide (voir tableau 1), ou bien de ceux provenant d’une décharge pour déchets industriels ou miniers.

Lixiviats de décharge

Situation dans les pays du Maghreb

Dans les pays du Maghreb, l’élimination des lixiviats est particulièrement problématique. La mise en décharge de déchets avec une grande proportion de composés organiques, et les conditions climatiques caractérisées par un potentiel d’évaporation important, conduisent à des surcharges de polluants. Les conséquences que peuvent avoir l’exploitation et la gestion de la décharge sur la composition du lixiviat ne sont pas toujours correctement prises en compte par l’exploitant et peuvent aggraver la situation. Les limites technologiques des procédés de traitement sont alors atteintes et les niveaux de pollution sont de plus en plus élevés.

La recirculation des lixiviats est admissible lorsque la décharge est « jeune » et que des processus de conversion anaérobie prennent place dans le corps de la décharge (phase acide). Mais la recirculation doit être arrêtée – au plus tard –

[Publicité : NEVE Environnement]

Tableau 3 : Normes de rejet des lixiviats dans les pays du Maghreb

Maroc Tunisie Algérie [3]
Direct Indirect Direct Indirect Direct
Température (°C) 30 35 25 35 30
pH 6,5-9 6,5-9 6,5-8,5 6,5-9
DCO (mg/l) 500 1 000 90 1 000 120
DBO₅ (mg/l) 100 500 30 400 40
Cr (mg/l) 105 105 600 700
SO₄ (mg/l) 600 600 400
NO₃ (mg/l) 50 90
NO₂ (mg/l) 0,5 10
NTK (mg/l) 30 30 1 100 50
PO₄ (mg/l) 10 20 0,05 10

lorsque des substances qui ne peuvent pas être réduites dans le corps de la décharge (comme les chlorures et sulfates) commencent à se concentrer. Si ce n’est pas le cas, ce nouveau problème ne pourra plus être résolu qu’avec un investissement important et des coûts d’exploitation élevés.

Les normes de rejet appliquées au Maghreb varient d’un pays à un autre et dépendent aussi du type de rejet : après réduction de la pollution dans la station de traitement des lixiviats, le rejet de l’eau traitée vers les égouts ou vers les réseaux d’assainissement est nommé « rejet indirect ». Ce dernier nécessite moins d’efforts de traitement qu’un « rejet direct », dans lequel l’eau de sortie du traitement des lixiviats est rejetée directement vers les cours d’eau, par exemple les rivières. Dans les pays du Maghreb, les lixiviats font communément l’objet d’un « rejet direct » vers le milieu récepteur en raison de l’isolement des décharges et de l’absence de connexion avec les réseaux d’égouts, ce qui justifie l’application de normes de rejet très strictes. Le tableau 3 illustre les normes de « rejet direct » et « rejet indirect » dans différents pays du Maghreb.

Au Maghreb, pour des raisons géographiques et climatiques, des niveaux de rejets très contraignants sont imposés, concernant notamment les concentrations en sels. Lorsque la construction d’une station de traitement de lixiviats fait l’objet d’un appel d’offres, des normes de rejet supplémentaires concernant la conductivité et les concentrations en chlorures sont imposées, ce qui oriente les soumissionnaires vers des technologies de traitement comme l’osmose inverse (OI) ou des systèmes d’évaporation qui nécessitent des coûts d’investissement et d’exploitation élevés. Lorsque ces technologies sont utilisées pour le traitement de lixiviats, deux effluents sont produits :

  • Un perméat/condensat, effluent propre qui présente en général une pollution minime. Les concentrations moyennes en polluants sont en général largement en deçà des normes de rejet.
  • Un concentrat contenant la fraction organique ainsi que les sels et qui est considéré comme un déchet liquide. Cet effluent nécessite un post-traitement supplémentaire avant son rejet ou son retour vers la décharge, en tant que déchet.

