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Dépollution des sols et des nappes : un secteur à la croisée des chemins

29 février 2016 Paru dans le N°389 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Isabelle BELLIN

Les sols, maltraités pendant deux siècles, sont au c'ur de nombreux enjeux de santé publique et d'environnement. Malgré des perspectives favorables, le marché de la dépollution des sols et des nappes reste difficile. Les techniques de traitement évoluent, de même que leur mise en ?uvre, avec notamment de plus en plus de chantiers traités in situ ou sur site. Les techniques peinent cependant à se diversifier du fait de verrous persistants. Les nombreuses initiatives de recherches pourraient contribuer à en lever une partie. La réglementation évolue également et pourrait modifier sensiblement le paysage dans les prochaines années.

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En Europe, on estime que 3 millions de sites sont potentiellement concernés par les pollutions d’origine industrielle dont 250000 à traiter rapidement. En France, selon les inventaires réalisés par le BRGM (Basias et Basol), ce sont 300000 à 400000 sites pour une superficie d’environ 100000 hectares dont

plus de 4000 nécessitent une intervention rapide.

La liste des polluants est impressionnante, aussi diverse que les activités qui les ont générées. Globalement début 2012, près de 25 % des sols et des eaux des sites inventoriés dans Basol sont pollués par les métaux et métalloïdes (surtout plomb, chrome et cuivre) et près de 65 % par les différentes familles d’hydrocarbures (chlorés, aromatiques polycycliques (HAP) et autres). Quant aux polluants les plus fréquemment traités, selon l’Ademe, pour les sols, ce sont à 80 % des hydrocarbures, des hydrocarbures chlorés et des éléments traces métalliques (ETM) et BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène). Peu de technologies sont disponibles pour traiter le mercure, les PCB ou les pesticides, assurément les futurs gros clients du marché de la dépollution. Enfin, d’autres polluants ne sont pas encore visés par la réglementation comme l’ETBE/MTBE ou les oxy-HAP. Pour près de la moitié des eaux souterraines en volume, les polluants traités sont des composés organo-halogénés volatils (COHV) et des hydrocarbures totaux (HCT), essentiellement pompés puis traités sur site (passage au charbon actif, stripping (polluants passés en phase vapeur), déshuileur...). La quantité traitée en France en 2012 est estimée par l’Ademe à environ 3,5 millions de m³. Les traitements in situ sont essentiellement du sparging/biosparging (injection d’air pour passer les polluants en phase gazeuse, extraction puis traitement) et l’extraction multiphasique.

Le premier enjeu de dépollution des sols et des nappes est de santé publique même si de nombreuses études sont encore à mener sur le sujet. Le second enjeu concerne le foncier, pour optimiser cette ressource limitée, souvent située en zone urbaine. Pourtant, malgré des progrès techniques notables ces 15 dernières années, la gestion durable des sols pollués reste un défi. Car chaque site est unique. La palette de solutions à mettre en œuvre dépend des polluants mais aussi de leurs impacts selon la nature du sol, extrêmement variable elle aussi. Or, les connaissances sont encore partielles, tant sur la caractérisation de la pollution, la mobilité des polluants, leur transformation dans les sols et leurs impacts, que sur les techniques de gestion et de dépollution.

Un marché en croissance

Le marché de la dépollution est en forte croissance depuis 2000. Selon le service de l’Observation et des Statistiques du ministère de l’Écologie (Medde), la réhabilitation des sites et sols pollués (SSP) pesait moins de 200 millions d’euros en 2000. Selon les chiffres de l’Ademe, elle approchait les 500 millions en 2010 et atteignait 560 millions en 2012. Après deux années au ralenti, une étude publiée en octobre 2015 par l’institut Xerfi prévoit que le chiffre d’affaires des sociétés concernées devrait augmenter de 6 % en 2016 et 4 % en 2017 grâce à une multiplication des projets de réhabilitation et d’aménagement urbain et à une demande croissante du secteur industriel, les deux principaux donneurs d’ordres. L’activité concerne l’ingénierie d’études et d’expertises (diagnostic, IEM (Interprétation de l’état des milieux), plan de gestion), les travaux de mise en sécurité des sites industriels et de dépollution des milieux ou l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Plus des deux tiers des prestataires français sont

[Photo : Colas Environnement travaille en continu à l’amélioration des traitements in situ en garantissant depuis de nombreuses années un taux de fonctionnement de 100 %. Tout en gardant des performances optimales, les unités sont conçues pour être facilement utilisables. Depuis un an, le fonctionnement des unités peut être contrôlé par télégestion à l’aide d’un smartphone, d’une tablette ou d’un ordinateur. Le client peut à tout moment vérifier les polluants récupérés en temps réel.]
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[Photo : GRC, leader sur le marché belge du traitement des sols avec trois sites de traitement à Kallo, Brug et Zolder, organise le transport et prend en charge la procédure d’export pour traiter et recycler les terres excavées ainsi que les enrobés bitumineux pollués par des HAP et non-amitantés, les ballasts de chemin de fer et les résidus de sablage et de grenayage.]

Regroupés au sein de l’UPDS (Union des professionnels de la dépollution des sites) et de l’UCIE (Union des consultants et ingénieurs en environnement).

