Découvert en 1818 par le chimiste français Jacques Thénard, le peroxyde d'hydrogène est un composé qui présente l'avantage, lorsqu'il réagit ou se décompose, de générer de l'eau et de l'oxygène comme sous-produits. Oxydant ou réducteur selon ses conditions d'utilisation, le peroxyde d’hydrogène est un composé qui peut réagir, soit directement, soit sous forme activée. Les moyens d’activation sont multiples : catalyses homogène ou hétérogène, photolyse (génération de radicaux hydroxyles), couplage avec d'autres réactifs oxydants comme l'hypochlorite de sodium (génération d’oxygène singulet) ou l’ozone (génération de radicaux hydroxyles). Arkema est l’unique producteur français de peroxyde d’hydrogène. Troisième producteur mondial, exploitant notamment la plus grande unité de production européenne sur son site de Jarrie (Isère), Arkema commercialise le peroxyde d’hydrogène sous différents noms commerciaux — Albone®, Peroxal® et Valsterane® — dans les applications suivantes : blanchiment et désencrage de la pâte à papier, blanchiment des fibres textiles synthétiques ou naturelles, traitement de surface des métaux, traitements de l’eau et des gaz, industrie agro-alimentaire, cosmétiques, pharmacie, détergence, ainsi que de nombreuses applications dans le domaine de l'industrie chimique.
Les applications environnementales décrites dans cet article illustrent l'intérêt de ce réactif propre. Le peroxyde d’hydrogène est aujourd'hui en plein développement dans le domaine de l'environnement, en particulier dans l’épuration des eaux usées.
Quelques rappels
Albone® est un agent d’oxydation souple d’utilisation. Il est tout à fait compatible avec les contraintes environnementales, ses sous-produits étant l’eau et l’oxygène. Disponible à plusieurs concentrations (de 18 à 70 %), il contient des stabilisants dont le rôle est de minimiser la décomposition due à une contamination éventuelle. Ainsi, si toutes les précautions sont prises pendant le stockage et la manipulation, la concentration diminue.
[Photo : Albone® est un agent d'oxydation souple d'utilisation. Il est tout à fait compatible avec les contraintes environnementales, ses sous-produits étant l'eau et l'oxygène.]
de moins de 1 % après 1 an de stockage à 20 °C. Les facteurs de décomposition de ce réactif sont :
- La température : il est généralement admis que la vitesse de décomposition double tous les 10 °C. De plus, du fait de l'exothermicité de la réaction de décomposition, celle-ci s'auto-accélère.
- Le pH : les solutions sont très stables en milieu acide, elles sont donc généralement stabilisées à un pH inférieur à 3.
- Les métaux : la majorité des métaux, notamment le fer, le chrome, le manganèse, le cuivre, le nickel et le zinc catalysent la décomposition de ce réactif. Il ne doit donc pas être mis en contact avec ces matériaux, même à l'état de traces. Ceci ne concerne pas les aciers inoxydables contenant ces métaux en alliages, pour peu que ces matériaux aient été préalablement passivés.
- La lumière : la lumière augmente la vitesse de décomposition.
Ce réactif nécessite des précautions d'emploi au même titre que tout produit chimique, avec l’avantage de ne pas apporter de charges polluantes supplémentaires. Toutes les données concernant les matériaux compatibles avec ce réactif, les procédures de passivation des stockages et des canalisations, ainsi que les conseils pour le manipuler en toute sécurité sont rassemblés dans une fiche de données de sécurité.
L'épuration des eaux usées
Albone®, dont les grades à 35 et 50 % sont plus particulièrement destinés aux applications environnementales, est un réactif utilisé pour épurer les eaux usées, urbaines ou industrielles. Il peut agir de deux façons différentes :
- par oxydation directe des sulfures, sulfites, nitrites et un grand nombre de composés organiques ou minéraux. La DCO (demande Chimique en Oxygène), la DBO (Demande Biologique en Oxygène) et le COT (Carbone Organique Total) peuvent être réduits de cette façon.
- par apport, lors de sa dégradation, d'oxygène disponible pour les microorganismes, ce qui facilite ainsi la biodégradation de nombreux polluants. Appliqué à des doses plus élevées, il permet par l'intermédiaire d'un « stress oxydant » sur les bactéries de diminuer le volume des boues d'épuration biologique, et de combattre les bactéries filamenteuses.
Élimination des composés soufrés
Les composés soufrés (dont le sulfure d'hydrogène et les mercaptans) posent d'importants problèmes dans les stations d'épuration des eaux usées. Ils peuvent être éliminés par ce réactif.
Le sulfure d'hydrogène (H₂S) est une source fréquente de problèmes dans le traitement des eaux usées en raison de son odeur (détectable à quelques parties par milliard ou ppb), de sa toxicité et de sa corrosivité. Par ailleurs, il favorise le développement de bactéries filamenteuses (Thiothrix, Beggiatoa) qui perturbent les performances des stations d'épuration. Enfin, le sulfure d'hydrogène peut être généré lors de la conversion de sulfates dans des conditions anaérobies, en particulier dans les collecteurs d'eaux usées et dans les bassins en période estivale (fortes charges en DCO et DBO). Albone® réagit avec le sulfure d'hydrogène dans tous les domaines de pH (acide, neutre ou alcalin). La réaction peut être accélérée en augmentant la température ou par addition d'un catalyseur (fer ferreux). À température ambiante, la réaction est complète en quelques minutes. En fonction du pH, la stœchiométrie de la réaction et la nature des sous-produits varient :
- à pH acide et neutre, la réaction est la suivante : HS⁻ + H₂O₂ ⇒ S + 2 H₂O. Dans ce cas, 1 gramme de sulfure d'hydrogène est détruit par 2,6 grammes d'Albone® 35 %, mais les autres polluants contenus dans les eaux usées peuvent légèrement augmenter cette consommation.