Comme il n’existe ici pas de procédé adapté au traitement du concentrat, celui-ci est généralement redirigé vers le corps de la décharge ou vers une lagune de stockage avec tous les problèmes d’émission qui en résultent.

La recirculation de lixiviats ou de concentrats des stations d’osmose inverse vers la décharge conduit à l’augmentation des matières organiques réfractaires et des sels dans le corps de la décharge et par conséquent dans ses lixiviats. Comme les concentrations en chlorures et en sulfates et la conductivité sont déjà significativement élevées dans les lixiviats au Maghreb, une recirculation supplémentaire du concentrat contenant de plus en plus de sels (et de DCO dure) augmente les niveaux de concentrations de ces polluants ; par conséquent, les exigences de traitement et d’exploitation deviennent plus difficiles. À titre d’exemple, les concentrations des principaux polluants des lixiviats dans certaines décharges du Maghreb (A – F) sont illustrées dans le tableau 4.

À long terme, une recirculation du concentrat dans le corps de la décharge n’est pas une solution envisageable, car l’efficacité et le rendement des stations de traitement en seraient diminués par les concentrations croissantes des substances qui n’auront pas été réduites dans le corps de la décharge ou par un traitement supplémentaire.

Dans la majorité des pays européens, la recirculation des concentrats dans le corps de la décharge est interdite : les concentrats produits sont alors éliminés dans des usines d’incinération ou par des systèmes d’évaporation qui génèrent des produits secs qui sont à leur tour éliminés par enfouissement profond. Ces deux solutions ne sont pas possibles au Maghreb. Afin d’illustrer les affirmations précédentes, la concentration en chlorure et la conductivité de différents lixiviats provenant du Maghreb (A – F) sont décrites dans la figure 1 et dans la figure 2. Dans les décharges A, B et D, le concentrat est recirculé dans le corps de la décharge. Dans la décharge C, le concentrat est stocké sépa-

Tableau 4 : Caractéristiques des lixiviats dans les pays du Maghreb

Paramètre Installation A B C D E F
Cl⁻ (mg/l) 5 000 – 11 500 6 500 – 16 600 6 500 – 17 200 3 453 – 5 000 30 345 – 43 816 3 053 – 19 898
SO₄²⁻ (mg/l) 900 – 1 200 900 – 1 890 220 – 1 100
pH 8,1 – 8,7 7,8 – 8,3 7,9 – 8,8 8,1 – 8,6 7,3 – 7,7 7,3 – 7,6
T° (°C) 25 – 30 18 – 30 20 – 30 20 – 30 20 – 30 20 – 30
Cond. (µS/cm) 26 000 – 54 000 28 300 – 55 000 11 000 – 58 000 20 000 – 25 800 73 200 – 90 400 37 600 – 73 400
DCO (mg/l) 27 560 – 70 000 23 400 – 70 000 5 500 – 30 000 15 500 – 24 000 37 824 – 83 328 25 344 – 52 350
DBO₅ (mg/l) 5 000 – 14 354 5 490 – 12 157 4 750 – 13 000 7 000 – 13 850 24 200 – 59 000 12 066 – 25 230
NH₄⁺ (mg/l) 900 – 4 000 800 – 4 000 600 – 3 000 600 – 1 990
NTK (mg/l) 1 120 – 4 270 800 – 4 400 2 100 – 5 980
[Publicité : Airpoll]

Directement dans des lagunes. Les décharges E et F ne sont pas dotées de station de traitement de lixiviats. En comparaison avec les concentrations des lixiviats en Europe (concentration en chlorures < 2 500 mg/l, conductivité < 7 500 µS/cm), ces valeurs sont significativement plus élevées.

Nous pouvons conclure qu'à l'avenir, il sera absolument nécessaire d'équiper des stations avec des concepts sans rétention des sels (recirculation) dans le corps de la décharge. Il faut permettre aux sels inoffensifs de quitter le cycle de génération du lixiviat dans la décharge ; sans quoi, les technologies installées ne pourront pas être durablement efficaces.