L’UPDS (43 membres, entre 50 et 70 % du chiffre d’affaires total de l’activité), chambre syndicale des professionnels de la dépollution des sites, regroupe la profession dans sa diversité : des TPE et des PME, dont certaines sont les filiales de grands groupes de l’environnement ou de la gestion de déchets comme Séché Environnement, Suez ou Veolia ou de l’aménagement urbain comme Colas Environnement, Bouygues et Vinci. La moitié de ses adhérents réalise un chiffre d’affaires annuel dans le domaine des SSP inférieur à 5 M€.

L’UCIE est une association de professionnels créée en 2003. Elle regroupe plus d’une soixantaine de sociétés et d’entreprises de toutes tailles, spécialisées dans l’ensemble des domaines liés aux études environnementales, dont la caractérisation et la gestion des sites et sols pollués. Son réseau de professionnels est constitué par des ingénieurs, experts, formateurs, techniciens et consultants indépendants exerçant, notamment, dans le secteur de la dépollution des sols et des nappes : de l’ingénierie au conseil et à l’expertise scientifique, juridique et technique, en passant par les analyses et les mesures sur le terrain ou en laboratoire, ainsi que la modélisation du comportement et du transfert de polluants dans tous les milieux potentiellement impactés par des activités anthropiques. Le chiffre d’affaires global engendré par les sociétés et entreprises adhérentes de l’UCIE est d’environ 100 millions d’euros.

Le secteur compte plus de 300 entreprises selon Xerfi, et reste très concurrentiel : leur nombre aurait doublé entre 2009 et 2014. La plupart déploient plusieurs techniques de traitement en associant ou non ingénierie et travaux et côtoient de gros bureaux d’études comme Artelia, Burgeap ou encore Antea Group qui vient d’acquérir le groupe IRH Environnement, ou des acteurs spécialisés dans les mesures analytiques comme Eurofins, Alcontrol Laboratories, Wessling PLM Equipements ou Rincent Air. Côté formation, l’Université Paris Est Marne-la-Vallée et l’Enag (École nationale d’application des géosciences), l’école du BRGM, ont ouvert à la rentrée 2015 une licence professionnelle « Technicien de la dépollution des sols » dont l’UPDS et l’UCIE sont partenaires.

Faciliter la reconversion des sites

Le secteur est à la croisée de plusieurs législations et réglementations : codes de l’environnement, de l’urbanisme, du travail, de la santé publique, civil. Ce paysage réglementaire a sensiblement évolué avec la loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové, loi 2014-366 du 24 mars 2014) dont l’un des volets les moins médiatiques réforme le droit des sites et sols pollués afin d’encourager la reconversion des friches industrielles. Le décret 2015-1004 (18 août 2015) permet un transfert de responsabilité du propriétaire à un tiers qui en fait la demande pour la réhabilitation d’un terrain. On passe de la logique pollueur-payeur à celle du tiers-payeur, ce qui devrait faciliter la reconversion des sites et débloquer certaines situations. « Des professionnels de la dépollution peuvent désormais proposer une offre intégrée comprenant le rachat d’un site, sa réhabilitation et sa vente en projets immobiliers pour financer la dépollution et réaliser une plus-value », précise Olivier Lemesle de Xerfi. Plus récemment, le décret 2015-1353 du 26 octobre 2015 impose à l’État de délimiter précisément la localisation des sols pollués, en créant des Secteurs d’information sur les sols (SIS) : des terrains sur lesquels une étude de sols doit

[Photo : Le traitement par Soil Venting Thermal Extraction (SVTE) de GRS Valtech consiste à chauffer le sol en place au droit des zones contaminées à une température permettant d’augmenter suffisamment la tension de vapeur des polluants afin de faciliter leur extraction par venting : suivant le polluant, les pointes sont portées à une température pouvant atteindre 1150 °C.]
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[Photo : Chantier de désorption thermique in situ de naphtalène (jusqu’à 12 g/kg) par un apport modéré de chaleur dans le sol pour atteindre des teneurs résiduelles en naphtalène inférieures à 300 µg/m³, dans les gaz du sol. Réalisation Valgo]

être réalisée, notamment en cas de changement d’usage, et la gestion de la pollution requise. Cela permet d’avertir l’acquéreur et de sécuriser les transactions pour tout type de terrain. « Cela génère aussi des demandes de traitement dans les sous-sols d’usine lors d’un changement d’activité », comme le précise Laurent Thannberger, directeur scientifique chez Valgo.

Des avis différents sur la certification LNE SSP

Pour les sites se trouvant dans les SIS et pour les ICPE dans le cas d’un deuxième changement d’usage, tout dossier de demande de permis de construire ou d'aménager doit intégrer une attestation de la prise en compte de la pollution des sols dans la conception du projet. Cette attestation doit être établie par un bureau d’études, certifié dans le domaine des SSP. En revanche, Jean-Luc Perrin, sous-directeur au Medde, précise que « l’étude de sol peut être réalisée par tout bureau d’études, qu’il soit ou non certifié par le LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais). Dans le cas où le bureau d’études est amené à délivrer l’attestation sur la base d’une étude qu’il a lui-même réalisée, l’élaboration de l’attestation s’en trouve facilitée. De même, lorsque les études ont été menées par une société certifiée, l’élaboration de l’attestation ne nécessite pas de procéder à un examen du dossier sur le fond. Un tel examen est en revanche requis lorsque le bureau d’études qui a réalisé les études n’est pas certifié ». Le bureau du sol et du sous-sol du Medde rappelle également que « le projet de prestation “ATTES” intégré dans la norme NFX31-620 en cours de révision, précise le contenu de la mission du bureau d’études amené à délivrer cette attestation ainsi que les documents à fournir. Cette prestation “ATTES” a été élaborée dans un premier temps au sein d’un groupe de travail composé de représentants de donneurs d’ordres publics et privés, de l’UCIE, de l’UPDS, de l’ADEME, de l’INERIS et du BRGM. Sa présentation au GT SP du CSPRT a conduit à le modifier profondément. La seconde version adoptée par le GT SSP du CSPRT fait actuellement l’objet d’une consultation publique par l’AFNOR. Le référentiel de certification n’a quant à lui pas été modifié spécifiquement pour cette prestation ».

