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Un bassin de storage à Méry Sur Oise

28 septembre 1979 Paru dans le N°37 à la page 27 ( mots)
Rédigé par : Roger GICQUEAU

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par ,

Directeur Général du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux.

Les lignes qui suivent ont pour objet d'attirer l'attention sur les caractéristiques de l'ouvrage et ses modalités de réalisation.

Cette réserve, située en bordure de l'Oise à quelques centaines de mètres en amont de l'usine de traitement, sera constituée à terme de deux bassins totalisant un volume de quelque 800 000 m³ (figure 1). Actuellement, un premier bassin d'un volume total de 390 000 m³ a été creusé et doit être mis en service dans le courant de l'année 1980. Ce volume, comparé à la capacité maximale de traitement de l'usine qui est actuellement de 270 000 m³/jour, représentera donc une réserve de sécurité susceptible d'assurer une autonomie d'un jour et demi au débit de pointe, de trois jours au débit moyen de production.

[Photo : Usine de Méry-sur-Oise : plan général des réserves d'eau brute. A. Préozonation – Station de pompage. — B. Injecteurs. — C. Station de pompage en secours. — D. Nourricière. — E. Usine de traitement. — F. Réservoirs]

tion. Grâce à ces délais de sécurité il sera donc possible de laisser passer « une vague de pollution » qui pourrait éventuellement se manifester sur la rivière, s'il se produisait par exemple des déversements accidentels constitués de produits difficiles à éliminer. Cette réserve jouera par ailleurs un rôle prépondérant sur la qualité de l'eau délivrée à l'usine de traitement.

En effet, d'une part le volume tampon du bassin assurera une eau de qualité plus régulière par simple effet de moyenne, en évitant les aléas d'un pompage au fil de l'eau. D'autre part elle permettra d'obtenir une amélioration très importante de la qualité de l'eau à traiter, par effet de storage, c’est-à-dire en utilisant le phénomène naturel de l'auto-épuration des eaux. Les résultats des expériences menées pendant plus de deux ans en bassins-pilotes ont montré que l'on obtenait ainsi, en trois jours, et sous réserve de procéder à une ozonation préalable de l'eau, un abattement de près de 60 % de la teneur en ammoniaque, de 90 % des germes ; la turbidité est, quant à elle, réduite de moitié.

L’exécution de cette réserve d’eau a commencé à l'automne de l'année 1977 ; en pratique, sa conception a imposé d'harmoniser un certain nombre d'impératifs dont les plus saillants ont été ou sont les suivants :

— Impératifs d'intégration à l'environnement

Les bassins et les ouvrages annexes s'implantent dans un site classé : celui du Parc du Château de Méry. Il était donc nécessaire de respecter au maximum les données paysagères de ce site ; trois options principales en ont résulté :

  • © l'adoption de lignes harmonieuses pour les bassins,
  • © le parti d'enterrer les ouvrages de Génie Civil,
  • © le soin apporté au fini des abords tant du bassin (berges présentées sous un gazon « evergreen ») que des ouvrages annexes (réalisation de modelés de terrain et de buttes plantées assurant les meilleures transitions paysagères).
[Photo : Le terrassement du bassin de storage de Méry-sur-Oise a nécessité un important convoyage de camions.]

Au titre de l'intégration à l'environnement, il faut également évoquer les conditions de réalisation du chantier en site semi-urbain ; l'important convoyage de camions nécessité par le terrassement du bassin a dû être effectué par phases, en accord avec les autorités locales, pour limiter la surcharge du trafic routier alentour du chantier.

— Impératifs de dimensionnement et d’ordonnancement

Indiquons que les ouvrages exécutés dans le cadre du premier bassin ont été conçus avec toutes les « attentes » nécessaires qui permettront d'intégrer le deuxième bassin dans le circuit hydraulique. Ce bassin pourra fonctionner en parallèle ou en série avec le premier. Le débit passant pourra être porté sans difficulté de 300 000 m³/j à 400 000 m³/j dès que le besoin s'en fera sentir. Il suffira simplement pour cela d’ajouter des groupes électropompes aux endroits d’ores et déjà réservés à cet effet.

— Impératifs hydrauliques

Les contraintes d'environnement imposaient notam-

[Photo : Éclaté de principe de la station de secours.]

…que les bassins ne pouvaient pas être réalisés en surélévation. La cote du plan d’eau maximum fut donc fixée au niveau 24,00 m NGF, ce qui correspond à une situation d'équilibre avec la nappe phréatique, légèrement en dessous du terrain naturel.

Pratiquement, l'eau d'Oise est donc élevée pour alimenter les bassins en temps normal, tandis que la reprise peut s'effectuer gravitairement vers l'usine de traitement. Pour vidanger les neuf mètres de profondeur du bassin (en fonctionnement autonome de l'usine), il faut alors recourir à un pompage « en secours » (fig. 3).

