La multiplication des mesures de turbidité, en particulier en ligne, résulte du besoin de mieux contrôler la qualité de l'eau ou des fluides dans les procédés industriels. Elle est aussi favorisée par le développement des enregistreurs et des modes de communication qui permettent aujourd'hui l'accès des données à distance. Du coup, le marché est dynamique avec des innovations qui touchent principalement, pour cette technologie encadrée par des normes, la polyvalence et les conditions de maintenance.
Par Françoise Breton, Technoscope
La multiplication des mesures de turbidité, en particulier en ligne, résulte du besoin de mieux contrôler la qualité de l'eau ou des fluides dans les procédés industriels. Elle est aussi favorisée par le développement des enregistreurs et des modes de communication qui permettent aujourd’hui l'accès des données à distance. Du coup, le marché est dynamique avec des innovations qui touchent principalement, pour cette technologie encadrée par des normes, la polyvalence et les conditions de maintenance.
La mesure de turbidité est particulièrement développée dans le domaine de l'eau potable où elle est un solide indicateur de la qualité de l'eau. En effet, ce paramètre, qui quantifie le trouble créé par les particules en suspension dans le liquide, est signe de danger : ces particules peuvent l'être en elles-mêmes ou héberger des organismes pathogènes. Des normes très strictes fixent donc à une limite supérieure de 1 NFU (nephelometric formazin unit) la turbidité admise au robinet du consommateur, ce qui correspond à 0,1 ou 0,2 NFU en sortie de station, l'eau se rechargeant ensuite dans les conduites. La norme européenne en vigueur, ISO 7027, impose une mesure optique consistant à faire traverser le liquide par une lumière infrarouge.
La norme ISO 7027 recommande d’utiliser une LED de 860 nm ± 60 nm et de mesurer la lumière diffusée par les particules présentes à un angle de 90° par rapport au rayon incident. L’étalonnage est réalisé à partir de suspensions opalescentes de formazine à différentes dilutions. Aux États-Unis, une autre norme s’est imposée, la ASTM 1889-00, qui utilise la lumière visible (lampe tungstène).
Swan, Endress+Hauser, Hach-Lange, Sigrist, ABB, WTW groupe Xylem, Horiba, Anton Paar, Metrohm, s::can, Cifec, Thermo Fisher, Bamo Mesures ou Hanna Instruments disposent d’appareils capables de fournir des valeurs de turbidité de 0 à 4000 NFU avec une précision allant jusqu’à 0,001 NFU.
La gamme de mesure et le type d’appareil dépendent des applications. Dans l’agroalimentaire, par exemple, l’appareil devra résister à des températures élevées ou à l’encrassement lié à la présence de matières grasses. Souvent, lorsque les fluides sont trop chargés ou colorés ou bien les particules trop grosses, ce qui perturbe la mesure, les constructeurs proposent des mesures réalisées avec plusieurs angles ou longueurs d’ondes.
Lorsque le fluide est très sombre, empêchant la lumière de le traverser, il est possible d’utiliser des appareils, dits acoustiques, qui utilisent une onde sonore.
Une mesure plébiscitée pour l’eau peu chargée
« On assiste actuellement à un engouement pour cette mesure, en particulier dans le secteur de l’eau potable où, en plus d’être mesurée en sortie de façon réglementaire, elle l’est aussi de plus en plus en entrée de station, explique Guillaume Schneider chez Swan. La turbidité donne en effet une bonne indication pour optimiser le procédé de production d’eau afin d’avoir une valeur aux normes en sortie, ou bien pour décider de couper le pompage ou de basculer sur une autre source d’approvisionnement si la turbidité est trop importante. » Elle est donc convoquée également dans le cas de réfection d’usines d’eau potable vieillissantes ou d’amélioration du traitement dans les endroits où la qualité de l’eau prélevée s’est dégradée.