La certification SSP a été créée en 2011 par le MEDDE, avec toutes les parties prenantes (maîtres d’ouvrages, promoteurs, industriels, professionnels des SSP). Sa mise en œuvre a été confiée au LNE. Actuellement, parmi les 47 sociétés certifiées LNE SSP, les 2/3 sont adhérentes de l’UPDS, les autres sont adhérentes de l’UCIE. Le référentiel de certification SSP, adossé à la norme NFX31-620, mis en place en 2011, a été révisé en 2013 et en 2015. « Pour la réalisation de diagnostics, premier maillon à être impacté, c’est une usine à gaz, fustige Thierry Blondel du cabinet Blondel, parmi les premiers BE certifiés. Cette certification n’est un progrès que sur le papier, elle risque de bloquer le marché car elle met en péril les TPE et PME pour lesquelles le coût de certification est trop élevé ». L’UCIE, dont Thierry Blondel est le président, partage cet avis, tout comme Olivier Lemesle de Xerfi qui ajoute que « cette certification créera à terme un fossé entre les leaders et le reste de la profession ».

Considérant que réserver les prestations en sites et sols pollués à des bureaux d’études certifiés LNE nuirait à la pluralité et à la diversité de l’offre, l’Organisation des Consultants en Environnement et Pollutions (OCEP) qui regroupe des consultants

[Encart : Une solution de caractérisation rapide pour les projets de réhabilitation Geovariances vient de lancer Kartotrak.one, une version allégée de Kartotrak. Le logiciel contient les fonctionnalités d’analyse exploratoire et de cartographie rapide de Kartotrak. Dans sa version complète, Kartotrak propose une modélisation géostatistique poussée des données et une quantification des incertitudes associées aux volumes contaminés ou aux masses de polluants et peut modéliser conjointement plusieurs polluants. Kartotrak.one s’adresse aux acteurs impliqués dans la caractérisation de sites contaminés qui doivent prendre des décisions basées sur des données souvent peu nombreuses et hétérogènes : comment approfondir leur connaissance de la contamination et proposer une stratégie d’assainissement adéquate ? En basant leurs décisions sur des informations fiables. Kartotrak.one intègre et utilise toutes les données disponibles du site, les analyse en détail et en extrait une information pertinente pour produire des cartes de contamination qui gagnent en fiabilité et précision. Il permet un retour rapide sur investissement. Kartotrak.one s’utilise sur tout type de projet. Il aide à optimiser le temps et la prise de décision. Il allie dans une unique application ergonomique facile à prendre en main par tous, outils statistiques et géostatistiques, SIG et Viewer 3D.]
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avec pour objectif la construction d’un réseau géographique d’échanges d’informations et de compétences pluridisciplinaires, propose de son côté un autre référentiel géré directement par les consultants eux-mêmes, basé exclusivement sur la formation et l’expérience. Pour les entreprises de travaux, l’OCEP propose aux maîtres d’ouvrages une banque de données des prestataires avec leurs caractéristiques principales : moyens humains et techniques... etc.

De son côté, l’UCIE travaille avec des organismes spécialisés afin de définir un référentiel spécifique pour qualifier les prestations d’études, d’expertise, d’AMO et d’ingénierie en Gestion SSP, en intégrant bien entendu les codifications de la norme X31-620 (parties 1 à 3), dont ATTES.

Thierry Blondel redoute aussi une baisse de qualité des études, proposées à bas coût en limitant les sondages et les analyses et trop peu vérifiées par le LNE dont il regrette le manque de compétences en matière de sites et sols pollués. « Le LNE s’est créé une rente de situation avec l’aval de l’État qui lui confère ainsi, de facto, un pouvoir qui s’apparente à celui d’une police administrative des bureaux d’études et des entreprises intervenant en gestion des sites et sols pollués », tempête-t-il. Il s’élève aussi contre l’obligation de résultat à fournir dans l’attestation (« en levant toutes les réserves »), impossible à prouver pour un terrain avec un bâti en place.

[Photo : L’ETDSP (Electro Thermal-Dynamic Stripping Process) est une technique innovante basée sur l’électrothermie déployée par Euremtech sur le site Proximus à Ostende. Elle consiste à chauffer électriquement le volume de terres à traiter puis à volatiliser et pomper les polluants par le vide.]

Jean-Luc Perrin rappelle que « le Medde a initié la démarche de certification au regard des enjeux en termes de santé publique, de sécurité, de maîtrise des risques environnementaux présentés par les sites et sols pollués. De plus, pour la reconquête des friches industrielles, qui découle de l’engagement du gouvernement à freiner au niveau national l’artificialisation nette des espaces agricoles, le Medde encourage le recours aux prestataires certifiés et souhaite que celui-ci se généralise ».

