Plus efficace mais plus difficile d'emploi que le chlore, le dioxyde de chlore ne peut être transporté. Il est donc nécessaire de le produire directement sur le site de traitement. Soucieux de mettre en place une solution sécuritaire et à faible coût d'investissement, le SIAEP de Saint Genès de Lombaud - Madirac - Sadirac a opté pour un procédé de production innovant appelé DK-DOX. C?est ainsi le premier réseau d'eau potable à mettre en oeuvre cette technologie préalablement validée par l'AFFSA et homologuée par le Ministère de la Santé.
La société Nantaise des Eaux Services est délégataire depuis 2006 du service de distribution d’eau potable du SIAEP de Saint Genès de Lombaud - Madirac - Sadirac, situé en Gironde. L’eau distribuée sur le Syndicat est achetée à un Syndicat voisin puis stockée dans le réservoir du SIAEP où elle est désinfectée avant distribution. Soucieux de proposer à ses usagers « non seulement une eau potable mais aussi une eau buvable », comme aime à le répéter son président, M. Douence, le SIAEP a pris la décision en collaboration avec Nantaise des Eaux Services de changer de mode de désinfection, la désinfection en place à la Javel étant trouvée par les usagers d'un goût trop prononcé. Cette décision s'est concrétisée le 16 juin 2009 par la mise en service d’un traitement de désinfection innovant au dioxyde de chlore sur son réservoir d’eau potable de Saint-Genès de Lombaud.
Choix du procédé de désinfection
Suite à la décision du SIAEP de Saint Genès de Lombaud - Madirac - Sadirac de revoir son installation de désinfection, une réflexion a été engagée par le SIAEP et Nantaise des Eaux Services sur le choix d'un procédé adéquat, compte tenu des contraintes et attentes du Syndicat.
Le premier critère de choix a été le souhait d'une atténuation du goût de l’eau par rapport au traitement en place de rechloration à la Javel.
Deuxième critère de choix, le désinfectant choisi doit être suffisamment efficace et rémanent pour assurer la qualité biologique de l'eau en tout point du réseau de distribution, de type rural.
Enfin, la méthode de désinfection doit être adaptée aux faibles débits sur le Syndicat (100 m³/j en moyenne), et d'un coût d’investissement et d’exploitation raisonnable par rapport à l’assiette du service.
Au vu de ces critères et des caractéristiques des désinfectants utilisés en eau potable (cf. tableau 1), le Syndicat a fait le choix d’utiliser le dioxyde de chlore comme désinfectant, ce produit étant par ailleurs déjà utilisé avec de bons résultats par de nombreuses collectivités en Gironde.
Propriétés du dioxyde de chlore
Le dioxyde de chlore, de formule ClO₂, est un puissant désinfectant fréquemment utilisé pour le traitement de l'eau potable. Il est notamment employé pour la potabilisation de l'eau, la désinfection des réseaux exposés au risque légionelles, ainsi que dans de nombreuses industries, telle que
Tableau 1 : Comparaison des différentes méthodes de désinfection utilisées en eau potable
(d’après l’étude FNDAE n° 2 : domaine d’emploi des appareils de désinfection)
| Critères | Eau de Javel | Ozone | Chlore gazeux | Dioxyde de chlore | UV (λ = 254 nm) | Microfiltration |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Désinfectant actif | HClO/ClO- | O₃ | HClO/ClO- | ClO₂ | — | Filtration physique |
| Adaptation aux faibles débits | ||||||
| Bonne | Mauvaise | Mauvaise | Mauvaise pour les générateurs | |||
| Bonne pour le procédé DIOX | ||||||
| Bonne | — | — | — | — | ||
| Investissement | Faible | Important | Important | Moyen pour les générateurs | ||
| Faible pour le procédé DIOX | ||||||
| Moyen | Faible | |||||
| Entretien | Faible | Faible | Faible | Faible | Moyen | Important |
| Rémanence | Bonne | Quasi nulle | Bonne | Très bonne | Nulle | Nulle |
| Goût / odeur | Caractéristique | Faible | Caractéristique | Faible | Nulle | Nulle |
| Efficacité germicide | Bonne | Excellente | Bonne | Très bonne | Très bonne | Bonne |
| Formation de sous-produits | ||||||
| THM | Aldéhydes | THM | Chlorites et chlorates | Aucun | — |
Du fait de ses propriétés physico-chimiques, le dioxyde de chlore présente des atouts majeurs :
• Le dioxyde de chlore agit beaucoup plus efficacement que le chlore sur des micro-organismes ayant développé des mécanismes de résistances, tels que les protozoaires enkystés. À taux d’abattement égal, le produit CT (concentration appliquée par temps de contact) est significativement en faveur du dioxyde de chlore (cf. tableau 2).