[Figure : Concentration des chlorures dans les lixiviats des pays du Maghreb.] [Figure : Conductivité des lixiviats dans les pays du Maghreb.]

Traitement des lixiviats dans le Maghreb – Exemples de procédés

De manière générale, nous pouvons dire qu'il n'y a pas de traitement « type » pour les lixiviats. En effet, il existe une grande variété de procédés de traitement disponibles capables de répondre aux différents besoins. Cet article se limite à la présentation des technologies qui ont déjà été installées au Maghreb. Le tableau 4 donne un aperçu de ces stations à ce jour. Parmi les technologies installées jusqu'à maintenant, nous avons choisi de distinguer celles qui retiennent les sels et celles qui ne les retiennent pas. Ces deux technologies peuvent ensuite être distinguées selon les types de pré-traitement.

Osmose inverse

Compte tenu des exigences de traitement, la technologie d'osmose inverse à rétention de sels a été mise en place dans la majorité des stations installées jusqu'à présent (voir tableau 4). L'osmose inverse est installée aussi bien pour le traitement des lixiviats bruts qu'avec les lagunes aérées en amont. Cependant, l'expérience acquise avec les lagunes aérées montre que ces installations sont en pratique discutables. En effet, dans la plupart des cas, les aérateurs de surface installés ne sont pas mis en service à cause d'émanations de fortes odeurs dues à la présence d'ammoniac volatil. Finalement, ce type d'installation n'est pas très différent d'un traitement direct par osmose inverse sur des lixiviats bruts.

À cause de la forte charge organique, le traitement des lixiviats par osmose inverse directe implique un nettoyage fréquent et poussé des membranes. Afin d'éviter les phénomènes de scaling et de précipitation, et de garantir les demandes de rétention de l'azote, la valeur du pH à l'entrée de l'osmose inverse doit être réduite au-dessous de 6,5. Étant donné le pouvoir tampon élevé des lixiviats, ceci demande un dosage d'acide sulfurique ou chlorhydrique en très fortes quantités et entraîne l'augmentation des quantités de sels.

Tableau 4 : Stations de traitement de lixiviats dans les pays du Maghreb

Type de traitement Stations
Rétention des sels– Traitement biologique : lagune aérée, 1 ou 2 blocs OI– Traitement physique : 1 bloc OI • Maroc : Al Hoceima 2008, Rabat 2011• Tunisie : Djerba 2006, Sfax 2007, Gabès 2007, Médenine 2008, Bizerte 2008, Sousse 2009, Nabeul 2010, Djebel Chékir 2012• Algérie : Corso 2013, Oued Smar 2013
Pas de rétention des sels– Traitement biologique : MBR nitrification, 1 bloc OI– Traitement physique : MBR nitrification, 1 bloc NF • Algérie : Hamici 2012

Lorsqu'un « rejet direct » des effluents dans le milieu récepteur est envisagé, les exigences sur le traitement concernant la DCO et l'abattement des matières azotées sont élevées. En Allemagne, la DCO doit être inférieure à 200 mg/l;

[Publicité : Editions Johanet]
[Publicité : IWAKI]
[Photo : Description schématique d'une station de traitement de lixiviats par Osmose Inverse [4]]

En Europe et en Asie inférieure à 100 mg/l. Le N-NH₄ doit être réduit à 10 mg/l et le taux de dénitrification réalisé doit être le plus élevé possible. En outre, certains pays exigent un taux défini d’élimination des sels avant le rejet dans le cours d’eau. Les agences de l'environnement suivent le rejet dans les rivières avec beaucoup d’attention. La technologie utilisée pour le traitement des lixiviats doit donc être très fiable et doit se conformer à des normes sévères. Lorsque les paramètres de qualité des effluents sont stricts, en particulier en ce qui concerne la salinité et la conductivité, l’osmose inverse (OI) pourrait s’avérer être une bonne option pour le traitement des lixiviats de décharge.

