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Utilisation de la technologie EDR (electro dialyse reverse) pour le traitement de l'eau potable. Cas de la ville de Barcelone

30 novembre 2007 Paru dans le N°306 à la page 115 ( mots)
Rédigé par : Nicolas PEQUIGNOT et Jean-bernard RIGAUDEAU

En raison d'une qualité d'eau de surface dégradée alimentant l'unité de production d'eau potable, ATLL a engagé une étude pour introduire la technologie membranaire EDR afin de réduire la salinité de cette eau et limiter ainsi la formation de THM (TriHaloMéthane). Après un essai pilote de 28 mois, ATLL a choisi la technologie EDR (Électrodialyse à Inversion de polarité) de GE Water & Process Technologies pour produire plus de 250.000 m3/jour.

Les rivières Llobregat et Ter permettent d’alimenter en eau potable les 4,5 millions d’habitants résidant dans la métropole de Barcelone. ATLL, une compagnie publique espagnole, est en charge de l’exploitation du système de prétraitement et de distribution d’eau (950.000 m³/j) des 110 municipalités via les 1.340 km de conduites.

Contexte

L’usine de Llobregat DWTP produit jusqu’à 260.000 m³ d’eau potable par jour en utilisant de l’eau de surface. La rivière Llobregat a un débit lent et irrégulier. Des problèmes de qualité (salinité élevée) sont constatés avec de fortes concentrations en sulfates, baryum, strontium, sodium, calcium, potassium, chlorures et bromures. L’exploitation d’une mine de potasse depuis les années 1920 a également été un facteur important. Le drainage de ces surfaces a contribué à accroître cette salinité.

Ainsi, la qualité de l’eau traitée au niveau de la station de prétraitement Llobregat est très chargée en ces différents ions. De plus, de nombreux problèmes sont associés avec l’accroissement des micropolluants et aux

[Photo : Figure 1. Principes de l’électrodialyse.]

Les développements microbiologiques liés aux rejets industriels et urbains engendrent des arrêts de production fréquents, certains pouvant atteindre plusieurs heures. Comme autre conséquence, les concentrations importantes en ions bromure (de 0,5 à 1,2 ppm), les contaminations en matière organique (MO) et la température induisent la formation de THM (TriHaloMéthanes) après chloration. Les THM représentent la somme des concentrations de chloroforme, bromoforme, bromodichloroforme et dibromochlorométhane. La valeur maximale admissible dans l’eau d’alimentation est de 150 µg/l ; cette valeur provisoire va être réduite à 100 µg/l au 1ᵉʳ janvier 2009.

Éliminer les précurseurs de THM avant la chloration peut s’effectuer classiquement via les techniques de coagulation ou d’adsorption. Bien que l’ensemble des matières organiques ne soit pas éliminé, cela permet de réduire les concentrations en THM. Parce que ni la coagulation ni l’adsorption sur charbon actif ne permettent d’éliminer efficacement les bromures, la proportion de bromure par rapport à la concentration en matière organique naturelle est plus haute dans l’eau traitée et peut aboutir à la formation de plus de produits de désinfection bromés.

Dans ce sens, la problématique des THM à l’usine de Llobregat est prise en compte dès 1994 avec une augmentation de l’unité de coagulation, suivie de l’installation d’une filtration sur charbon actif (GAC) en 1995, puis finalement par l’installation de filtres à sable. Des optimisations du process ont été effectuées pour améliorer l’efficacité au cours du temps de la chaîne de traitement. En 1999, ATLL a effectué quelques essais en utilisant un pilote d’osmose inverse pendant une période de six mois. L’étude a montré que la technologie RO avait un taux de réjection bas et une certaine instabilité face aux arrêts fréquents de l’unité en raison de la mauvaise qualité d’eau brute (inondations, haute turbidité, fort SDI, pollution chimique…). Des problèmes supplémentaires se sont posés, comme la sensibilité aux hautes concentrations de sulfates, de baryum, de calcium, d’alumine et au chlore désinfectant utilisé à différents points du processus.

