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Une innovation parmi les procédés d'élimination de la DCO dure. L'ozonation catalytique

28 février 2003 Paru dans le N°259 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Florence PONTLEVOY, Nathalie-karpel-vel LEITNER et Bernard LEGUBE

La problématique de la DCO dure est à l'ordre du jour. Des solutions techniques telles que l'osmose inverse, l'évaporation ou le charbon actif sont souvent utilisées bien que ce soient avant tout des techniques séparatives. Les traitements tertiaires d'oxydation sont considérés efficaces mais onéreux. Le nouveau procédé d'ozonation catalytique proposé par Technavox est une alternative novatrice dans ce domaine, tant sur le plan technique qu'économique. L?application de ce procédé d'ozonation catalytique offre la possibilité de minéraliser les composés organiques des effluents avec une consommation en oxydant nettement plus faible qu'avec une technique conventionnelle. C?est une solution technique flexible et simple à mettre en oeuvre dans de nombreuses industries qui se trouvent confrontées à l'augmentation du coût du traitement de leurs déchets.

À l’occasion de l'application par les États membres de l'UE de la Directive Cadre Européenne pour l'Eau (2000/60/CE), les normes de rejets vont devenir encore plus sévères. Les installations importantes sont souvent équipées de stations d’épuration permettant un abattement compris entre 70 % et 80 % sur les matières oxydables. Ainsi, les rejets en DCO actuellement constatés correspondent très souvent au talon de DCO dure qu'il est difficile d’éliminer dans des conditions technico-économiques satisfaisantes. Les industries les plus concernées sont le traitement de surface, la chimie pharmacie, les produits phytosanitaires, les lixiviats, les textiles, tannerie, les papeteries (incluant le recyclage des vieux papiers), l’agro-alimentaire.

La traitabilité de la DCO dure pose donc encore des problèmes à résoudre dans de nombreux cas. Des solutions techniques telles que l’osmose inverse, l’évaporation ou le charbon actif sont souvent utilisées bien que ce soient avant tout des techniques séparatives. Les traitements tertiaires d’oxydation sont considérés efficaces mais onéreux. Une attente pour un procédé ayant pour but d’abattre la DCO mais avec un coût d'exploitation nettement inférieur aux procédés d’oxydation existants est réelle. Le développement d'un procédé permettant de recycler des eaux en éliminant les charges organiques réfractaires tout en évitant la formation de boues semble une approche séduisante. En effet, de cette façon on valorise les effluents industriels.

[Encart : Objectifs : - élimination de la DCO dure - faible consommation d'ozone - flexibilité de fonctionnement Principe : - réacteur triphasique à lit fluidisé - catalyseur poudre - conservation du catalyseur par un système de recirculation]
[Photo : Schéma de principe du procédé d’ozonation catalytique]

Un procédé d’oxydation avancée répondant à ces attentes a vu le jour dans un laboratoire du CNRS, le Laboratoire de Chimie de l’Eau et de l’Environnement (LCEE), qui a breveté cette configuration. Il s’agit d’un procédé d’oxydation catalytique par l’ozone visant à minéraliser les composés organiques des effluents avec une consommation en oxydant nettement plus faible qu’avec une technique conventionnelle. Ce procédé fait l’objet d’un projet de valorisation par l’entreprise Technavox. En phase de développement, le projet de création de Technavox est actuellement soutenu par l’Incubateur Régional Poitou-Charentes. L’originalité de cette technologie réside dans l’association de l’ozone et d’un catalyseur d’oxydation en poudre stable pour minéraliser à température ambiante la matière organique avec des performances d’oxydation supérieures et une consommation en ozone beaucoup plus faible que par un traitement d’ozonation conventionnel. Elle permettra par conséquent de traiter des eaux chargées pour un rejet en milieu naturel ou un recyclage.

Outre la valorisation du procédé d’ozonation catalytique, le métier de Technavox est de réaliser pour les industriels :

  • des études de faisabilité,
  • des essais sur site,
  • le dimensionnement d’unités,
  • la réalisation de petits systèmes,
  • la production de catalyseurs et une partie de R&D.