Tableau 2 : Valeurs CT comparées pour l’inactivation de micro-organismes enkystés par le chlore et le dioxyde de chlore
| Micro-organisme | Chlore (mg·min/L) | Dioxyde de chlore (mg·min/L) |
|---|---|---|
| Giardia lamblia (kyste) | 15 – 150 | 26 |
| Giardia muris (kyste) | 30 – 630 | 7,2 – 18,5 |
| Cryptosporidium (kyste) | 7 200 | 78¹ |
¹ Pour un abattement de 90 %.
Les gammes de valeurs CT (produit de la concentration en biocide appliquée par le temps de contact) sont données pour un abattement de 99 % de la population de micro-organismes, à un pH compris entre 6 et 7 et à une température comprise entre 5 et 25 °C.
Il détruit également le film biologique fixé sur les parois internes des canalisations (plus de 99 % des micro-organismes présents dans les réseaux).
De par son mécanisme d’action plus sélectif que le chlore (cf. schéma 3), le dioxyde de chlore n’induit pas d’odeur ni de goût à l’eau traitée.
Soluble dans l’eau avec une limite de solubilité de 3,01 g/L à 25 °C, le dioxyde de chlore présente toutefois l’inconvénient majeur d’être un produit instable à l’air (limite d’explosivité à une concentration de 10 % dans l’air) et sensible à la lumière et à la température.
Pour ces raisons, la réglementation en vigueur interdit son transport et le dioxyde de chlore doit toujours être produit sur son lieu d’utilisation.
Une technologie innovante de production du dioxyde de chlore
À l’heure actuelle, trois familles de procédés de production de dioxyde de chlore sont autorisées en France pour la désinfection des eaux destinées à la consommation humaine.
Deux de ces types de procédés font appel à des réacteurs chimiques à flux continu, communément appelés « générateurs ». Ils produisent le dioxyde de chlore par action du chlore ou de l’acide chlorhydrique sur du chlorite de sodium.
Ces procédés nécessitent un investissement important et sont complexes à exploiter. Ils produisent généralement, en première étape avant dilution, du dioxyde de chlore à forte concentration, sous une forme gazeuse.
[Schéma 3 : Comparaison des mécanismes d’actions.]forme instable, ce qui induit des risques sécuritaires élevés.
Le troisième procédé, appelé DK-DOX, est issu de recherches menées à l’Université de Hanovre en Allemagne. Il est commercialisé en France par la société Aquasan 03, basée à Cestas (33) et homologué depuis 2006 par l’AFSSA et le Ministère de la Santé.
Ce procédé permet, par simple mélange de peroxodisulfate de sodium (encore appelé persulfate de sodium) sur du chlorite de sodium, de produire, sans nécessiter de réacteur, une solution de dioxyde de chlore directement injectable dans le réseau de distribution d’eau potable.
Le dioxyde de chlore DK-DOX est ainsi produit par batch avec des réactifs en quantités prédosées pour obtenir un rendement optimal et exclure toute erreur de manipulation.
Tableau 5 : Propriétés du dioxyde de chlore DK-DOX
| DK-DOX |
|---|
| Solution utilisable jusqu’à |
| Stabilité du produit : 2,83 mois après activation |
| Paramètres exogènes influant sur le rendement : néant |
| Paramètres endogènes influant sur le rendement : temps de réaction |
| Paramètres |
| Température |
| pH |
| Chlore libre |
| Chlore total |
| Dioxyde de chlore |
| Chloramines |
| Chlorites |
| Chlorates |
| THM |
| En sortie de réservoir : |
| 11 juin 2009 |
| 17,4 °C |
| 7,84 |
| 0,02 mg/L |
| 0,03 mg/L |
| < 0,04 mg/L |
| 0,01 mg/L |
| < 0,05 mg/L |
| < 50 µg/L |
| 0 µg/L |
| 7 juillet 2009 |
| 19,8 °C |
| 7,12 |
| 0,05 mg/L |
| 0,06 mg/L |
| 0,095 mg/L |
| 0,01 mg/L |
| 0,10 mg/L |
| < 50 µg/L |
| 0 µg/L |
| Sur le réseau (robinet école) : |
| 11 juin 2009 |
| 19,8 °C |
| 7,18 |
| < 0,02 mg/L |
| < 0,02 mg/L |
| < 0,04 mg/L |
| < 0,02 mg/L |
| < 0,05 mg/L |
| 150 µg/L |
| 0 µg/L |
| 7 juillet 2009 |
| 23,2 °C |
| 7,69 |
| 0,02 mg/L |
| 0,02 mg/L |
| 0,038 mg/L |
| 0,00 mg/L |
| 0,10 mg/L |
| < 50 µg/L |
| 0 µg/L |
Le produit obtenu, dont les caractéristiques sont décrites dans le tableau 5, se présente sous une forme stable, pour une sécurité optimale de l’installation. Il permet de disposer sur site d’un stock de désinfectant et d’assurer une continuité de traitement, sans risque d’arrêt lié à une panne de générateur.
Une installation simple
Une fois le choix du mode de désinfection effectué, l’installation du système de désinfection (cf. photo ci-dessus) a été réalisée par Nantaise des Eaux Services en collaboration avec la société Aquasan 03.
