Les préoccupations actuelles en matière de gestion des déchets consistent à rechercher des procédés de valorisation énergétique ou agricole de ce que l’on considère désormais comme les co-produits d'activités industrielles ou domestiques (ordures ménagères, boues d'épuration, résidus des industries agricoles et alimentaires)... La gestion de ces ressources naturelles doit faire appel à des procédés qui garantissent un environnement de qualité et qui s’intègrent dans des filières de valorisation économiquement viables.
Parmi ces filières, les techniques de compostage déjà employées depuis de nombreuses années pour valoriser les ordures ménagères constituent une solution originale aux problèmes que posent d’autres déchets organiques tels que les boues d'épuration. Sans revenir sur l’origine du compostage qui se perd dans la nuit des temps comme l'une des plus anciennes techniques culturales, on remarquera les progrès technologiques réalisés dans ce domaine depuis une vingtaine d’années par les pays européens et notamment la France qui, avec une production de plus de 800 000 tonnes de compost par an et plus d'une centaine d’unités de compostage, vient se placer au premier plan par les quantités de matières organiques compostées et par la variété des procédés utilisés.
Le Groupe de la Compagnie Générale des Eaux a contribué à cet effort de valorisation par l'intermédiaire de ses exploitants (vingt-cinq usines de compostage d’ordures ménagères, trois usines de compostage des boues) et de sa filiale OTV (Omnium de Traitement et de Valorisation) qui a mis au point et construit en France comme à l'étranger des usines de compostage utilisant de nombreux procédés (Retournements, Tour BAV, Siloda…) pour composter des ordures ménagères ou des boues d’épuration.
LE COMPOSTAGE DES BOUES ET DES ORDURES MÉNAGÈRES
Le compostage et les techniques associées
Le compost est souvent défini comme un mélange de matières organiques et minérales propres à engraisser la terre. Les transformations du mélange qui l'amènent à son état convenable peuvent s’opérer dans des conditions anaérobies ou aérobies ; plus précisément on parlera respectivement de fermentation méthanique et de compostage au sens habituel du terme.
Le compostage est donc une décomposition aérobie et une stabilisation de substrats organiques dans des conditions de températures élevées (60 °C-70 °C) résultant d’une chaleur générée biologiquement, avec obtention d'un produit stable permettant le stockage et l’application aux sols sans effets néfastes pour l'environnement.
L’application des principes de compostage aux déchets organiques a donné naissance à un grand nombre de techniques qui mettent en œuvre différents principes pour fournir aux micro-organismes aérobies l'oxygène nécessaire à la dégradation en quelques jours des matières organiques facilement fermentescibles.
Ces principes permettent de classer les procédés de compostage en deux catégories. Le premier groupe de procédés compte sur l’agitation des matériaux pour renouveler périodiquement leur porosité. Après agitation, le mélange à composter se trouve allégé, détassé, ce qui accentue la ventilation naturelle à travers la masse. Le deuxième groupe de procédés utilise le passage forcé d’air pour fournir l'oxygène nécessaire aux micro-organismes aérobies.
Quelques procédés combinent ces deux techniques pour bénéficier des avantages du brassage (homogénéisation, suppression des passages préférentiels de l’air) et de l'aération forcée (contrôle précis de la cinétique de dégradation) et ainsi garantir la production rapide de compost de qualité homogène.
L’association des ordures ménagères et des boues
La valorisation en agriculture des boues et des ordures ménagères se heurte à un certain nombre de contraintes liées à l’aspect des produits, aux nuisances occasionnées (mauvaises odeurs, phytotoxicité) aux problèmes de manutention et de stockage qui limitent les possibilités d’épandage direct. La mise en œuvre des techniques de compostage doit permettre de lever ces contraintes. Elle impose le choix de procédés adaptés aux produits à traiter et une conduite du compostage où tout doit être mis en œuvre pour assurer un environnement physicochimique adapté au développement des micro-organismes aérobies responsables de la fermentation.
L'humidité élevée des boues d’épuration (qui est rarement inférieure à 70 %) et le déséquilibre de leur
composition chimique, s’opposent au bon déroulement du compostage et requièrent des techniques de traitement coûteuses (agitation et aération permanentes) à moins de mélanger au préalable ces boues avec ce qu’on appellera un agent structurant.