Au fur et à mesure, le système a été optimisé ; l’unité de traitement inclut une pré-oxydation au permanganate de potassium, une coagulation, une floculation, une oxydation au bioxyde de chlore, une filtration à sable, une filtration sur charbon actif et une oxydation finale via injection de chlore gazeux.

Principe de l’électrodialyse reverse

ATLL s’est mis à la recherche d’une nouvelle technologie basée sur les solutions membranaires qui aurait déjà été utilisée avec succès pour le traitement de l’eau potable. Ainsi, la technologie EDR développée par GE Water & Process Technologies (électrodialyse à inversion de polarité) a montré des taux de réjection nettement supérieurs aux technologies membranaires standard lors de l’utilisation sur des eaux salines. La technologie EDR est également apparue appropriée car aucun prétraitement particulier n’est requis. En outre, l’EDR montre un meilleur comportement dans des eaux présentant un haut potentiel d’encrassement et des variations importantes de salinité.

Afin d’évaluer la réduction de la concentration en sels dans l’eau et l’impact final sur la concentration en THM, une étude pilote a été mise en place durant 28 mois par GE Water & Process Technologies.

L’électrodialyse utilise la force directe du courant électrique pour séparer les ions de l’eau brute à travers une membrane de transfert cationique (chargée positivement) et une membrane de transfert anionique (chargée négativement) vers un canal d’eau concentré afin de créer une eau peu saline. L’EDR est donc une variante des processus d’électrodialyse, utilisant un système d’inversion de polarité automatique afin d’éviter l’encrassement des membranes. Lors de l’inversion de polarité, les compartiments d’eau saline et d’eau épurée sont inversés.

[Photo : Figure 2. Comportement des matières colloïdales lors des inversions de polarité.]

En opération normale, la pression d’eau déminéralisée est maintenue à environ 0,5-1 psi au-dessus de la pression du concentrat. L’objectif est d’assurer que même en cas de fuite à l'intérieur du système, la qualité de l’eau déminéralisée ne sera pas affectée. La pression différentielle entre l'eau traitée et le concentrat est mesurée en continu.

Les inversions de polarité au niveau des membranes permettent la remise en circulation des colloïdes afin de les éliminer du système tel qu'illustré en figure 2.

Au cours de ces 20 dernières années, EDR a acquis la réputation d’être une solution fiable, efficace et économiquement intéressante pour le traitement des eaux de surface. EDR est principalement utilisé pour le dessalement des eaux de surface (lacs, rivières) afin de produire de l'eau industrielle ou de l’eau potable. D'une manière générale, EDR permet de réduire la salinité de l’ordre de 50 à 60 % par étage d’EDR. Pour améliorer ce taux d’épuration, il convient alors d'utiliser plusieurs étages EDR.

En sortie d’EDR, la salinité de l'eau produite étant faible, une reminéralisation est alors rendue nécessaire afin d’éviter des problèmes de corrosion des conduits de distribution d’eau.

Tests pilotes

D’avril 2004 à juillet 2006, GE Water & Process Technologies a mis à disposition un pilote. Muni d’une préfiltration de 10 µm, le système est constitué de deux étages d'EDR permettant de produire 3,6 m³/h d’eau. L’étude a été conduite tout au long de six essais consécutifs pour évaluer l'impact de la qualité de l'eau d'alimentation, la nécessité d'un ou deux étages hydrauliques d'EDR et l'effet des changements le long du traitement conventionnel dans des conditions saisonnières différentes. Au cours des 28 mois, environ 40 000 m³ d’eau ont été produits sur le pilote. Des contrôles réguliers et très précis de nombreux paramètres physico-chimiques et hydrauliques ont été effectués :

  • - conductivité, température, pH de l’eau brute, de l'eau produite et de l'effluent salin ;
  • - consommations électriques ;
  • - débits ;
  • - différentiels de pression.

Environ 250 échantillons correspondant à 10 000 données analytiques ont été réalisés.