Le dispositif de désinfection au dioxyde de chlore a été installé sur le réservoir d’eau potable de Saint-Genès-de-Lombaud, où transite la totalité de l’eau distribuée sur le SIAEP, dans le local où se trouvait précédemment la désinfection à la Javel. L’installation mise en place permet de traiter 110 m³ d’eau par jour, à un taux d’injection d’environ 0,15 mg/L, conformément aux préconisations du plan Vigipirate (soit un équivalent en chlore de 0,30 mg/L, le dioxyde de chlore étant considéré comme présentant une efficacité biocide équivalente pour un produit CT – Concentration × Temps de contact – deux fois moindre).
Elle se compose de :
- • deux cuves de 100 litres en polyéthylène, permettant la préparation et le stockage du dioxyde de chlore, munies d’une bonde d’alimentation, d’un piquage de distribution avec raccord étanche et d’un évent relié de manière étanche par gaine à l’extérieur du local ;
- • un bac de rétention double fûts, en PEHD, équipé d’un caillebotis ;
- • une pompe doseuse de débit 0 à 2 L/heure (permettant d’injecter jusqu’à 0,5 mg/L de dioxyde de chlore en cas de problème sanitaire particulier), fixée sur un socle équipé d’un bac de rétention et asservie à l’ouverture de l’Hydrostab régulant le débit d’alimentation du réservoir ;
- • une armoire EPI installée à l’intérieur du local de traitement permettant en cas d’incident de disposer immédiatement des équipements de protection individuelle nécessaires (combinaison, sur-bottes, masque, gants), d’un dispositif rince-œil et d’un réducteur (acide disulfureux) permettant de neutraliser la solution de dioxyde de chlore en cas de fuite.
L’installation du matériel s’est faite sur une journée, et le changement de désinfectant a pu se dérouler dans la foulée, une fois l’installation terminée et les consommables livrés et activés.
Résultats
Au niveau analytique, les premiers résultats obtenus (cf. tableaux 6 et 7) montrent une bonne efficacité de la désinfection :
- • Le taux d’injection du dioxyde de chlore est d’environ 0,15 mg/L, avec un écart variable entre le taux d’injection et le taux mesuré en sortie de réservoir, probable
Tableau 7 : Analyses des taux en dioxyde de chlore
| Paramètres |
| ClO₂ – Taux en entrée de réservoir : 0,16 mg/L (17 juin 2009) ; 0,15 mg/L (19 juin 2009) ; 0,18 mg/L (26 juin 2009) ; 0,17 mg/L (30 juin 2009) ; 0,17 mg/L (7 juillet 2009) |
| ClO₂ – Taux en sortie de réservoir : 0,11 mg/L (17 juin 2009) ; 0,07 mg/L (19 juin 2009) ; 0,15 mg/L (26 juin 2009) ; 0,08 mg/L (30 juin 2009) ; 0,09 mg/L (7 juillet 2009) |
| ClO₂ – Taux en fin de réseau : 0,05 mg/L (17 juin 2009) ; 0,05 mg/L (19 juin 2009) ; 0,04 mg/L (26 juin 2009) ; 0,04 mg/L (30 juin 2009) ; 0,04 mg/L (7 juillet 2009) |
...ment dû aux variations du résiduel de chlore dans l’eau achetée au syndicat voisin.
• La rémanence du produit est bonne, avec la présence d’un résiduel de dioxyde de chlore systématique en fin de réseau (taux équivalent de 0,08 mg/L de chlore libre), ce qui garantit une bonne qualité biologique de l’eau distribuée.
• Les résultats démontrent que la présence d’un résiduel de chlore dans l’eau à traiter ne présente aucun problème quant à l’efficacité du traitement au dioxyde de chlore.
• Concernant les sous-produits de la désinfection, la référence de qualité sur le paramètre chlorite, égale à 0,2 mg/L, apparaît pleinement respectée sur l’ensemble du réseau.
La présence de chlorite dès la sortie du réservoir révèle que le dioxyde de chlore est en partie consommé dans celui-ci, du fait des microorganismes non détruits lors du traitement amont au chlore dans l’eau achetée ou du biofilm présent sur les parois du réservoir.
Concernant l’exploitation des ouvrages, le changement de dispositif de désinfection n’a pas entraîné de modification notable, le nouveau et l’ancien système étant très similaires au niveau fonctionnement. Les techniciens de Nantaise des Eaux Services intervenant sur site ont toutefois reçu une formation sur ce nouveau procédé, notamment au niveau de la sécurité, de manière à prévenir tout risque d’incident.
Enfin, au niveau des consommateurs, les usagers interrogés sur le changement de désinfectant ont noté une nette amélioration du goût de l’eau et se sont déclarés plutôt satisfaits.
L’amélioration du goût de l’eau a changé certaines habitudes de consommation : ainsi, certains abonnés qui buvaient de l’eau embouteillée sont revenus vers l’eau du robinet.

