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Un micro tunnelier pour la pose de canalisations d'eau potable

29 mai 1992 Paru dans le N°155 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Dominique PONCHON et Gilbert-le NY

Le Syndicat des Eaux d'Île-de-France (dont le régisseur est la Compagnie Générale des Eaux), dans le cadre de son dispositif de sécurité des ressources en eau potable, a décidé de réaliser une liaison de gros diamètre entre les usines de Neuilly-sur-Marne et de Méry-sur-Oise.

Cette réalisation se poursuit actuellement dans la section 3 qui s’étend de Saint-Brice à Sarcelles, et dans laquelle une canalisation de 800 mm de diamètre devant transporter de l’eau sous la pression de 12 bars* est actuellement en cours de pose. Pour la première fois au monde, la mise en place d’une canalisation de ce type est effectuée au moyen d’un microtunnelier.

Dans nos rues de plus en plus encombrées tant en surface qu’en profondeur, comment résoudre les délicats problèmes de mise en place ou de réhabilitation de réseaux divers en perturbant au minimum l’environnement ?

Cette impérieuse nécessité qui s’impose de plus en plus à tous les décideurs reçoit depuis peu une réponse en France : le microtunnelage, technique qui permet la pose sans tranchée de canalisations diverses de faible diamètre. Comme pour le fonçage horizontal cette technique du tunnelier nous vient du Japon, où elle est utilisée depuis 1977. Dans ces îles montagneuses, le sous-sol des agglomérations, situées en matériaux homogènes et sablonneux, est en effet propice à l’industrialisation et à la robotisation des chantiers.

C'est ainsi qu’à l’image de son grand-frère le tunnelier, le microtunnelier s’est largement développé dans ce pays, passant de 25 km exécutés en 1980 à 600 km en 1990. Cette technique a fait son apparition en France en 1989, sous l’impulsion de Michel Mermet, Président du Comité Français pour les travaux sans tranchée (FSTT), pour atteindre une longueur d’environ 3 000 m réalisés par ce procédé en 1991.

Qu’est-ce qu’un microtunnelier ?

C’est un petit tunnelier servant à la pose de canalisations non visitables d’un diamètre inférieur à 1 200 mm.

Ce robot est en fait une machine multifonctions qui a pour but de creuser une galerie horizontale à partir d’un puits, et cela sans ouverture de tranchée et sans intervention humaine dans la galerie.

Cette machine convient donc à la pose de toute canalisation de faible diamètre, en assurant successivement l'abattage des terres, le soutènement provisoire des parois latérales et du front de taille, l'évacuation des matériaux et la mise en place du revêtement définitif de la galerie.

L’utilisation du microtunnelier s’apparente de fait au travail par fonçage horizontal (poussage par vérins...) mais il s’en différencie sur deux aspects essentiels : d’une part, le dispositif est entièrement mécanisé, et, d’autre part, la technique mise en œuvre fonctionne de façon autonome, et elle peut être utilisée sans difficultés sous une forte charge d’eau, alors qu’en milieu saturé, le fonçage horizontal doit être précédé ou accompagné de travaux préparatoires coûteux : rabattement de nappe, injection des sols, utilisation d’air comprimé ou congélation des terrains.

Principe du procédé

Le robot proprement dit est constitué par un tube métallique de deux mètres de long comprenant une tête foreuse rotative et un concasseur entraînés par un moteur ; trois petits vérins hydrauliques, de faible course, servent à son orientation.

La machine creuse un tunnel rectiligne entre deux puits, celui du départ, base logistique du tunnelier, et celui d’arrivée. Comme dans le cas du fonçage, elle utilise une centrale de poussage, provoquant l’avancement du tunnelier. Au cours de la progression, l'effort de pénétration est transmis en tête par les éléments de canalisation, emboîtés (joints spéciaux) au fur et à mesure de l’allongement du tunnel. Deux ou quatre vérins principaux assurent l’avance par poussage.

* (essayée à 16 bars)

[Photo : Le poste de conduite.]
[Photo : Mise en place d'un tuyau.]
[Photo : Approvisionnement des tuyaux.]
[Photo : L'installation de chantier.]

Poussée et rotation de la tête permettent de creuser le sol. Les déblais passent alors dans un concasseur puis sont évacués par un circuit d’eau sous pression (dans le cas le plus usité du marinage hydraulique) ; le circuit de retour des boues aboutit dans des bacs de décantation, par le puits de travail. Les terres égouttées sont évacuées ensuite par camion.

La station-pilote guide le robot grâce à un faisceau laser matérialisant l’axe de la galerie. Toutes les informations concernant le positionnement et l’état du microtunnelier y aboutissent (pression en fond de taille, vitesses de rotation, écarts en profil, en long ou en travers...) et y sont enregistrées et exploitées en temps réel.

