Your browser does not support JavaScript!

Utilisation de champignons filamenteux en station d'épuration

30 novembre 2010 Paru dans le N°336 à la page 145 ( mots)
Rédigé par : Carmen LAPADATESCU, Emmanuel BARBE et Yves COUDURIER

Cet article est consacré à la biodégradation d'effluents de l'industrie du sucre par des champignons à partir d'un cas concret et avec une validation des résultats. L?utilisation de ces microorganismes spécifiques a permis un gain significatif sur le rendement en DCO (demande chimique en oxygène) de l'étage aérobie post méthanisation (progression de 43 à 62 %), mais également une diminution des coûts d'exploitation : aération et volume de boues produites (réduction de 42 %). Le bilan de l'essai est réalisé après une période significative de traitement de 20 mois. Les résultats ont été validés et confirmés par la raffinerie Saint Louis Sucre et montrent que l'utilisation de champignons dans le traitement des effluents est un procédé très efficace. Le traitement doit bien entendu être approprié aux caractéristiques de la station d'épuration.

Le bilan de l'essai est réalisé après une période significative de traitement de 20 mois. Les résultats ont été validés et confirmés par la raffinerie Saint Louis Sucre et montrent que l'utilisation de champignons dans le traitement des effluents est un procédé très efficace. Le traitement doit bien entendu être approprié aux caractéristiques de la station d'épuration.

Le domaine des biotechnologies blanches est un secteur d'activité qui consiste en l'emploi de systèmes biologiques dans un but industriel pour la fabrication, la transformation ou la dégradation de molécules grâce à des procédés enzymatiques ou de fermentation. Les biotechnologies blanches sont utilisées comme alternative aux procédés chimiques classiques dans un souci économique et environnemental.

Ainsi, grâce à ses compétences et savoir-faire dans le domaine des biotechnologies (y compris des biotechnologies blanches), Naturatech développe, produit et commercialise des produits biologiques naturels (principalement des champignons, mais aussi des levures et des bactéries) avec des applications industrielles diversifiées (agroalimentaire, chimie, papeterie, traitement des eaux, ...).

Naturatech s'est orienté vers le développement des champignons compte tenu de leur potentiel biologique qui leur permet de dégrader des composés complexes y compris ceux présents dans les eaux usées. Grâce à sa capacité d'adaptation aux conditions environnementales puis à son arsenal enzymatique diversifié, la flore fongique joue un rôle prépondérant dans l'épuration.

Les champignons et en particulier ceux...

Mots clés : traitement biologique ; champignon ; économie d'énergie ; réduction du volume de boues ; respect de l'environnement ; solution alternative naturelle ; efficacité ; rentabilité

de la pourriture blanche (Phanerochaete chrysosporium, Bjerkandera adusta, Ischnoderma benzoinum, …), présentent un intérêt tout particulier puisqu’ils possèdent le matériel enzymatique (aryl-alcool oxydase, laccase, lignine peroxydase, manganèse peroxydase, …) nécessaire à la dégradation de la lignine, des composés phénoliques ou non phénoliques en les minéralisant en CO₂ et H₂O. D'autres champignons tels que les deutéromycètes : Aspergillus, Penicillium, Geotrichum et Trichoderma, sont aussi aptes à dégrader des molécules telles que polysaccharides, protéines ou matières grasses grâce à un système enzymatique comprenant des protéases, xylanases, cellulases ou lipases. Ce sont ces propriétés qui sont exploitées par Naturatech pour assimiler et biodégrader les polluants contenus dans les effluents à travers son procédé Optibiom®. L'utilisation du procédé Optibiom® peut être définie comme une approche par bioaugmentation fongique. En effet, ce procédé repose sur un mélange de champignons permettant une dégradation spécifique de l’effluent à traiter. La mise en place du traitement avec le procédé Optibiom® constitue donc une réponse environnementale hautement spécifique et adaptée sans modification des filières eau et boues.