On peut distinguer trois sous-ensembles hydrauliques :

• les ouvrages amont : Ils sont constitués pour l'essentiel d'une station de pompage et de prétraitement où l'eau d'Oise est élevée jusqu’aux cuves de prétraitement par un ensemble de groupes électropompes en parallèle, d'un débit unitaire de 1,2 m³/s (100 000 m³/j). Une galerie enterrée d'une centaine de mètres de long relie une prise d'eau double en Oise aux bâches d'aspiration de ces pompes. En aval des cuves de prétraitement, l'eau se déverse dans une chambre de départ d'une canalisation de 1 500 mm de diamètre, qui l’amène au premier bassin. Une antenne de dérivation permettra d'alimenter ultérieurement le deuxième bassin.

• l’hydraulique du bassin : Pour différentes raisons, il était ainsi apparu nécessaire d'éviter les zones d’eau morte. Comme la forme même du bassin semblait y prédisposer, il a fallu déterminer son mode d’alimentation en eau par une étude sur modèle réduit. Cette étude a montré que

[Photo : Fig. 4 — Perspective hydraulique générale. 1. Galerie de prise d'eau — section de 5 m². 2. 2 bâches de tamisage. 3. 2 bâches d’aspiration. 4. 5 groupes électro-pompes. 5. 2 files d'ozonation. 6. Chambre de vannes DN 1500. 7. Arrivée reprise du bassin B. 8. Prise basse du bassin A. 9. Prise haute du bassin A. 10. 4 groupes de secours. 11. Compartiment refoulement. 12. Compartiment aspiration. 13. Ouvrage de raccordement antibélier. 14. Ouvrage de cloisonnement par batardeaux. 15. 2 bâches de tamisage. 16. Bâche d'aspiration. 17. Galerie de prise directe en Oise. 18. Rejets à l'Oise des déversements antibéliers du seuil antibélier. 19. Canalisation de vidange.]

c'était par une mise en vitesse de l'eau (environ 3 m/s) au point d’alimentation, et dans une direction bien déterminée, qu'on arrivait à répartir au mieux la masse d'eau du bassin. Cette vitesse minimum est d’ailleurs pratiquement indépendante du débit entrant. Elle sera obtenue par deux buses d’injection parallèles, de diamètre différent (600 mm et 950 mm). En mettant en service soit l'un, soit l'autre, soit les deux injecteurs, on pourra s'adapter aux différents paliers de débit tandis que les pertes de charge correspondantes resteront sensiblement au même niveau.

Hydraulique aval :

Elle concerne l’acheminement de l’eau brute des bassins vers l'usine de traitement par une canalisation de 1800 mm de diamètre et 300 m de long. La prise est régulée au sein d'un ouvrage enterré accolé au premier bassin (fig. 4).

[Photo : Pose d'une conduite de liaison entre les deux bassins au fond du bassin A.]

En temps normal, l'eau sera admise par un écoulement gravitaire dans la conduite de reprise, soit en provenance du premier bassin, soit du deuxième, soit des deux.

En cas de pollution, les bassins ne seront plus alimentés en amont et, leur niveau baissant, la simple gravité ne suffira plus. Des pompes de secours sont donc prévues pour prendre la relève de la piézométrie défaillante. Pour obtenir un niveau amont constant et s'adapter ainsi aux conditions hydrauliques normales de la canalisation de liaison, un déversoir, calé sensiblement au niveau habituel des plans d'eau des bassins, permettra le recyclage du débit excédentaire ne pouvant être absorbé par la canalisation de 1800 mm. Le débit de cette conduite est en effet déterminé par le nombre de pompes en service, situées en aval, au sein de l'usine nourricière de l'usine de traitement.

Le deuxième bassin sera relié à l'ouvrage de régulation par une canalisation posée au fond du premier bassin (fig. 5). C'est un jeu complexe de vannes murales qui assurera la mise en service des différentes fonctions (reprise normale en gravitaire ou pompage en secours ; un ou deux bassins en service) avec toutes les combinaisons possibles.

REALISATION DU BASSIN DE STORAGE

Des études préliminaires, tant hydrologiques que géotechniques, ont permis de proposer un profil de berge type (fig. 6).

Ce profil doit permettre de répondre à la nécessité d'isoler la réserve de venues d'eau extérieures, tant pour la préserver sur le plan qualitatif durant sa future exploitation, que pour faciliter l’assèchement de la fouille durant les travaux ; c'est le rôle de l’écran étanche périphérique (fig. 7) ancré dans les sables de Cuise, substratum peu perméable.

[Photo : Coupe-type de la berge.]
[Photo : Profil en long de la paroi d'étanchéité.]

D'autre part, le profil a été déterminé dans le but de conserver une bonne stabilité à la vidange rapide.