Types de canalisations

Bien que similaire au fonçage horizontal, le micro-tunnelage induit des différences notables, nécessitant la création d’un tuyau spécifique à cette technique. Celui qui a été réalisé spécialement par la société Bonna pour cette application est l’objet d’une « première » s’appuyant sur son expérience de pose « sans tranchée ». Les efforts de poussée de la colonne de tuyaux lors de la mise en place s’appliquent sur une section annulaire de béton relativement plus faible que celle de son tuyau classique sans âme en tôle. Cette application nouvelle a conduit à réaliser une série d’essais simulant en vraie grandeur, sur banc test, le comportement du tuyau lors de sollicitations extrêmes. Il a été ainsi mis en évidence que la tôle garantissant l’étanchéité de la conduite n’est pas sollicitée outre mesure lors de la compression du béton extérieur. De plus, ces essais ont permis de choisir et tester le matériau répartiteur (voile en bois).

Afin qu’au cours de la mise en œuvre des variations angulaires entre tuyaux soient possibles, les joints sont conçus de manière à offrir une souplesse suffisante lors de la phase de fonçage. Cette nécessité a également conduit à limiter la longueur unitaire des tuyaux, qui a été amenée à 2 m, ce qui s’est avéré comme un bon compromis.

Le fonçage terminé, le joint qui existe entre les tôles est soudé par l’intérieur. Des trous d’injection permettent alors la mise en place d’un mortier dans l’espace annulaire du joint afin d’assurer la passivation des tôles de l’about du côté extérieur. Le joint intérieur est alors réalisé en béton pour garantir la protection des tôles.

Il faut signaler qu’en vue de permettre d’utiliser le microtunnelier dans la pose de tuyaux où l’intervention humaine pour effectuer les soudures n’est pas possible, des tuyaux à âme en tôle d’un diamètre de 400 à 700 mm ont été mis au point, dont l’étanchéité est assurée par un joint en caoutchouc (le joint ER).

Sarcelles,un chantier innovant

C’est l’Entreprise Valentin qui a été chargée de réaliser ce chantier de microtunnelage, dans un environnement particulièrement difficile.

Le chantier se réalise en quatre tronçons comportant deux puits de poussée de 5 m de diamètre et quatre puits de sortie permettant la récupération du tunnelier et les raccordements.

Les abouts des tuyaux sont spécialement conçus pour absorber les efforts de poussée et assurer la pérennité de l’ouvrage après leur mise en place.

Il faut noter qu’en cas de rencontre d’obstacle imprévu ou de difficulté particulière, et quel que soit le type de canalisation utilisé, le microtunnelier Valentin peut faire marche arrière et même être retiré du sol en cas de besoin.

Une voie nouvelle

Force est de constater qu’à quelques exceptions près, et malgré l’intérêt que présente cette technique, le microtunnel est pour l’instant surtout utilisé en France pour l’exécution de travaux peu importants : passage des voies ferrées, d’autoroutes, de carrefours et de voies à forte circulation, voies d’eau, sous bâtiments ou jardins...

Parmi les avantages que présente le microtunnelier on peut citer :

  • la limitation de la gêne apportée aux riverains,
  • la suppression des contraintes d’accès aux commerces et aux habitations,
  • l’absence de bruit, de salissure, de poussière,
  • la sécurité des ouvriers et usagers (aucun engin mobile en surface),
  • le respect de l’environnement (passages en zones boisées, ...),
  • la fluidité du trafic,
  • la possibilité de programmation des travaux sans contraintes extérieures (de saison ou de déplacement de réseaux concédés...).

Outre le fait que l’ouverture anarchique de tranchées en milieu urbain représente un risque politique, les nuisances qui les accompagnent sont de moins en moins acceptées par les citadins. Aussi, bon nombre de responsables techniques, soucieux de la rentabilité globale de leurs projets incluent d’ores et déjà dans leurs estimations de pose de canalisations :

  • les coûts directs (montant des travaux),
  • les coûts induits : frais de déplacement de réseaux divers et de mobilier urbain, frais de signalisation et de jalonnement, indemnisation de perte d’exploitation,
  • les coûts « sociaux » : charges indirectes pour la communauté.

Même si les travaux de microtunnelage s’avèrent a priori plus onéreux que ceux exécutés à ciel ouvert, cette méthode devient ainsi, de par ses avantages indirects, tout à fait compétitive.

Cette technique innovante, moins agressive pour l’environnement urbain, devrait donc à coup sûr trouver un écho grandissant auprès des maîtres d’ouvrage concernés.

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