Un prétraitement, généralement par filtration, est toujours nécessaire afin d’éliminer les matières en suspension. De plus, si la concentration en N-NH₄ est élevée dans les lixiviats, un traitement par stripping est largement recommandé afin de réduire la concentration en ammonium avant pompage des lixiviats vers les unités OI. En effet, les normes de rejet strictes concernant la concentration en N-NH₄ au niveau des effluents ne peuvent pas être satisfaites en utilisant simplement un ou deux étages d’osmose inverse, si la concentration initiale de N-NH₄ est déjà élevée à l'entrée. Des produits chimiques, comme l'acide sulfurique et l'antiscalant, sont ajoutés afin de prévenir le colmatage des membranes OI.

Le procédé d’osmose inverse est en général conçu avec deux étages au minimum, où le perméat du premier étage est ensuite traité au niveau du second étage afin de satisfaire les exigences strictes de rejet. Le concentrat du second étage est retourné au niveau du premier étage, alors que le concentrat du premier étage doit être évacué. Ce concentrat représente usuellement 25 à 45 % du volume d’entrée total et l’élimination de ce concentrat demeure problématique. Comme cela a été indiqué ci-dessus, il est dans plusieurs pays retourné vers le corps de la décharge, bien que cette pratique soit de nos jours interdite dans de nombreux pays. La seule alternative à ce problème est l’élimination externe de ce concentrat par une entreprise de gestion des déchets, ce qui engendre des coûts d’exploitation supplémentaires. Il est à souligner que l’OI est simplement un procédé de concentration/séparation, et non pas de dégradation de la pollution. L’osmose inverse a pour vocation de réduire les volumes d’eaux usées à rejeter, en générant une plus petite quantité d’eaux usées qui est toujours plus fortement chargée.

Bien que le perméat OI ait une bonne qualité (DCO < 100 mg/l, aucune matière en suspension, faible teneur en sels), le procédé d’osmose inverse possède une efficience réduite par rapport à d’autres techniques de traitement, principalement en raison de ses exigences, impliquant des coûts d’exploitation élevés (remplacement des membranes en raison du scaling ou colmatage biologique, consommation de produits chimiques, etc.) et en raison de changements dans la composition des lixiviats qui varie avec les saisons de l’année. En outre, en particulier pour les grandes installations, ce procédé devient très cher par rapport à d’autres technologies, car les coûts d’installation augmentent fortement avec les débits à traiter. Si le débit total des lixiviats à traiter est faible, l’OI peut être considérée comme la meilleure alternative.

Bioréacteur à membrane + osmose inverse

En Tunisie (voir tableau 4), trois stations de traitement de lixiviats ont été équipées d'un procédé efficace par Bioréacteur à Membrane (BRM). En seconde étape de traitement, une osmose inverse à un étage a été installée, possédant des modules spiralés à un prix peu élevé.

Le BRM consiste en deux unités principales : un système biologique et une ultrafiltration (UF). L’ultrafiltration remplace le clarificateur des procédés à boues activées « classiques » et sépare la biomasse de l’effluent traité. Les boues activées sont pompées à travers des modules membranaires à boucle externe tubulaire qui ont pour tâche de séparer l'effluent traité et la biomasse. La taille des pores des membranes d’ultrafiltration est comprise entre 0,02 et 0,05 µm, les boues activées ne sont donc pas perdues. Toute la biomasse et autres matières en suspension, y compris les colloïdes et une large fraction des molécules organiques dissoutes, sont retenues et redirigées vers le système biologique. La rétention complète de la biomasse est une caractéristique distinctive par rapport aux systèmes classiques.