Le Medde précise également que le LNE audite selon les dispositions de la norme NFX31-620 et du référentiel de certification, documents élaborés de manière consensuelle avec tous les acteurs du domaine. De son côté, David de Luca, président de l’UPDS, et DG de Soler Environnement, société certifiée, considère que « La certification est, pour nos clients, la certitude que leur prestataire SSP respecte non seulement les exigences de la norme NFX31-620, mais dispose du personnel compétent et formé, de matériel adapté et vérifié ainsi que des assurances couvrant les prestations qu’il réalise. Elle garantit aussi que l’entreprise respecte des règles strictes de sous-traitance et d’hygiène et de sécurité sur les chantiers. Pour cela, le LNE réalise régulièrement des audits système, métier et chantier. C’est un réel investissement de l’entreprise en matière d’organisation interne mais son coût brut (moins de 4 000 € pour 18 mois pour une petite structure) n’est pas rédhibitoire, même pour une TPE. Seules les sociétés unipersonnelles ne peuvent y prétendre puisqu’il faut être au moins deux salariés, afin d’assurer en toute circonstance, une continuité de service auprès des clients. En tous cas, rien qui puisse laisser présager une baisse de qualité des études, bien au contraire. »

« L’UCIE a toujours dénoncé vainement le fait que la certification “LNE SSP” était discriminante et extrêmement coûteuse pour les petites structures », rappelle cependant son président Thierry Blondel.

Terres excavées : le problème subsiste

En France, l’Ademe estime qu’en 2012, quelques 8 millions de tonnes de terres polluées étaient traitées ou engagées dans un traitement, majoritairement in situ (à 52 %), sur les sols laissés en place, ce qui permet aussi de ne pas interrompre une activité industrielle ; 15 % des traitements se font sur site (dans une installation sur place, compétitif pour les gros chantiers) et 33 % hors site, où sont transportées les terres excavées. C’est souvent le cas lorsque la contrainte temporelle l’emporte, notamment pour les chantiers immobiliers. Comme l’indique Frédérique Cadière,

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[Photo : Désorption thermique, oxydation et réduction chimique, utilisation de tensio-actifs dans le lavage des sols… De nombreux projets de recherche sont consacrés aux traitements in situ qui se développent.]

Responsable des recherches sur les SSP à l’Ademe, l’objectif est de faciliter le recours aux traitements in situ et sur site pour limiter la mise en décharge aux cas ultimes. La gestion des terres excavées reste un problème dans la plupart des pays européens, hors Royaume-Uni qui a imposé des coûts prohibitifs depuis une quinzaine d’années. Un tonnage important (des centaines de milliers de tonnes) serait envoyé en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne où les coûts de traitement sont moins élevés. GRC, leader sur le marché belge du traitement des sols avec trois sites de traitement à Kallo, Bruges et Zolder, organise ainsi le transport (camion et péniche) et prend en charge la procédure d’export pour traiter et recycler terres et cailloux pollués ainsi qu’enrobés bitumineux pollués par des HAP et non-amiantés, les ballasts de chemin de fer et les résidus de sablage et de grenaillage. Ses critères d’acceptation s’appuient sur la réglementation belge et intègrent sulfates, fluorures, antimoine, sélénium, etc. « En France, les terres excavées sont encore considérées comme un déchet et dirigées vers des installations de stockage (ndlr, 16 % des terres selon l’Ademe qui juge ce chiffre sous-estimé), rappelle Thierry Blondel. Cela coûte très cher aux aménageurs : les terres excavées plombent les projets bien plus que la gestion de la pollution. »

Les plateformes multimodales de traitement exploitées en France par Biogénie, GRS Valtech, Ikos Sol Meix, Envisan, Extract Ecoterres ou encore SUEZ traitent à elles seules plus de la moitié des tonnages excavés, selon une étude réalisée par l’Ademe en 2012. Parmi les avantages de ces plateformes, la rapidité, le transfert de la responsabilité des terres excavées et la fixité d’un prix connu à l’avance. Le coût, supérieur à un traitement équivalent réalisé in situ, en constitue la contrepartie : de 45 à 135 €/tonne selon les filières contre 10 à 40 €/tonne pour des traitements comparables sur site et in situ.

Le Medde pilote un groupe de travail sur le sujet dans le but d’établir un nouveau guide (parution a priori fin 2016) pour favoriser la réutilisation de ces terres notamment dans des techniques routières, des projets d’aménagement, et encourager les reprises à qualité équivalente.

Les évolutions de la méthodologie de gestion des sites pollués

Sans remettre en cause les bases posées en 2007, après sept années de mise en œuvre, le MEDDE propose une évolution de la méthodologie de gestion pour prendre en compte les textes ou avis élaborés depuis 2007 qui s’appliquent pleinement à la gestion des sols pollués, intégrer des évolutions méthodologiques et le retour d’expérience, clarifier le champ d’application de la gestion des risques suivant l’usage, son articulation avec la gestion des déchets et la réglementation sur les installations classées. Des « valeurs d’analyse de la situation » sont proposées. Les évolutions notables concernent principalement le plan de gestion. La détermination de la masse de polluants devient une étape incontournable et cela en se basant sur les travaux conduits par l’UPDS et le BRGM.