Les particularités et avantages à attendre du procédé d’oxydation catalytique par l’ozone sont les suivantes :

  • diminution de la consommation d’ozone par 2 ou 3 par rapport à un traitement d’oxydation conventionnel à l’ozone,
  • performance très supérieure du traitement : minéralisation des polluants organiques même classiquement réfractaires aux oxydants,
  • mécanisme réactionnel non exclusivement radicalaire,
  • mise en œuvre simple, flexibilité importante de fonctionnement,
  • coût global d’investissement et d’exploitation nettement inférieur au procédé d’oxydation conventionnel à l’ozone.

Le principe de ce procédé

Les réacteurs triphasiques à catalyseur hétérogène utilisés le plus souvent industriellement sont à lit fixe à écoulement co-courant ascendant. Cette configuration impliquant cependant le problème d’une forte attrition des catalyseurs, le choix d’un écoulement à contre-courant peut aussi être fait. Dans tous les cas, la dimension des particules de catalyseur doit être plus importante que celles admises dans les réacteurs à lits fluidisés. Or des études antérieures réalisées au LCEE ont montré que pour cette application l’augmentation de la taille des particules défavorisait fortement l’activité d’oxydation catalytique du système.

De ce fait, pour améliorer les transferts fluide-solide, ce procédé a été mis en œuvre dans un réacteur triphasique à lit fluidisé avec un catalyseur de granulométrie très fine (inférieure à 200 µm). La réaction est réalisée à température et pression ambiantes. La figure 1 décrit le principe du procédé employé. Ce système est constitué de deux éléments majeurs : le réacteur parfaitement agité contenant le catalyseur en poudre en suspension et le système de diffusion du gaz oxydant (oxygène ozoné) ; une boucle de recirculation permettant la séparation catalyseur-effluent traité et la conservation du catalyseur dans l’enceinte réactionnelle.

L’ozone est produit sur place à partir d’oxygène pur. Une étude de faisabilité permet de fixer les valeurs de différents paramètres dont la concentration en catalyseur. Les paramètres réglables en cours de traitement sont la production d’ozone et le temps de contact, c’est-à-dire le débit traité, ce qui permet d’adapter le traitement à une variation de concentration et de débit de l’effluent. Ceci peut être fait par un pilotage automatique à l’aide d’un système de régulation. Dans le cas de petites installations (petits débits), un traitement batch peut être possible ne nécessitant alors plus de système de séparation continu avec recirculation.

Le système de séparation fluide-catalyseur peut être tout système de filtration adapté, un séparateur, un décanteur. Il doit permettre de conserver le catalyseur dans le réacteur tout en laissant passer tous les éventuels colloïdes non traités par l’ozone de taille inférieure au catalyseur.

Le catalyseur est stable dans la durée en terme de structure et d’efficacité de traitement. Son activité n’est pas influencée par la présence de composés inorganiques.

[Photo : Procédé d’ozonation catalytique]
[Photo : Figure 2 : Pourcentage d'abattement en COD et DCO dans le cas des tests réalisés avec et sans catalyseur ; consommation d’ozone en g par g de DCO éliminé]

En fonction des caractéristiques chimiques et du débit de l’effluent, sa fréquence de remplacement peut typiquement aller de 6 à 24 mois.

Mécanisme d'action

L’utilisation de notre catalyseur induit une action à la fois sur la cinétique et la thermodynamique de la réaction d’oxydation par l’ozone.

L’oxydation par l’ozone des matières organiques se faisant à la surface du catalyseur, la cinétique de la réaction d’oxydation est accélérée par rapport à une action directe de l’ozone. Le catalyseur utilisé permet aussi une réaction d’oxydation des molécules non oxydables par de l’ozone seul, avec un mécanisme réactionnel non radicalaire.

Par conséquent, ce système permet une diminution par 2 ou 3 de la consommation d’ozone et une amélioration d’au moins 15 % de l'abattement de la DCO par rapport à un traitement conventionnel.