Certains appareils intègrent la mesure de turbidité à un ensemble d’autres paramètres physico-chimiques. C’est le cas par exemple des équipements de terrain comme le HI 9829 de Hanna Instruments, ou la série U-50 d’Horiba, équipée d’une sonde multiparamétrique. Le U-54, sorti en 2012, répond à la norme ISO 7027 avec une LED émettant à 860 nm et une détection de la diffusion à 90°, complétant ainsi une gamme suivant les prescriptions de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) américaine, avec une mesure à 90° en lumière blanche (U-53) ou des mesures à 30° (U-52). Il détecte des valeurs de turbidité de 0 à 1000 NTU avec une résolution appropriée.
Les turbidimètres d’Hanna Instruments (H93703, H98713) nécessitent de prélever un échantillon et de le verser dans une cellule de mesure insérée dans l’appareil. L’étalonnage est simple à réaliser à l’aide de solutions étalon secondaires, scellées et d’une bonne stabilité. L’appareil peut mémoriser jusqu’à 199 mesures pour un rappel écran ou un transfert sur PC.
Le 2100Q de Hach-Lange est un turbidimètre conforme à la norme ISO 7027. Ses avantages sont nombreux : étalonnage et vérification allégés, transfert de données simplifié, haute précision pour la mesure des échantillons à fort pouvoir de décantation, enregistrement pratique des données IW et système optique pour une précision irréprochable sur le terrain.
La mesure de turbidité est de plus en plus souvent réalisée en continu du fait qu’il existe aujourd’hui des enregistreurs et des modes de communication qui permettent l’accès aux données à distance. Le turbidimètre en ligne de Seres, Turbilight II, est une version haute technologie du Turbilight, adaptée aux eaux potables et de procédé, qui effectue les mesures dans une cuve sous pression après élimination des bulles de gaz. Il a été adapté pour les plages faible et moyenne (entre 2 et 1000 NTU) et il est plus facile d’utilisation avec un écran tactile et des menus conviviaux.
Le turbidimètre TU 7685 d’Aquacontrol affiche une très grande sensibilité : il permet de lire des valeurs de turbidité inférieures à 4 NTU avec une résolution de 0,001 NTU ; des échelles sélectionnables et autocommutables autorisent des mesures précises jusqu’à 4000 NTU. La sonde à immersion associée TU 810, avec préamplificateur intégré et jusqu’à 100 m de câble, mesure la turbidité au niveau d’un écoulement ou sur une canalisation, ou bien en dérivation.
Endress+Hauser propose de son côté des appareils mesurant la turbidité sur cannes ou supports d’immersion, par insertion dans les conduites (CUS31) ou par dérivation (CUE21). Avec le CUE 21, l’eau est prélevée en continu et passe dans une chambre où est mesurée la réflexion à 90° d’une lumière de 860 nm. La chambre est amovible et peut être remplacée par un flacon hermétique de même taille contenant de la formazine, permettant ainsi un étalonnage aisé de l’appareil. Le CUS 31 peut être installé dans une chambre de passage avec ou sans dégazage installé sur une conduite au moyen d’un support rétractable.
La société s::can propose quant à elle une sonde de mesure de turbidité miniature appelée i::scan, équipée d’une optique de pointe qui permet la combinaison d’une mesure par absorption à 180° et diffusion à 90° conformément aux standards ISO 7027 et EPA 180.1. « Le spectre de lumière émise varie de 250 à 860 nm sur nos sondes spectrométriques et avec une très bonne résolution. Ainsi, une sonde de mesure de turbidité peut aussi mesurer en continu le COT, la DCO et la couleur et pour presque toutes les applications », souligne Philippe Marinot, directeur général de s::can France.
Si l’eau potable constitue la principale application de ces appareils, « le domaine des piscines collectives est un marché émergent, analyse Guillaume Schneider chez Swan. Les prochaines normes pour les piscines imposeront les mesures de turbidité au même titre que celles du chlore. Cette mesure sera intéressante, par exemple, pour mieux gérer le nettoyage des filtres. Il faudra adapter nos instruments car c’est une eau qui renferme beaucoup de produits. »
Assainissement et procédés industriels
« La turbidité est également importante à mesurer dans les stations d’épuration pour tester la qualité de l’eau en sortie mais également pour mesurer la concentration de boue dans le bassin d’aération afin d’en vérifier la stabilité par exemple, ou bien pour contrôler un procédé industriel », explique Matthieu Bauer de Endress+Hauser. Dans tous ces cas, la mesure de turbidité à 90° n'est pas suffisante ; elle doit être croisée avec une mesure à un autre angle et étalonnée avec les effluents du client. Le capteur pourra aussi utiliser une lumière pulsée à quatre faisceaux pour compenser les dérives liées à l’encrassement. Plongé au bout d'une canne dans le bassin, le capteur CUS 51D d’Endress+Hauser permet de mesurer la réflexion de la lumière sur les particules de boues à 90° ou 135° afin d’en déterminer la concentration.