Description des installations

Les produits Naturatech ont fait leur preuve in situ dans les stations d’épuration avec des résultats tangibles et validés sur différents composés à dégrader. Un des exemples de réussite de ces produits est leur utilisation dans la station d’épuration des eaux de process de la raffinerie Saint Louis Sucre (vue générale du site figures 1 et 2).

[Photo : La raffinerie Saint Louis Sucre à Marseille.]

Implantée depuis 1850 dans le quartier Saint-Louis à Marseille, l'usine Saint Louis Sucre raffine 200 000 tonnes de sucre de canne et conditionne sous différentes formes (secs et liquides) pour la grande distribution, la restauration hors foyer et l’industrie. Le site emploie 190 salariés permanents.

Caractéristiques de la station d’épuration Saint Louis Sucre à Marseille

Filières eau et boues :

  • – Bassin tampon de 1000 m³ (agité) ;
  • – Bassin de neutralisation de 12 m³ (régulation pH 7,5) ;
  • – Réchauffage de l’effluent à 34 °C ;
  • – Apport de phosphates, d’azote et d’oligoéléments en fonction des besoins en tête de l’étage anaérobie ;
  • – Étage anaérobie qui abat en moyenne 77 % de la charge de la station ;
  • – Étage aérobie (boues activées à 3 g MS/l) ;
  • – L’oxygénation est pilotée par consignes sur des plages d’aération ;
  • – Décantation lamellaire des boues ;
  • – Extraction des boues puis épaississement avant enlèvement ;
  • – Rejet des eaux traitées vers la station municipale de Marseille ;
  • – Volume traité : 340 m³/j ;
  • – Flux DCO entrée étage anaérobie : 1334 kg/j ;
  • – Flux DCO entrée étage aérobie : 309 kg/j ;
  • – Flux MES (matières en suspension) entrée étage biologique : 80 kg/j.

La marche en continu de la raffinerie depuis août 2009 engendre un volume d’effluent à traiter plus important.

Afin d’améliorer les rendements d’épuration et la qualité des rejets, Naturatech et Saint Louis Sucre se sont fixés les objectifs suivants :

  • – Amélioration des rendements sur la DCO ;
  • – Respect des normes de rejet sur la DCO : 300 mg/l ou 240 kg/j ;
  • – MES : 100 mg/l ou 80 kg/j ;
  • – Économies d’exploitation.

Bilan du traitement fongique Optibiom®

Après 20 mois de traitement, le bilan de l'utilisation de l’Optibiom® a montré des résultats concrets. Compte tenu de la composition des effluents du site, le produit

[Photo : L’étage aérobie est constitué d’un bassin d’aération à boues activées (cultures libres aérobies). La station d’épuration avec l’étage anaérobie au premier plan puis l’étage aérobie (bassins couverts).]

Optibiom® est préconisé par sa richesse en Geotrichum et surtout Trichoderma, champignons dont les enzymes sécrétées (surtout les xylanases et les cellulases) sont spécifiques et ciblées par rapport à la dégradation des sucres simples et complexes (polymères). La vue microscopique (spores et mycélium) du champignon Trichoderma utilisé est présentée ci-dessous.

[Photo : spores et mycélium du champignon Trichoderma]

Le traitement a été mis en route en septembre 2008. Le produit est injecté quotidiennement dans le bassin d’aération. Les résultats sont comparés par rapport à une période sans bioaugmentation fongique (de septembre 2007 à août 2008).

Ainsi, le comparatif avec la période de traitement (de septembre 2008 à avril 2010) a montré les résultats suivants (la marche en continu de la raffinerie depuis août 2009 a engendré un volume d’effluent à traiter plus important) :

[Figure : Graphique 1 – Mise en route traitement Optibiom®] [Figure : Graphique 2 – Mise en route traitement Optibiom®]

Les figures correspondant au rendement DCO étage aérobie, flux DCO entrée/sortie étage aérobie et mesure de l’oxygène étage aérobie sont présentées ci-dessous.

Le graphique 1 montre l’évolution du rendement de l’étage aérobie concernant la DCO. Celui-ci a progressé rapidement après la mise en œuvre du traitement Optibiom® pour se stabiliser au-dessus de 60 %.