Les plans de gestion peuvent être des études théoriques basées sur les performances connues ou atteintes sur d’autres sites. Une technique de dépollution issue d’un plan de gestion, déployée d’emblée sur le site à réhabiliter, peut se révéler inefficace, voire inadaptée, et cela compte tenu des spécificités des sols du site. Aussi, pour sécuriser techniquement, financièrement et juridiquement la réhabilitation d’un site, il est proposé que les options de gestion soient validées par la réalisation d’analyses de caractérisation des milieux spécifiques à la technique retenue complétée par la réalisation d’essais de faisabilité et de traitabilité en laboratoire, voire le cas échéant d’essais « pilotes » sur le site.

Cette modification va conduire les bureaux d’études qui ne disposent pas de compétences dans le domaine de l’ingénierie à recourir à une sous-traitance pour les essais. À ce jour, 26 bureaux d’études disposent d’une certification couvrant à la fois les études et l’ingénierie. Parmi les 6 bureaux d’études certifiés dans le seul domaine des études, au moins 3 d’entre eux disposent de compétence en ingénierie sans avoir demandé la certification pour ce domaine.

Techniques de traitement : une typologie diversifiée

Les méthodes de dépollution sont nombreuses avec trois catégories principales : selon l’Ademe (hors confinement et installation de stockage), 59 % des tonnages subissent des traitements physico-chimiques¹ (via des fluides pour transporter les polluants ou des réactifs pour les détruire ou les transformer en polluants moins toxiques), 25 % des traitements biologiques² (dégradation ou fixation par des micro-organismes) et 16 % des traitements thermiques³ (destruction ou extraction grâce à la chaleur). Les traitements biologiques, les moins coûteux mais aussi les plus longs à mettre en œuvre, sont éprouvés et maîtrisés, efficaces pour un grand nombre de polluants organiques, en particulier les hydrocarbures et les solvants halogénés. In situ, ils sont souvent pénalisés par des contraintes de délais alors

¹ Venting, bioventing, lavage des terres, oxydation/réduction, stabilisation, brassage chaulage.

² Traitement hors site, biodégradation in situ des sols ou des eaux (bioaugmentation/biosimulation), phytoremédiation.

³ Hors site, sur site et in situ, incinération, cimenterie.

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[Encart : Assurer un bon contact entre polluants et réactifs Sol Environment est spécialisée dans les travaux de sols appliqués à la dépollution : barrières perméables, écrans étanches, tranchées drainantes... etc. L’entreprise a également développé un savoir-faire important dans les travaux de dépollution, dits in situ. « Bien souvent, les procédés chimiques ou biologiques testés avec succès au laboratoire se révèlent moins efficaces lors de leur mise en œuvre in situ, explique Jean-Daniel Vilomet, Directeur France Sol Environment. Une des raisons courantes pour cela est que le contact entre le polluant en place et l'agent injecté est difficile à assurer. Ainsi, il apparaît que la clé de la réussite d'un projet de dépollution in situ réside dans la capacité à assurer ce contact ». C’est pourquoi, Sol Environment met en œuvre avec succès des techniques d'injection d’imprégnation ou de soil mixing, assurant un contact intime entre les grains de sol et les réactifs. Sol Environment fabrique des outils et des unités spécifiques d'injection ou pour la désorption des polluants sous soil mixing ou encore pour le soil mixing avec mise en œuvre d'un coulis. Différentes typologies de réactifs sont mises en œuvre pour obtenir l'extraction, la destruction ou une stabilisation des polluants. « Ces techniques ont fait la preuve de leur efficacité sur chantier », souligne Jean-Daniel Vilomet.]

que la recherche en phytotechnologies est fournie (25 % des publications entre 2004 et 2013). Les traitements chimiques (20 à 50 €/t), de mise en œuvre délicate (manipulation et injection de réactifs dans le sol) mais de mieux en mieux maîtrisée, sont très efficaces pour des polluants difficiles à traiter par voie biologique. Les traitements thermiques, assez coûteux (50 à 180 €/t, hors incinération évaluée entre 265 et 450 €/t), sont adaptés aux métaux volatils comme le mercure et aux COV, y compris peu volatils difficiles à traiter par ailleurs. « Certaines méthodes se développent également pour des problématiques très spécifiques telles que la combustion in situ (STAR) pour les phases libres denses (HAP, goudron) ou la fungi-remédiation pour les explosifs », ajoute Stéphane Muguet, Directeur d’Almadius France, bureau d'études spécialisé dans les études de haute expertise.

Au total, sur la vingtaine de filières et de techniques de traitement des sols et des nappes, l’Ademe conclut que six représentent à elles seules près de 80 % du volume traité : en tête, à hauteur de 35 %, deux techniques in situ : le venting (ventilation forcée des sols) et le bioventing (biodégradation des sols par injection d’oxygène pour stimuler la microflore puis ventilation). Viennent ensuite le traitement biologique des sols hors site (11 %), les installations de stockage de déchets inertes (ISDI) avec parfois un prétraitement (10 %), la biodégradation des eaux in situ (9 %, traitement biologique), la biodégradation des sols sur site (7,6 %), les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND, 6 %) pour des terres très peu polluées ou après traitement. « D'année en année, les volumes évacués en installation de stockage diminuent, reconnaît Fabien Michel, directeur développement SSP chez GRS Valtech.

« D’abord, comme le souligne Stéphane Muguet d’Almadius France, car l'expertise en évaluation des risques et notamment au niveau des modélisations de risques humains et de migration augmente et tend à mieux appréhender la réelle nécessité d’assainir ».

« Depuis 6 ou 7 ans, la tendance de fond consiste à traiter in situ ou sur site, indique Fabien Michel. Outre les coûts de stockage qui ne cessent d'augmenter, cela limite la circulation des camions. Mais cela prend plus de temps que la filière pelle-camion. Il faut mieux anticiper les besoins et les délais de dépollution. La loi Alur devrait aider les promoteurs immobiliers à en prendre conscience ». Laurent Thannberger, Valgo, précise que « rien ne sert d’excaver a priori, il est plus pertinent de connaître l’usage pour prévoir le juste niveau de dépollution ».

Valgo, comme nombre d’acteurs des SSP, propose un arsenal de technologies : « Il faut croiser les contraintes liées à la matrice (le sol) avec celles liées aux polluants et aux conditions de chantier. Une seule technique peut grever l’équilibre de l’ensemble. Or, c’est avant tout le coût qui prime. Et il change beaucoup, pour une même technologie, en fonction du polluant, de la profondeur, du type de sol, de la présence ou non d’un bâtiment en place, du contact avec une nappe phréatique en dessous... ». L'Ademe a évalué des variations, pour une même technique ou filière, d’un facteur 5 d’un chantier à un autre. Colas Environnement propose depuis de nombreuses années des tests de faisabilité de courtes durées permettant de confirmer sur le terrain que la technique est bien adaptée au sous-sol et aux polluants du site. Ces tests de faisabilité peuvent être poursuivis sur quelques semaines ; ils permettront alors, d’une part, de déterminer la surface traitée par le système en place et d’autre part, d’évaluer les évolutions de concentrations des polluants. À leur issue, le design des puits (diamètre, profondeur, emplacement des crépines, espacement…) est établi et l’unité de traitement in situ peut être dimensionnée au regard de ces informations (puissance, débit, quantité de consommable…). Ces tests sur le terrain sont une assurance pour le choix de la technique de traitement et un moyen de limiter les coûts de traitement.

Biodégradation et traitements thermiques progressent

Deux familles de techniques in situ sont en pleine croissance : la biodégradation (surtout pour les hydrocarbures chlorés) portée par de nombreux acteurs comme Arcadis, Biobasic, Biogénie, Colas Environnement, Sol Environment, Soleo Services, HUB Environnement, Enoveo ou Ortec et les traitements thermiques de désorption pour des polluants suffisamment volatils (hydrocarbures, solvants, PCB, HAP, pesticides) et au sein de matrices suffisamment poreuses. La désorption thermique, utilisée depuis plusieurs dizaines d’années, consiste à chauffer les terres polluées (à différentes températures), pour vaporiser les polluants, ensuite extraits du sol et traités. Mise en œuvre par des entreprises telles que Brezillon, Serpol, Colas, Deep Green, GRS Valtech, ICF Environnement, Valgo, SUEZ, TPS, Ikos Environnement ou encore ATI Services, elle est considérée comme l'une des technologies les plus efficaces car, en fin de traitement, la terre est exempte de polluant comparativement à des techniques de solidification qui présentent des obligations de contrôle plus importantes. « Le marché a adopté la désorption thermique in situ depuis que la technologie a prouvé qu'elle pouvait non seulement traiter les sols jusqu’à des valeurs résiduelles très basses, mais surtout qu'elle pouvait le faire dans un

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[Photo : TPS ne fait que de l'ISTD et de l'ESTD avec plus de 50 références à son actif, ce qui en fait l'un des leaders mondiaux du secteur.]

Délai très court de quelques mois à peine, explique Jan Haemers, Managing Director chez TPS Tech, société spécialisée dans le domaine de la désorption thermique depuis 1989 avec plus de 50 références à son actif. Dans un environnement où la situation juridique (responsabilité de la pollution résiduelle) est toujours non résolue comme en France, l'ISTD permet d'apporter une solution technique à la place d’une solution juridique. Les sols sont propres et donc la responsabilité est définitivement éliminée.

« Nous maîtrisons cette technique sous toutes ses formes depuis 20 ans », affirme Fabien Michel, qui ajoute que GRS Valtech est la seule société en France à proposer la désorption à haute température (> 450 °C) : « La technique permet de traiter des polluants complexes contenus dans les sols et garantit l'absence de dioxines et furanes en sortie. Depuis 2010, nous proposons aussi la S.V.T.E. (Soil Venting Thermal Extraction), solution in situ brevetée en Europe. Tout est question de dimensionnement : le volume de terres concerné est chauffé via de nombreuses électrodes plongées dans le sol qui est mis en dépression pour récupérer les polluants, les recondenser et les traiter en surface par différents procédés. Cette solution, qui ne nécessite pas de détruire les bâtiments, est adaptée au contexte urbain dense et la durée de traitement est plus courte que pour les autres solutions in situ. Elle est indépendante des hétérogénéités du sol et des disparités de distribution des polluants. Nous avons dépollué des sites en France, Allemagne, Suisse, Italie, Europe de l'Est. »

Exemple : un ancien site industriel de 4 000 m² de fabrication de peinture et vernis, en région parisienne, traité en 22 mois avec 90 puits de chauffage (entre 85 et 100 °C à 6 m de la pointe) et 140 puits d'extraction. GRS Valtech est par ailleurs la seule entreprise à disposer d’un centre fixe de désorption thermique : « Nous pouvons restituer les terres dépolluées au client, en quelques jours », affirme-t-il. Fabien Michel insiste aussi sur les 250 unités mobiles de traitement des sols et des nappes souterraines de GRS Valtech, fabriquées en interne par des équipes dédiées puis adaptées à chaque chantier, qui peuvent être télégérées pour traiter le sous-sol 24/24.

Soleo Services, ICF Environnement, ATI-Services, SUEZ (plus de 250 unités) ou encore Colas Environnement ont également développé leur propre parc d’unités mobiles permettant de sélectionner une ou plusieurs techniques de traitement, puis de les tester avant de prolonger l’étude via l’implantation de pilotes qui permettront de valider les traitements et de les dimensionner.

« Nous proposons également à nos clients la réalisation de tests en laboratoire pour valider la faisabilité de traitements in situ, biologiques, chimiques (oxydation/réduction) et physiques (extraction/adsorption), ainsi que la réalisation d’essais pilotes sur site pour valider les rendements de dépollution et dimensionner les procédés », explique Julien Troquet chez Biobasic Environnement.

Pionnière en matière d’approche de traitement in situ, l’entreprise s'est fait connaître au début des années 2000. Ses technologies de traitement biologique se sont constamment améliorées grâce à des activités de recherche et développement continues sur ces procédés et à de nombreux retours d’expériences.

Laurent Thannberger classe Valgo parmi les pionniers en désorption thermique in situ : « ce sont les conditions de mise en œuvre et le savoir-faire qui comptent ».

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Les résines échangeuses d’ions : une alternative à explorer systématiquement

Le procédé d’échange ionique est un processus physico-chimique durant lequel des ions par exemple nocifs sont fixés par la résine et remplacés par d’autres inoffensifs. « L’utilisation de cette technique via des résines spécifiques non régénérables ou des résines non spécifiques régénérables permet de traiter dans des délais rapides et avec des rendements élevés (plus de 90 %) les métaux solubles, les halogénures, les sulfates, les nitrates et les cyanures », explique Zouheir Mouelhi chez Purolite. Mais le procédé est aussi utilisé pour l’enlèvement de certains polluants organiques.

Dans le domaine des perchlorates, par exemple, qui résultent de nombreuses applications industrielles notamment dans les domaines militaires ou l’aérospatiale, les traitements sur la base de résines spécifiques ont montré de bonnes performances pour la rétention des ions perchlorate dans le Nord-Est de la France (voir EIN n° 352). De même, les eaux qui contiennent des chromates ou encore la présence de cuivre, de plomb, de mercure voire d’arsenic dans les sols peuvent être couramment traitées avec des résines échangeuses d’ions. « C’est une alternative intéressante qui doit être explorée systématiquement sur la base de critères techniques et économiques », souligne Zouheir Mouelhi.

Pour appliquer les techniques à des polluants ou des matrices spécifiques. Nous sommes ainsi les premiers au monde à traiter des PCB par désorption thermique in situ entre 250 et 300 °C : nous avons un très gros chantier en cours, de 6 000 tonnes, et nous en avons commencé un 2ᵉ sur des dalles de béton polluées au PCB après 4 mois d’essais pilote (96 puits de chauffage à 300 °C) ». L’entreprise a aussi développé des techniques de venting tiède (entre 50 et 80 °C) pour accélérer la désorption de solvants volatils à ces températures : « Nous avons mis en œuvre cette solution sur le site d’un ancien concessionnaire automobile à Nantes, dont le sol sous le bâtiment était pollué par du naphtalène, des BTEX, hydrocarbures, HAP et métaux. 1 600 m² de sol (2 900 t à 100 €/t) ont été traités en 4 mois avec 38 aiguilles d’injection d’air chaud (50 °C près des points de venting) et 45 aiguilles d’extraction dans le but de traiter le naphtalène (5 kg récupérés) ». Valgo a aussi pionnier à proposer la réduction chimique in situ, permettant de traiter les solvants chlorés ou bromés, de nombreux pesticides, les explosifs et les métaux lourds. Cette technique, encore peu utilisée, combine chimie et biologie.

Colas Environnement la met en œuvre également. « Sur un site industriel en activité, nous avons un projet en cours avec un délai de traitement de 6 mois dont l’objectif est l’abattement des teneurs en hydrocarbures volatils (kérosène) aussi bien dans les sols qu’en nappe, souligne Jérôme Rheinbold, directeur de Colas Environnement. Le défi est colossal : traiter en in situ par venting/sparging par air chaud plus de 40 000 tonnes de terres impactées par près de 400 t de kérosène. Sur ce projet, les contraintes sont nombreuses (site en activité, géologie et hydrogéologie complexes, planning serré). Une des difficultés de notre métier, c’est qu’il ne s’agit pas d’une science exacte et qu’il est important de suivre avec vigilance les évolutions du traitement et de rester transparent sur tous les aspects. C’est pourquoi nous établissons la plupart de nos dimensionnements sur des essais pilotes sur site, via notre pôle R&D ou en partenariat avec des Universités. La faisabilité du projet de venting-sparging par air chaud en cours, a ainsi été vérifiée par ce type d’essais. L’approche financière adoptée pour ce chantier permet un coût de revient à moins de 30 euros la tonne de terres traitées ».

Parfois, le spectre de polluants est complexe, voire mixte (des polluants organiques couplés à des polluants radiologiques, pyrotechniques, de l’amiante), situations sur lesquelles GRS Valtech s’est spécialisée.

Présélectionner les techniques de dépollution

Il reste beaucoup à faire côté R&D, notamment pour utiliser des techniques courantes dans des matrices simples en présence de pollutions concentrées, ou de polluants émergents, ainsi que pour traiter des polluants courants (en priorité organiques) dans des matrices complexes (fracturées, fissurées avec des écoulements préférentiels). Les initiatives de recherche sont d’ailleurs nombreuses que ce soit au BRGM, à l’Ineris, dans les pôles de compétitivité (notamment Axelera), les groupements d’intérêt scientifique (GISFI, GISSOL, GIS3SP, GISpilot, Bioxyval), la fondation Innovasol (créée par la SNCF, Total, EDF et Engie), le réseau Safir de l’Ademe (des sites expérimentaux pollués) ou l’alliance Allenvi. Mais Frédérique Cadière de l’Ademe constate que « les recherches peinent à déboucher. Il reste aussi de nombreux verrous organisationnels, notamment pour crédibiliser les techniques de dépollution, par exemple au moyen d’essais de faisabilité et traitabilité des sols (l’outil d’aide à la décision, SelecDepol développé avec le BRGM est un premier pas), ou pour favoriser leur diversité grâce à une transposition des résultats et un meilleur transfert de connaissances entre les acteurs, y compris l’Administration ».

Un problème confirmé par Olivier Sibourg, gérant d’Enoveo, société créée en 2008 spécialisée dans le conseil et expertise en microbiologie, chimie et biotechnologies appliquées à l’environnement. « La nouvelle réglementation demande aux bureaux d’études d’évaluer la faisabilité et l’efficacité des techniques de dépollution, explique-t-il. Comme ils n’ont pas les moyens de le faire, ils seront fatalement amenés à contacter des sociétés de dépollution qui risquent, en ce cas, de devenir juge et partie ». C’est tout le sens du positionnement d’Enoveo qui propose de faire cette interface entre le bureau d’études et la société de dépollution pour réaliser des tests de faisabilité et des tests de traitabilité en laboratoire. « Les bureaux d’études font appel à nous pour évaluer la faisabilité et la traitabilité du traitement envisagé ».

[Encart : LABOCEA intervient sur de nombreuses matrices Le GIP LABOCEA, qui emploie 530 personnes sur 5 sites, est un opérateur régional situé en Bretagne fondé par les Conseils départementaux du Finistère, des Côtes d’Armor, d’Ille-et-Vilaine et Brest Métropole. Ce laboratoire public territorial d’analyses est le plus important de France. Il intervient classiquement sur les métiers d’analyses de laboratoire, prélèvements et formation/conseil dans les secteurs de l’eau, de l’environnement et de la santé humaine, l’alimentaire, la santé animale, la santé végétale en bénéficiant d’expertises reconnues par l’Agence Régionale de Santé, les DDTM ou encore l’Agence de l’Eau Loire Bretagne. Mais LABOCEA intervient également dans le domaine de la dépollution des sols et des nappes en réalisant notamment des prélèvements d’eaux souterraines sous accréditation COFRAC dans le cadre de suivis réglementaires de qualité d’eau sur des sites : déchetteries, carrières… etc. De même, il intervient également en recherche de nitrates, métaux lourds, hydrocarbures, contamination bactérienne des nappes, en contrôles des forages d’eaux (suivi de qualité d’eau selon les exigences des ARS) en recherche de pesticides, de polluants organiques dans les sols, terres (PCB, HAP, HCT), de sédiments marins (organo-étains), boues, composts… sur des terrains avant ou après travaux. LABOCEA recherche également les métaux lourds selon les termes du décret de 1998 sur boues et sols ainsi que de l’amiante dans les terres contaminées.]

(biodégradation, oxydation chimique, réduction chimique). Nous réalisons ces tests en interne dans nos laboratoires et nous remettons notre rapport au bureau d'études. Le bureau d'études consulte ensuite les sociétés de dépollution sur la base de ce rapport et nous sollicite le cas échéant pour un accompagnement dans le traitement. Notre impartialité est garantie par notre indépendance et le fait que nous n’avons pas d’intérêt sur les travaux de dépollution engagés ».

L’Ademe apporte également des réponses via son appel à projet annuel Gesipol, dans le cadre duquel 16 projets de 3 à 4 ans sont financés depuis 2013. Pour l’édition 2015, deux axes prioritaires ont été identifiés : innover et améliorer les techniques de traitement appliquées aux sols et aux eaux souterraines et évaluer leurs performances et développer les techniques de re-fonctionnalisation des sols dégradés laissés en place.

« La dernière édition, clôturée le 15 janvier, était axée, d’une part sur l’optimisation du traitement de pollutions concentrées y compris de polluants récalcitrants ou émergents et de matrices complexes, notamment en milieu urbain ; d'autre part, sur la re-fonctionnalisation des espaces dégradés dans le but de reconvertir les friches industrielles, pour qu’elles redeviennent cultivables et accueillent une certaine biodiversité, en restaurant la qualité des sols grâce à des amendements (biochar, cendres volantes...) ou en restaurant leur structure grâce à des déchets ou des sous-produits industriels ».

Quant aux projets en cours, beaucoup portent sur l’in situ : désorption thermique, oxydation et réduction chimique, utilisation de tensioactifs dans le lavage des sols... Cette dernière est prometteuse en présence d’aquifères hétérogènes : les mousses bloquent les zones perméables du sol pour rendre les milieux peu perméables accessibles aux réactifs, ou améliorer le transport de réactifs. À suivre.

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