Ils sont utilisés pour la surveillance des procédés de fermentation et de filtration. Le Monitor-FS d’Anael, avec un triple faisceau lumineux et deux angles de dispersion (12° et 90°), permet de mesurer la turbidité avec une très grande précision pour les particules de taille inférieure à 0,3 µm et de donner une indication sur leur taille.
En agroalimentaire, on préfèrera les capteurs DP 11 ou AF 11, très résistants à la chaleur et aux chocs chimiques, pour quantifier, par une mesure à 180° dans un canal ouvert ou par insertion dans une conduite, les pertes de matières comme le lait ou la crème.
Anael commercialise également des sondes polyvalentes comme les capteurs de concentrations MoniSpec, qui, grâce à un principe acoustique, permettent de mesurer la hauteur d’un voile de boues et d’en suivre l’évolution dans un décanteur secondaire.
Des appareils pour mesurer les fortes turbidités
Chez Mettler-Toledo, le principe de rétrodiffusion de la lumière avec monofibre optique de la sonde InPro8050 fournit une plage de mesure allant jusqu’à 250 g/l de solides en suspension. Mais lorsque les milieux sont très chargés, photosensibles ou très visqueux, la méthode optique n’est plus adaptée ; il est alors possible d'utiliser des turbidimètres fonctionnant sur un principe acoustique. Le CUS 71D d’Endress+Hauser permet de mesurer par onde sonore la hauteur d'un voile de boues assez dense (3 g/l) dans un décanteur secondaire et d’en suivre l’évolution.
Les capteurs acoustiques d’Anael, dont les ondes sont générées par un cristal piézoélectrique, émettent des pulsations à haute fréquence selon la concentration en particules. Le modèle AS3 offre une gamme de mesures très large, de quelques milligrammes par litre à 30 000 mg/l, pour une utilisation allant du contrôle des eaux usées à celui des procédés en agroalimentaire ou pétrochimique. Il fonctionne avec un transmetteur AT3 qui assure des mesures indépendantes du débit, de la couleur et de la viscosité, insensibles à la lumière ambiante et à l'encrassement, et permet la gestion d’alarmes.
par les normes, que dans le fait de trouver une technologie adaptée aux eaux brutes, autrement dit qui ne s’encrassent pas et donc ne demandent pas beaucoup de maintenance », insiste Guillaume Schneider, Swan. En effet, l’encrassement des surfaces optiques dans les eaux brutes est plus rapide que pour les eaux potables et nécessite un nettoyage plus régulier pour éviter une dérive des mesures. Les constructeurs ont adopté des systèmes automatiques de nettoyage : essuie-glace, racleurs, jet d’air, ultrasons.
« Le nettoyage du CUS 31 se fait par essuie-glace mais le nouveau capteur avec technologie Memosens utilisera un système de nettoyage à ultrasons comme celui qui équipe aujourd’hui le CUE 21 et qui permet un lavage fréquent pour éliminer le biofilm qui se forme sur les parois », précise Matthieu Bauer, de Endress+Hauser. Le racleur du nouveau Turbilight II est aujourd’hui entraîné par un vérin électrique pour un nettoyage automatique plus performant et les sondes d’Aquacontrol sont équipées pour leur part d’un dispositif d’autonettoyage par jets d’air comprimé, disposé sur la tête du capteur et dont la fréquence est programmable ou asservie au détecteur d’état d’encrassement de la surface optique.
La SAMBAT (Sonde Autonome Multipartismes à Balai et Télétransmission des données) de nke Instrumentation intègre un balai rotatif (à 360°) automatique et programmable assurant la cohérence des mesures grâce au nettoyage des capteurs optiques.
La sonde Visoturb de WTW Xylem est quant à elle largement plébiscitée notamment pour son nettoyage par ultrasons, limitant, voire annulant, toute nécessité de maintenance (aucun remplacement des brosses ou balais de nettoyage) et la problématique de nettoyage dans le cadre de produits gras, huiles ou autres.
Sigrist et Swan ont réglé le problème en adoptant un système de mesure sans contact, en milieu ouvert, basé sur le même principe : un repiquage sur le conduit alimente une chambre de dérivation avec un canal laminaire et l’émetteur et le récepteur sont situés au-dessus.
Le turbidimètre Aquascat 2 de Sigrist, commercialisé en France par Siemens, mesure la turbidité de l’eau, sans contact, à travers un jet libre. Cette absence de contact avec des fenêtres évite toute erreur due à l’encrassement. Les turbidités fortes et faibles sont mesurées avec précision de 0 à 4000 FNU. Les opérations de maintenance sont ainsi réduites au minimum. La version Aquascat 2 WTM dispose même d’une calibration automatique, rendant les interventions sur l’appareil quasiment nulles.
« Il a fallu un important travail optique dans la conception de la chambre pour réceptionner au bon endroit et au bon moment le faisceau réfléchi pour que l’appareil respecte la norme ISO 7027, explique de son côté Guillaume Schneider chez Swan. Mais les résultats sont au rendez-vous. L’AMI Turbiwell est très apprécié car son surcoût de 20 % est très rapidement amorti par un coût de maintenance nul. Par exemple la société du canal de Provence qui a participé aux
Le test final de l’instrument a aujourd'hui remplacé tout son parc de turbidimètres par des AMI Turbiwell. C’est un produit qui séduit beaucoup de villes qui reviennent en régie et cherchent du matériel fiable.
Un calibrage en usine avec la formazine suffit, mais un étalon secondaire, un prisme optique usiné avec les valeurs de références en turbidité, permet de vérifier le bon fonctionnement de l'appareil. Le système doit en revanche se protéger notamment des lumières parasites et de la buée. C’est pourquoi l’appareil est capoté et thermostaté pour éviter la condensation. Il peut également être équipé d’un dégazeur pour les applications en agroalimentaire ou pour certaines sources d'eau potable : l'eau descend dans un serpentin (dégazage gravitaire) avant de remplir la chambre noire en dessous.
Bamo Mesures conçoit et fabrique depuis trente ans ses propres turbidimètres, en conformité avec la norme ISO 7027. Les systèmes de mesure en ligne Turbicube ou en immersion Turbisens délivrent un signal 4-20 mA, directement raccordable à un API. Ils sont réalisés en PVC, PHH ou en acier inoxydable AISI 316. « La spécificité de Bamo est d’avoir développé des ensembles de détection qui délivrent une alarme sur contact sec. Les armatures en ligne ou en immersion sont raccordées au relais de turbidité Turbiswitch GS4 monté en armoire sur rail DIN. Il suffit de lui donner une référence pour ensuite régler le seuil d'alarme, explique Pierre-Yves Bichon, Responsable Produit Analyse chez Bamo Mesures. Ces ensembles de détection sont adaptés pour les applications où l’information même du défaut prime sur la quantification du défaut. Par exemple sur un filtre à sable en piscine collective, peu importe la valeur du dépassement de la turbidité, l’information d’un dépassement est suffisante à la gestion du procédé. Il en est de même pour les procédés membranaires. » Ces ensembles de détection ont un coût moins important que des ensembles de mesure. La maintenance est facilitée par un accès direct et simplifié aux optiques. « Quel que soit le système de nettoyage mis en œuvre, rien ne remplace une inspection visuelle pour détecter les traces de rayures, de chocs ou d’abrasion sur les blocs optiques en verre borosilicate, néfastes à la mesure », souligne Pierre-Yves Bichon. Cependant, les blocs optiques sont traités par un revêtement spécifique pour éviter ces désagréments d'exploitation.