[Photo : Station de traitement de lixiviats avec OI dans un conteneur ; Maroc ; réalisée par Wehrle Umwelt GmbH.]
[Publicité : Proserpol]
[Publicité : Menart]
[Publicité : Ponsel Mesure]

Figure 5 : Représentation schématique du BRM et de l’OI de la station de traitement de lixiviats de Djebel Chékir, Tunisie.

Comparé aux systèmes classiques de traitement et de réacteurs séquentiels discontinus (SBR), le procédé à BRM présente deux avantages : la concentration des bactéries adaptées (boues activées) peut être maintenue à un taux élevé ; et les particules associées aux polluants restent dans le système, ce qui améliore la qualité de l’effluent.

Comparativement à d’autres systèmes aérobies, une dégradation plus complète est atteinte avec le BRM, grâce aux concentrations élevées en matières en suspension (MES) dans le réacteur (10-25 g/l) et un âge de boues très élevé (de 20 à 60 jours, ce qui conduit à une forte croissance des bactéries adaptées). La figure 5 donne une description schématique de la station de traitement des lixiviats de Djebel Chékir en Tunisie, utilisant un procédé à BRM suivi d’un étage d’OI. Cette station est jusqu’à présent la plus grande installation présente en Tunisie.

[Photo : Figure 6: Station de traitement de lixiviats de Djebel Chékir, Tunisie, réalisée par Wehrle Umwelt GmbH.]

Comme nous l’avons décrit précédemment, le traitement des lixiviats de décharge par osmose inverse nécessite une exploitation complexe et des coûts de traitement élevés, mais permet d’obtenir une bonne qualité des effluents. Le problème principal de l’OI est lié aux performances des membranes. Les lixiviats de décharge contiennent des composés qui sont susceptibles d’altérer les membranes en réduisant le flux membranaire, ceci par colmatage biologique, scaling et altérations chimiques. La majorité de ces composés peut être supprimée ou réduite au niveau du BRM. La combinaison d’un BRM et d’une étape d’osmose inverse donne de très bons résultats dans le traitement des lixiviats de décharge, en particulier dans des conditions de rejet direct, pour lesquelles les exigences de traitement et les normes de rejet sont élevées.

Le perméat UF du BRM est pompé vers l’unité d’OI, où la DCO non biodégradable restante ainsi que les sels sont séparés de l’effluent. La réduction des polluants en amont permet l’installation d’un seul étage d’OI qui, de plus, fonctionne à basse pression. Comparativement à l’installation d’un procédé d’OI direct, le volume de concentrat et la quantité de produits chimiques ajoutés sont nettement inférieurs : les composés azotés, ainsi que la DCO biodégradable, sont éliminés au niveau de l’étape biologique en combinant les procédés de nitrification et de dénitrification. Pour cette raison, il n’y a pas besoin d’étage d’OI supplémentaire pour le traitement ou l’élimination du NH₄-N (figures 7 et 8).

Figure 7 : Concentration en DCO après les différentes étapes de traitement au niveau de la station de traitement des lixiviats de Djebel Chékir.

[Publicité : aeroe]
[Photo : Figure 8 – Concentration en N-NH₄ après les différentes étapes de traitement au niveau de la station de traitement des lixiviats de Djebel Chékir.]

Bioréacteur à membrane + nanofiltration

Actuellement, une station de traitement de lixiviats avec une technologie de non rétention des sels est en cours de mise en service en Algérie. Tout comme la station de Djebel Chékir, cette station est équipée d’un BRM tel que celui décrit ci-dessus. En revanche, cette station utilise comme traitement de finition le procédé de nanofiltration (NF) pour la réduction des polluants résiduels après le traitement par BRM (contrairement à l’OI décrite au chapitre 4.2). En appliquant un traitement par nanofiltration, la majorité des sels monovalents passent à travers la membrane ; il en résulte un concentrat contenant moins de sels qui pourra plus tard subir un traitement physique, voire être recirculé vers la décharge. En raison du passage des ions monovalents à travers les membranes, le rendement de la NF dans cette configuration atteint 85-90 %, en appliquant des pressions de 3 à 20 bar. Cela réduit la quantité du concentrat de moitié comparativement au procédé BRM-OI et par un facteur de 3 ou 4 comparativement à un procédé d’OI direct, tout en appliquant des pressions plus basses.