Les procédés de compostage des boues utilisent généralement des sciures ou des écorces broyées pour jouer le rôle d’agent structurant comme dans le procédé BAV (usines OTV de Nantes et de Soissons). Ces mélanges donnent des composts de qualité d’un très bel aspect, mais l’utilisation concurrente et de plus en plus fréquente des sciures comme combustible pose des problèmes d’approvisionnement, et conduit à rechercher d’autres agents structurants moins coûteux tels que les ordures ménagères.
Le compostage des ordures ménagères a donné naissance à de nombreux procédés qui, partant d’un matériau très hétérogène, combinent des traitements physiques pour éliminer les éléments indésirables et biologiques pour composter la fraction organique. Le compostage conjoint des ordures ménagères et des boues d’épuration permet de bénéficier d’une complémentarité des caractéristiques physiques et chimiques de ces matériaux pour assurer la valorisation au moindre coût d’un compost de meilleure qualité. Cette association d’un produit hétérogène (ordures ménagères) et de boues humides et très fermentescibles ne se fait cependant pas sans poser quelques problèmes de choix technologique, et ceci explique que l’association des boues aux ordures ménagères, très souvent suggérée, n’ait donné naissance qu’à peu de réalisations.
Le choix d’une technologie
La mise en place d’une filière de compostage mixte des boues et des ordures ménagères doit désormais tenir compte de l’augmentation des tonnages à traiter et de la nécessité de proposer aux utilisateurs des composts de qualité.
Le choix des procédés de compostage devra tenir compte des caractéristiques des matériaux traités avec une préférence pour les procédés combinant les retournements à l’aération forcée. Pour être efficaces ces procédés devront s’intégrer dans des filières de traitement simples et d’une exploitation aisée.
L’expérience d’exploitant acquise par notre groupe et notre propre savoir-faire dans le domaine du compostage ont abouti à des filières de traitement cohérentes permettant de composter des ordures ménagères mélangées ou non aux boues d’épuration.
La mise en œuvre à l’échelle industrielle du compostage mixte a donné lieu à des essais sur l’usine OTV d’Auquemesnil où différents types de boues ont été traités par le procédé Siloda.
LE PROCÉDÉ SILODA
Ce procédé est une technique simple de fermentation accélérée. Le matériel utilisé a été conçu principalement pour le compostage des ordures ménagères et des boues de stations d’épuration. Il s’applique surtout pour des installations de capacité supérieure à 50 000 équivalents-habitants.
Principe de fonctionnement
Avant la fermentation proprement dite, les ordures ménagères subissent un traitement physique destiné à séparer la partie organique fermentescible et les produits impropres au compostage (plastiques, verre, métaux...).
La fermentation se déroule dans des silos disposés côte à côte et abrités sous un hangar (fig. 1). Ces silos sont ouverts à leur extrémité pour permettre le passage d’une roue pelleteuse à axe horizontal qui se déplace sur les murets de séparation (fig. 2). Le nombre de silos est variable et dépend de la quantité et de la qualité du produit traité chaque jour. La durée du traitement est fonction de la fermentescibilité du mélange à composter et se situe entre huit et quatorze jours selon les quantités de boues utilisées.
Le produit est retourné régulièrement par l’intermédiaire de la roue pelleteuse ; celle-ci tranche le compost de bas en haut avec ses couteaux qui le déversent gravitairement sur une double vis d’Archimède logée dans l’axe de la roue. Cette vis projette le produit dans le silo voisin, ce qui permet sa réoxygénation et homogénéise la fermentation. Enfin, un chariot assure la translation de la roue d’un silo à l’autre. L’air nécessaire au compostage est introduit à l’aide d’une tuyauterie disposée dans le fond des silos qui est alimentée par un surpresseur.
Comparée à la fermentation en andains, cette technique de fermentation accélérée présente l’avantage d’être plus facile à conduire (meilleur contrôle du procédé, mise en œuvre plus simple…) et permet d’obtenir un compost de qualité très régulière ; ainsi, les deux paramètres les plus importants pour le compostage, à savoir la teneur en eau et l’aération, sont plus aisément maîtrisés.