- à pH alcalin (> 8), la réaction est la suivante : Na₂S + 4 H₂O₂ ⇒ Na₂SO₄ + 4 H₂O. Dans ce cas, 1 gramme de sulfure d'hydrogène est détruit par 10 grammes d'Albone® 35 %.
Aération d’appoint des bassins de boues activées
En période estivale ou lors d'épisodes de fortes charges en DCO et DBO, la demande en oxygène des bassins de boues activées peut dépasser la solubilité naturelle de l'oxygène dans l'eau (environ 8 mg/L). Il en résulte alors des conditions anaérobies qui perturbent le bon fonctionnement des stations (mauvais rendement d’abattement de la DCO/DBO, apparition de sulfures, développement de bactéries filamenteuses). Ce réactif permet d’accélérer les processus biologiques naturels ou d’éviter les périodes d'anaérobie en apportant, lors de sa décomposition, de l’oxygène aux bactéries. Un apport de 1 mg/L d'oxygène dans 1 mètre cube d’eau est réalisé par environ 6 grammes d'Albone® 35 %.
Réduction de DBO/DCO/COT
Ce réactif permet de réduire la DBO, la DCO et le COT des eaux usées. En effet, de nombreux composés organiques, parmi lesquels les phénols, alcools, aldéhydes et amines, sont présents dans les eaux résiduaires urbaines et industrielles. Il peut être utilisé directement ou dans le cadre d'un procédé avancé d’oxydation, en combinaison avec un catalyseur (fer ferreux, procédé Fenton), les rayons UV ou l’ozone. Ces procédés consistent en la formation de radicaux hydroxyles dont le potentiel d’oxydation est proche de celui du fluor, le plus oxydant des éléments chimiques. De très faible durée de vie, les radicaux hydroxyles réagissent avec les composés organiques qu’ils détruisent pour former des composés plus légers et biodégradables ou de l'eau et du dioxyde de carbone (oxydation complète). L’utilisation de
ce réactif peut être envisagé pour la réduction de la DCO dite “dure”.
Élimination des bactéries filamenteuses/bactéries sulfato-réductrices
Comme indiqué précédemment, ce réactif permet de lutter contre les causes biologiques de mauvais fonctionnement des stations d’épuration. En effet, le manque d’aération, le manque de nutriments, les apports d'effluents toxiques et l'âge des boues conduisent souvent à un fonctionnement insatisfaisant des stations. L'un des symptômes les plus fréquents de ces dysfonctionnements est l'apparition de bactéries filamenteuses (notamment Thiothrix, Gordona amarae, Haliscomenobacter hydrossis, Microthrix parvicella et Sphaerotilus natans) et de bactéries sulfato-réductrices (BSR).
Le traitement consiste en une injection continue qui permet l’oxydation des sulfures qui sont la source de nutriment de la plupart de ces bactéries. Pour celles qui ont un métabolisme non basé sur les sulfures, le réactif peut être ajouté en continu dans les boues circulantes, à un taux de traitement de quelques dizaines de mg/L pendant quelques jours.
Réduction des boues
Le traitement des eaux usées est en grande partie effectué par des stations d’épuration biologique. Or, les normes relatives aux boues produites lors de ce traitement sont de plus en plus exigeantes.
La filière d’épandage des boues de station d’épuration mixte tend à disparaître, d’où un coût de traitement des boues de plus en plus élevé.
L’injection d’Albone® dans les bassins, à un taux de traitement et en un point d’injection appropriés, permet de modifier les phénomènes biologiques s'y déroulant.
La conséquence de ce “stress oxydant” est, à performances d’épuration équivalentes, une réduction de la production de boues pouvant atteindre 40 %. Cette diminution significative apparaît rapidement après le début de l’injection (1 à 3 semaines).
Désodorisation
Les odeurs sont généralement un mélange complexe de multiples composants. Dans le domaine de l’épuration des eaux usées, on trouve aussi bien des composés acides (sulfure d’hydrogène, mercaptans, phénols, aldéhydes, acides gras) que des composés alcalins (ammoniac, amines).
Les odeurs peuvent être traitées efficacement par ce réactif, en milieu acide ou en milieu alcalin, après absorption dans une tour d’abattage.
L'utilisation de ce réactif permet d’obtenir un effluent qui ne nécessite pas de traitement ultérieur.
Conclusions
Albone®, solution concentrée de peroxyde d'hydrogène, est l'un des agents d’oxydation les plus souples, les plus efficaces et le plus respectueux de l'environnement. Sa simplicité de mise en œuvre a permis son développement dans de nombreux domaines. Il a ainsi de nombreuses applications dans l’épuration des eaux usées : élimination des composés soufrés (et notamment du sulfure d'hydrogène), aération d’appoint des bassins, abaissement de la DCO, élimination des bactéries filamenteuses ou sulfato-réductrices, réduction des volumes de boues d'épuration biologique et désodorisation des gaz.
Il constitue une solution efficace, simple, et économique qui n’ajoute que de l'eau et de l’oxygène à l'effluent traité. Il permet ainsi aux exploitants d’améliorer le fonctionnement des stations d’épuration, dans le respect de contraintes réglementaires sans cesse plus sévères.
Ces conditions de manipulation et de stockage nécessitent de respecter certaines règles d'usage, qui ne sont pas plus contraignantes que celles d'autres réactifs utilisés dans les stations d’épuration (soude, Javel, coagulants minéraux).
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