La réalisation du bassin a donc commencé par l'exécution de l’écran périphérique étanche, en faisant une paroi mince de coulis d’argile-ciment. De septembre 1977 à janvier 1978, sur un linéaire de 1100 m et avec une profondeur moyenne de 15 m, il a été injecté 2 300 m³ de coulis, soit 416 t de ciment. Le procédé a consisté à vibrofoncer un profilé métallique IPN de 600 mm, à l'aide d’un vibreur de 7 tonnes, jusqu’au refus. Ce profilé était équipé dans sa partie inférieure d'un sabot spécial dans lequel aboutissait un tube courant le long de la poutre. Le coulis, préparé dans une centrale fixe installée sur le chantier, était injecté dans ce tube sous plus de quatre bars et se répandait dans le sol, dans l’empreinte du profilé, au moment où on le remontait. Chaque passe de

fouinage permettait d'avancer de 45 cm, le recouvrement étant donc de 15 cm. En pratique, quelques difficultés furent rencontrées lors de la traversée de zones localement résistantes. L'usure du profilé y a été plus marquée et on a même pu observer un flambement du profilé. Cependant, ces difficultés spectaculaires n'ont pas réellement compromis l'exécution de la paroi.

Dès que la paroi étanche a été réalisée, le rabattement de nappe préalable au début des terrassements a été mis en œuvre. Ce sont trois forages, équipés de pompes d’une puissance totale de 180 kW, qui ont servi à dénoyer la première tranche de terrain, les alluvions modernes. La disposition de ces forages (fig. 8) a permis de dénoyer l'essentiel des alluvions modernes ainsi qu’en témoignent les profils piézométriques (fig. 9).

[Photo : légende : Fig. 8. — Schéma d'implantation des forages.]

Les forages étant crépinés dans les seules alluvions anciennes, ils mettaient en dépression cet horizon, qui « aspirait » suivant un gradient d’écoulement vertical l’eau des alluvions modernes. Cette dernière couche, assez peu perméable, a ainsi pu être réessuyée de façon très efficace et le terrassement a commencé au mois de mai 1978.

[Photo : légende : Fig. 9. — Profil piézométrique F1 - F2.]

Puis, au mois de juillet 1978, quand ce fut au tour de l’horizon des alluvions modernes d’être terrassées, on substitua peu à peu au rabattement par puits filtrants un rabattement par tranchées drainantes, plus adapté à ce matériau perméable (fig. 10).

[Photo : légende : Fig. 10. — Schéma d'implantation des tranchées drainantes.]

En fin de travaux, un débit de 700 m³/h a ainsi pu être couramment relevé.

Le terrassement a été effectué en deux phases superposées, concernant d’abord les alluvions modernes, puis les alluvions anciennes.

Les alluvions modernes, de faible portance malgré l’important réessuiement obtenu, ont été terrassées par une pelle hydraulique sur chenilles fonctionnant en rétro et un chargeur sur pneus circulant quant à lui, sur le toit portant des alluvions anciennes. Les camions se déplaçaient au même niveau (fig. 11).

[Photo : légende : Fig. 11. — Extraction des alluvions modernes.]

Les alluvions anciennes ont été terrassées avec les mêmes engins, mais sans problèmes particuliers de portance.

Les cadences ont atteint des rythmes moyens de 3 500 m³/j pour les alluvions modernes et 4 000 m³/j pour les alluvions anciennes.

Dispositions particulières

Un certain nombre de dispositions sont actuellement en cours d’aménagement sur le bassin, dont l'excavation est terminée. Les berges reçoivent des dalles « evergreen », destinées notamment à assurer une protection contre le batillage (fig. 12). Un drain

périphérique est installé en fond de l’ouvrage. Ce drain (fig. 13) permettra un asséchement complet du bassin, et rendra ainsi possible les opérations de dévasement qu'impliquera probablement son exploitation. Relié de place en place à des puisards d'exhaure, il pourra rabattre l'eau phréatique en dessous du niveau du fond de fouille et permettre la circulation d'engins mécaniques chargés de collecter les sédiments accumulés.

[Photo : Fig. 12. — Vue panoramique d'un bassin de stockage en construction « evergreen » à Méry-sur-Oise : on peut voir au premier plan les destinées à assurer une protection contre l'érosion.]
[Photo : Fig. 13. — Drain périphérique en fond de bassin.]

L’ensemble du dispositif constitue un projet original, qui a suscité la mise au point d'un grand nombre de détails de conception et d'exécution, suivant des modalités parfois complexes, malgré la simplicité apparente du projet. C’est que l'intégration d'une telle réserve d'eau brute dans une filière de traitement d'eau de surface est une opération sans précédent en France et cette absence de précédent a parfois amené les concepteurs à « improviser » au sens positif du terme. Sa mise en service, au cours de l'été 1980, devrait apporter à l'usine de Méry-sur-Oise le « volant de sécurité » dont elle a besoin et constituera un précieux antécédent pour l'évolution des autres usines de la Banlieue de Paris.

R. GICQUEAU.

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