Le passage du produit dans le Siloda assure donc :
- — la destruction des germes pathogènes par la fermentation thermophile complète de toute la masse du produit, grâce à un temps de séjour suffisamment long pour respecter la norme NF U 44051 concernant l’hygiénisation du produit (4 jours à plus de 60 °C) ;
- — une bonne dégradation de la matière organique garantissant d’excellentes conditions de maturation ;
- — la présentation du produit sous la forme d’un terreau de faible granulométrie homogène, permettant une mise en œuvre aisée sur les sols par les équipements agricoles traditionnels (ce qui facilite sa commercialisation).
Description du procédé
Le procédé Siloda (fig. 3) comprend essentiellement trois parties :
- — les silos de fermentation,
- — la roue pelleteuse,
- — le matériel annexe pour la manutention du produit.
Les silos de fermentation
Ils sont constitués d’une série de travées longitudinales dont la longueur est fonction du tonnage journalier. Des canaux d’aération sont mis en place dans le fond pour permettre une aération des tas.
La roue pelleteuse
Elle a pour objectifs :
- — d’assurer le transfert d’un silo au suivant et donc de garantir le passage de chaque particule dans la phase thermophile ;
— d’aérer le produit au moment du retournement ;
— d’améliorer la finesse du compost par son action mécanique ;
— d’homogénéiser et de maintenir la porosité du produit, ce qui élimine les risques d'une mauvaise distribution d'air.
Elle comprend principalement :
— un châssis de translation longitudinal, qui repose sur les murets et dont l’entraînement est assuré par des galets moteurs ;
— la roue proprement dite, qui repose sur le châssis, roue à aubes équipée de palettes en acier qui permettent la reprise du produit et son transport jusqu’au système de transfert qui lui est incorporé. Ce système est constitué généralement par deux vis d’Archimède évacuant le produit dans le silo contigu. Un chariot de reprise de la roue permet, en fin de travail, de la déplacer d'un silo à l’autre. L'ensemble roue/chariot peut fonctionner de manière totalement automatique, ce qui réduit l’intervention du personnel au minimum.
Matériel annexe
Il se compose :
— d'une série de transporteurs assurant le chargement du premier silo ;
— d'une série de transporteurs assurant l’évacuation du produit fermenté vers l’aire de maturation ;
— du matériel électrique de commande, de contrôle et de régulation nécessaire pour un fonctionnement, semi ou totalement automatique de l’ensemble.
Exemple de dimensionnement d’une usine de compostage mixte boues-ordures ménagères
Cas d’une municipalité de 60 000 habitants
Sur la base d’un fonctionnement de cinq jours par semaine, une unité de compostage devra traiter journellement dans ce cas 60 tonnes d’ordures ménagères, et 21 tonnes de boues à 20 %.
La durée du compostage sera de deux semaines dans le Siloda, suivie de deux mois de maturation. Le produit pourra ensuite être éventuellement affiné, ou directement stocké.
Dans ces conditions, le bilan massique de l’installation s'établira comme il est donné sur la figure 4.
La production de compost sera de l’ordre de 50 à 60 m³/jour (selon le degré d’affinage du produit).
Une telle usine comprendra principalement :
— un ensemble de préparation du produit à composter. Ce bâtiment occupera une surface au sol d’environ 800 m² ;
— un ensemble de compostage Siloda comprenant quatre silos et une roue pelleteuse. Cette unité occupera une surface de 1 000 m² ;
— une aire de maturation et de stockage du produit fini (3 000 m² environ).
CONCLUSION
Au cours des dernières années, les efforts concertés des chercheurs et des industriels ont permis de développer des procédés de compostage performants pour composter des mélanges de boues d’épuration et d’ordures ménagères, grâce à l'association des techniques d’aération forcée et de retournement.
Toutefois, le développement des procédés de compostage se trouve lié aux possibilités d’écoulement du produit ; répondre à la demande des utilisateurs impose de disposer de filières de traitement suffisamment souples pour proposer des composts de différentes qualités, voire même d’envisager une valorisation double : agronomique avec les composts, et énergétique par la fabrication de combustibles à partir des refus du traitement (plastiques, chiffons, cartons).