Grâce à ses propriétés uniques parmi les différents procédés membranaires, la nanofiltration a trouvé sa place entre l’ultrafiltration (UF) et l’osmose inverse (OI). Dans le traitement des lixiviats, la NF est le meilleur choix pour l’élimination des matières organiques réfractaires et des métaux lourds. Ce procédé de traitement a la capacité d’éliminer les particules ayant une masse moléculaire supérieure à 300 Da, ainsi que des substances inorganiques encore plus petites par des interactions électrostatiques entre les ions et les membranes. Par exemple, des ions de métaux lourds dissous, plus petits que la taille des pores de la membrane, sont retenus par la NF presque complètement en raison de la charge de l’ion bivalent. En raison de ces caractéristiques, le procédé NF est idéal comme étape de traitement secondaire après le BRM. La figure 9 montre la station de traitement des lixiviats de Hamici (Algérie) avec ses systèmes NF et UF.

[Photo : Figure 9 – Station de traitement de lixiviats d’Hamici, Algérie, réalisée par WEHRLE Umwelt GmbH.]

Conclusions

Les procédés biologiques aérobies, dont l’efficacité est prouvée, sont nécessaires dans le traitement de lixiviats de décharge et plus économiques que les traitements directs avec des technologies physico-chimiques ou des prétraitements avec des lagunes aérées. Les lixiviats du Maghreb, possédant des charges en polluants élevées, exigent des procédés de traitement biologique efficaces. Au niveau mondial, les procédés aérobies sont à la pointe de la technologie pour le traitement des lixiviats. Lorsque les exigences sur les effluents dépassent la simple réduction de la DBO₅ et du N-NH₄, le Bioréacteur à Membrane (BRM) est une excellente technologie car la réduction en DCO et en ammonium est maximale et les effluents ne contiennent plus de matière en suspension. En combinant par la suite avec une NF/OI, les normes de sortie les plus exigeantes peuvent être respectées, et ceci sans les inconvénients du traitement par OI direct (réduction du rendement, détérioration des performances globales du procédé de traitement due à un enrichissement constant en sels, etc.).

Il est actuellement démontré que les polluants contenus dans les lixiviats ne peuvent pas tous être réduits dans le corps de décharge lorsqu’un recyclage ou une recirculation a lieu. Il apparaît donc impératif de réaliser dès à présent que les traitements des lixiviats incluant une recirculation provoqueront des complications sur les sites concernés. ■

[Encart : Références bibliographiques [1] Ehrig H.J. Contribution to the quantitative and qualitative water management of landfill sites, Veröffentlichungen des Institut für Stadtbauwesen, TU Braunschweig, 2ᵉ éd., 1980. [2] Kruse K. Langfristiges Emissionsgeschehen von Siedlungsabfalldeponien, Veröffentlichungen des Instituts für Siedlungswasserwirtschaft, TU Braunschweig, Sei 54, 1994. [3] Mekaika M., B.E. Belabbed, L. Djerbi, A. Hani, R. Laour, Characteristics of the Tiaret town Landfill and its impact on groundwater quality, Courier du Savoir N° 08, University Mohamed Khider – Biskra, Algeria, juin 2007. [4] Fitzke B. et al. Hybrid Processes for the Treatment of Leachate from Landfills, in J.C. Parados, G. Gutiérrez C., Economic Sustainability and Environmental Protection in Mediterranean Countries through Clean Manufacturing Methods, NATO Science for Peace and Security Series C: Environmental Security, DOI 10.1007/978-94-007-5079-1_6, © Springer Science+Business Media Dordrecht 2013, pp. 107-126.]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements