La circulaire de 2007, qui régit en France la gestion des sites et sols pollués, demande le traitement des pollutions concentrées indépendamment de l'évaluation des risques sanitaires. La caractérisation des pollutions concentrées revêt ainsi une importance capitale, tout particulièrement pour le choix et le dimensionnement des travaux de dépollution. Dans ce contexte, un guide UPDS propose 6 méthodes d'interprétation des données pour caractériser les pollutions concentrées, dont la détermination de la présence de phase organique dans les sols. Après une présentation succincte du guide UPDS et des enjeux spécifiques pour les COHV, cet article décrit différents protocoles d'échantillonnage des sols, les outils de calcul permettant de traduire les concentrations en polluants en saturation en fluide (notamment en phase organique), et l'intérêt des méthodes géostatistiques visant à estimer le volume de zone source ou de phase organique.
Après une présentation succincte du guide UPDS et des enjeux spécifiques pour les COHV, cet article décrit différents protocoles d’échantillonnage des sols, les outils de calcul permettant de traduire les concentrations en polluants en saturation en fluide (notamment en phase organique), et l'intérêt des méthodes géostatistiques visant à estimer le volume de zone source ou de phase organique.
La gestion des sites et sols pollués, telle que définie en France dans la circulaire du 8 février 2007 [1], repose sur deux grands principes : la gestion des risques selon les usages, et le traitement des pollutions concentrées. Pour ce dernier, l’annexe 2 de la méthodologie précise que « lorsque des pollutions concentrées sont identifiées [...] la priorité consiste d’abord à extraire ces pollutions concentrées, généralement circonscrites à des zones limitées, et non pas à engager des études pour justifier leur maintien en place ». Cependant, ce texte ne définit pas le terme « pollution concentrée », plusieurs vocables étant couramment utilisés par les acteurs de la gestion des sites pollués : tache de pollution, zone source, source circonscrite, ... L’absence de définition induit des difficultés d’application de la méthodologie pour l’ensemble des acteurs concernés (bureaux d’études, entreprises de travaux, maîtres d’ouvrages, administrations, ...).
Contexte et enjeux
Dans ce contexte, l'UPDS a constitué en 2013 un groupe de travail dont les travaux ont fait l'objet de réunions d’échange avec l'ADEME, le BRGM, l’INERIS, le MEDDE et l’UFIP, et abouti fin 2014 à la rédaction d'un guide technique [2]. Ce guide propose notamment une définition du terme « pollution concentrée » : « volume de milieu souterrain à traiter, délimité dans l’espace, au sein duquel les concentrations en une ou plusieurs substances sont significativement supérieures aux concentrations de ces mêmes substances à proximité immédiate de ce volume. Le milieu souterrain comprend les sols, les eaux souterraines, les gaz du sol. Les substances
peuvent y être présentes sous forme de produit en phase libre, dissoute, adsorbée, gazeuse. Le guide propose également un logigramme d’intégration de cette définition dans la démarche de gestion des sites et sols pollués, ainsi qu'une « boîte outils » comprenant 6 méthodes d’interprétation des données pour caractériser les pollutions concentrées :
- • Méthode n° 1 : interprétation des constats de terrain ;
- • Méthode n° 2 : interprétation cartographique ;
- • Méthode n° 3 : analyse statistique ;
- • Méthode n° 4 : bilan massique ;
- • Méthode n° 5 : détermination de la présence de phase organique dans les sols ;
- • Méthode n° 6 : approche géostatistique.
Le guide précise que la pollution concentrée doit être identifiée au niveau des conclusions du diagnostic, à partir de la mise en œuvre d’au moins 2 des 6 méthodes et de leur convergence en termes de résultats.
La caractérisation de la pollution concentrée comprend les informations suivantes :
- • le(s) type(s) de polluant ;
- • les niveaux de concentrations ;
- • la localisation (surface, profondeur, épaisseur), avec une représentation cartographique ;
- • le volume, accompagné si possible d’un bilan de masse ;
- • l'origine (spatiale et historique) possible de la pollution.
Cette définition induit que la concentration seuil considérée pour définir une pollution concentrée dépend largement des propriétés des polluants, des caractéristiques du site et des conditions d’acquisition des données (tout particulièrement des protocoles d’échantillonnage de sol, d’eau et de gaz).
L'application de ces méthodes de caractérisation de la pollution concentrée aux cas des composés organo-halogénés volatils (COHYV) revêt une importance forte, car :
- • cette famille de polluants est la plus fréquemment rencontrée dans les pollutions de sols : 36 % des sites, devant les hydrocarbures totaux (27 %) et les métaux lourds (20 %) ;
- • leurs propriétés bio-physico-chimiques rendent leur comportement complexe et leur localisation délicate dans le milieu souterrain. En effet, ces composés correspondent à des liquides non miscibles dans l’eau et généralement plus denses que l'eau (DNAPL), dont les mécanismes de propagation peuvent être décrits en deux processus distincts et successifs (figure 1) :
- – une infiltration gravitaire de la phase organique (DNAPL constitué par un ou plusieurs composés) dans le sol, laissant derrière elle une zone à saturation résiduelle. Cela conduit au sein du milieu poreux à une zone de sols comprenant de la phase organique (dénommée ici zone source) de dimension limitée par rapport aux dimensions caractéristiques de l’aquifère ;
- – le développement d’un panache de composés dissous dans l'eau de nappe par dissolution des composés présents dans la zone source et le développement d’un panache de composés gazeux dans l’air de la zone non saturée par volatilisation des polluants présents dans la zone source et/ou présents dans l'eau de nappe. Selon les conditions du milieu, les composés dissous peuvent faire l'objet d'une biodégradation séquentielle (par exemple, pour les chloroéthènes, la chaîne de dégradation est PCE → TCE → DCE → CV → Eth).
Dans ce contexte, le guide MACAOH – Caractérisation d'une zone source [3], reconnu par le MEDDE comme outil de référence, décrit ces phénomènes et propose des méthodologies adaptées.
DNAPL : Dense Non Aqueous Phase Liquid.
gestion des sites pollués et issu d’un projet de recherche co-financé par l'ADEME comprenant une société d’ingénierie (BURGEAP) et des laboratoires de recherche (IFP, IMFS, IMFT), a proposé deux méthodes de caractérisation d'une zone source de type COHV :
- méthode n° 1, fondée sur des analyses de sols : prélèvement d’échantillons de sols, analyse en laboratoire des concentrations en COHV, interprétation des concentrations en saturations en phase organique, interpolation spatiale et cartographie. Cette méthode est applicable à une zone source présente dans la zone saturée comme dans la zone non saturée. Elle permet de déterminer le volume de la zone source, le volume de la phase organique ainsi que la répartition spatiale de la phase organique ;
- méthode n° 2, fondée sur des analyses d'eau : prélèvement d’échantillons d’eau (moyens ou multi-niveaux), analyse des concentrations en COHV, discussion vis-à-vis des concentrations d’équilibre, interpolation spatiale et cartographie (cf. exemple en figure 2). Cette méthode est applicable à une zone source présente dans la zone saturée uniquement. Elle permet d’estimer le volume de la zone source mais pas de déterminer le volume de phase organique, une large gamme de saturations en phase organique générant une même concentration dans l’eau.
À l'image de la méthode n° 2 du guide MACAOH, il est possible d’estimer la localisation ou le volume de la zone source à partir d’analyses de gaz des sols. Les stratégies d’échantillonnage sont disponibles, décrites en particulier dans le guide FLUXOBAT dédié au transfert de composés organiques volatils des sols vers l’air intérieur et extérieur [4]. Un exemple de restitution est présenté figure 3.
La méthode n° 1 du guide MACAOH tout comme les méthodes n° 2 à n° 6 du guide UPDS appliquées aux COHV dans les sols nécessitent l’acquisition de concentrations mesurées représentatives du milieu souterrain, imposant des protocoles d’échantillonnage adaptés. Dans un second temps, les méthodes n° 1 du guide MACAOH et n° 5 du guide UPDS nécessitent la traduction des concentrations dans les sols en saturation en phase organique. Enfin, l’estimation du volume de zone source ou de phase organique nécessite des outils de cartographie dont les plus avancés sont fondés sur des approches géostatistiques.
Choix d’un protocole d’échantillonnage des sols pertinent
Depuis les années 1990, des données scientifiques indiquent que les méthodes classiquement utilisées pour la conservation et la manipulation des échantillons de sols pollués sont inadaptées à la recherche des composés organiques volatils (COV), avec comme conséquence une forte (parfois plusieurs ordres de grandeur) sous-estimation des concentrations. Par ailleurs, des données de la littérature ou issues des travaux MACAOH montrent de (très) fortes hétérogénéités spatiales de répartition des COHV dans les sols (figure 4), et ceci même dans un milieu poreux réputé homogène. Dans un tel contexte, définir des protocoles d’échantillonnage représentatifs des concentrations en COV dans la matrice sol est un enjeu lourd de conséquences pour la gestion des sites pollués (évaluation des impacts spatio-temporels, risques sanitaires, délimitation des zones à traiter, choix et dimensionnement des travaux de dépollution, ...).
À partir de ces constats, de quelques travaux préliminaires et d’essais impliquant des laboratoires commerciaux (ALCONTROL, ANALYTICO, LEM LABORATOIRES, WESSLING), un protocole réalisable en routine par un bureau d’études et un laboratoire d’analyses a été développé dans le cadre du projet MACAOH.
[3]. Il a comme principales caractéristiques l’examen systématique et régulier des sols avec la profondeur, l’échantillonnage d’un volume « important » de sols (20 g pour les sables, limons et argiles, 50 g pour les lithologies plus grossières), une extraction méthanolique sur site, l’utilisation d’un SIE (standard interne d’extraction) avec une correction des résultats du laboratoire à l’aide du SIE. En termes de technique de foration, le sondage en carottage sous gaine est recommandé afin de limiter au mieux les pertes par volatilisation et d’éviter les contaminations croisées observées sur d’autres outils, en particulier la tarière mécanique.
Ce protocole s’est appuyé sur la Méthode 5035A de l’USEPA (2002) [5]. En 2006, une norme française dédiée à l’analyse des COV dans les sols a été élaborée (NF ISO 22155 [6]), puis mise à jour en 2013 [7]. Cette norme référence deux méthodes pour l’échantillonnage des sols : les flacons contenant du méthanol et les tubes inox d’un volume de 200 ml (Soil Corer 226 ml, [8]). Cette norme n’apporte pas de recommandation supplémentaire vis-à-vis de la Méthode 5035A, cette dernière étant par ailleurs plus complète sur certains aspects ; en particulier, elle impose l’utilisation d’un standard interne d’extraction. Vis-à-vis de la Méthode 5035A et de la norme NF ISO 22155, le protocole développé dans le cadre du projet MACAOH comprend toute la chaîne des prestations, allant du prélèvement sur site au rendu par le laboratoire, sécurisant ainsi davantage le résultat analytique. En particulier, le protocole impose une extraction méthanolique sur site et un rendu du laboratoire permettant au bureau d’études (ou au donneur d’ordre) d’exercer un contrôle de la validité des résultats.
En 2014, en marge d’un groupe de travail sur les analyses piloté par le MEDDE, une comparaison de différents protocoles d’échantillonnage des sols a été conduite par BURGEAP [9], en vue de fournir des éléments discriminants entre les différents protocoles testés et d’émettre des recommandations pour améliorer les prestations de prélèvement de sols. L’étude a consisté à mettre en œuvre trois méthodes d’échantillonnage sur un site et à discuter des résultats issus du retour d’expérience des bureaux d’études (DEKKRA, UPDS, UCIE) et des laboratoires d’analyse participants (AGROLAB, ALCONTROL, CARSO, EUROFINS, WESSLING).
Deux méthodes de forage ont été mobilisées sur un site contaminé par des COHV comprenant des limons puis des sables entre 0 et 7 m de profondeur, avec un niveau de nappe vers 4,5 m (figure 5) : sondage à la tarière hélicoïdale (méthode destructive) et sondage au carottier double-enveloppe sous gaine (méthode conservative).
Trois méthodes d’échantillonnage et de conditionnement des sols ont été comparées (figure 6) :
- • la méthode « Pot Brut » (Méthode n° 1) : échantillonnage de sol à l’aide d’une pelle inox, conditionnement de l’échantillon dans un pot brut (sans ciel gazeux, prise d’essai : 60 à 120 ml). Cette méthode correspond aux pratiques courantes actuellement mises en œuvre en France ;
- • la méthode « Soil Corer » (Méthode n° 3) : échantillonnage de sol à l’aide de l’emporte-pièce et de la cartouche inox fournis dans le kit, conditionnement de l’échantillon en cartouche bouchée aux deux extrémités (prise d’essai : 16 ml). Cette méthode est la version « faible volume » d’une des deux alternatives préconisées dans la norme NF ISO 22155 ;
- • la méthode « Kit Méthanol » (Méthode n° 4) : échantillonnage de sol à l’aide d’une seringue coupée en son extrémité, introduction de l’échantillon (prise d’es-
soit : 10 à 12 ml) dans le flacon contenant le méthanol. Cette méthode correspond au protocole développé dans le guide MACAOH/Caractérisation d’une zone source et à l'une des deux alternatives préconisées dans la norme NF ISO 22155. Les résultats de l’étude suggèrent de retenir de préférence la foration par sondage carotté double-enveloppe sous gaine, largement répandue, car elle permet une meilleure discrétisation verticale, de prélever les sables sous nappe, limite l’homogénéisation verticale des concentrations en polluants, la déstructuration et l’exposition des sols à l’air et facilite les mesures PID sur site. Cette méthode de foration augmente certes le coût global du diagnostic, mais elle évite les biais de représentativité du sondage à la tarière : les concentrations dans les sables situés entre 4,5 et 7 m de profondeur sont surestimées d'un facteur 5 à 8 en moyenne du fait de l’effet d’homogénéisation avec les limons fortement pollués situés à faible profondeur (figure 7).
Concernant la méthode d’échantillonnage des sols, les résultats de l'étude suggèrent de retenir l'utilisation des Kits Méthanol. Cette méthode, proposée par quelques laboratoires depuis plusieurs années, limite très fortement les pertes de COV tout au long de la chaîne allant du prélèvement à l’analyse en laboratoire, facilite les manipulations sur site et au laboratoire et accroît le contrôle qualité (blanc méthanol, traçabilité de l’efficacité d’extraction des COV et des éventuelles pertes). La présence de méthanol dans les flacons, composé inflammable et toxique, induit des contraintes pour le laboratoire d’analyses en termes de transport des flaconnages, ainsi qu'un faible surcoût global du diagnostic (préparation et transport des kits, +6 à +8 %) par rapport à la méthode « Pot Brut ». En revanche, cette dernière sous-estime les concentrations en COV d'un facteur 1,7 à 2,3 en moyenne dans les limons et d’un facteur 5,1 à 130 en moyenne dans les sables (pour les échantillons prélevés à l'aide des sondages carottés sous gaine) par rapport à l’utilisation du Kit Méthanol. La troisième méthode testée, le « Soil Corer », est au moins aussi peu, voire moins, conservative que la méthode « Pot Brut », tout en générant des difficultés pratiques de mise en œuvre sur site.
Interprétation des données de concentrations dans les sols, estimation de la présence de phase organique
L’analyse en laboratoire d’un échantillon de sol fournit la concentration totale en polluants, laquelle est distribuée potentiellement dans quatre phases (figure 8) :
- une phase organique, mobile ou non, dans les zones non saturée et saturée ;
- une phase dissoute, principalement dans la zone saturée, mais également présente dans la zone non saturée ;
- une phase gazeuse, principalement dans la zone non saturée, mais également présente dans la frange capillaire ;
- une phase sorbée à la surface de la matrice solide.
La détermination de la présence de phase organique dans les sols, qui correspond à la méthode n° 5 du guide UPDS et à la méthode n° 1 du guide MACAOH, revêt une importance capitale en termes de gestion d'un site pollué, car sa présence éventuelle va impacter très significativement la durée de vie de la zone source, l’évolution spatio-temporelle des concentrations, le choix et le dimensionnement des travaux de dépollution.
Dans ce contexte, il convient de mettre en œuvre des méthodes permettant de convertir les concentrations dans les sols fournies par le bordereau d’analyse du laboratoire en saturations en fluide. La saturation d'une phase fluide est définie par le rapport entre le volume de la phase fluide et le volume total de pore. Trois méthodes sont décrites dans le guide MACAOH/Caractérisation d’une zone source, correspondant à des hypothèses simplificatrices différentes mais toutes fondées sur une approche équilibre local (ie équilibre thermodynamique entre les phases) :
- méthode complète (prise en compte du polluant sous toutes ses phases), à l’aide d’un logiciel (par exemple le logiciel NAPLANAL développé par Mariner et al., 1997 [10]) ;
- méthode simplifiée pour les fortes concentrations, en négligeant les phases dissoutes, gazeuses et adsorbées vis-à-vis de la phase organique, à l’aide de solutions analytiques ;
- méthode simplifiée pour les faibles concentrations, à l’aide de solutions analytiques.
Lorsqu’elles sont supérieures à 0, les valeurs de saturation en phase organique obtenues sont ensuite comparées aux valeurs de saturation résiduelle typiques des lithologies du site pour attester de la présence éventuelle d’une phase organique mobile ou, si la saturation mesurée est inférieure à la saturation résiduelle, de la présence d’une phase organique immobile.
source : Guide MACAOH/caractérisation d'une zone, 2007 [3] source : BURGEAP
Tableau 1 : Exemples de saturation résiduelle pour le TCE et un mélange TCE/PCE
Composé | Système (sable moyen, porosité 40 %) | Saturation résiduelle (%) | Concentration en TCE (mg/kg) | Concentration en PCE (mg/kg) |
---|---|---|---|---|
TCE/PCE | Zone non saturée | 4 | 10 000 | 5 400 |
TCE/PCE | Frange capillaire | 9 | 21 500 | 12 000 |
TCE/PCE | Zone saturée | 11 | 26 000 | 14 500 |
TCE | Zone non saturée | 3,5 | 13 000 | — |
TCE | Frange capillaire | 5 | 18 000 | — |
L’écart entre les deux grandeurs. La saturation résiduelle correspond à la saturation limite au-delà de laquelle la phase organique peut s’écouler. Ce concept de saturation résiduelle est donc capital en termes de gestion d’une pollution de type NAPL. L’obtention des valeurs de saturations résiduelles se fait à partir d’essais en colonne de laboratoire. Les valeurs de saturations résiduelles dépendent principalement des propriétés des phases fluides, de la lithologie et du degré de saturation en eau. Par exemple, le tableau 1 montre pour un mélange TCE/PCE dans un milieu sableux des valeurs comprises entre 3,5 % et 11 %, correspondant à des concentrations dans les sols comprises entre 13 000 et 40 500 mg/kg.
Récemment, un nouveau logiciel a été développé en vue d’aider à l’interprétation des données de concentration dans les sols (logiciel OREOS [11]). Vis-à-vis des outils disponibles, OREOS prend en compte différents mécanismes physiques en jeu dans des situations de sites pollués : les transferts entre phases en non-équilibre local (c’est-à-dire avec une cinétique d’échange) et l’influence de la température sur les propriétés des polluants. Par ailleurs, le logiciel se veut convivial et rapide à mettre en œuvre par des ingénieurs de bureau d’études ou des maîtres d’ouvrage (importation automatique des données fournies par le laboratoire, traitement automatique d’un grand nombre d’échantillons — une centaine d’échantillons traités en moins d’une minute —, automatisation des études de sensibilité sur les paramètres d’entrée).
Outre les concentrations en polluants, les données d’entrée sont les suivantes :
- porosités totales : elles sont mesurées en laboratoire ou estimées à partir de bases de données ou de relations fournies dans le guide utilisateur OREOS à partir d’autres propriétés ;
- teneurs en eau (fractions volumiques en eau) : elles sont mesurées en laboratoire sur quelques échantillons puis extrapolées aux autres échantillons ou estimées à partir de relations fournies dans le guide utilisateur à partir d’autres propriétés ;
- fractions massiques de carbone organique : il est recommandé de mesurer les valeurs sur quelques échantillons, puis de les extrapoler aux autres échantillons ;
- teneurs en matière sèche : elles sont habituellement fournies par le laboratoire d’analyse sur les bordereaux d’analyse des concentrations en polluants dans les sols.
À partir des données d’entrée, le logiciel :
- calcule la répartition des polluants sous forme de concentrations et de masses dans chaque phase des échantillons de sols ;
- détermine si la phase organique est présente ou pas ;
- si la phase organique est présente, évalue en quelle quantité (saturation), calcule son volume, sa masse et sa composition (fraction molaire et concentration de chaque polluant dans la phase organique) ;
- si la phase organique est présente, évalue si elle est mobile ;
- détermine la fraction volumique de chaque phase dans les échantillons de sols ;
- calcule la concentration d’apparition de chaque polluant dans la phase organique.
La figure 9 montre un exemple de résultat, visualisant pour un échantillon donné.
La masse totale pour chacun des polluants (PCE, TCE, 1,1 DCE, …), sa répartition massique dans les quatre phases (phase organique, eau, gaz, sol), les concentrations théoriques dans les quatre phases, ainsi que la fraction molaire de chacun des polluants dans la phase organique (ici 91,1 % de PCE). Le graphique sous le tableau visualise la concentration théorique dans l'eau pour un polluant donné et pour tous les échantillons de sols analysés.
La figure 10 montre un exemple d’application du logiciel sur un site contaminé par des COHV et des hydrocarbures pétroliers. Les résultats fournis par OREOS indiquent ici un seuil d’apparition de la phase organique d’environ 100 mg/kg dans les sables et d’environ 750 mg/kg dans les limons. En outre, le logiciel indique que de la phase organique mobile est présente dans les sables lorsque les concentrations dans les sols sont supérieures à 9 500 mg/kg.
À partir de ces résultats, l’estimation du volume de phase organique (mobile ou non) et/ou du volume de la zone source nécessite d'interpoler dans l’espace les données mesurées ponctuellement sur des volumes limités de sols (généralement au mieux quelques dizaines de grammes). Parmi les méthodes disponibles, les techniques géostatistiques sont les plus avancées. Elles sont de plus en plus couramment mises en œuvre dans le cadre d’études de sites pollués, notamment pour estimer les cubatures de sols à excaver ou les volumes de zones source. Ces techniques comprennent trois étapes successives :
• des analyses statistiques univariées et multivariées (recherche de corrélations entre polluants et entre les différents types d'informations disponibles : lithologie, teneur en eau, PID, …)
• une analyse variographique sur les données et la réalisation de modèles de corrélation spatiale
• une modélisation 2D ou 3D permettant de tracer des cartes d’iso-saturation en phase organique et de quantifier les incertitudes associées (cartes de probabilité).
La figure 11 montre un exemple de rendu, les sphères visualisant les échantillons de sols avec différents seuils de concentrations. Le seuil de présence de phase organique mobile considéré ici est de 6 300 mg/kg, les volumes bleus et rouges correspondant à deux seuils de probabilité d’apparition de la phase organique mobile.
Conclusions
La caractérisation des pollutions concentrées ou des zones source de type COHV nécessite la mise en œuvre de stratégies adaptées d’acquisition et d’interprétation des données.
Méthodes, outils de calcul et logiciels sont aujourd’hui disponibles pour répondre à ces besoins. Les bénéfices opérationnels de leur mise en œuvre sont doubles : une optimisation et une sécurisation des études de diagnostic, une sécurisation et une réduction des coûts de travaux de dépollution.
Références bibliographiques
[1] MEEDDAT, 2007. Note aux Préfets du 8/02/2007 – Modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués – Annexe 2 : Modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués. Comment identifier un site (potentiellement) pollué. Comment gérer un problème de site pollué.
[2] UPDS, 2014. Travaux du GT Pollution Concentrée, 74 p. http://www.upds.org/ressources/bibliotheque/travaux-gt-pollution-concentree.html
[3] Come J. M., Ropars M., Kaskassian S., Razakarisoa O., Quintard M., Schafer G., Haeseler F., 2007. Caractérisation dans les aquifères d'une zone source constituée d’organo-chlorés aliphatiques. Guide méthodologique. Programme R&D MACAOH (Modélisation, Atténuation, Caractérisation dans les Aquifères des composés Organo-Halogénés), co-financement ADEME, 142 p. http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/51385_macaoh_caracterisation.pdf
[4] Traverse S., Schafer G., Chastanet J., Hulot C., Perronet K., Collignan B., Cotel S., Marcoux M., Cóme J. M., Correa J., Gay G., Quintard M., Pépin L., 2013. Guide FLUXOBAT, co-financement ANR. Évaluation des transferts de COV du sol vers l’air intérieur et extérieur. Guide méthodologique, 257 p. www.fluxobat.fr
[5] USEPA – Method 5035A, 07/2002. Closed-system purge-and-trap and extraction for volatile organics in soil and waste samples (première version 12/1996, dernière version 07/2002), Test Methods for Evaluating Solid Waste, Physical/Chemical Methods, EPA Publication SW-846, http://www.epa.gov/sw-846/pdfs/5035a_r1.pdf
[6] AFNOR – NF ISO 22155, 01/2006. Qualité des sols – Dosage des hydrocarbures aromatiques et halogénés volatils et de certains éthers par chromatographie en phase gazeuse
[7] AFNOR – NF EN ISO 22155, 05/2013. Qualité du sol – Dosage des hydrocarbures aromatiques et halogénés volatils et de certains éthers par chromatographie en phase gazeuse – Méthode par espace de tête statique
[8] EIJKELKAMP, AP 04.10 : soil corer for soils with volatile components.
[9] Kaskassian S., Gleize T., Come J. M., 2015 (à paraître). Comparaison de protocoles de prélèvement des sols pour l’analyse des COV. Étude de comparaison de protocoles de prélèvement, d’échantillonnage et de préparation des échantillons pour l’analyse des COV dans les sols, recommandations pour une homogénéisation des (bonnes) pratiques. Résumé public. Étude co-financée par l'ADEME, 30 p.
[10] Mariner P. E., Jin M., Jackson R. E., 1997. An algorithm for the Estimation of NAPL Saturation and Composition from Typical Soil Chemical Analyses. Ground Water Monitoring and Remediation, 3:122-129. Logiciel disponible gratuitement sur http://www.intera.com
[11] Logiciel OREOS. www.oreos-software.com/