Applications

L’ozonation catalytique peut être utilisée en traitement tertiaire dans un objectif de remise aux normes de rejet. Cela peut être une alternative aux traitements physico-chimiques et à l'adsorption sur charbon actif. Il peut aussi avoir pour objectif de recycler les eaux. Utilisé en traitement secondaire ou directement associé au process, son rôle peut être d’éliminer des toxiques avant un traitement biologique. Il est possible de traiter des eaux de papeterie, textile, traitement de surface, chimie, mécanique…, avec des DCO initiales pouvant aller jusqu’à 20 g/L.

On peut s’attendre, dans ces cas de figure, à obtenir des taux d’abattement de DCO de 0,3 à 4 5 kg/m³/h, avec une consommation d’ozone allant de 1 à 3 g/g de DCO éliminé, soit 2 à 3 fois moins qu’avec l’ozone seul.

Économies réalisables

Avant tout, l’ozonation catalytique peut être utilisée en traitement tertiaire pour s’affranchir d’un rejet raccordé au réseau au profit d’un rejet en milieu naturel.

Les économies réalisées par l'utilisation de ce procédé diffèrent d'une application à l'autre en raison de leur spécificité. Les principales économies portent sur la diminution du coût de fonctionnement due à la forte diminution de la consommation en ozone (consommation en électricité et en oxygène plus faible). Cela va aussi baisser sensiblement le poste investissement (taille des cuves, capacité de l’ozoneur).

L’ozonation catalytique permet de faire des économies sur la consommation d’eau dans le cas d'un traitement permettant le recyclage.

Études de cas

  • * Cas 1 : traitement tertiaire, avec un objectif de recyclage de l’eau pour un effluent de papeterie

Cette eau a été traitée par une ozonation conventionnelle. En parallèle, le nouveau procédé d’ozonation catalytique a été mis en place dans les mêmes conditions. Les valeurs de pourcentage d’élimination de la demande chimique en oxygène (DCO) et du carbone organique dissous (COD) sont représentées figure 2.

Après 1 h de traitement, au regard des abattements obtenus pour ces paramètres, il est possible d’envisager l'utilisation de ce nouveau procédé pour le recyclage de cette eau.

  • * Cas 2 : traitement tertiaire, pour un rejet en réseau d'un effluent de traitement de surface

Avec une DCO initiale de 3 g/L, cet effluent s’est avéré totalement réfractaire à l’action de l'ozone dans une mise en œuvre conventionnelle. L'utilisation du procédé d’ozonation catalytique a permis, avec 0,5 g/L de catalyseur et une consommation de 3 g d’ozone par g de DCO éliminée, de le rendre totalement biodégradable, le rapport DCO/DBO étant alors égal à 1.

  • * Cas 3 : traitement secondaire, élimination de la DCO dure d’un effluent de chimie (produits phytosanitaires)

Cet effluent a une DCO initiale importante qui est composée de molécules organiques biodégradables et réfractaires. L’utilisation du nouveau procédé aboutit, après 2 h de traitement, à un abattement de la DCO de 63 % (tableau 1) pour une faible consommation d’ozone (0,7 g/g DCO). Par rapport à une technique conventionnelle de traitement par ozone, le procédé d’ozonation catalytique permet de multiplier par 2 l’abattement de la DCO et de diviser par 4 la consommation d’ozone. L’utilisation de cette technique en traitement secondaire est alors envisageable.

Tableau 1 : résultats de traitement de l'effluent de chimie
DCO initiale : 11,7 g/L – Temps de contact : 2 h
% abattement de DCO : 63 %
Taux d’élimination de la DCO : 7,7 g/L/h
Consommation d’ozone : 0,7 g/g DCO

Conclusion

Le procédé d’ozonation catalytique développé par Technavox et le LCEE constitue une nouvelle technologie qui offre la possibilité de résoudre dans de nombreux cas le problème de l’élimination de la DCO. L’originalité de ce procédé est d’utiliser un catalyseur en poudre pour accélérer et améliorer la réaction d’oxydation des polluants organiques tout en diminuant la consommation d’ozone. Grâce à sa structure, ce système conserve son efficacité de traitement au cours du temps. Son intérêt est de rendre les procédés d’ozonation capables de traiter des eaux chargées en DCO dure avec un coût très compétitif. Cette capacité d’adaptabilité lui permet de traiter des effluents organiques très divers.

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