Entouré de profondes forêts, le barrage de Guerlédan se situe au cœur de la Bretagne, entre le Morbihan et les Côtes-d’Armor. Retenant plus de 50 millions de mètres cubes d’eau sur une superficie de 360 hectares, il forme aujourd’hui le plus grand lac artificiel de Bretagne. Long de 12 km et profond de 40 m, il s’étire de tout son long dans la vallée du Blavet et constitue aujourd’hui un haut lieu du tourisme breton : pêche, promenades, activités nautiques attirent chaque année plusieurs millions de touristes en quête de calme et de dépaysement. Des activités très éloignées de celles qui prévalaient encore au début du siècle dernier…
Un chantier impressionnant pour l’époque
Nous sommes en 1921. Joseph Ratier, sous-préfet à Pontivy, envisage de couper le Blavet au niveau de l’écluse de Guerlédan, sur le canal de Nantes à Brest. L’objectif ? Installer une grande usine hydroélectrique capable de subvenir au tiers des besoins en électricité de la Bretagne.
[Photo : Afin d’entretenir le barrage, le lac fut vidé quatre fois au cours du 20ᵉ siècle, mettant à jour un monde désormais sous-marin.]
L'idée est très ambitieuse : il n'existe à cette époque que très peu de barrages de cette taille en France et la production hydro-électrique n'en est qu'à ses tous débuts. Mais le projet, porté par Joseph Ratier et l'ingénieur Auguste Leson, fait son chemin et le 1ᵉʳ juin 1923, les travaux commencent. Ils dureront sept ans avant que, le 12 octobre 1930, le barrage et l'usine hydroélectrique ne soient inaugurés, non sans avoir surmonté de nombreuses difficultés d'ordre géologique, technique et financier.
C'est que le chantier est colossal pour l'époque : 200 ouvriers, des géomètres, maçons, électriciens ou mécaniciens, travaillent sans relâche dans la vallée pour dynamiter les massifs de grès, acheminer les matériaux par péniches depuis le port de Pontivy et couler les huit tranches de béton moulé représentant un volume de 110 000 m³. En janvier 1929, les travaux sont quasiment terminés et, au mois d’août de la même année, la mise en eau débute.
Mais l'impact de l'ouvrage, barrage-poids en béton d'une hauteur de 45 mètres et d'une longueur totale de 206 mètres, est important : immersion de plusieurs carrières de schistes, d'ardoises, d'abris de carriers, de 17 écluses et maisons éclusières et interruption du canal de Nantes à Brest.
La vallée, pourtant, apprendra peu à peu à tirer parti de la nouvelle retenue, y compris lors des différents assecs en 1951, 1966, 1975, 1985 et 2015 qui attirent à chaque fois un public plus nombreux venu entrevoir les vestiges, maisons, jardinets, écluses englouties : près de 2 millions en 1985 et plus de 3 millions en 2015 !
[Photo : En 1985 déjà, plus de deux millions de visiteurs étaient venus découvrir les mystères de la vallée engloutie.]
[Photo : Les eaux du Blavet ont recouvert les écluses et maisons éclusières du canal de Nantes à Brest, rempli les mines des ardoisiers travaillant dans la vallée, couvert les arbres qui poussaient le long du chemin de halage.]
Un spectacle qui pourrait cependant se raréfier, la technologie permettant d’espacer le rythme des vidanges totales.
Espacer le rythme des vidanges totales
La réglementation française fixe l'obligation, pour tous les barrages excédant 20 mètres de hauteur, de réaliser, tous les dix ans, une visite des parties immergées. Cet examen technique permet de compléter les nombreuses vérifications visuelles et essais périodiques effectués régulièrement ainsi que les visites techniques approfondies menées par EDF dans trois domaines : le génie civil, la mécanique et le contrôle-commande des installations. Il peut être réalisé selon trois procédés : par inspection subaquatique à l'aide d’un robot (ROV), par abaissement partiel de la retenue couplé avec une inspection subaquatique des parties qui restent immergées ou par vidange totale de la
[Photo : Les vestiges d'habitations, des écluses, des bornes kilométriques… rappellent que cette ancienne vallée était habitée dans le passé.]
nement. Ces ROV permettent aux ingénieurs de visualiser en direct les images filmées par caméra. Le film est ensuite analysé par des spécialistes pour établir le rapport d'inspection, puis stocké sur des bases de données qui permettront de garantir la surveillance des ouvrages dans le temps.
Ces techniques subaquatiques, relativement peu coûteuses, permettent de réduire l’indisponibilité des ouvrages tout en évitant les impacts environnementaux importants d'une vidange totale. À Guerlédan, elles n’ont pas été mises en œuvre cette fois-ci mais une part des travaux réalisés doit permettre d’assurer la maintenance de l'ouvrage sans qu'il soit nécessaire de vidanger à l’avenir. À partir de novembre 2015, les vannes se refermeront et la mythique vallée de Guerlédan sera à nouveau submergée par les eaux pendant sans doute de nombreuses décennies...
retenue. À Guerlédan, de gros travaux étant prévus en 2015, la vidange totale s'est imposée. Elle permettra de reprendre le parement du barrage pour garantir son étanchéité à long terme, de rénover et moderniser deux vannes de fond du barrage ainsi que leur système de manœuvre et les conduits associés, et de... L'investissement, de 4 millions d’euros, permet de garantir le bon état d'un ouvrage aux multiples usages pour plusieurs décennies.
Car les techniques subaquatiques, qu'il s'agisse d'examens ou de travaux, gagnent du terrain. Les inspections, autrefois réalisées après vidange totale, reposent désormais bien souvent sur des robots filoguidés, équipés de caméras couleur orientables, de systèmes d’éclairage diffus, de dispositifs d’éclairage ponctuels permettant l’éclairage d'une zone spécifique et d'un dispositif de positionnement du robot dans son environnement.
[Photo : Les épaves encore nombreuses et parfaitement conservées tapissent désormais le fond du lac.]
[Photo : Les 40 mètres d’eau calmes du lac de Guerlédan ont contribué à conserver les ruines de ces maisons éclusières ainsi que les arbres qui l’entouraient au moment où elles ont été englouties.]
[Photo : Cette ancienne porte d’écluse, rongée par la rouille, comporte encore de nombreuses parties en bois.]