Les paramètres chimiques analysés ont été le pH, la conductivité, le COT, l’ammoniaque, les bromures, les chlorures, les chlorates, la turbidité, les sulfates, le TAC, le SDI et les éléments organiques. Le potentiel de formation des THM a également été suivi.

[Photo : Figure 3. Taux de rejection de chaque élément (température variant de 5 à 25 °C).]

Au cours de la première période de l’essai, l'eau en sortie de filtre à sable avait été sélectionnée comme eau d’appoint de l'EDR. Le second essai a permis de décider si un ou deux étages d’EDR étaient nécessaires. Alors l'eau en sortie de filtres charbon actif a été utilisée comme eau d’alimentation des EDR.

Rapidement, il est apparu que la configuration optimale était la suivante : alimentation de l'EDR par de l'eau sortie de GAC, deux étages d’EDR. La poursuite du test pilote s'est faite en maintenant cette configuration. Durant l’étude, le pilote EDR a permis de réduire de manière très significative les paramètres physico-chimiques en sortie de filtre à sable en maintenant un taux de conversion de plus de 90 %.

La majorité des problèmes relevés lors de fortes concentrations en THM se déroulent en période estivale en raison des températures élevées engendrant une cinétique de réaction plus rapide. Dans ces conditions, EDR a montré de très bons résultats.

Tout au long de cette période d’essai, aucun problème particulier n’a été détecté (encrassement, précipitation de sels, fuites…). Un des facteurs importants pour la bonne marche de l'installation et la tenue dans le temps des membranes est le lavage régulier des membranes. Les nettoyages en place (NEP) sont définis site par site en fonction des caractéristiques de l'installation et des qualités d'eau. Lors de l’essai, les NEP ont été effectués tous les 800 à 1 000 heures de fonctionnement ; la durée d'un NEP est de 30 à 60 minutes. Lors de ces opérations, de l'acide sulfurique est utilisé.

Après l'étude pilote, la décision finale était l'agrandissement de la capacité de production DWTP de 3 m³/s à 4 m³/s, l’augmentation du nombre de filtres à sable et de filtres GAC. En outre, une nouvelle étape de traitement par EDR sera incluse après GAC, avec une capacité de production de 2,3 m³/s et une moyenne de 200 000 m³/jour. EDR sera alimenté par l'eau de sortie des GAC au moyen d'une dérivation partielle.

De plus, les perméats de EDR sont agressifs avec un pH compris entre 6,5 et 7,3 et un indice de saturation (indice de Langelier) qui varie entre −1 et −2. Ainsi, une étape de reminéralisation est nécessaire pour fournir l'eau produite par l'EDR.

Après les résultats pilotes, il a été conclu avec GE Water & Process Technologies de fixer un pourcentage de réduction de conductivité et cette valeur a été incorporée à l'offre.

Durant la construction, de nouveaux essais seront réalisés avec les modules d’EDR de…

taille industrielle. Les valeurs permettant par la suite de conduire l'installation seront optimisées et la variation de son comportement pendant l'année sera observée.

L'usine comprendra 9 unités séparées. Chaque unité contient 32 lignes parallèles de modules de membrane et chaque ligne a deux étages en série, avec un nombre total de 576 piles. On attend un coût d'opération inférieur à 0,2 €/m³, avec une consommation électrique totale de l'usine de 0,8 kWh/m³.

Conclusion

En raison de sa qualité d'eau dégradée et après 28 mois de tests pilotes, ATLL a choisi la technologie EDR proposée par GE Water & Process Technologies. L’essai pilote a permis de montrer que EDR permettait de réduire de manière très importante les concentrations en sels (chlorures, bromures, calcium...) tout en acceptant une qualité d’eau variable et parfois dégradée comme appoint.

Nous remercions les auteurs: Fernando Valero, Juan C. Gareta, Santiago González, M. Eugenia Medina, Juan C. de Armas, Manuel Hernandez, José J. Rodriguez.

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