Le graphique 2 montre l’évolution des flux quotidiens concernant la DCO de l’étage aérobie.

Période sans traitement Période de traitement Évolution
Volume entrée station m³/j 286 336 +17 %
Flux DCO entrée étage aérobie kg/j 186 277 +49 %
Flux MES entrée étage aérobie kg/j 45 69 +53 %
Flux DCO sortie finale (égout) kg/j 106 104 −2 %
Flux MES sortie finale (égout) kg/j 24 21 −12 %
Rendement DCO étage aérobie % 43 62 +44 %

Le rendement DCO de l’étage aérobie est calculé entre le flux DCO admis sur l’étage aérobie et le flux DCO rejeté vers la station municipale de Marseille (sortie finale).

Depuis la marche en continu de la raffinerie (août 2009), les flux entrants (courbe bleue) sont en nette hausse. Le traitement Optibiom® a permis de maîtriser les flux sortants évacués dans le réseau d’assainissement de la ville de Marseille (courbe rose).

Autres indicateurs :

  • Baisse de l’indice de Mohlman de 181 à 166 ml/g ;
  • pH en sortie station : stable à 8,3 ;
  • Mesure oxygène diminuée de 2,6 à 1,5 mg O/l ;
  • Production de boues : évolution de 1,06 à 0,61 kg MS/kg DCO abattue, soit une réduction de 42 %.
[Figure : Graphique 3 – Mise en route traitement Optibiom®]

Le graphique 3 montre l’évolution de la concentration en oxygène dissous résiduel de l’étage aérobie. Le traitement Optibiom® a permis une réduction de l’aéra-

…tion avec une amélioration des rendements épuratoires.

Conclusions

Après une période de traitement de 20 mois, la pérennité de la bioaugmentation fongique est confirmée et validée.

Malgré une hausse de la charge admise sur l’étage aérobie (DCO et MES), les niveaux de rejet ont été améliorés.

La hausse du rendement épuratoire sur la DCO a été constatée rapidement après la bioaugmentation fongique pour se maintenir à 62 % contre 43 % auparavant, avec une hausse de la charge entrante de 49 % (DCO). La consommation énergétique est optimisée, de même que la production de boues qui a été fortement réduite depuis la mise en route du traitement (diminution de 42 %).

Le produit apporte également une meilleure stabilité de fonctionnement de l'installation. La mise en œuvre de la technologie développée par Naturatech, en utilisant des microorganismes spécifiques, a permis un gain qualitatif (rendements épuratoires) et également quantitatif (économies d’exploitation) pour la raffinerie Saint Louis Sucre.

Les biotechnologies constituent une alternative efficace aux procédés chimiques classiques tout en apportant une solution économique et respectueuse de l’environnement.

[Encart : Références bibliographiques * Bourbonnais, R., Paice, M. G., Reid, I. D., Lanthier, P. et Yamaguchi, M. (1995). Lignin oxidation by laccase isoenzymes from Trametes versicolor and role of the mediator 2,2'-azinobis (3-ethylbenzthiazoline-6-sulfonate) in kraft lignin depolymerization. Appl. Environ. Microbiol., 61 : 1876-1880. * Gutierrez, A., Caramelo, L., Prieto, A., Martinez, M. J. et Martinez, A. T. (1994). Anisaldehyde production and arylalcohol oxidase and dehydrogenase activities in ligninolytic fungi of the genus Pleurotus. Appl. Environ. Microbiol., 60 : 1783-1788. * Higuchi, T. (1990). Lignin biodegradation : biochemistry and biodegradation. Wood Sci. Technol., 24 : 2363. * Vitikainen, M., Arvas, M., Pakula, T., Oja, M., Penttilä, M. et Saloheimo, M. (2010). Array comparative genomic hybridization analysis of Trichoderma reesei strains with enhanced cellulase production properties. BMC Genomics 2010, 11 : 444]
[Publicité : Naturatech]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements